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19/09/2024 | FRANCE | N°23DA00513

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 19 septembre 2024, 23DA00513


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit tout retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an,

d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui déliv...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit tout retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du jugement et sous la même astreinte, et de lui remettre, dans le délai de quinze jours à compter de cette date et sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros hors taxes sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2204043 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé l'arrêté du 21 juillet 2022 du préfet de la Seine-Maritime, d'autre part, enjoint à cette autorité ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, enfin, mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.

Il soutient que :

- les premiers juges ont retenu à tort que la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... avait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que les certificats médicaux que M. A... avait versés au dossier et dont le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration disposait pour forger son avis du 14 juin 2022, n'étaient pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée, au vu notamment de cet avis, sur la situation de l'intéressé ;

- pour les motifs exposés dans les écritures produites au nom de l'Etat en première instance, les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2024, M. A..., représenté par Me Souty, conclut au rejet de la requête, à titre principal, au maintien de l'annulation et de l'injonction prononcées par le tribunal administratif, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Maritime, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de réexaminer sa situation après lui avoir remis, dans le délai de dix jours à compter de cette date et sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour, en toute hypothèse, à ce que la somme de 1 200 euros hors taxes soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision a été prise au vu d'un avis irrégulier du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle n'a pas été précédée d'une consultation de la commission départementale du titre de séjour, cette irrégularité de procédure l'ayant privé d'une garantie ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur de fait ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par une décision du 16 janvier 2024, M. A... a été maintenu de plein droit à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 27 décembre 1991 à Boké (République de Guinée), est entré sur le territoire français le 14 août 2016, selon ses déclarations. Le 21 septembre 2016, M. A... a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 28 avril 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée le 23 octobre 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Entre-temps, par un arrêté du 30 octobre 2017, le préfet de la Seine-Maritime a refusé d'admettre M. A... au séjour au titre de l'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire français. S'étant maintenu sur ce territoire, M. A... a sollicité, le 13 décembre 2021, son admission au séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 21 juillet 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à cette demande, a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et lui a interdit tout retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 2 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen, sur la demande de M. A..., d'une part, a annulé l'arrêté du 21 juillet 2022 du préfet de la Seine-Maritime, d'autre part, a enjoint à cette autorité ou à tout préfet territorialement compétent de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du

droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat./ Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. / (...) ".

3. Le préfet de la Seine-Maritime a apprécié la situation de M. A... au vu notamment d'un avis émis le 14 juin 2022 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon lequel l'état de santé de M. A... rend nécessaire une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité et lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine.

4. Pour annuler, par le jugement attaqué, l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime, au terme de cette appréciation, a refusé d'admettre M. A... au séjour pour raisons de santé, le tribunal administratif de Rouen a retenu que les deux certificats médicaux que l'intéressé avaient versés au dossier et qui avaient été établis les 6 décembre 2021 et 21 mars 2022 par le médecin psychiatre qui le suit, aux termes desquels l'état psychiatrique de M. A... justifiait une prise en charge spécialisée pluridisciplinaire régulière et restait caractérisé par une symptomatologie importante malgré le suivi médical prodigué, dont l'interruption exposait l'intéressé à un risque important de passage à l'acte auto-agressif, étaient de nature à remettre en cause l'appréciation ainsi portée par le préfet de la Seine-Maritime, de sorte que, pour refuser de délivrer un titre de séjour pour raisons de santé à M. A..., cette autorité avait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis et du dossier médical communiqué au tribunal administratif par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le certificat médical du 21 mars 2022, d'ailleurs rédigé à l'attention du médecin rapporteur de l'Office et reprenant les termes du certificat médical confidentiel établi le même jour, par le même médecin, pour les besoins de l'instruction de la demande de titre de séjour de M. A..., était au nombre des éléments dont disposait le collège de médecins de l'Office pour établir son avis. En outre, ces deux certificats médicaux reprennent, en les actualisant et en les développant, les éléments contenus dans le précédent certificat médical établi par le même médecin le 6 décembre 2021 et au vu duquel les premiers juges ont apprécié la légalité de l'arrêté du 21 juillet 2022 du préfet de la Seine-Maritime. Par ailleurs, ces certificats médicaux, qui, pour l'essentiel, confirment que l'état psychiatrique de M. A... rend nécessaire une prise en charge médicale et précisent d'ailleurs que le suivi régulier, consistant notamment en des consultations psychiatriques mensuelles et en un accompagnement psychologique, et le traitement dont bénéficie l'intéressé ont permis d'améliorer cet état, même si celui-ci demeure fragile, ne sont pas, à eux seuls, de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de la Seine-Maritime, au vu notamment de l'avis du collège de médecins de l'Office, selon lequel un défaut de prise en charge médicale de l'intéressé ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En effet, si ces mêmes certificats médicaux précisent qu'une rupture de soins, notamment en cas de retour de M. A... son pays d'origine, où une prise en charge appropriée ne pourra lui être dispensée, l'exposerait à un risque important de passage à l'acte auto-agressif, ces assertions, dont le rapporteur auprès du collège de médecins de l'Office, qui a reçu l'intéressé, a pris connaissance, de même que le collège, ainsi qu'il a été dit, ne sont aucunement étayées par une justification argumentée, si ce n'est de faire état d'une tentative de passage à l'acte isolée en 2020, dans le contexte d'un épisode dépressif sévère de deux ans antérieur à l'avis émis par le collège. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif, en fondant son analyse sur ces mentions des certificats médicaux produits par M. A..., a estimé que la décision refusant de délivrer à ce dernier un titre de séjour pour raisons médicales avait été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

