Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté de communes du pays de Bray et la commune de Saint-Germer-de-Fly ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner solidairement M. F..., Mme C..., la société Monsegu, la société Diter, la société IBAT, la société Ramery enveloppe et la société SCB Economie à leur verser, d'une part, la somme de 366 655,28 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal, de la capitalisation de ces intérêts et de la taxe sur la valeur ajoutée, en réparation des désordres affectant le complexe sportif et socio-culturel de Saint-Germer-de-Fly, et, d'autre part, la somme de 17 160 hors taxes par an à compter de janvier 2007, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des troubles de jouissance et de la surconsommation de gaz liés aux désordres affectant le complexe sportif et socio-culturel.
Par un jugement n° 2001711 du 9 mars 2022, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, condamné solidairement M. F..., Mme C... et les sociétés Monsegu, Diter et IBAT à verser à la communauté de communes du pays de Bray la somme totale de 247 894,59 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, et, d'autre part, condamné la société Monsegu, la société Diter, la société IBAT et la société SCB Economie à garantir chacune M. F..., Mme C... et la société Mutuelle des architectes français à hauteur des sommes respectives de 60 594,59 euros, 2 900 euros, 117 762,50 euros et 35 568 euros en principal, outre les intérêts afférents, et, enfin, a mis les dépens à la charge solidaire de la société Monsegu, de la société Diter, de M. F..., de Mme C... et de la société IBAT pour un montant total de 19 066,85 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 9 mai 2022 et le 20 avril 2023, la société Ramery Energies, venant aux droits de la société Monsegu, et la société Diter, représentées par Me Bourhis, demandent à la cour :
1°) de réformer ce jugement du 9 mars 2022 en ce qu'il a condamné la société Ramery Energies et la société Diter à réparer les dommages pour des montants supérieurs, respectivement, à 8 200 euros et 2 900 euros ;
2°) de mettre les dépens à la charge de la communauté de communes du pays de Bray.
Elles soutiennent que :
- la société Ramery Energies vient aux droits de la société Monsegu, qu'elle a absorbée ;
- le tribunal administratif ne pouvait pas se fonder sur le rapport rédigé à l'initiative de la communauté de communes du pays de Bray, qui n'a pas été réalisé par un expert impartial, objectif et indépendant et ne présente aucun caractère contradictoire ;
- les travaux de peinture, pour un montant de 13 800 euros, et les travaux nécessaires au traitement des infiltrations d'eau dans la grande salle de sport ne doivent pas être mis à leur charge ;
- la communauté de communes ne démontre pas que les travaux préconisés par l'expert judiciaire ne suffiraient pas à mettre fin aux désordres liés aux infiltrations ;
- il résulte des conclusions de l'expert judiciaire que la part de responsabilité de la société Ramery Energies ne saurait excéder 70 % dans la survenance des désordres liés aux difficultés de chauffage et de ventilation, limitant à 4 200 euros le montant des travaux à sa charge ;
- les infiltrations d'eau constatées dans la salle socio-culturelle ne sont pas imputables à la société Ramery Energies ;
- si les infiltrations d'eau constatées dans la grande salle de sport sont imputables à cette société, elles nécessitent des travaux de reprise qui ne sauraient excéder, selon l'expert judiciaire, la somme de 4 000 euros ;
- la responsabilité de la société Diter est engagée en raison des seules infiltrations affectant les menuiseries de la grande salle de sport, dont les travaux de reprise sont évalués à la somme de 2 900 euros par l'expert judiciaire ;
- les sociétés Ramery Energies et Diter n'ont pas à supporter le coût de remplacement des vitrages dont les malfaçons résultent d'une faute de conception ;
- la société Ramery Energies ne saurait garantir M. F..., Mme C... et la société Mutuelle des architectes français pour un montant de 60 594,59 euros alors que les désordres résultent majoritairement d'une erreur de conception ;
