Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Vandenbussche et Mme A... F... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'autorisation tacite accordée par le préfet de la région Hauts-de-France le 15 juin 2021 à l'EARL du Plaçot pour exploiter une parcelle d'une surface totale de 35 hectares 76 ares et 75 centiares sur les territoires des communes de Luchy et Muidorge.
Par un jugement n° 2100133, 2201031 du 23 mars 2023, le tribunal administratif d'Amiens, d'une part, a annulé l'arrêté préfectoral du 25 août 2020 dans l'instance n° 2100133 et d'autre part, a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'autorisation tacite du 15 juin 2021 contestée dans l'instance n° 2201031.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 avril et 26 octobre 2023, l'EARL Vandenbussche et Mme F..., représentés par Me Gonzague de Limerville, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'autorisation tacite du 15 juin 2021 ;
2°) d'annuler l'autorisation tacite du 15 juin 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur demande présentée au tribunal administratif d'Amiens n'est pas tardive, dès lors que les courriers du 19 juillet 2021 adressés par la préfète de l'Oise aux mairies de Muidorge et Luchy ne permettent pas d'apporter la preuve de l'affichage de la copie de l'accusé de réception de la demande d'autorisation d'exploiter ;
- ces courriers ne comportent pas les mentions exigées par l'article R. 331-4 du code rural et de la pêche maritime ;
- la décision du préfet devait être motivée ;
- l'administration a statué sur une demande de l'EARL du Plaçot qui a été transformée en société civile d'exploitation agricole (SCEA) le 1er avril 2021, en cours d'instruction, comportant une personne morale en qualité d'associée et les demandeurs n'ont pas informé la commission départementale de l'orientation agricole de ces changements ;
- l'administration ne pouvait prendre sa décision qu'après avoir comparé la situation du preneur en place avec celle du demandeur d'autorisation d'exploiter conformément à l'article L. 331-3-1 de ce code et tenir compte du fait que la reprise des terres par l'EARL du Plaçot remettait en cause la viabilité de l'exploitation et de l'EARL Vandenbussche.
Par des mémoires, enregistrés les 6 septembre et 8 novembre 2023, la SCEA des Saules, anciennement EARL du Plaçot, représentée par Me Denis Guérard, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de l'EARL Vandebussche et de Mme F... le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande déposée par les appelants devant le tribunal administratif d'Amiens est tardive ;
- les modifications statutaires de l'EARL du Plaçot, devenue la SCEA des Saules, qui ont été effectuées afin d'assurer la transmission de l'exploitation agricole aux enfants, sont sans incidence sur le contrôle des structures opéré par l'Etat dès lors que le préfet doit apprécier la demande d'autorisation qui lui est soumise à la date à laquelle intervient sa décision ;
- les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 décembre 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande à la cour de rejeter la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelantes ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, rapporteur,
- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. Par actes notariés des 5 et 11 février 1999, il a été consenti à Mme F... un bail rural à long terme du 11 novembre 1998 au 10 novembre 2016 portant sur des parcelles d'une superficie totale de 54 hectares 11 ares et 42 centiares situées sur les territoires des communes de Luchy, Muidorge et Maulers. Ce bail a été mis à la disposition de l'EARL Vandenbussche par le biais de laquelle Mme F... exploite lesdites parcelles. Par acte délivré le 7 mai 2020, il a été donné congé à Mme F... du bail rural, pour le 11 novembre 2022, au bénéfice de Mme E..., fille de la propriétaire des terres. Par une demande enregistrée le 15 février 2021, l'EARL du Plaçot, composée de M. C... E... et Mme D... E..., a sollicité l'autorisation d'exploiter ces parcelles pour une superficie de 35 hectares 76 ares et 75 centiares de terres sur le territoire des communes de Luchy et Muidorge. Par un courrier du 29 mars 2021, la préfète de l'Oise a accusé réception de cette demande et le silence gardé par l'administration sur cette dernière a fait naître une autorisation tacite le 15 juin 2021. Mme A... F... et l'EARL Vandenbussche relèvent appel du jugement du 23 mars 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette autorisation tacite en raison de sa tardiveté.