Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2022 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de renouvellement de certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n°2302575 du 11 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille annulé l'arrêté du 19 décembre 2022 en tant qu'il fixe une interdiction de retourner sur le territoire français à l'encontre de Mme B... pour une durée d'un an et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2023 sous le n° 23DA01917, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé l'interdiction faite à Mme B... de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... tendant à l'annulation de cette interdiction de retour.
Il soutient que :
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il a visés ; il a notamment pris en compte la présence en France du grand-père de Mme B..., qui ne justifie pas de liens anciens et intenses avec celui-ci ; au surplus, l'interdiction de retour est abrogée en application de l'article L. 613-8 du même code, dès lors que l'étranger justifie avoir quitté le territoire français dans le délai de départ volontaire imparti.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2024, Mme B..., représentée par Me Sophie Danset-Vergoten, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de verser à son conseil une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet du Nord ne sont pas fondés, et que l'interdiction de retour sur le territoire français encourt en outre l'annulation pour défaut de motivation et d'examen particulier de la situation, par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, et pour méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme B... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
II. Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2023 sous le n° 23DA02297, Mme B..., représentée par Me Sophie Danset-Vergoten, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation du refus de renouvellement de son titre de séjour, l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêt du 19 décembre 2022 du préfet du Nord en tant qu'il refuse le renouvellement de son titre de séjour, l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le même délai et sous la même astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés, et renvoie à ses écritures présentées devant le tribunal administratif de Lille.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Par ordonnance du 21 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 7 juillet 1997 en Algérie et déclarant être entrée sur le territoire français le 2 novembre 2020, sous couvert d'un visa Schengen court séjour de type C délivré par les autorités françaises, valable à compter du 1er novembre 2020, a obtenu un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de " conjoint de Français ", valable du 2 novembre 2020 au 1er novembre 2021. Elle a présenté le 30 mai 2022 une demande de renouvellement de ce certificat de résidence algérien, en qualité de conjointe de Français ou au titre de ses liens privés et familiaux en France. Par un arrêté du 19 décembre 2022, le préfet du Nord a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit tout retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler cet arrêté. Le préfet du Nord relève appel du jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions d'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, et Mme B... relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des autres décisions contenues dans l'arrêté du 19 décembre 2022.
2. Les requêtes du préfet du Nord et de Mme B... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les moyens communs aux décisions attaquées :
3. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il est motivé de façon très circonstanciée et comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles reposent les décisions en litige, alors même qu'il ne reprend pas tous les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressée. Les moyens tirés du défaut de motivation de cet arrêté et du défaut d'examen de sa situation personnelle doivent donc être écartés.
Sur le refus de titre de séjour :
4. D'une part, l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 stipule que : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ou lorsque l'étranger a subi une situation de polygamie. / En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies ".
6. Les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée.
7. En l'espèce, il est constant que la communauté de vie entre les époux a cessé le 5 février 2021, antérieurement à la décision de refus de renouvellement attaquée, de sorte que Mme B... ne pouvait prétendre à un premier renouvellement de son certificat de résidence au titre du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, qui est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux.
8. Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'il est exposé au point 6.
9. Mme B... soutient que la rupture de la communauté de vie avec son époux résulte des violences conjugales dont elle a été victime. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a déposé plainte le 5 février 2021 à l'encontre de son mari pour des faits de violences conjugales, produisant notamment un compte-rendu d'examen par le service des urgences faisant état de contusions au niveau de deux dents, dont une mobile, et d'un hématome sur un orteil, avec des photographies. Toutefois, cette plainte a été classée sans suite le 28 septembre 2022 au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée, et les attestations qu'elle produit émanent de personnes n'ayant pas directement assisté aux violences alléguées. En outre, Mme B... a demandé seulement le 30 mai 2022 le renouvellement de son certificat de résidence, dont la validité avait expiré depuis le 1er novembre 2021. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, nonobstant le fait que Mme B... travaille depuis le mois de mars 2021, le préfet du Nord, en refusant à Mme B... le renouvellement de son certificat de résidence, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de la requérante.
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est arrivée en France le 2 novembre 2020, à l'âge de 23 ans, pour rejoindre son époux ayant la nationalité française et dont elle est séparée depuis le 5 février 2021. Sans enfant, elle déclare avoir en France son grand-père, qui vit en France depuis 1971 et dispose d'un titre de séjour valable jusque 2030, mais elle ne justifie pas de liens d'une particulière intensité avec celui-ci, qui ne réside d'ailleurs pas dans la même région. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue de tout lien avec son pays d'origine, où vivent ses parents. Si Mme B... justifie avoir travaillé régulièrement depuis le mois de mars 2021 en intérim, essentiellement comme préparatrice de commandes, avant de travailler en contrat à durée déterminée du 18 juillet 2022 au 10 novembre 2022 en qualité d'employée logistique polyvalente, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait noué des liens sociaux et professionnels d'une particulière intensité sur le territoire national ni qu'elle ne pourrait pas se réinsérer professionnellement et socialement en Algérie. Dans ces circonstances, et eu égard en particulier à la durée du séjour de Mme B... sur le territoire français, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît ainsi ni les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête de Mme B... tendant à l'annulation de la décision refusant le renouvellement de son certificat de résidence doivent être rejetées.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, les moyens tirés et de la méconnaissance des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 10.
13. En second lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 9.
14. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête de Mme B... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.
Sur la décision fixant le pays de destination :
15. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à solliciter l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été exposé précédemment que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.
17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
18. Si le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer à l'encontre d'un étranger soumis à une obligation de quitter sans délai le territoire français une interdiction de retour et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie. En l'espèce, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet a motivé expressément sa décision prise à l'encontre de Mme B... au regard des quatre critères figurant à l'article L. 612-10 précité. Le moyen tiré du défaut de motivation sera donc écarté.
19. En outre, la décision litigieuse atteste de la prise en compte par le préfet du Nord, qui ne s'est pas estimé en situation de compétence liée, de l'ensemble des critères prévus par la loi au vu de la situation de l'intéressée. Au regard de ces motifs, qui ne sont pas entachés d'inexactitude, et en l'absence de circonstances humanitaires qui justifieraient que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour, le préfet du Nord a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, ni méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 612-8, prononcer à l'encontre de l'intéressée une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
20. Par ailleurs, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment des motifs développés au point 10, le préfet du Nord n'a pas non plus porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Au vu de l'ensemble de la situation de Mme B..., le préfet du Nord n'a pas non plus entaché sa décision d'interdiction temporaire de retour sur le territoire d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
21. Il résulte de ce qui précède que, d'une part, le préfet du Nord est fondé à demander l'annulation du jugement du 11 octobre 2023 en tant qu'il a annulé sa décision du 19 décembre 2022 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et que d'autre part les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de cette même décision doivent être rejetées.
22. Il résulte de tout ce qui précède que, d'autre part, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2022 du préfet du Nord, en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation du refus de renouvellement de son titre de séjour, l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays de destination.
23. Par suite, les conclusions de Mme B... à fin d'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2022 ainsi que ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent donc être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2302575 du 11 octobre 2023 du tribunal administratif de Lille est annulé, en tant qu'il a annulé la décision du préfet du Nord du 19 décembre 2022 portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Article 2 : Les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 19 décembre 2022 sont rejetées.
Article 3 : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Sophie Danset-Vergoten.
Copie en sera adressée au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : G. VandenbergheLe président de la formation
de jugement,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : A-S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
N°23DA01917-23DA02297 2