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10/07/2024 | FRANCE | N°23DA02379

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 10 juillet 2024, 23DA02379


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 2 août 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer une carte de résident au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an.



Par un jugement n° 2307437 du 12 octobre 2023, le magistrat d

ésigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 2 août 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer une carte de résident au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an.

Par un jugement n° 2307437 du 12 octobre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2023, Mme A..., représentée par Me Sophie Danset-Vergoten, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour pour une durée d'un an contenues dans l'arrêté du 2 août 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros à son avocate sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, à charge elle de renoncer à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées ;

- le préfet a omis de saisir préalablement le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- son état de santé fait obstacle à ce qu'elle puisse être obligée de quitter le territoire français, conformément à l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle remplit les conditions prévues par l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne peut donc pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et particulier de sa situation ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- compte tenu des circonstances humanitaires qu'elle fait valoir, le préfet aurait dû s'abstenir de prendre une interdiction de retour ;

- compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, les décisions subséquentes fixant le pays de destination et lui interdisant de retourner en France doivent être annulées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2024, le préfet du Nord demande à la cour de rejeter la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision 30 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 61-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante camerounaise née le 1er janvier 1996, est entrée en France en le 7 décembre 2021. Sa demande d'asile a été rejetée le 28 juin 2022 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis le 27 juin 2023 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 2 août 2023 le préfet du Nord a refusé de lui délivrer une carte de résident au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an. Mme A... relève appel du jugement n° 2307437 du 12 octobre 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français lorsque la loi prescrit qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.

3. Aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ".

4. Il résulte de ces dispositions que pendant toute la durée de la procédure pénale, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an est, sous réserve que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit au ressortissant étranger qui a déposé plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre l'infraction visée à l'article 225-4-1 du code pénal de traite des êtres humains.

5. Il ressort des pièces du dossier que la requérante, qui soutient avoir été victime d'un réseau de prostitution entre 2020 et 2021, a déposé une plainte contre X le 27 février 2023, antérieurement à l'arrêté attaqué, en vue de permettre l'identification des personnes l'ayant contrainte à se livrer à la prostitution en Roumanie, pays qu'elle a fui pour ce motif. Auditionnée par les services de police dans le cadre de l'instruction de cette plainte, elle a exposé que lors de son arrivée en Roumanie, elle a été séquestrée et obligée de se prostituer. Il n'est ni établi ni même allégué que cette plainte aurait été classée sans suite. Dans ces conditions, et compte tenu de l'absence de réponse du préfet du Nord à ce moyen, soulevé pour la première fois en appel, à la date de l'arrêté en litige Mme A... était en droit de bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ne pouvait, par suite, faire l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Cette décision doit dès lors être annulée ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination et celle portant interdiction de retour pour une durée d'un an.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contestées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt, qui annule les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et l'interdiction de retour contenues l'arrêté du 2 août 2023 implique nécessairement que le préfet du Nord réexamine la situation de Mme A... et lui délivre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à ce réexamen et de délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me Sophie Danset-Vergoten au titre des dispositions précitées sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Les décisions obligeant Mme A... à quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour pour une durée d'un an contenues dans l'arrêté du 2 août 2023 sont annulées.

Article 2 : Le jugement n° 2307437 du 12 octobre 2023 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de Mme A... et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Article 4 : L'Etat versera à Me Sophie Danset-Vergoten une somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Nord et à Me Sophie Danset-Vergoten.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA02379


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02379
Date de la décision : 10/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : DANSET-VERGOTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-10;23da02379 ?
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