- les frais résultant d'une surconsommation de gaz de chauffage sont exclusivement imputables à ce défaut de conception et sont sans lien avec les désordres imputés aux deux sociétés appelantes ;
- ces frais évalués sur treize années, de 2008 à 2021, s'établissent à la somme de 50 700 euros, et non à celle de 85 000 euros retenue par les premiers juges ;
- le préjudice résultant de l'impossibilité d'utiliser la grande salle de sport a pour origine des problèmes de ventilation et de chauffage sans rapport avec les désordres imputables aux deux appelantes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2023, la communauté de communes du pays de Bray et la commune de Saint-Germer-de-Fly, représentées par Me Andrieu, concluent :
1°) à titre principal, à la condamnation solidaire de M. F..., Mme C..., la société Ramery Energies, la société Diter et la société SCB Economie à leur verser, d'une part, la somme de 366 655,28 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal, de la capitalisation de ces intérêts et de la taxe sur la valeur ajoutée, en réparation des désordres affectant le complexe sportif et socio-culturel de Saint-Germer-de-Fly, et, d'autre part, la somme de 17 160 euros hors taxes par an à compter de janvier 2007, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des troubles de jouissance et de la surconsommation de gaz liés aux désordres affectant le complexe sportif et socio-culturel ;
2°) à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il limite à 3 000 euros la somme mise à la charge de la société Monsegu, de la société Diter, de M. F..., de Mme C... et de la société IBAT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, somme qu'il y a lieu de porter à 15 000 euros ;
3°) à ce que leur créance soit inscrite au passif de la société IBAT pour un montant de 640 962,13 euros, à charge pour Me Pellegrini, mandataire liquidateur de cette société, d'en tirer toutes les conséquences dans le cadre de la procédure collective ;
4°) à titre subsidiaire, au rejet de la requête.
Elles soutiennent que :
- leur action est recevable dès lors qu'elles constituent un groupement de commandes et qu'elles ont toutes les deux la qualité de maître d'ouvrage ;
- les conclusions de l'expert judiciaire sont insuffisantes et sommaires et doivent être complétées par le rapport réalisé à leur initiative, dont il ressort que les travaux nécessaires à la réparation des désordres sont évalués à la somme de 366 655,28 euros ;
- les désordres affectant le complexe sportif et socio-culturel situé rue Douce à Saint-Germer-de-Fly compromettent la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination et sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale ;
- les désordres sont imputables à des défauts dans la conception, le suivi du chantier et la réalisation des travaux et engagent la responsabilité solidaire des sociétés Monsegu, aux droits de laquelle est venue la société Ramery Energies, de la société Diter, de M. F..., de Mme C... et de la société IBAT ;
- la responsabilité des sociétés appelantes est engagée en raison de leur participation à l'opération de travaux à l'origine des dommages et ces sociétés ne peuvent utilement se prévaloir de l'absence de faute, celle-ci étant prise en compte dans le cadre du partage de responsabilité entre les constructeurs condamnés ;
- elles sont recevables à solliciter la condamnation de l'ensemble des constructeurs, y compris tous les membres du groupement de maîtrise d'œuvre, tant au titre de la garantie décennale qu'au titre de la responsabilité contractuelle ;
- les réparations nécessitant le remplacement d'un simple vitrage par du double vitrage impliquent le changement de toutes les menuiseries qui doivent en supporter le poids pour un montant de 181 380,49 euros pour le remplacement des châssis avec double vitrage, 26 065,80 euros pour celui du polycarbonate double panneaux et 29 313,40 euros pour l'isolation des poteaux porteurs ;
- le préjudice de jouissance doit être évalué au montant de 8 000 euros ;
- le préjudice tenant à la surconsommation de gaz doit être évalué sur la base de 9 160 euros par an ;
- le montant des préjudices doit être évalué jusqu'à la date où le juge statue, et non à celle de remise du rapport d'expertise, dès lors que l'administration n'a reçu aucune indemnisation.
