Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... E... et l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) E... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 17 juin 2021 du préfet de la région Hauts-de-France en tant qu'il leur refuse l'autorisation d'exploiter un ensemble de parcelles situées sur le territoire des communes de Macquigny, Mont-d'Origny et Proix (Aisne) et d'une contenance totale de 59 ha 55 a 28 ca et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du même du jour du préfet de la région Hauts-de-France en tant qu'il délivre à l'EARL des 4 Pâtures l'autorisation d'exploiter les même parcelles.
Par un jugement n° 2102746-2102747 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande et a mis à leur charge le versement à l'EARL des 4 Pâtures d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 août 2023 et 3 janvier 2024, M. E... et l'EARL E..., représentés par la SCP C. Pinchon - S. Cacheux - A. Berthelot, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 juin 2021 du préfet de la région Hauts-de-France en tant qu'il leur refuse l'autorisation d'exploiter la surface précitée de 59 ha 55 a 28 ca ;
3°) d'annuler l'arrêté du 17 juin 2021 du préfet de la région Hauts-de-France en tant qu'il délivre à l'EARL des 4 Pâtures l'autorisation d'exploiter la même surface ;
4°) d'enjoindre au préfet de la région Hauts-de-France de procéder à un réexamen de leur demande d'autorisation d'exploiter la surface précitée et d'y faire droit dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. E... et à l'EARL E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés attaqués ont été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'en méconnaissance des dispositions des articles R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime et 5 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, leur demande d'autorisation d'exploiter et celle de l'EARL des 4 Pâtures n'ont pas été examinées à la même séance de la commission départementale d'orientation de l'agriculture ;
- ils sont entachés d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ; d'une part, l'EARL des 4 Pâtures ne saurait être regardée comme comptant pour 2 unités de travail annuel non salariées (UTANS) au sens du schéma directeur régional des exploitations agricoles alors qu'aucun de ses associés ne participe de façon effective et permanente à ses travaux ; d'autre part, le préfet ne pouvait pas retenir que leur projet de reprise est de nature à compromettre le projet d'installation de M. G... à titre principal alors que celui-ci est déjà associé de l'EARL des 4 Pâtures depuis plus de 10 ans et qu'il a regardé la demande concurrente présentée par cette dernière comme un agrandissement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2023, l'EARL des 4 Pâtures, représentée par Me Gonzague de Limerville, conclut au rejet de la requête d'appel de M. E... et de l'EARL E... et à ce qu'une somme 3 000 euros soit mise à la charge solidaire de ces derniers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête d'appel de M. E... et de l'EARL E....
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 26 mars 2024, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- l'arrêté du 29 juin 2016 du préfet de la région Hauts-de-France portant schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... E..., qui projette d'entrer en qualité d'associé exploitant dans l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) E..., a sollicité, le 5 novembre 2018, une autorisation d'exploiter les parcelles actuellement mises en valeur par cette société et représentant une surface totale de 117 ha 32 a 19 ca. M. F... G... a déposé, le 27 février 2019, pour le compte de l'EARL des 4 Pâtures au sein de laquelle il projette d'établir à titre principal ses activités professionnelles, une demande d'autorisation d'exploiter partiellement concurrente à celle de M. E... et de l'EARL E... et portant sur un ensemble de parcelles situées à Macquigny, Mont-d'Origny et Proix (Aisne), représentant une surface totale de 59 ha 55 a 28 ca. Par un arrêté du 23 avril 2019, le préfet de la région Hauts-de-France a autorisé M. E... et l'EARL E... à exploiter une surface de 57 ha 76 a 91 ca mais a refusé de les autoriser à exploiter la surface de 59 ha 55 a 28 ca précitée. Par un arrêté du 20 mai 2019, le préfet de la région Hauts-de-France a également refusé d'autoriser l'EARL des 4 Pâtures à exploiter cette même surface de 59 ha 55 a 28 ca.
