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10/07/2024 | FRANCE | N°23DA02396

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 10 juillet 2024, 23DA02396


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.



Par un jugement n° 2301502 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Procéd

ure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2023, M. A..., représenté par Me El...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 2301502 du 10 octobre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Elie Montreuil, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans cette attente de lui remettre une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de quinze jours, sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard du caractère réel et sérieux du suivi de ses études, des liens avec sa famille restée dans le pays d'origine, de son insertion sur le territoire français ;

- il entend exciper de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il entend exciper de l'illégalité des décisions de refus de délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

- il se réfère pour le surplus à ses écritures de première instance ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés, et s'en rapporte par ailleurs à ses écritures de première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Par ordonnance du 21 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur ;

- et les observations de Me Elie Montreuil, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 22 mars 2004 en République de Guinée, entré en France le 10 juin 2020 à l'âge de seize ans, a sollicité à sa majorité un titre de séjour. Par un arrêté du 10 janvier 2023, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler cet arrêté. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur le refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. Pour établir que la décision attaquée était légale, le préfet de la Seine-Maritime a invoqué, dans son mémoire en défense de première instance communiqué à M. A..., un autre motif que celui tiré du doute sur son état civil, et tiré de ce que M. A... ne satisfaisait pas, à la date de cette décision, aux autres critères de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Premièrement, en l'espèce, si M. A... justifie avoir souscrit un contrat d'apprentissage pour une formation en CAP cuisine au CFA de la CMA Normandie Campus Eugénie Brazier, qu'il effectuait du 2 août 2021 au 31 août 2023 au Restaurant du Golf à Dieppe, qu'il est bien intégré au CFA et ne pose pas de problème de comportement, le bulletin de notes produits pour le second semestre 2021 relève un " petit relâchement en fin de semestre ", et celui du premier semestre 2022 relève " une baisse de motivation ", avec une baisse d'un point sur vingt de la moyenne générale, à 12,46. Sa compétence linguistique en français attestée par le diplôme DELF est de niveau A1, soit un niveau élémentaire. En outre, le préfet fait valoir en défense, sans être contredit, que le dernier bulletin de salaire produit porte sur décembre 2022, et ne permet pas de vérifier que le contrat d'apprentissage s'est poursuivi jusqu'à son terme. Enfin, si M. A... produit des attestations des 30 mars 2023 de l'association Le Paris 111, d'une employée du Restaurant du Golf du 26 mars 2023 et une attestation non datée de la présidente de la SAS Quesnel restauration qui se borne à indiquer qu'il figure dans les effectifs de l'entreprise, ces attestations ne permettent pas d'établir la réalité et l'intensité de l'insertion sociale et professionnelle de M. A... en France, au terme de plus de deux années de présence.

6. Deuxièmement, le critère de l'isolement familial n'est pas un critère prépondérant pour l'octroi du titre de séjour mentionné à l'article L. 435-3 précité, alors que, d'une part, les dispositions de l'article L. 435-3 précité n'exigent pas que le demandeur soit isolé dans son pays d'origine et, d'autre part, la délivrance du titre doit procéder, ainsi qu'il a été dit au point précédent, d'une appréciation globale sur la situation de la personne concernée au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, des liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française. Toutefois, en l'espèce, la contradiction entre l'attestation sur l'honneur signée par M. A... le 1er décembre 2021, selon laquelle il n'a plus " aucun contact avec sa famille ", et la circonstance que le jugement supplétif du 29 avril 2021 produit par M. A... a été obtenu sur requête de son père du 15 avril 2021, ne permet pas d'établir avec certitude la nature et l'intensité des liens conservés avec sa famille.

7. Compte tenu des conditions du suivi par M. A... de sa formation, de l'imprécision quant aux liens qu'il a conservés avec sa famille, et d'une insertion dans la société française dont il ne justifie pas de l'intensité, alors que sa maîtrise de la langue demeure élémentaire, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l'erreur manifeste que le préfet de la Seine-Maritime aurait commise, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, dans son appréciation globale de la situation du requérant, en rejetant sa demande de titre de séjour doit être écarté.

8. Il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel, d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner un moyen que l'appelant se borne à déclarer reprendre en appel, sans l'assortir des précisions nécessaires.

9. M. A... a déclaré, à la dernière page des motifs de sa requête d'appel, que " pour le surplus, le requérant s'en rapporte à ses écritures de première instance ", sans même les énoncer sommairement, sans fournir les précisions indispensables à l'appréciation de leur bien-fondé ni même joindre à sa requête une copie du mémoire de première instance qui contenait ces précisions. Ce faisant, il ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs que le tribunal administratif aurait pu commettre en écartant ces moyens. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de procéder à un réexamen des moyens de première instance dirigés contre le refus de titre de séjour.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour doit être écarté.

11. En second lieu, M. A... représente en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Rouen, aux points 10 et 12 de son jugement.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2023 du préfet de la Seine-Maritime. Par suite, les conclusions de M. A... à fin d'annulation de cet arrêté ainsi que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent donc être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Elie Montreuil.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : G. VandenbergheLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

N°23DA02396 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02396
Date de la décision : 10/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : MONTREUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-10;23da02396 ?
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