Par un mémoire enregistré le 3 mai 2023, M. F... et Mme C..., représentés par Me Abiven, concluent :
1°) à titre principal, à l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il les condamne solidairement avec les autres constructeurs et au rejet de la demande de la communauté de communes du pays de Bray et de la commune de Saint-Germer-de-Fly et des appels en garantie des autres constructeurs, présentés devant le tribunal administratif ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que le montant de la condamnation soit ramené au montant retenu par l'expert judiciaire, à ce que le préjudice de jouissance soit calculé jusqu'à une date antérieure à la première réunion d'expertise et à ce que les sociétés Monsegu, Diter, IBAT et SCB Economie les garantissent de toute condamnation prononcée à leur encontre ;
3°) à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de toute partie succombant à l'instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les désordres ne leur sont pas imputables dès lors que l'acte d'engagement du groupement de maîtrise d'œuvre ne prévoit aucune solidarité entre ses membres, que la mission complète relative à la thermie a été confiée à la seule société IBAT, et qu'ils n'étaient pas tenus d'une présence constante sur le chantier ;
- l'appel en garantie présenté à leur encontre par la société SCB Economie doit être rejeté, en l'absence de faute caractérisée de leur part ;
- les désordres trouvent leur origine dans des manquements imputables aux seules sociétés Monsegu, Diter, IBAT et SCB Economie, de sorte qu'ils sont fondés à les appeler en garantie pour l'ensemble des condamnations ;
- le montant demandé par le maître d'ouvrage pour la réparation des désordres s'appuie sur un rapport non contradictoire et est surévalué ;
- le préjudice de jouissance doit être évalué entre 2007, année au cours de laquelle est intervenue la réception des travaux, et le 24 septembre 2018, date de dépôt du rapport d'expertise judiciaire ;
- ils ne sauraient être condamnés à une somme supérieure à 7,14 % du montant des préjudices évalués par l'expert judiciaire ;
- leur assureur, qui ne peut être condamné que dans les limites des garanties prévues à son contrat, est recevable à opposer la franchise leur incombant en cas de condamnation.
Par un mémoire enregistré le 12 juin 2023, Me Gilles Pellegrini, mandataire liquidateur de la société IBAT, représenté par Me Goulet, conclut :
1°) à titre principal, à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des demandes formées à son encontre devant le tribunal administratif ;
2°) à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Ramery Energies, Diter et SCB Economie garantissent la société IBAT de toute condamnation à son encontre ;
3°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de toute partie succombant à l'instance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il n'a pas retenu d'office la prescription des demandes formées à l'encontre de la société IBAT ;
- l'action engagée à l'encontre de la société IBAT est prescrite dès lors que les travaux ont été réceptionnés au plus tard le 24 octobre 2007 et qu'aucun acte interruptif de la prescription n'est intervenu avant que l'administration ne saisisse le juge d'une requête au fond le 18 juin 2020 ;
- les désordres allégués ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage, ni ne rendent celui-ci impropre à sa destination dès lors que le maître d'ouvrage, qui a attendu près de dix ans avant d'engager une action, n'allègue pas avoir été empêché d'exploiter l'ouvrage, que l'expert judiciaire fait seulement état d'un inconfort thermique, d'une surconsommation d'énergie et de conditions d'exploitation non conformes, que les problèmes de chauffage sont apparus entre 2011 et 2013 et résultent de mises à l'arrêt des chaudières, et que les marchés de travaux ne prévoient pas la mise en place d'un isolant ;
- la responsabilité des désordres affectant le chauffage et la ventilation incombe aux seules entreprises à qui il revenait d'identifier, dans le cadre de leurs études d'exécution, les erreurs éventuelles de conception et de les signaler au maître d'œuvre ;
- les désordres relevés dans l'absence d'isolant ne lui sont pas imputables, en l'absence de plans établis par ses soins ;
- la société IBAT est fondée à appeler en garantie la société Ramery Energies, venant aux droits de la société Monsegu, dès lors que celle-ci a commis une faute dans ses études d'exécution ;
- l'administration est en partie responsable du préjudice résultant d'une surconsommation en gaz de chauffage, dès lors qu'elle a tardé à déclarer le sinistre à l'assureur dommage-ouvrage ;
- ce préjudice est surévalué compte tenu de l'évolution du coût moyen du gaz entre 2006 et 2014.