2. Par un jugement n° 1902105 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif d'Amiens, saisi d'une requête de M. E... et de l'EARL E..., a annulé l'arrêté du 23 avril 2019 du préfet de la région Hauts-de-France en tant qu'il leur refuse l'autorisation d'exploiter la surface de 59 ha 55 a 28 ca et a enjoint au préfet de réexaminer leur demande. Par un arrêté du 17 juin 2021, le préfet de la région Hauts-de-France leur a de nouveau refusé la délivrance de l'autorisation d'exploiter sollicitée. En revanche, par un second arrêté du même jour, il a, après avoir rapporté son arrêté du 20 mai 2019, accordé cette autorisation à l'EARL des 4 Pâtures, au motif que la priorité devait, en application du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, être donnée à son projet. M. E... et l'EARL E... relèvent appel du jugement du 6 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs requêtes tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2021 en tant qu'il leur refuse l'autorisation d'exploiter la surface litigieuse de 59 ha 55 a 28 ca et, d'autre part, à l'annulation du second arrêté en tant qu'il délivre l'autorisation d'exploiter cette surface à l'EARL des 4 Pâtures.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture :
3. Aux termes de l'article R. 331-5 du code rural et de la pêche maritime : " I.- La commission départementale d'orientation de l'agriculture mentionnée à l'article R. 313-1 peut être consultée sur les demandes d'autorisation d'exploiter auxquelles il est envisagé d'opposer un refus pour l'un des motifs prévus à l'article L. 331-3-1. Dans ce cas, et lorsque des candidatures concurrentes ont été enregistrées sur tout ou partie des biens qui font l'objet de la demande, l'ensemble des dossiers portant sur ces biens lui est soumis au cours de la même séance. / Les candidats, les propriétaires et les preneurs en place sont informés de la date d'examen des dossiers les concernant par la commission par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou remise contre récépissé. (...) ". Aux termes de l'article 5 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie : " (...) La commission départementale d'orientation agricole sera consultée en cas de décisions pouvant conduire à un refus d'autorisation d'exploiter sur son territoire (...) ". En outre, lorsque l'autorité administrative demande, sans y être légalement tenue, l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture sur une demande d'autorisation d'exploiter dont elle est saisie, elle doit procéder à cette consultation dans des conditions régulières.
4. Il ressort des pièces du dossier que le jugement du 10 décembre 2020 du tribunal administratif d'Amiens, devenu définitif, a annulé l'arrêté du 23 avril 2019 du préfet de la région Hauts-de-France en tant qu'il refuse à M. E... et l'EARL E... l'autorisation d'exploiter la surface de 59 ha 55 a 28 ca au seul motif d'une erreur d'appréciation de l'ordre des priorités fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles. Il n'a censuré aucune irrégularité dans la procédure préalable à l'intervention de cette décision, notamment au stade de la consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture. M. E... et l'EARL E..., qui se sont abstenus de donner suite au courrier du 12 janvier 2021 par lequel le préfet de la région Hauts-de-France leur a demandé d'actualiser leur dossier, n'établissent ni même n'allèguent la survenue d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait depuis la date de l'arrêté annulé par le tribunal administratif. Le préfet de la région Hauts-de-France, dans le cadre du réexamen prescrit par le tribunal administratif, n'était dès lors pas tenu de procéder à une nouvelle consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, qu'il avait pris l'initiative de saisir des demandes initiales de M. E... et l'EARL E... et de l'EARL des 4 Pâtures. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier du 28 mars 2019 de la direction départementale des territoires de l'Aisne et des termes mêmes des arrêtés attaqués, que la commission départementale d'orientation de l'agriculture n'a alors pas omis de tenir compte de la situation de concurrence existant entre les deux demandes. La circonstance tirée de ce qu'elle a examiné ces demandes lors de deux séances différentes, les 22 mars 2019 et 10 mai 2019, n'a, dès lors, exercé aucune influence sur le sens des décisions prises, ni privé les intéressés d'une garantie.
5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués ont été pris au terme d'une procédure irrégulière en l'absence d'une nouvelle consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture doit être écarté.
En ce qui concerne l'appréciation des demandes au regard de l'ordre des priorités fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie :
6. Aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative (...) vérifie, compte tenu des motifs de refus prévus à l'article L. 331-3-1, si les conditions de l'opération permettent de délivrer l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 331-3-1 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 peut être refusée : 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " (...) III. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles établit, pour répondre à l'ensemble des objectifs et orientations mentionnés au I du présent article, l'ordre des priorités entre les différents types d'opérations concernées par une demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2, en prenant en compte l'intérêt économique et environnemental de l'opération. (...) ".
