Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 17 février 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.
Par un jugement n° 2301095 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté attaqué, a enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à l'avocate de M. C... désignée au titre de l'aide juridictionnelle en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen.
Il soutient que :
- M. C..., après plus de quatre années d'études en France, n'a validé aucun cursus universitaire ; il présentait à l'appui de sa demande de renouvellement une inscription en troisième année de licence en informatique pour la troisième année consécutive ; s'il a fini par valider cette année, cette circonstance est postérieure à la décision attaquée et ne pouvait être prise en considération ; dans ces conditions, M. C... ne peut pas être regardé comme justifiant du caractère réel et sérieux de ses études et, par suite, comme remplissant la condition posée au renouvellement d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " ; c'est dès lors à tort que le tribunal administratif de Rouen a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a annulé l'arrêté du 17 février 2023 ;
- aucun des autres moyens soulevés par M. C... à l'encontre des décisions attaquées n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2024, M. C..., représenté par Me Djehanne Elatrassi-Diome, conclut au rejet de la requête d'appel du préfet de la Seine-Maritime et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'incompétence dès lors qu'il n'est pas établi que son signataire disposait d'une délégation à cet effet ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la circonstance qu'il se soit inscrit pour la troisième année consécutive dans une troisième année de licence en informatique ne caractérisait pas, en l'espèce, une absence de sérieux dans le suivi de ses études ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il justifie d'une intégration remarquable par sa scolarité, qu'il a tissé de nombreux liens sur le territoire et qu'il est impliqué dans un club de football ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle procède d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée par voie de conséquence de l'insuffisance de motivation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est entachée d'incompétence dès lors qu'il n'est pas établi que son signataire disposait d'une délégation à cet effet ;
- elle a été prise sans qu'il ait été mis à même de faire des observations sur la mesure susceptible d'être prise à son encontre et, par suite, méconnaît son droit d'être entendu ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de destination n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'incompétence dès lors qu'il n'est pas établi que son signataire disposait d'une délégation à cet effet ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet ne démontre pas en quoi sa vie ne serait pas menacée en cas de retour dans son pays d'origine ;
- elle procède d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle dès lors qu'il n'a pu faire aucune observation sur son état de santé ou ses difficultés relevant de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance en date du 5 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., né le 22 octobre 2000, de nationalité marocaine, est entré en France le 23 septembre 2018 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " mineur scolarisé " délivré par les autorités consulaires françaises à Casablanca. A sa majorité, il a été mis en possession d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ", renouvelé sans interruption jusqu'au 30 novembre 2022. Il en a sollicité le renouvellement le 21 octobre 2022. Par un arrêté du 17 février 2023, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 4 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen, saisi par M. C..., a annulé cet arrêté et a enjoint de délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de deux mois.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. (...) Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ". Aux termes de l'article L. 433-4 du même code : " Au terme d'une première année de séjour régulier en France accompli au titre d'un visa de long séjour tel que défini au 2° de l'article L. 411-1 ou, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 433-5, d'une carte de séjour temporaire, l'étranger bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle dès lors que : 1° Il justifie de son assiduité, sous réserve de circonstances exceptionnelles, et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l'Etat dans le cadre du contrat d'intégration républicaine conclu en application de l'article L. 413-2 et n'a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ; 2° Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. / La carte de séjour pluriannuelle porte la même mention que la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. (...) ". Aux termes de l'article L. 411-4 du même code : " La carte de séjour pluriannuelle a une durée de validité de quatre ans, sauf lorsqu'elle est délivrée : (...) 8° Aux étrangers mentionnés aux articles L. 422-1, L. 422-2 et L. 422-5 ; dans ce cas, sa durée est égale à celle restant à courir du cycle d'études dans lequel est inscrit l'étudiant, sous réserve du caractère réel et sérieux des études, apprécié au regard des éléments produits par les établissements de formation et par l'intéressé, un redoublement par cycle d'études ne remettant pas en cause, par lui-même, le caractère sérieux des études ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le renouvellement de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " est conditionné par le caractère réel et sérieux du suivi de ses études par l'étranger.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., entré en France en septembre 2018 pour y suivre des études supérieures, a validé, en 2018/2019, une première année de licence en électronique, énergie électrique, automatique et, en 2019/2020, une deuxième année de licence en informatique. Inscrit en troisième année de licence en informatique - science des données en 2020/2021, il a été ajourné, au terme d'une année marquée par le contexte de l'épidémie de covid-19. Réinscrit pour l'année 2021/2022 dans la même formation, il a à nouveau été ajourné. Il ressort toutefois des relevés de notes et résultats produits par M. C... comme par le préfet de la Seine-Maritime qu'il n'a été défaillant à aucune des épreuves, que sa moyenne générale s'est établie à 9,148 sur 20, soit proche du seuil d'admission, et que seul le semestre 5 de sa formation restait à valider. A l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour présentée le 21 octobre 2022, M. C... a justifié de sa réinscription au titre de l'année 2022/2023 afin de valider ce dernier semestre. Il ressort des pièces du dossier, notamment du relevé de notes et de résultats du 22 mars 2023 dont la juridiction peut tenir compte dès lors qu'il révèle une situation existant à la date de la décision attaquée, que M. C... a suivi sérieusement les enseignements, pour finalement valider ce semestre avec une moyenne de 11,793 sur 20 et obtenir ainsi le diplôme national de licence. Il ressort également des pièces du dossier que M. C... avait déjà été admis dans des formations supérieures s'inscrivant dans le prolongement de sa licence afin de poursuivre ses études. Le préfet de la Seine-Maritime n'apporte aucun élément de nature à révéler que le suivi d'études ne serait pas le principal motif du séjour de M. C... en France. Il en résulte qu'en retenant que M. C... n'établissait pas le caractère réel et sérieux du suivi de ses études et en lui refusant pour ce motif le renouvellement du titre de séjour portant la mention " étudiant " qu'il sollicitait, le préfet de la Seine-Maritime a méconnu les dispositions citées au point précédent du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen en ce sens doit, dès lors, être accueilli.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 17 février 2023 et a enjoint de délivrer à M. C... le titre de séjour portant la mention " étudiant " qu'il sollicite. Ses conclusions d'appel tendant à l'annulation de ce jugement et au rejet de la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLe président de la formation
de jugement,
Signé : M. B...
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA01456