Par une ordonnance du 3 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu à la date du 8 septembre 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Wacquier, représentant M. F..., Mme C... et la société Mutuelle des architectes français.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes du pays de Bray a décidé la réalisation d'un complexe sportif et socio-culturel comprenant une salle de sport et une salle à vocation socio-culturelle, situé rue Douce sur le territoire de la commune de Saint-Germer-de-Fly. Par un acte d'engagement signé le 17 février 2004, la maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement conjoint constitué de deux architectes, M. D... F..., mandataire du groupement, et Mme E... C..., et de deux bureaux d'études, la société SCB Economie et la société IBAT. Pour la réalisation de l'opération, les marchés de travaux ont été conclus au cours de l'année 2005, notamment avec la société Monsegu, titulaire des lots n° 4 " Couverture - étanchéité " et 14 " Chauffage - ventilation ", et la société Diter, titulaire des lots n° 2B " Menuiseries extérieures acoustiques " et 2C " menuiseries aluminium ". Les travaux ont été réceptionnés entre le 13 octobre 2006 et le 11 décembre 2007. Après avoir constaté des désordres dans le fonctionnement de l'ouvrage, affectant la ventilation, le chauffage et l'étanchéité du bâtiment, la communauté de communes du pays de Bray et la commune de Saint-Germer-de-Fly ont saisi le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens d'une demande d'expertise. Désigné par une ordonnance du 7 février 2017, l'expert a rendu son rapport le 27 septembre 2018. La communauté de communes du pays de Bray et la commune de Saint-Germer-de-Fly ont ensuite saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une requête au fond afin d'obtenir la condamnation solidaire de M. F..., de Mme C... et des sociétés Monsegu, Diter, SCB Economie et IBAT à les indemniser des préjudices résultant des désordres constatés dans le complexe sportif et socio-culturel, pour un montant total de 366 655,28 euros pour les travaux de réparation et de 17 160 euros pour les troubles de jouissance. Par un jugement du 9 mars 2022, le tribunal administratif d'Amiens, après avoir rejeté la requête comme irrecevable en tant qu'elle émane de la commune de Saint-Germer-en-Fly et relevé que l'action décennale était prescrite en ce qui concerne la société SCB Economie, a condamné solidairement M. F..., Mme C... et les sociétés Monsegu, Diter et IBAT à verser à la communauté de communes du pays de Bray la somme totale de 247 894,59 euros en réparation des désordres affectant le complexe sportif et socio-culturel. Par le même jugement, le tribunal administratif a condamné les sociétés Monsegu, Diter, SCB Economie et IBAT à garantir chacune M. F..., Mme C... et leur assureur à hauteur des sommes respectives de 60 594,59 euros, 2 900 euros, 35 568 euros et 117 762,50 euros, et a mis les dépens à la charge solidaire de M. F..., de Mme C... et des sociétés Monsegu, Diter et IBAT pour un montant total de 19 066,85 euros. La société Ramery Energies, venant aux droits de la société Monsegu, et la société Diter relèvent appel de ce jugement, dont elles demandent la réformation en ce qu'elles sont condamnées à réparer les dommages pour des montants supérieurs aux sommes respectives de 8 200 euros et de 2 900 euros. La communauté de communes du pays de Bray et la commune de Saint-Germer-de-Fly réitèrent devant la cour l'ensemble de leurs conclusions présentées en première instance. M. F... et Mme C... sollicitent l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il les condamne solidairement avec les autres constructeurs ou, à défaut, la réformation de ce jugement en ramenant la condamnation au montant retenu par l'expert judiciaire. Me Pellegrini, mandataire liquidateur de la société IBAT, demande, à titre principal, l'annulation du jugement attaqué et, à titre subsidiaire, à ce que les sociétés Ramery Energies, Diter et SCB Economie garantissent la société IBAT de toute condamnation à son encontre.
Sur l'appel principal présenté par les sociétés Ramery Energies et Diter :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Les sociétés Ramery Energies et Diter soutiennent que le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur un rapport produit à l'instance par la communauté de communes du pays de Bray, établi le 15 octobre 2019 de façon non contradictoire. Toutefois, il ressort des termes du jugement attaqué que, pour statuer sur la demande dont ils étaient saisis, les premiers juges se sont fondés sur le rapport d'expertise judiciaire déposé le 27 septembre 2018 et se sont référés aux éléments du rapport du 15 octobre 2019, soumis au débat contradictoire en cours d'instance, à titre d'éléments d'information corroborant les conclusions de l'expert judiciaire ou, s'agissant des désordres affectant la couverture de la salle de sport, à titre d'éléments de pur fait non contestés par les parties devant les premiers juges. Par suite, le moyen tiré d'une irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. Il incombe au juge administratif, lorsqu'est recherchée devant lui la responsabilité décennale des constructeurs, d'apprécier, au vu de l'argumentation que lui soumettent les parties sur ce point, si les conditions d'engagement de cette responsabilité sont ou non réunies et d'en tirer les conséquences, le cas échéant d'office, pour l'ensemble des constructeurs.