En ce qui concerne la compétence du signataire :

7. L'arrêté contesté du 21 juillet 2022 a été signé par Mme D... E..., attachée principale, directrice adjointe des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Seine-Maritime, qui a agi dans le cadre de la délégation de signature qui lui avait été donnée par un arrêté du 1er avril 2022 publié le même jour au n°76-2022-055 du recueil des actes administratifs de la préfecture de la Seine-Maritime et qui habilitait notamment Mme E..., en cas d'absence ou d'empêchement de M. C..., directeur des migrations et de l'intégration, les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... n'aurait pas été absent ou empêché. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... manque en fait.

En ce qui concerne la régularité de l'avis du collège de médecins :

8. Aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ". Et aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...) ".

9. Il ressort des termes du rapport médical, versé au dossier de première instance, établi le 1er juin 2022 par le médecin rapporteur près le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que ce médecin a pris en compte, à partir des certificats médicaux établis le 21 mars 2022 par le médecin psychiatre qui assure le suivi de M. A... et après avoir reçu ce dernier, la nature et l'histoire de la pathologie dont est atteint l'intéressé, dont il situe l'apparition au 1er janvier 2016, sans antécédents personnels et familiaux antérieurs connus, les principaux éléments caractérisant sa situation personnelle et familiale, ainsi que la nature de la prise en charge médicale dont il bénéficie depuis le 19 octobre 2018, la description détaillée de son traitement, de même que l'évolution de son état de santé. Ainsi, si certaines des rubriques du formulaire utilisé pour établir ce rapport, telle celle réservée aux antécédents médicaux et celle prévue pour mentionner les perspectives et le pronostic d'évolution, ainsi que les conséquences prévisibles d'une interruption du suivi, ne sont pas spécifiquement renseignées, les autres mentions de ce document comportent les renseignements attendus en ce qui concerne ces questions et ont été de nature à donner au collège de médecins de l'Office les éléments d'informations propres à lui permettre de se prononcer en toute connaissance de cause sur la situation de M. A.... Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis par le collège de médecins, comme intervenu au vu d'un rapport incomplet, doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne l'absence de consultation de la commission départementale du titre de séjour :

10. La commission départementale du titre de séjour prévue par les dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être saisie, hors l'hypothèse particulière prévue à l'article L. 435-1 de ce code et qui n'est pas en cause en l'espèce, du seul cas des ressortissants étrangers qui remplissent effectivement les conditions mentionnées aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 du même code pour lesquels une décision de refus de titre de séjour est envisagée, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces conditions. Il en résulte, au cas d'espèce, que le préfet de la Seine-Maritime n'était pas tenu, en application de l'article L. 432-13, de soumettre le cas de M. A..., qui, comme il a été dit au point 5, ne peut prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raisons de santé, à la commission départementale du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

En ce qui concerne l'appréciation portée par le préfet :

11. Ainsi qu'il a été dit au point 5, les certificats médicaux versés au dossier par M. A... ne sont pas, à eux seuls, de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de la Seine-Maritime, au vu notamment de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon laquelle, si l'état de santé de l'intéressé rend nécessaire une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner, pour M. A..., des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors et sans qu'ait d'incidence, eu égard à l'analyse ainsi retenue par le préfet, la possibilité ou non, pour l'intéressé, de bénéficier d'une prise en charge appropriée en cas de retour dans son pays d'origine, la République de Guinée, il ne peut, dans ces conditions, être tenu pour établi que, pour refuser à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'atteinte portée à la vie privée et familiale, ainsi qu'à la situation personnelle de l'intéressé :

12. M. A..., qui, ainsi qu'il a été dit, a déclaré être entré en France le 14 août 2016, soutient qu'il pouvait se prévaloir, à la date de l'arrêté contesté du 21 juillet 2022, d'un séjour habituel, sur le territoire français, d'une durée de plus de cinq années et fait état d'une bonne intégration dans la société française. Toutefois, l'ancienneté alléguée du séjour de M. A... en France, à la supposer établie par les pièces versées au dossier, n'a été rendue possible que par le maintien irrégulier de l'intéressé sur le territoire français, en dépit d'une obligation de quitter le territoire français qui avait été prononcée à son égard le 30 octobre 2017 par le préfet de la Seine-Maritime, mesure à laquelle M. A... n'a pas déféré. En outre, il est constant que l'intéressé est célibataire et sans enfant, qu'il ne fait état d'aucun lien particulier qu'il aurait noué depuis son arrivée en France et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a lui-même habituellement vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Dans ces conditions et malgré l'engagement bénévole de M. A... au sein d'une association d'aide aux personnes en difficulté, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à l'intéressé n'a pas, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs et eu égard aussi à ce qui été dit aux points 5 et 11, pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A..., le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. L'arrêté de délégation de signature mentionné au point 7 habilitait Mme E..., signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. C..., directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Seine-Maritime, laquelle situation n'est pas contestée, les mesures d'éloignement de ressortissants étrangers. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français manque en fait.