7. Le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie fixe, en son article 3, l'ordre des priorités suivant : " 1° Installation à titre principal d'agriculteurs qui remplissent les conditions pour prétendre aux aides (dispositions prévues à l'article L. 330-1 à 2 et D343-4 du code rural et de la pêche maritime) ou reprise à titre principal de l'exploitation par le conjoint collaborateur à titre principal, en cas de départ à la retraite de l'exploitant ou en cas de décès du chef d'exploitation et afin de maintenir l'entité économique. / 2° Installation ou confortement d'une exploitation pour atteindre ou maintenir le seuil de contrôle (inclus) après reprise, le cas échéant. / 3° Réinstallation d'un agriculteur à concurrence de la surface dont il a été privé. / 4° Agrandissement et maintien de la surface pour atteindre 1 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant. / 5° Agrandissement et maintien de la surface entre 1 à 1,5 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant. / 6° Agrandissement et maintien de la surface entre 1,5 à 2 fois (inclus)/UTANS le seuil de contrôle après reprise, le cas échéant. / 7° Autre situation ".
8. Pour l'application des dispositions précitées, l'article 4 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie prévoit que le seuil de contrôle s'établit à 90 ha. L'article 1er du schéma directeur régional prévoit que le nombre d'unité de travail annuel non salariée (UTANS) s'apprécie de la manière suivante : " chef d'exploitation ou associé d'exploitation à titre principal 1 UTANS ; chef d'exploitation ou associé d'exploitation à titre secondaire 0,5 UTANS et chef d'exploitation ou associé exploitant participant à plusieurs exploitations ou sociétés agricoles 0,5 UTANS ; conjoint collaborateur à titre principal 0,8 UTANS ". Le même article prévoit également que l'exploitation professionnelle s'entend " de la participation directe et effective aux travaux et à titre principal de la part du demandeur : l'exploitant agricole ou les associés-exploitants " et il définit l'agriculteur à titre principal comme l'" agriculteur qui retire au moins 50% de son revenu professionnel global de ses activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 du CRPM ". A ce même sujet, l'article R. 331-1 du code rural et de la pêche maritime dispose en outre que : " Pour l'application des dispositions du 1° de l'article L. 331-1-1, une personne associée d'une société à objet agricole est regardée comme mettant en valeur les unités de production de cette société si elle participe aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de ces unités de production ".
9. Il ressort des termes des arrêtés attaqués que, pour accorder à l'EARL des 4 Pâtures l'autorisation d'exploiter la surface litigieuse de 59 ha 55 a 28 ca et pour la refuser à M. E... et à l'EARL E..., le préfet de la région Hauts-de-France a retenu, à titre principal, que l'opération projetée par l'EARL des 4 Pâtures relève du rang de priorité n° 4 du schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie tandis que celle projetée par M. E... et l'EARL E... relève du rang de priorité n° 5 et, à titre subsidiaire, que la surface litigieuse est indispensable à la viabilité du projet d'installation de M. F... G... à titre principal au sein de l'EARL des 4 Pâtures. M. E... et l'EARL E... soutiennent que, ce faisant, le préfet de la région Hauts-de-France a doublement entaché ses arrêtés d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation, au motif que d'une part, pour classer l'opération projetée par l'EARL des 4 Pâtures au rang de priorité n° 4, le préfet a à tort considéré que cette exploitation comptera pour deux UTANS après reprise, alors qu'aucun de ses associés ne participe de façon effective et permanente à ses travaux, et que d'autre part, le préfet a à tort considéré que cette opération constituait une installation de M. F... G....
10. Il ressort des pièces du dossier que l'EARL des 4 Pâtures est composée de cinq associés : M. J... G..., Mme I... G... épouse D..., M. F... G..., M. A... D... et Mme C... D....
11. Premièrement, il est constant que Mme I... G... et Mme C... D... ne participent pas de manière directe et effective aux travaux de l'exploitation. Elles ne représentent donc, pour l'EARL des 4 Pâtures, aucune UTANS.
12. Deuxièmement, si M. E... et l'EARL E... contestent que M. J... G... et M. A... D... puissent être regardés comme participant directement et effectivement aux travaux de l'exploitation, et ce même à titre secondaire, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des relevés de la mutualité sociale agricole produits en première instance par le préfet de la région Hauts-de-France ainsi que du procès-verbal d'assemblée générale ordinaire des associés du 10 mai 2019, que les intéressés perçoivent des revenus en rétribution de leurs activités au sein de l'exploitation. Les circonstances qu'ils aient chacun des activités dans une autre exploitation ou société ou que l'EARL des 4 Pâtures recourt, pour la réalisation de certaines tâches, à des prestataires de service ne suffisent pas à établir que M. J... G... et M. A... D... ne participent, de manière directe et effective, à aucun des travaux de l'exploitation. De même, la distance séparant l'exploitation de l'EARL des 4 Pâtures et l'autre exploitation à laquelle M. A... D... est associé n'apparaît pas, compte tenu de la nature des cultures réalisées par l'EARL des 4 Pâtures, incompatible avec sa participation aux travaux de celle-ci. Il s'ensuit que M. J... G... et M. A... D..., en qualités respectivement d'associé de l'exploitation à titre secondaire et d'associé exploitant participant à plusieurs exploitations, doivent être regardés comme représentant, pour l'EARL des 4 Pâtures, 0,5 UTANS chacun.