4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire, que le système de chauffage du complexe sportif et socio-culturel ne permet pas d'assurer un niveau suffisant de température dans les salles de ce complexe, et résultent selon l'expert judiciaire d'équipements de ventilation inadaptés ou non conformes, d'une isolation insuffisante du mur extérieur du local de rangement et de la pose d'un vitrage insuffisamment isolant dans la salle de sport. Par ailleurs, des infiltrations d'eau ont été constatées au niveau de la couverture et des menuiseries de la salle de sport et du toit-terrasse de la salle socio-culturelle. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté par la société Ramery Energies, venant aux droits de la société Monsegu, et par la société Diter, que les désordres affectant le complexe sportif et socio-culturel sont de nature à le rendre impropre à sa destination et, par suite, à engager la responsabilité décennale des constructeurs. La société Monsegu, titulaire des lots " couverture - étanchéité " et " chauffage - ventilation ", et la société Diter, titulaire des lots " menuiseries extérieures acoustiques " et " menuiseries aluminium ", ont participé aux travaux à l'origine des dommages. La circonstance, alléguée par les appelantes, que seuls certains désordres ont pour origine des erreurs d'exécution de leur part n'est pas de nature à les exonérer, lorsqu'aucun manquement n'est relevé à leur encontre, de l'obligation de garantie qu'elles doivent au maître de l'ouvrage du seul fait de leur participation à la réalisation des ouvrages affectés de désordres. Par suite, elles ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu leur responsabilité.
5. En deuxième lieu, il résulte des constatations de l'expert judiciaire que les désordres affectant la ventilation de la salle de dojo sont imputables à une erreur d'exécution de la société Monsegu chargée des travaux de chauffage et de ventilation. Si l'expert précise dans ses conclusions que, lors des opérations de réception, le maître d'œuvre aurait dû vérifier la prise en compte des contraintes du cahier des clauses techniques particulières, le défaut ainsi reproché au maître d'œuvre n'a pas contribué à la réalisation du désordre qui résulte d'une malfaçon de la société exécutante. Par suite, les appelantes ne sont fondées à contester ni le droit à réparation de la communauté de communes du pays de Bray, pour un montant évalué à 6 000 euros par l'expert, ni la garantie que la société Ramery Energies doit apporter pour la totalité de cette somme à M. F... et Mme C....
6. En troisième lieu, les premiers juges ont mis la somme de 40 794,59 euros à la charge des constructeurs au titre des désordres affectant la couverture de la salle de sport après avoir relevé que les infiltrations d'eau étaient principalement dues à un montage défectueux des bacs de couverture composant le toit de l'ouvrage. Toutefois, il résulte des constatations de l'expert judiciaire que les infiltrations constatées dans la couverture de la salle de sport résultent d'une mauvaise application du joint transversal à la jonction des plaques de couvertures, d'une insuffisance de la bande d'égout et de l'absence de closoir sous les bacs de couverture au droit du chêneau, et impliquent pour leur réparation des travaux évalués à la somme de 4 000 euros. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport du 15 octobre 2019 produit par la communauté de communes du pays de Bray, dont les conclusions sont contredites par celles de l'expert et contestées par les appelantes, que les travaux préconisés par l'expert judiciaire ne suffiraient pas à remédier aux désordres constatés dans la couverture. Par suite, les sociétés appelantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, une somme supérieure à 4 000 euros a été mise à la charge solidaire des constructeurs au titre des réparations de la couverture de la salle de sport et que la société Monsegu a été appelée à garantir M. F... et Mme C... pour un montant supérieur à cette somme.
