La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2024 | FRANCE | N°23DA02329

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 10 juillet 2024, 23DA02329


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 9 mars 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler le titre de séjour qui lui avait été délivré, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2303166 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devan

t la Cour :



Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Aurélie Goeminn...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 9 mars 2023 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler le titre de séjour qui lui avait été délivré, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2303166 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Aurélie Goeminne, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2023 ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi que le paiement de la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 311-13 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a omis de saisir pour avis la commission du titre de séjour, en méconnaissance de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'illégalité de la décision de refus de séjour entraîne l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête et s'en remet à ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 1980 est entré en France le 18 septembre 2012 sous couvert d'un visa étudiant, valable du 8 septembre 2012 au 9 septembre 2013. Il a disposé, afin de poursuivre ses études, d'un titre de séjour valable du 16 octobre 2013 au 15 octobre 2014, régulièrement renouvelé jusqu'au 15 octobre 2017. M. B... a sollicité le 9 octobre 2017 un titre de séjour du fait de son état de santé, demande qui a été rejetée par le préfet du Nord par un arrêté du 31 août 2018, qui a été annulé par un jugement du 21 mai 2019 du tribunal administratif de Lille, devenu définitif. M. B... a sollicité le 5 juin 2020 le renouvellement du titre de séjour qui lui a été délivré pour la période du 21 mai 2019 au 20 mai 2020, demande qui a été rejetée par le préfet du Nord par un arrêté du 9 mars 2021, qui a cependant été annulé par un jugement du 4 juin 2021 du tribunal administratif de Lille, devenu définitif. Il a sollicité le 23 mai 2022 le renouvellement du titre de séjour pour raison de santé qui lui a été délivré pour la période du 16 juillet 2021 au 15 juillet 2022. Par un arrêté du 9 mars 2023, le préfet du Nord a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 28 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis du collège médical de l'OFII, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. En l'espèce, le collège de médecins de l'OFII a estimé, par son avis du 11 octobre 2022, que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, que le défaut de prise en charge pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont M. B... est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

5. M. B..., qui a accepté de lever le secret médical en première instance, est atteint de schizophrénie d'évolution déficitaire ayant nécessité une hospitalisation dans un service psychiatrique à la fin de l'année 2015. Il ressort tant du rapport médical du 29 juillet 2022, transmis à l'OFII dans le cadre de l'instruction de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, que de celui du médecin-rapporteur du 20 septembre 2022, que son état est stabilisé, que ses symptômes délirants sont contrôlés par un traitement médicamenteux journalier et que le patient doit bénéficier d'une consultation tous les trois mois. Pour établir qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Guinée, M. B... soutient qu'il n'existe qu'un seul service psychiatrique en Guinée, qui ne comporte que cinq psychiatres, et que la pharmacie de ce centre hospitalier connaît une pénurie de psychotropes. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des observations de l'OFII produites en première instance que la pathologie de M. B... est contrôlée par la prise régulière d'un antipsychotique, la rispéridone, qui est disponible dans une pharmacie de Conakry. Le traitement de M. B... comprend en outre du Tercian, du Témesta et du Lepticur. Il ressort du rapport de l'OFII que si le Témesta et le Lepticur ne sont pas disponibles dans le pays d'origine de M. B..., des molécules de substitution (lorazépam et prométhazine) peuvent y être administrées. Par ailleurs, si le Tercian n'est disponible qu'en France et au Portugal, il ressort des observations de l'OFII, dont la teneur n'est pas contestée par l'appelant, qu'il peut être substitué par la quétiapine, molécule disponible à Conakry. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Guinée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 2 doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 425-9 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / (...) ". Ainsi qu'il vient d'être dit au point 5, M. B... ne remplit pas les conditions de renouvellement du titre de séjour prévues par l'article L. 425-9 dudit code. Dès lors, il ne peut utilement soutenir que l'administration aurait dû préalablement saisir la commission du titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 432-13 de ce code doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., bien qu'il réside habituellement en France depuis l'année 2012, ne possède pas d'attaches familiales sur le territoire national. Or, il n'en est pas dépourvu dans son pays d'origine où réside son épouse avec laquelle il s'est marié le 20 décembre 2019, ainsi qu'il résulte des énonciations qu'il a portées sur sa demande de renouvellement de titre de séjour. En outre, l'intéressé, qui a arrêté ses études en 2015, ne se prévaut que d'une expérience professionnelle de quelques mois, alors qu'il a bénéficié de titres de séjour l'autorisant à travailler. Dès lors, l'appelant n'établit pas que l'arrêté attaqué serait contraire aux stipulations citées au point 7, ni que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

9. En dernier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de séjour n'étant pas fondés, le moyen excipant de son illégalité à l'encontre de la décision subséquente portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Aurélie Goeminne.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA02329


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02329
Date de la décision : 10/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : GOEMINNE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-10;23da02329 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award