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10/07/2024 | FRANCE | N°23DA01587

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 10 juillet 2024, 23DA01587


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.



Par un jugement n° 2204639 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Pro

cédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 4 août 2023, M. C..., représenté par Me Djehanne E...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.

Par un jugement n° 2204639 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2023, M. C..., représenté par Me Djehanne Elatrassi-Diome, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime ;

4°) d'enjoindre à l'administration de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat soit une somme de 1 000 euros à verser à son avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, soit une somme de 1 500 à lui verser directement en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée dès lors, d'une part, qu'elle ne mentionne que des éléments généraux et imprécis sur sa situation personnelle et, d'autre part, qu'elle ne comporte aucune motivation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il a invoquées à l'appui de sa demande ;

- elle est entachée d'incompétence dès lors qu'il n'est pas établi que son signataire bénéficiait d'une délégation à cet effet ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie pour avis alors qu'il existait des indices importants et concordants indiquant qu'il remplit effectivement les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son père, sa mère et ses frères et sœurs vivent tous en situation régulière en France et qu'il n'a plus d'attache en Guinée où sa tante est décédée deux mois avant son arrivée en France ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet a procédé à un examen incomplet de sa situation, en retenant en particulier qu'il ne justifie pas de ressources suffisantes pour ne pas représenter une charge financière pour la société alors qu'il avait indiqué qu'il était financièrement pris en charge par ses parents, que tous les membres de sa famille vivent en situation régulière en France et qu'il est un soutien pour eux ;

- elle est entachée d'erreur de fait dès lors que le préfet a retenu qu'il ne justifie pas de ressources suffisantes pour ne pas représenter une charge financière pour la société alors qu'il avait indiqué qu'il était financièrement pris en charge par ses parents ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle procède d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée par voie de conséquence de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- elle est entachée d'incompétence dès lors qu'il n'est pas établi que son signataire bénéficiait d'une délégation à cet effet ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que son père, sa mère et ses frères et sœurs vivent tous en situation régulière en France, qu'il n'a plus d'attache en Guinée où sa tante est décédée deux mois avant son arrivée en France et qu'il est un soutien indispensable pour les membres de sa famille ;

- elle est entachée d'erreur de fait dès lors que le préfet a retenu qu'il ne justifie pas de ressources suffisantes pour ne pas représenter une charge financière pour la société alors qu'il avait indiqué qu'il était financièrement pris en charge par ses parents ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle procède d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination n'est pas motivée ;

- elle est entachée d'incompétence dès lors qu'il n'est pas établi que son signataire bénéficiait d'une délégation à cet effet ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet ne démontre pas en quoi sa vie ne serait pas menacée en cas de retour dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que son père, sa mère et ses frères et sœurs vivent tous en situation régulière en France et qu'il n'a plus d'attache en Guinée ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a pas été procédé à l'examen de sa situation personnelle et que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée du fait des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

- elle procède d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête d'appel de M. C....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 5 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2024 à 12 heures.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 10991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... C..., né le 29 octobre 1997, ressortissant de la République de Guinée, est entré irrégulièrement en France le 25 mars 2021. Sa demande d'asile a été successivement rejetée par une décision du 30 septembre 2021 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et une ordonnance du 10 décembre 2021 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le 13 juin 2022, il a sollicité son admission au séjour en raison de ses liens privés et familiaux sur le territoire. Par un arrêté du 2 septembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné. M. C... relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 5 juillet 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. En premier lieu, par un arrêté n° 22-052 du 29 août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 76-2022-141 du 29 août 2022 de la préfecture de la Seine-Maritime, le préfet a donné à M. E... B..., directeur des migrations et de l'intégration, signataire de l'arrêté attaqué du 2 septembre 2022, délégation à l'effet de signer notamment : " les décisions relatives à la délivrance et au refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour " ainsi que les " mesures d'éloignement des étrangers, les décisions relatives au délai de départ volontaire, (...) les décisions fixant le pays de renvoi ". Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de la Seine-Maritime pour refuser à M. C... la délivrance d'un titre de séjour. Contrairement à ce que soutient M. C..., l'arrêté ne se limite pas à des considérations générales et imprécises. En effet, il rappelle ses conditions d'entrée et de séjour en France. Il mentionne ses liens familiaux sur le territoire et procède à l'examen de leur intensité. Il tient compte de ses conditions matérielles d'existence sur le territoire. En outre, contrairement à ce que soutient également M. C..., il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que sa situation a été examinée au regard des deux fondements qu'il avait invoqués à l'appui de sa demande, à savoir les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont même intégralement reproduites. Ces mentions ont mis M. C... à même de comprendre les motifs de la décision prononcée à son encontre et qu'il conteste d'ailleurs utilement dans le cadre de la présente instance. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée doit, dès lors, être écarté.