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative assure la publicité des demandes d'autorisation dont elle est saisie, selon des modalités définies par décret. (...) ". Aux termes de l'article R. 331-4 du même code : " (...) Le service chargé de l'instruction fait procéder à la publicité de la demande d'autorisation d'exploiter dans les conditions prévues à l'article D. 331-4-1. Cette publicité porte sur la localisation des biens et leur superficie, ainsi que sur l'identité des propriétaires ou de leurs mandataires et du demandeur. (...) ". L'article D. 331-4-1 du même code dispose : " La publicité prévue à l'article R. 331-4 précise la date de l'enregistrement de la demande et indique la date limite de dépôt des dossiers de demande d'autorisation. / Les demandes d'autorisation d'exploiter sont affichées pendant un mois à la mairie des communes où sont situés les biens qui font l'objet de la demande et publiées sur le site de la préfecture chargée de l'instruction ". S'agissant de la décision d'autorisation d'exploiter, l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime dispose que : " I. Le préfet de région dispose d'un délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier complet mentionnée dans l'accusé de réception pour statuer sur la demande d'autorisation. (...) III. Le préfet de région notifie sa décision aux demandeurs, aux propriétaires et aux preneurs en place par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. Cette décision fait l'objet d'un affichage à la mairie de la commune sur le territoire de laquelle sont situés les biens. Elle est publiée au recueil des actes administratifs. / A défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier ou, en cas de prorogation de ce délai, dans les six mois à compter de cette date, l'autorisation est réputée accordée. En cas d'autorisation tacite, une copie de l'accusé de réception mentionné à l'article R. 331-4 est affichée et publiée dans les mêmes conditions que l'autorisation expresse ".
4. La demande présentée le 15 février 2021 par l'EARL du Plaçot a fait l'objet d'un accusé de réception du 29 mars 2021. Le silence gardé par l'administration pendant un délai de quatre mois a fait naître une décision tacite d'autorisation le 15 juin 2021, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime. Pour soutenir que les délais de recours contre cette décision n'ont pas commencé à courir, les appelants soutiennent que les modalités d'affichage de la demande d'autorisation d'exploiter prévues par les articles R. 331-4 et D. 331-4-1 dudit code n'ont pas été respectées. Il ressort des pièces du dossier que l'accusé de réception du dossier complet de la demande d'autorisation a été affiché à compter du 17 juillet 2021 à la mairie de Muidorge et du 30 juillet 2021 à la mairie de Luchy pendant une durée d'un mois et a fait l'objet d'une publication, le 8 juillet 2021, au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Hauts-de-France sous le n° R32-2021-257. Cette publication précise que l'autorisation tacite peut être contestée au tribunal administratif dans les deux mois qui suivent sa notification. Ces affichages mentionnent, conformément à ce que prescrit l'article R. 331-4 dudit code, la localisation des biens, leur superficie, l'identité de leur propriétaire et celle de l'EARL du Plaçot. En outre, Mme F... a bien été informée par l'EARL du Plaçot de la demande d'autorisation par lettre du 12 février 2021 et a pu présenter ses observations auprès de l'administration par lettre du 8 mars 2021. Dans ces conditions, le délai de recours contentieux pour contester l'autorisation tacite d'exploiter délivrée à l'EARL du Plaçot, devenue ensuite la SCEA des Saules, a commencé à courir le 30 juillet 2021, date la plus tardive d'affichage, et a expiré le 30 septembre 2021. Or, la demande introductive de l'instance n° 2201031 présentée par l'EARL Vandenbussche a été enregistrée au greffe du tribunal administratif d'Amiens le 23 mars 2022, soit après l'expiration du délai du recours contentieux.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par Mme F... et l'EARL Vandenbussche au tribunal était tardive que les appelantes ne sont, par suite, pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens l'a rejetée pour irrecevabilité.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'EARL Vandenbussche et de Mme F... le paiement à la SCEA des Saules d'une somme globale de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EARL Vandenbussche et de Mme F... est rejetée.
Article 2 : L'EARL Vandenbussche et Mme F... verseront à la SCEA des Saules une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL Vandenbussche, à Mme A... F..., à la SCEA des Saules et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera transmise au préfet de la région des Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 9 juillet 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 août 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. VandenbergheLe président de la formation de jugement,
Signé : M. B...
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA00760