7. En quatrième lieu, il résulte des constatations de l'expert judiciaire et il n'est pas sérieusement contesté que les infiltrations affectant les menuiseries de la salle de sport résultent des bavettes d'appui mises en œuvre sans relevés et dépourvues de pièces d'embouts. Les premiers juges ont mis les travaux de réparation à la charge des constructeurs, pour un montant de 2 900 euros, et ont condamné la société Diter, titulaire des lots n° 2B " Menuiseries extérieures acoustiques " et 2C " menuiseries aluminium ", à garantir les architectes pour ce même montant. Alors que l'expert impute les désordres sur ce point à une erreur d'exécution, la société Diter ne conteste pas utilement le jugement attaqué en se bornant à soutenir que sa part de responsabilité ne saurait excéder ce montant de 2 900 euros.
8. En cinquième lieu, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les infiltrations constatées dans le toit terrasse de la salle socio-culturelle sont dues à des erreurs dont l'expert ne peut affirmer si elles font suite à une mauvaise exécution ou à un manque d'entretien postérieur à la réception des travaux. Dans ces conditions, si l'expert tient compte dans son chiffrage de travaux intérieurs de peinture, pour un montant de 13 800 euros, afin de traiter les désordres résultant de ces infiltrations, il n'est pas démontré que celles-ci résultent de l'action d'un constructeur. Par suite, les appelantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, une somme de 13 800 euros a été mise à la charge solidaire des constructeurs au titre de travaux de peinture dans la salle socio-culturelle et à la charge de la société Monsegu dans la garantie apportée aux architectes.
9. En sixième lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les défaillances affectant le système de ventilation et de chauffage et l'isolation du complexe sportif ont pour effet une surconsommation en gaz de chauffage évaluée à 3 900 euros par an pour la salle de sport et à un même montant pour la salle socio-culturelle. Contrairement à ce que soutiennent les appelantes qui ne contestent pas le montant de ce surcoût, ainsi fixé à 7 800 euros par an pour les deux salles, les premiers juges, évaluant le préjudice entre la date de réception des travaux, au cours de l'année 2007, et la date de dépôt du rapport d'expertise, au cours de l'année 2018, n'en ont pas fait une appréciation trop importante en fixant le montant du préjudice à la somme de 85 000 euros. Par ailleurs, les sociétés appelantes ne contestent pas avoir participé à la réalisation des travaux à l'origine du surcoût supporté par l'administration pour chauffer le complexe sportif. Par suite, elles ne sauraient utilement se prévaloir d'une erreur de conception imputable au seul maître d'œuvre pour échapper à la condamnation solidaire prononcée par les premiers juges.
10. En dernier lieu, si les sociétés appelantes contestent l'existence d'un préjudice résultant de l'impossibilité d'utiliser la salle de sport, le tribunal administratif n'a pas tenu compte d'un tel préjudice dans le montant de la condamnation.
Sur les conclusions de la communauté de communes du pays de Bray et la commune de Saint-Germer-de-Fly :
11. En premier lieu, les contrats conclus avec les constructeurs pour la réalisation du complexe sportif et socio-culturel ont été passés par la seule communauté de communes du pays de Bray. Si ces contrats se réfèrent à un groupement de commandes constitué entre la communauté de communes et la commune de Saint-Germer-de-Fly, il ne résulte pas de l'instruction que l'ouvrage a été construit sous la maîtrise d'ouvrage de la commune. Il ne résulte pas plus de la délibération du 23 janvier 2003, produite en appel, qui prévoit que la salle socio-culturelle " n'appartient plus à la communauté de communes du pays de Bray une fois la mise à disposition de l'ouvrage effectuée " que la commune de Saint-Germer-de-Fly en serait devenue l'acquéreur. Par suite, la commune de Saint-Germer-de-Fly n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2241 du code civil : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (...) ". Il résulte de ces dispositions, applicables à la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l'égard des maîtres d'ouvrage publics, que, pour les désordres qui y sont expressément visés, une action en justice n'interrompt la prescription qu'à la condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait.
13. Il résulte de l'instruction que les réserves relatives aux travaux litigieux ont été levées au plus tard au cours du mois de décembre 2007 et que, si la communauté de communes du pays de Bray a saisi le juge des référés le 10 octobre 2016 en vue d'obtenir une mesure d'expertise, sa demande ne visait pas la société SCB Economie. Dans ces conditions, alors que la communauté de communes ne fait état d'aucune circonstance susceptible d'avoir interrompu le délai de la garantie décennale à l'égard de la société SCB Economie avant le 18 juin 2020, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions contre la société SCB Economie.