5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait, préalablement au prononcé de la décision attaquée, pas procédé à l'examen de la situation personnelle de M. C.... Ainsi qu'il a été dit au point 4, les mentions de l'arrêté attaqué rendent compte de ce que le préfet a pris en considération, notamment, les conditions d'entrée et de séjour en France de M. C..., ses liens familiaux en France et leur intensité ainsi que ses conditions matérielles d'existence sur le territoire. M. C... ne démontre pas avoir fait état d'autres éléments déterminants pour l'examen de sa demande et dont le préfet aurait omis de tenir compte. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur de droit pour procéder d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle doit, dès lors, être écarté.

6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... n'exerçait aucun emploi à la date de la décision attaquée, qu'il n'a présenté aucun projet en ce sens à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour et qu'il n'a pas davantage justifié de perspectives sérieuses d'insertion professionnelle en France. Dans ces conditions, la circonstance qu'il soit hébergé et pris en charge par ses parents ne s'oppose pas, alors qu'il était âgé de 24 ans à la date de la décision attaquée, à ce qu'il puisse être regardé comme ne disposant pas de ressources suffisantes pour garantir son intégration réussie et qu'il ne deviendra pas une charge financière pour la société française. Il s'ensuit que c'est sans erreur de fait que le préfet de la Seine-Maritime a pu retenir cette considération, qui n'a en tout état de cause pas exercé une influence déterminante sur le sens de la décision prise. Le moyen d'erreur de fait soulevé par M. C... doit, dès lors, être écarté.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

9. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui ne justifie pas de la régularité de son entrée en France, est présent sur le territoire depuis moins d'un an et demi à la date de la décision attaquée. Si son père, sa mère et six frères et sœurs sont en situation régulière en France, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a quasiment jamais vécu avec eux puisque sa mère et son père ont quitté la Guinée en 2003 et 2006 alors qu'il était âgé respectivement de 6 et 9 ans et puisque ses frères et sœurs sont tous nés après l'arrivée de ses parents en France. S'il soutient que sa présence auprès de ses proches leur est indispensable, il n'en apporte aucune justification. Il ressort au contraire des pièces du dossier qu'il est dépourvu de toutes ressources personnelles et qu'il est intégralement à leur charge. La décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet d'empêcher la poursuite des relations de M. C... avec les membres de sa famille, dans les mêmes conditions que celles qui ont prévalu pendant plus de quinze ans avant son arrivée irrégulière en France. La circonstance qu'une de ses tantes soit décédée deux mois avant son départ ne suffit pas à établir qu'il serait dépourvu de toute autre attache familiale en Guinée. Par ailleurs, M. C... est dépourvu d'emploi, n'a présenté aucun projet en ce sens à l'appui de sa demande de titre de séjour et ne justifie pas de perspectives sérieuses d'insertion professionnelle. Il ne dispose pas de ressources autonomes et de conditions matérielles propres à garantir son insertion réussie à la société française. Dans le même temps, il n'avance aucune considération qui serait de nature à empêcher sa réinsertion sociale et professionnelle en Guinée, pays dans lequel il a vécu la majeure partie de sa vie, jusqu'à l'âge de 23 ans, et qu'il a quitté moins d'un an et demi avant la date de la décision attaquée. Dès lors, les pièces du dossier ne permettent pas de regarder son admission au séjour comme s'imposant au nom du respect du droit à la vie privée et familiale ou comme répondant à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels. En refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Seine-Maritime n'a donc ni méconnu les stipulations et dispositions citées aux points 8 à 10, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation. Les moyens en ce sens doivent, dès lors, être écartés.

11. En dernier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission du titre de séjour est obligatoirement saisie pour avis, entre autres, lorsque l'autorité administrative envisage de refuser de délivrer ou de renouveler certaines cartes de séjours temporaires, notamment celles prévues aux articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ou lorsqu'elle envisage de rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans. En l'espèce, M. C... ne remplit pas les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il a visé dans sa demande auprès du préfet de la Seine-Maritime. S'il a également sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du même code, il est toutefois présent en France, à la date de la décision attaquée, depuis à peine un an et demi. Il résulte de tout ce qui précède que la saisine de la commission du titre de séjour ne présentait pas de caractère obligatoire. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière en l'absence d'avis de cette commission doit, dès lors, être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

14. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée, au soutien duquel M. C... n'apporte pas d'arguments différents de ceux qu'il a avancés au soutien du moyen équivalent dirigé contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3.

15. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué cite les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constitue le fondement légal de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il ressort également sans ambiguïté des énonciations de cet arrêté que l'obligation de quitter le territoire français qu'il prononce à l'encontre de M. C... est fondée sur le refus de séjour qui lui est également opposé. L'arrêté attaqué comporte à cet égard, ainsi qu'il a été dit au point 4, les considérations de fait et de droit qui fondent cette décision de refus de séjour. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'avait, en application des dispositions citées au point 13 de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait, préalablement au prononcé de la décision en litige, pas dûment tenu compte de la situation personnelle de l'intéressé. Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée et de ce qu'elle procède d'un défaut d'examen personnalisé doivent être écartés.

16. En troisième lieu, le moyen tiré de l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet de la Seine-Maritime en retenant qu'il ne dispose pas de ressources suffisantes pour garantir son intégration réussie et qu'il ne deviendra pas une charge financière pour la société française, au soutien duquel M. C... n'apporte pas d'arguments différents de ceux qu'il a avancés au soutien du moyen équivalent dirigé contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6.

17. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 12, M. C... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour, serait illégal. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale au motif qu'elle a été prise sur le fondement de ce refus de séjour et son moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

18. En cinquième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que la décision attaquée procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation, au soutien desquels M. C... n'apporte pas d'arguments différents de ceux qu'il a avancés au soutien des moyens équivalents dirigés contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10.

19. En sixième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". En l'espèce, M. C... était âgé de 24 ans à la date de la décision attaquée. Il est sans charge de famille sur le territoire. S'il se prévaut de la présence de ses six frères et sœurs cadets dont il dit être un soutien indispensable, il ressort des pièces du dossier qu'il n'avait jamais eu de communauté de vie avec eux avant son arrivée irrégulière en France un an et demi avant l'intervention de la décision attaquée. Alors qu'il ne dispose d'aucune ressource autonome, il n'établit pas participer à leur entretien pas plus qu'à leur éducation. La décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer ses frères et sœurs de leurs parents avec lesquels ils vivent et qui les prennent en charge. Elle n'a pas davantage pour objet et pour effet d'empêcher le maintien des relations de M. C... avec eux, dans les mêmes conditions que celles qui ont prévalu pendant plus de quinze ans avant son arrivée irrégulière en France. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit, dès lors, être écarté.

20. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

21. Aux termes de l'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-3 du même code : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

22. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée, au soutien duquel M. C... n'apporte pas d'arguments différents de ceux qu'il a avancés au soutien du moyen équivalent dirigé contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3.

23. En deuxième lieu, pour décider que la mesure d'éloignement prononcée à l'encontre de M. C... pourra être exécutée à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir la République de Guinée, ou de tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible, l'arrêté attaqué vise et mentionne les dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui constituent le fondement légal de la décision attaquée. Il rappelle en outre que M. C... a la nationalité guinéenne, qu'il est venu depuis ce pays en 2021, qu'il ne justifie pas y être démuni d'attaches, que sa demande d'asile a été successivement rejetée par le directeur général de l'OFPRA et la CNDA et qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Cette motivation, en droit et en fait, a ainsi mis à même M. C... de comprendre les motifs de la décision prise à son encontre et est proportionnée, dès lors qu'il ne justifie pas avoir adressé au préfet des observations préalables à ce sujet. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est insuffisamment motivée doit être écarté.

24. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas, préalablement au prononcé de la décision attaquée, procédé à un examen de la situation personnelle de M. C.... Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée du fait des décisions prises par le directeur général de l'OFPRA et la CNDA. Les moyens tirés de ce que le préfet de la Seine-Maritime aurait, pour ces motifs, entaché ses décisions d'erreur de droit doivent, dès lors, être écartés comme manquant en fait.

25. En quatrième lieu, la décision contestée désigne au titre des pays vers lesquels M. C... est susceptible d'être renvoyé d'office en l'absence d'exécution volontaire de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre, notamment, son pays de nationalité, à savoir la République de Guinée. Ainsi qu'il a été dit au point 10, M. C... ne démontre ni y être isolé, ni ne pas pouvoir s'y réinsérer. Un retour vers ce pays n'a pas davantage pour effet de mettre définitivement un terme à ses relations avec ses proches en France. Par ailleurs, alors que sa demande d'asile a été successivement rejetée par le directeur général de l'OFPRA et la CNDA, il n'a apporté aucun élément complémentaire de nature à démontrer qu'il serait personnellement exposé à des risques pour sa sécurité en cas de retour dans ce pays, ce que le préfet pouvait se borner à constater. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation doivent, dès lors, être écartés.

26. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas davantage fondé à solliciter l'annulation de la décision fixant le pays de destination.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. C... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Djehanne Elatrassi-Diome.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA01587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01587
Date de la décision : 10/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : ELATRASSI-DIOME

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-10;23da01587 ?
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