13. Troisièmement, il ressort du dossier de demande d'autorisation d'exploiter présenté par l'EARL des 4 Pâtures que l'agrandissement qu'elle projette vise à permettre à M. F... G... de faire de sa participation à l'exploitation son activité professionnelle principale. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que, si M. F... G... occupait un emploi salarié dans le département du Haut-Rhin, il en a été licencié pour motif économique à compter du 28 février 2019. Il s'est, à partir de cette date, engagé, en lien avec la chambre d'agriculture de l'Aisne, dans un parcours d'installation comme agriculteur à titre principal, incluant le suivi de diverses formations. Il a notamment obtenu un baccalauréat professionnel, spécialité " conduite et gestion de l'entreprise agricole ", en juin 2021. S'il a constitué en parallèle en janvier 2020 une société par actions simplifiée ayant pour objet de fournir des prestations de conseil et accompagnement auprès des particuliers, entreprises et institutionnels, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette activité soit de nature à lui procurer une part prépondérante de ses revenus. Il s'ensuit qu'à la date des arrêtés attaqués, aucun élément n'était de nature à remettre manifestement en doute la réalité et la crédibilité du projet d'installation de M. F... G... à titre principal au sein de l'EARL des 4 Pâtures et qu'il doit donc être regardé comme représentant, pour celle-ci, 1 UTANS.
14. Dans ces conditions, c'est à raison que, pour l'appréciation de l'ordre des priorités fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, le préfet de la région Hauts-de-France a regardé l'EARL des 4 Pâtures comme comptant, après la reprise envisagée, pour deux UTANS. Pour le reste, aucune des parties ne conteste, d'une part, que la reprise envisagée porterait la surface de l'EARL des 4 Pâtures à un total de 92 ha 48 a 38 ca, soit 46 ha 24 a 19 ca/UTANS, conduisant à la classer au rang n° 4 du schéma directeur régional des exploitations agricoles et, d'autre part, que cette reprise ramènerait la surface exploitée par M. E... à 171 ha 66 a 91 ca, soit 114 ha 44 a 61 ca/UTANS, conduisant à le classer au rang de priorité n° 5 du schéma directeur régional.
15. Enfin, contrairement à ce que soutiennent M. E... et l'EARL E..., le préfet de la région Hauts-de-France n'a pas regardé la demande de l'EARL des 4 Pâtures comme correspondant à une installation mais bien comme un agrandissement. Compte tenu de la superficie mise en valeur par l'EARL des 4 Pâtures à la date des arrêtés attaqués, le préfet de la région Hauts-de-France n'a pas commis d'erreur d'appréciation en relevant que les demandes en litige portent sur une part de foncier indispensable à la viabilité du projet d'installation de M. F... G... à titre principal au sein de l'EARL des 4 Pâtures. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que ce motif, énoncé à titre subsidiaire, ne présente pas de caractère déterminant et que le préfet aurait pris les mêmes décisions s'il ne s'était pas fondé dessus.
16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués sont entachés d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation, au regard de l'ordre des priorités fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles en Picardie, doit être écarté dans toutes ses branches.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et l'EARL E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 17 juin 2021 du préfet de la région Hauts-de-France en tant qu'ils accordent l'autorisation d'exploiter la surface litigieuse de 59 ha 55 a 28 ca à l'EARL des 4 Pâtures et la refusent à M. E... et à l'EARL E... ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. E... et l'EARL E... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge solidaire de ces derniers une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'EARL des 4 Pâtures et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... et de l'EARL E... est rejetée.
Article 2 : M. E... et l'EARL E... verseront solidairement à l'EARL des 4 Pâtures une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à l'exploitation agricole à responsabilité limitée E..., à l'exploitation agricole à responsabilité limitée des 4 Pâtures et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 9 juillet 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 août 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de la formation
de jugement,
Signé : M. H...
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
l'agent de greffe
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N°23DA01661