14. Ainsi qu'il a été dit, les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour doivent être écartés. Il en résulte que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de ce refus de titre de séjour n'est pas fondé.

15. Pour les motifs énoncés aux points 5 et 11, le moyen tiré, par M. A..., de ce qu'il figurait, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, parmi les ressortissants étrangers, visés au 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne peuvent, eu égard à leur état de santé, faire légalement l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé.

16. Pour les motifs énoncés au point 12, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 et, eu égard aussi à ce qui été dit aux points 5 et 11, serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

17. Mme E..., signataire de l'arrêté contesté, qui, ainsi qu'il a été dit au point 7, avait régulièrement reçu délégation à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. C..., directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Seine-Maritime, laquelle situation n'est pas contestée, les décisions faisant obligation à des ressortissants étrangers de quitter le territoire français, tenait de cette délégation compétence pour signer les décisions d'interdiction de retour sur le territoire français, prononcées en application des articles L. 612-6 à L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 613-2, L. 613-5, L. 613-7 et L. 613-8 de ce code. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit être écarté.

18. En admettant même que M. A... soit fondé à contester le motif retenu, notamment, par le préfet de la Seine-Maritime pour lui faire interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, tiré de ce qu'il aurait exercé une activité professionnelle dissimulée, il ressort des mentions mêmes de l'arrêté contesté que, pour prendre cette décision, le préfet de la Seine-Maritime ne s'est pas fondé sur ce seul motif, qui, eu égard aux autres motifs retenus et aux circonstances de l'espèce, n'a pas présenté un caractère déterminant dans l'appréciation de la situation de M. A..., à laquelle cette autorité s'est livrée. Par suite, l'erreur de fait que le préfet de la Seine-Maritime aurait commise en retenant ce motif surabondant est demeurée sans incidence sur la légalité de la décision portant interdiction de retour.

19. Pour les motifs énoncés au point 12, les moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 et, eu égard aussi à ce qui été dit aux points 5 et 11, serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

20. Mme E..., signataire de l'arrêté contesté, qui, ainsi qu'il a été dit au point 7, avait régulièrement reçu délégation à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M. C..., directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Seine-Maritime, laquelle situation n'est pas contestée, les décisions faisant obligation à des ressortissants étrangers de quitter le territoire français, tenait de cette délégation compétence pour signer les décisions fixant le pays de destination de ces mesures d'éloignement. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision fixant le pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit d'office manque en fait.

21. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 5, qu'une interruption, dans le contexte de retour dans son pays d'origine, des soins dont M. A... bénéficie en France exposerait l'intéressé à des conséquences d'une exceptionnelle gravité. En outre, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. A..., dont la demande d'asile a, au demeurant, été rejetée par une décision définitive et qui n'a apporté aucun élément probant au soutien de ses allégations relatives aux violences dont il aurait été l'objet dans son pays d'origine, justifierait de raisons avérées de craindre de subir, dans son pays d'origine, où il ne serait pas isolé, ainsi qu'il a été dit au point 12, des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tirés de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté. Pour les mêmes motifs, il doit en être de même du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vertu desquelles un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à ces stipulations.

22. Pour les motifs énoncés au point 12, les moyens tirés de ce que la décision fixant la pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit d'office aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 et, eu égard aussi à ce qui été dit aux points 5 et 11, serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour excès de pouvoir, son arrêté du 21 juillet 2022 refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, lui faisant interdiction de retour sur ce territoire avant l'expiration d'un délai d'un an et fixant le pays à destination duquel M. A... pourra être reconduit d'office. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime est également fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Rouen lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la date de notification dudit jugement.

24. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen doit être rejetée. Il doit en être de même des conclusions aux mêmes fins d'injonction sous astreinte présentées par M. A... en cause d'appel.

Sur les frais de procédure :

25. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, doivent être rejetées les conclusions de M. A... tendant à la mise à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, des frais exposés, en cause d'appel, par son conseil et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2204043 du 2 mars 2023 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen, ainsi les conclusions que M. A... présente en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime, ainsi qu'à M. B... A... et à Me Souty.

Délibéré après l'audience publique du 5 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. HeinisLe président de la formation de jugement,

F.-X. Pin

La greffière,

Signé : E. Héléniak

La greffière,

E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

1

2

No23DA00513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00513
Date de la décision : 19/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : QUEVREMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-19;23da00513 ?
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