Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2301498 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 novembre 2023, le 22 février 2024 et le 18 mars 2024, M. A..., représenté par Me Leroy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 octobre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de trois mois et de le munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- il ne présente aucune menace à l'ordre public ;
- l'existence d'une telle menace ne peut résulter de l'autorité de chose jugée revêtant le jugement du tribunal correctionnel d'Auxerre du 1er décembre 2020 qui n'est pas motivé et ne comporte aucune constatation matérielle des faits qui s'imposerait au juge administratif ;
- il justifie de sa minorité lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, de telle sorte qu'il remplit les conditions prévues par l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'octroi d'une carte de séjour ;
- le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- il renvoie à l'ensemble des moyens soulevés en première instance ;
- sa déclaration de nationalité souscrite le 9 août 2023 a été enregistrée par le tribunal judiciaire de Rouen le 7 février 2024, de telle sorte qu'il est réputé être français depuis la date de souscription.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive et donc irrecevable ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., qui déclare être entré irrégulièrement en France au cours de l'année 2020 alors qu'il était mineur et de nationalité ivoirienne, s'est présenté le 25 mai 2020 auprès des services du département des Hauts-de-Seine en vue d'une prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance. Par une décision du 2 juin 2020, le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine a refusé sa prise en charge au motif que les éléments recueillis auprès de l'intéressé, notamment les documents d'état civil, ne permettaient pas de caractériser sa minorité et son isolement. M. A... s'est alors présenté le 16 juillet 2020 auprès des services du département de l'Yonne, qui ont également refusé de le prendre en charge après avoir constaté l'absence de minorité. Placé en garde à vue, l'intéressé a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, prise à son encontre le 20 juillet 2020 par le préfet de l'Yonne. M. A... a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Maritime le 29 juillet 2020, et a fait l'objet à ce titre d'une ordonnance de placement provisoire le 5 août 2020 puis d'un jugement de placement du 7 janvier 2021. Par un jugement du 1er décembre 2020, le tribunal correctionnel d'Auxerre l'a condamné à une peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis, pour des faits commis en juillet 2020 et relatifs à une déclaration fausse ou incomplète visant à obtenir un avantage indu auprès d'une personne publique et à la détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs. Le 12 septembre 2022, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour auprès du préfet de la Seine-Maritime sur le fondement des dispositions des articles L. 423-22 et L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 27 janvier 2023, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 10 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Par ailleurs, M. A... a souscrit une déclaration de nationalité le 9 août 2023 en application de l'article 21-12 du code civil. Cette déclaration a été enregistrée par la directrice des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Rouen le 7 février 2024, de sorte que, conformément aux dispositions de l'article 26-5 du code civil, M. A... a acquis la nationalité française à la date de sa déclaration le 9 août 2023.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ". Aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance (...) de la carte de séjour temporaire (...) ".
4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Maritime a relevé que l'intéressé s'était présenté auprès des services de l'aide sociale à l'enfance dans le département des Hauts-de-Seine puis dans celui de l'Yonne, qui ont refusé de reconnaître sa minorité, et qu'il avait été placé en garde à vue puis condamné le 1er décembre 2020 pour déclaration fausse ou incomplète afin d'obtenir un avantage indu d'une personne publique et pour détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs. Le préfet en a déduit que M. A... constituait une menace à l'ordre public et s'est fondé sur cette seule circonstance pour rejeter sa demande de titre de séjour. Si M. A... conteste la réalité de cette menace à l'ordre public, le préfet a sollicité devant le tribunal administratif la substitution, à ce motif de refus, de celui tiré de ce qu'il ne pouvait pas être regardé comme mineur au moment où il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance. Il ressort des énonciations du jugement du tribunal correctionnel d'Auxerre du 1er décembre 2020 que M. A... a procédé à une déclaration fausse ou incomplète, entre les 16 et 20 juillet 2020, en vue d'obtenir d'une personne publique une prestation ou un avantage indu en se présentant comme mineur, avec pour date de naissance le 13 août 2005, alors que sa majorité a été établie par un examen osseux. Le tribunal correctionnel a jugé que ces faits étaient établis et l'a condamné à une peine d'emprisonnement d'un mois avec sursis. A cet égard, le requérant soutient qu'il n'a pas comparu devant le tribunal correctionnel, qu'il n'a pas reçu notification du jugement du 1er décembre 2020 et n'a pas été en mesure de le contester, qu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance dans le département de la Seine-Maritime en dépit des doutes sur sa minorité, que les actes d'état-civil justifiant de sa minorité ont été jugés authentiques le 10 février 2022, et que l'enregistrement de sa déclaration de nationalité confirme une prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de quinze ans. Toutefois, l'autorité de chose jugée qui s'attache aux constatations matérielles des faits opérées par le juge pénal, dans son jugement précité du 1er décembre 2020, s'impose à l'administration et au juge administratif. Dès lors, M. A..., qui ne justifie pas avoir été pris en charge, le 29 juillet 2020, par le service de l'aide sociale à l'enfance de la Seine-Maritime au plus tard le jour de ses seize ans ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance de plein droit d'un titre de séjour. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif, dont la substitution ne prive le requérant d'aucune garantie. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont procédé à cette substitution. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, M. A... était inscrit au centre de formation des apprentis du bâtiment de Rouen afin de préparer un certificat d'aptitude professionnelle de monteur en installations sanitaires, dans le cadre duquel il a conclu un contrat d'apprentissage, et, d'après la note sociale établie par l'association Œuvre Normande des Mères le 2 septembre 2022, faisait preuve d'autonomie, de sérieux et d'investissement dans sa formation professionnelle. Si le requérant soutient ne pas constituer une menace à l'ordre public, il ne fait état d'aucune insertion sociale particulière sur le territoire français, où il ne dispose par ailleurs d'aucune attache familiale. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'il ne peut être regardé comme étant arrivé mineur sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, eu égard aux buts en vue desquels ont été prises les décisions de refus de séjour et d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation de l'intéressé.
6. En troisième lieu, M. A... se prévaut du 1° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, dans sa version applicable au litige, prévoit que l'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit plus haut que ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. En dernier lieu, le requérant déclare devant la cour administrative d'appel reprendre plusieurs moyens déjà invoqués en première instance, qu'il se borne à énoncer sommairement, sans fournir les précisions indispensables à l'appréciation de leur bien-fondé ni joindre à sa requête une copie du mémoire de première instance qui contenait ces précisions. Dans ces conditions, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
9. Toutefois, si l'acquisition de la nationalité française par M. A... postérieurement à l'arrêté contesté est sans influence, par elle-même, sur la légalité de cet arrêté, cette circonstance est de nature à faire obstacle à l'exécution des décisions qui y sont contenues, notamment l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et l'interdiction de retour sur ce territoire pendant un an.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 septembre 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. ViardLa greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
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N° 23DA02129