Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille :
Sous le n° 2108563, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 juillet 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a prononcé son expulsion du territoire français.
Sous le n° 2108468, d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 27 octobre 2021 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a fixé le pays de destination de la mesure d'expulsion prononcée le 5 juillet 2021.
Par un jugement n° 2108468, 2108563 du 29 décembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Thieffry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a prononcé son expulsion du territoire français ;
3°) d'annuler la décision du 27 octobre 2021 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a fixé le pays de destination de la mesure d'expulsion prononcée le 5 juillet 2021 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 2 000 euros, à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- son recours contre l'arrêté d'expulsion du 5 juillet 2021 est recevable ; la circonstance que le recours qu'il a adressé une première fois le 20 juillet 2021 alors qu'il était détenu au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil n'est pas parvenu au tribunal administratif de Lille ne lui est pas imputable ;
- la décision prononçant son expulsion, rendue après consultation de la commission départementale d'expulsion, a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le recours à la visio-conférence lors de cette commission est dépourvu de base légale et que son consentement n'a pas été recueilli ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion en vertu de l'article L. 631-3 du même code ;
- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'expulsion est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 5 juillet 2021 ;
- elle est insuffisamment motivée et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2024, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 4 juin 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 1er juillet 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 26 avril 1980 était en dernier lieu incarcéré au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Le 28 mai 2021, la commission départementale d'expulsion a émis un avis défavorable à son expulsion du territoire français. Par un arrêté du 5 juillet 2021, le préfet du Pas-de-Calais a prononcé l'expulsion de M. B... du territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ensuite, par une décision du 27 octobre 2021 prise le jour même où il a été mis fin à la détention de l'intéressé, le préfet du Pas-de-Calais a placé M. B... en rétention administrative afin d'exécuter l'arrêté d'expulsion précité et décidé qu'il serait reconduit à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il serait admissible. Par une première requête enregistrée sous le n° 2108563, M. B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2021 prononçant son expulsion du territoire français. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 2108468, il a demandé au tribunal d'annuler la décision du 27 octobre 2021 fixant le pays de destination de l'expulsion prononcée à son encontre.
2. Après avoir joint les deux requêtes, par un jugement du 29 décembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté les demandes de M. B.... Ce dernier relève appel de ce jugement et demande à la cour d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a prononcé son expulsion du territoire français ainsi que la décision du 27 octobre 2021 par laquelle ce dernier a fixé le pays de destination de cette mesure.
Sur la recevabilité de la requête aux fins d'annulation de l'arrêté du 5 juillet 2021 ordonnant l'expulsion du territoire français :
3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 de ce code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 5 juillet 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé d'expulser du territoire français M. B... a été notifié à l'intéressé le jour même au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil où il se trouvait incarcéré. Cette notification, signée par l'intéressé, comporte la mention des voies et délais de recours et il n'est pas allégué qu'elle aurait été effectuée de manière irrégulière de sorte que les délais de recours contre cette décision étaient ainsi opposables à M. B.... A cet égard, il est constant que M. B... a été mis à même d'exercer son droit au recours dès lors que, selon ses propres écritures, il soutient avoir remis au vaguemestre du centre pénitencier où il était alors détenu, le 20 juillet 2021, un pli comportant une requête adressée au tribunal administratif de Lille, dont il produit l'avis de départ revêtu de la signature et du tampon de l'établissement pénitentiaire. Cet avis établit que ce courrier doit être regardé comme ayant été pris en charge par l'établissement en vue de son expédition au tribunal administratif compétent, dans un délai amplement suffisant pour permettre son acheminement avant l'expiration du délai de deux mois. Compte tenu de la date à laquelle M. B... est réputé avoir adressé son recours, il lui appartenait de s'enquérir du bon acheminement de celui-ci au greffe de la juridiction saisie sans qu'il puisse se prévaloir, dans les circonstances de l'espèce, de son incapacité à assurer lui-même l'expédition de sa requête dans les délais impartis. Par suite, comme l'a jugé à bon droit le tribunal, sa requête enregistrée le 29 octobre 2021 tendant à l'annulation de l'arrêté d'expulsion notifié le 5 juillet 2021 est tardive et, par suite, irrecevable.
Sur les conclusions d'annulation de la décision du 27 octobre 2021 fixant le pays de destination de la mesure d'expulsion :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4, que l'arrêté d'expulsion du 5 juillet 2021 est devenu définitif. En conséquence, M. B... ne peut utilement invoquer, au soutien de sa requête dirigée contre la décision fixant le pays de destination de la mesure d'expulsion prononcée à son encontre, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission d'expulsion et celui tiré de la méconnaissance de l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces moyens doivent dès lors être écartés comme inopérants.
6. En deuxième lieu, l'arrêté contesté cite les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'intéressé a été informé qu'il était envisagé de mettre à exécution l'arrêté préfectoral d'expulsion du 5 juillet 2021 dont il fait l'objet à destination du pays dont il revendique la nationalité ou de tout pays dans lequel il serait admissible. Le même arrêté relève que l'intéressé a été mis en mesure de faire valoir ses observations quant à un état de vulnérabilité ou à un handicap et, enfin, qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté comporte ainsi, au vu des éléments propres à la situation de M. B... et des observations qu'il a formulées, un exposé suffisant des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Pas-de-Calais s'est fondé pour prendre la décision fixant le pays de destination en vue de l'exécution de la mesure d'expulsion prononcée.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. B... fait valoir sa présence sur le territoire français depuis l'âge d'un an, dans le cadre d'un regroupement familial, son parcours scolaire effectué en France et la présence, sur le territoire français, de sa mère ainsi que de ses six frères et sœurs, qui tous sont, soit de nationalité française, soit titulaires de cartes de résident, lesquels l'ont soutenu durant son incarcération et continuent de le soutenir depuis la fin de sa détention. M. B... se prévaut en outre de l'obtention d'une qualification d'électricien durant son incarcération. Il ressort des pièces du dossier qu'il a été condamné à neuf reprises à des peines délictuelles entre 1999 et 2003, à une peine de réclusion criminelle de quinze ans par la Cour d'assises du Pas-de-Calais par un arrêt du 30 mars 2010, pour vol avec arme, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois par conducteur de véhicule terrestre à moteur et violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence, et que son incarcération a été marquée par plusieurs décisions de retrait de remises de peine. S'il se prévaut de ce que la commission d'expulsion a expressément indiqué dans son avis que les autorités belges ont renoncé à son extradition dans le cadre de l'exécution d'un mandat d'arrêt émis pour des faits commis entre novembre 2001 et février 2004 et qu'il n'a commis aucun fait répréhensible depuis la fin de sa détention en octobre 2021, ces circonstances ne suffisent pas, eu égard à la gravité et à la répétition de son comportement antérieur, à faire regarder la décision fixant le pays de destination de la mesure d'expulsion le concernant, comme constitutive d'une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. M. B..., qui se borne à l'appui de ce moyen à évoquer le suivi psychiatrique et psychologique dont il aurait bénéficié durant cinq ans jusqu'en 2018 et la nécessité de la poursuite de son suivi psychologique, n'apporte pas de précisions ni le moindre élément au soutien de ses allégations quant aux risques et aux conséquences d'une exceptionnelle gravité encourus pour son intégrité physique ou mentale en cas de retour au Maroc. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera délivrée au préfet du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 3 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2024.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
La présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
C. Huls-Carlier
No 24DA00186 2