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26/09/2024 | FRANCE | N°23DA00812

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 26 septembre 2024, 23DA00812


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance de la carte de résident réfugié, l'a obligée à quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.



Par un jugement n°2207696 du 22 décemb

re 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance de la carte de résident réfugié, l'a obligée à quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n°2207696 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mai et 1er septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Perinaud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance de la carte de résident " réfugiée ", l'a obligée à quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sans délai, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, ainsi que de procéder à l'effacement de son signalement au système d'information Schengen (N-SIS II) et au fichier des personnes recherchées (FPR) ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme B... soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée,

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle,

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision lui octroyant un délai de départ volontaire de trente jours :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français,

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle bénéficiait d'un délai de départ volontaire et que le préfet n'a pas spécifiquement motivé son choix d'édicter une telle interdiction,

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 13 juin 2024

Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a, par une décision du 30 mars 2023, accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Thulard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante arménienne née le 22 juillet 1986 à Stepanavan, est entrée en France, selon ses déclarations, le 29 septembre 2021, accompagnée de sa nièce née le 5 juin 2006, dont elle avait été désignée tutrice le 23 septembre précédent. Elle a sollicité le bénéfice de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 7 février 2022 dont la légalité a été confirmée par une ordonnance de la cour nationale du droit d'asile en date du 25 juillet 2022. Par un arrêté du 13 septembre 2022, le préfet du Nord lui a refusé la délivrance de la carte de résident " réfugiée ", l'a obligée à quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.

2. Mme B... a demandé l'annulation de cet arrêté au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 22 décembre 2022, a rejeté sa demande. Mme B... interjette appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Mme B..., qui déclare être entrée en France le 29 septembre 2021, était ainsi présente en France depuis moins d'un an à la date de la décision de refus de titre de séjour contestée. Sa nièce, dont elle est la tutrice, s'est vue refuser le bénéfice d'une protection internationale par une ordonnance de la cour nationale du droit d'asile le 25 juillet 2022. Il est constant que les parents de cette jeune fille demeurent en Arménie. Mme B... ne se prévaut d'aucune attache familiale en France autre que sa nièce et elle ne démontre pas ne pas disposer de liens familiaux dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu jusqu'à ses 35 ans et a donc nécessairement tissé des liens. Enfin, la requérante ne peut utilement se prévaloir des risques auxquels elle serait exposée en cas de retour en Arménie pour contester la légalité de la décision de refus de titre de séjour dont elle fait l'objet dès lors que celle-ci n'emporte pas par elle-même son retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit de Mme B... à mener une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux objectifs qu'elle poursuit. Par suite, le préfet du Nord n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander à la cour l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour obliger Mme B... à quitter le territoire français et est ainsi suffisamment motivée.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment à la motivation retenue par le préfet du Nord dans son arrêté du 13 septembre 2022, qu'il n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de la requérante avant de l'obliger à quitter le territoire français.

8. En troisième lieu, eu égard aux circonstances du séjour en France de Mme B... telles que rappelées au point 4 du présent arrêt, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Ainsi qu'il l'a déjà été dit, la jeune fille dont la requérante est la tante et la tutrice, ne disposait pas d'un droit au séjour en France à la date de la décision attaquée à la suite du rejet de sa demande d'asile. Elle n'est pas isolée en Arménie, pays dans lequel résident ses parents et qu'a vocation à rejoindre Mme B.... Si elle a fourni des efforts remarquables sur un plan scolaire depuis son arrivée en France, celle-ci demeure extrêmement récente et aucune pièce au dossier ne permet d'établir qu'elle ne pourrait pas être scolarisée en Arménie. Dans ces conditions, alors que la nièce et protégée de Mme B... n'a pas vocation à demeurer en France, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander à la cour l'annulation de la décision par laquelle le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :

12. Compte-tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté et Mme B... n'est pas fondée à demander au tribunal l'annulation de la décision par laquelle le préfet de police lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, compte-tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

14. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. Mme B..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la cour nationale du droit d'asile, se prévaut d'éléments excessivement généraux sur les conséquences du conflit au Haut-Karabakh en 2020 et ne produit pas de pièce circonstanciée de nature à établir la réalité de risques auxquels elle-même ou sa nièce serait personnellement exposée en cas de retour en Arménie. Par suite, la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an :

16. En premier lieu, compte-tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. " Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

18. En l'espèce, Mme B..., qui ne relevait pas d'une des situations mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relevait des dispositions de l'article L. 612-8 du même code, ainsi que l'a estimé à raison le préfet du Nord. Il ressort par ailleurs des pièces du dossiers, au regard notamment de la motivation retenue dans l'arrêté du 13 septembre 2022, que le préfet du Nord a spécifiquement motivé son choix d'édicter à l'encontre de la requérante une interdiction de retourner sur le territoire français et qu'il ne s'est pas considéré à tort comme en compétence liée pour prendre une telle décision. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision qu'elle conteste serait entachée d'une erreur de droit.

19. En troisième et dernier lieu et ainsi qu'il l'a été dit, Mme B... était présente en France depuis moins d'un an à la date de la décision contestée et ne bénéficie d'aucun lien familial ayant vocation à demeurer en France. Dans ces conditions et quand bien même elle n'avait pas fait auparavant l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne constituait pas une menace pour l'ordre public, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée limitée à un an.

20. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande par le jugement attaqué. Il y a lieu par conséquent de rejeter ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte.

Sur les frais de la présente instance :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer au conseil de Mme B... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Perinaud.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Vincent Thulard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : V. Thulard

La présidente de la 1ère chambre

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°23DA00812


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00812
Date de la décision : 26/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Vincent Thulard
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : PERINAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-26;23da00812 ?
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