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05/07/2024 | FRANCE | N°24DA00375

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 05 juillet 2024, 24DA00375


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 9 mai 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois. Le magistrat désigné par le président du tri

bunal administratif de Rouen a, par un jugement du 26 septembre 2023, d'une part annulé les déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 9 mai 2023 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a, par un jugement du 26 septembre 2023, d'une part annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois et d'autre part, renvoyé à une formation collégiale les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre.

Par un jugement n°2302564 du 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions d'annulation du refus de titre.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 février 2024, M. B..., représenté par Me Nadejda Bidault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 novembre 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 9 mai 2023 du préfet de la Seine-Maritime portant refus de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreintes de 100 euros par jour de retard ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement contesté est insuffisamment motivé et est entaché d'une contradiction de motifs ;

- le jugement contesté est contraire au jugement du 26 septembre 2023 ;

- la décision de refus de titre méconnaît l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également l'article L. 423-23 du même code ;

- elle méconnaît aussi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle viole l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 mai 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 mai 2023, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de délivrer à M. A... B..., ressortissant nigérian, un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement et a interdit le retour de l'intéressé sur le territoire français pour une durée d'un mois. M. B... a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Rouen. Par un jugement du 26 septembre 2023, le magistrat désigné de ce tribunal a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois, tout en renvoyant devant une formation collégiale l'examen des conclusions dirigées contre la décision portant refus d'un titre de séjour. Par un jugement du 16 novembre 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande d'annulation du refus de titre. M. B... interjette appel de ce dernier jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le jugement contesté constate en son point 9 que M. B... justifie être père d'un enfant français mais n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant. Le jugement considère ensuite en son point 10 que rentrant dans la catégorie prévue par l'article L. 423-7, c'est-à-dire celle des parents d'enfants français, M. B... ne peut solliciter une carte de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement du 16 novembre 2023 doit être écarté, l'erreur de droit qu'aurait pu commettre le tribunal selon l'appelant relevant du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la contradiction de motifs et l'autorité de la chose jugée :

3. La contradiction de motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité. Compte tenu de ce qui a été dit au point 2, le jugement contesté n'est pas affecté de contradiction de motifs entre ses points 9 et 10, contrairement à ce que soutient l'appelant.

4. Si l'appelant se prévaut du jugement du 26 septembre 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, ce jugement annule l'obligation de quitter le territoire français et n'a donc pas autorité absolue de la chose jugée à l'égard de la décision de refus de titre. Ce moyen est donc écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

5. Aux termes de cet article : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

6. M. B... est père d'un enfant français, (PSEUDO(C...(/PEUDO), né le 31 août 2011 à Rouen. Or, M. B... déclare n'être entré en France que le 16 septembre 2012. L'autorité parentale et la qualité de père de C... n'a été reconnu à M. B... que par jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 18 janvier 2022. Pour établir sa contribution à l'éducation de son fils, l'intéressé joint une attestation de la principale du collège où est scolarisé son fils en classe de 6ème indiquant qu'il est l'interlocuteur privilégié de l'établissement et a participé aux réunions parents-professeurs. Cette attestation datée de mai 2023 n'établit donc pas que l'intéressé contribue à l'éducation de son fils depuis deux ans. Si M. B... produit de nombreuses attestations indiquant qu'il accompagnait son fils à l'école primaire et qu'il prend soin de celui-ci, il s'agit, à l'exception de l'attestation du médecin traitant de M. B..., de témoignages de proches ou de voisins. La mère de son fils indique également que M. B... s'occupe de celui-ci ainsi que de ses quatre autres enfants car elle travaille de nuit mais n'apporte aucun élément sur la contribution de son père à l'entretien de son fils. Par ailleurs, si l'adresse de M. B... dans la procédure devant la juridiction ainsi que pour ses fiches de paie, est la même que celle de la mère de l'enfant, l'adresse de la demande de titre est différente et est justifiée par une attestation d'hébergement par un compatriote. Il n'établit donc pas vivre avec son fils. Enfin, si M. B... atteste le 23 mai 2023 n'avoir aucun revenu, il a également produit des bulletins de salaire jusqu'en octobre 2021. Or, il n'apporte aucun élément sur sa contribution à l'entretien de son fils pendant la période où il bénéficiait de salaires. Dans ces conditions, M. B... n'établit pas qu'il contribue à l'entretien de son fils depuis deux ans à la date de la décision. Il n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime a méconnu les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

8. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui ne rentre pas dans les catégories donnant droit à la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " mentionnées par les articles du code qu'elles visent, comme celle notamment de parent d'enfant français, peut se voir délivrer une carte de séjour portant la même mention en raison de ses liens privés et familiaux en France. Toutefois, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur ce fondement. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est donc inopérant, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. B... est entré en France pour y demander d'asile, le 16 septembre 2012 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par la décision du 25 juillet 2014 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par la décision du 23 juin 2015 de la Cour nationale du droit d'asile. Par ailleurs, si M. B... s'est vu délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé pour la période du 16 juin 2017 au 15 juin 2018. Néanmoins, le renouvellement de ce titre lui a été refusé par un arrêté du 3 mai 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, qui a été confirmé par un jugement du 19 septembre 2019 du tribunal administratif de Rouen. Si M. B... est père d'un enfant français et s'occupe, selon les attestations qu'il fournit, des autres enfants de la mère de son fils, il n'établit pas contribuer à l'entretien de cette famille dont il vit séparé. Bien que M. B... ait travaillé comme agent de propreté à compter du 20 septembre 2018 jusqu'au 27 octobre 2021, le préfet de la Seine-Maritime n'a donc pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressé, eu égard à la durée de 42 ans de séjour de l'intéressé dans son pays d'origine où résident son épouse et ses trois autres enfants dont deux mineurs, ainsi qu'à son maintien en situation irrégulière sur le territoire français pendant une partie de la durée de son séjour. Le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et l'erreur manifeste d'appréciation :

11. M. B... n'établit pas ainsi qu'il a été dit contribuer à l'entretien de son fils. Si les attestations qu'il produit indiquent qu'il s'occupe également des quatre autres enfants de la mère de son fils, il ne vit pas au domicile de cette famille. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant en refusant un titre de séjour à M. B....

12. Pour les mêmes motifs que ceux développés précédemment, le moyen tiré d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M.B... doit être écarté.

13. M. B... ne développe aucun moyen en cause d'appel sur son état de santé, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant au demeurant considéré dans son avis du 7 décembre 2022 que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2023 du préfet de la Seine-Maritime en tant qu'il lui refuse un titre de séjour. Par suite, ses conclusions à fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Nadejda Bidault et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 20 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°24DA00375 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00375
Date de la décision : 05/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-05;24da00375 ?
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