14. En troisième lieu, la réparation des désordres imputables aux constructeurs nécessite le remplacement des vitrages de la salle de sport dont l'expert a constaté qu'ils présentent un coefficient Uw de 5,80 W/m².A... alors que le marché a prévu des vitrages isolants pourvus d'un coefficient Uw de 2,80 W/m².A... La communauté de communes du pays de Bray, qui se réfère au rapport établi à sa demande le 15 octobre 2019 préconisant la mise en place d'un vitrage présentant un niveau supérieur d'isolation, n'établit pas que les travaux de réparation envisagés par l'expert impliqueraient nécessairement le remplacement de l'ensemble des profils de menuiserie soutenant les vitrages. Par suite, elle n'est pas fondée à demander que le montant des travaux, fixé à 33 000 euros par le tribunal administratif, soit porté à 207 446 euros.
15. En quatrième lieu, si la communauté de communes du pays de Bray réitère en appel sa demande d'indemnisation en vue d'assurer l'isolation des poteaux porteurs de la salle de sport, pour un montant de 29 313,40 euros, il ne résulte pas de l'instruction, notamment des constatations et conclusions de l'expert judiciaire, que les désordres imputables aux constructeurs nécessitent une reprise de ces éléments de l'ouvrage.
16. En cinquième lieu, la communauté de communes du pays de Bray demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en tant qu'elle condamne les constructeurs à réparer les désordres affectant le chauffage et la ventilation de la salle de sport, de la salle socio-culturelle et de la salle de dojo, l'isolation des murs de rangement, le vitrage de la salle de sport, ainsi que les infiltrations observées dans les menuiseries et la couverture de la salle de sport et dans le toit-terrasse de la salle socio-culturelle. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le montant alloué pour la réparation de la couverture de la salle de sport doit être ramené de la somme de 40 794,59 euros à celle de 4 000 euros et de ce qui a été dit au point 8 que la communauté de communes du pays de Bray n'est pas fondée à obtenir la réparation des désordres résultant des infiltrations depuis le toit-terrasse de la salle socio-culturelle dont l'imputabilité aux constructeurs n'est pas établie.
17. En sixième lieu, la communauté de communes du pays de Bray ne justifie pas plus en appel qu'en première instance de l'impossibilité d'utiliser la salle de sport en raison des désordres litigieux. Dès lors, la demande de 8 000 euros présentée à ce titre ne peut qu'être rejetée.
18. En septième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que le montant du surcoût induit, s'agissant du gaz de chauffage, par les désordres imputables aux constructeurs doit être calculé sur la base de 7 800 euros par an pour la salle de sport et la salle socio-culturelle. La communauté de communes du pays de Bray, qui se borne à se référer au montant envisagé dans le rapport du 15 octobre 2019 réalisé à sa seule initiative, n'établit pas que le montant accordé sur ce point par les premiers juges serait insuffisant.
19. En huitième lieu, l'évaluation des dommages subis par la communauté de communes du pays de Bray doit être faite à la date où leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il peut être procédé aux travaux destinés à les réparer. En l'espèce, cette date est celle du rapport de l'expert qui procède à l'évaluation des préjudices. Par suite, la communauté de communes, qui au demeurant se borne à renvoyer à son rapport du 15 octobre 2019 confirmant la plupart des montants proposés par l'expert, n'est pas fondée à demander une réévaluation du montant des travaux à une date ultérieure.
20. En neuvième lieu, la réception, par laquelle le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve, met fin aux rapports contractuels avec les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de cet ouvrage. La réception interdit donc au maître de l'ouvrage d'invoquer, sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation. Il résulte de l'instruction que les travaux ont été réceptionnés au plus tard au cours de l'année 2007, de telle sorte que la communauté de communes du pays de Bray ne peut plus rechercher la responsabilité contractuelle des sociétés Ramery Energies, venant aux droits de la société Monsegu, et de la société Diter. Si, après la réception des travaux, la responsabilité contractuelle du maître d'œuvre peut encore être recherchée en raison de fautes commises lors des opérations de réception et de l'établissement du décompte général, la communauté de communes ne fait état d'aucun manquement sur ces deux points à l'encontre de M. F... et de Mme C....
21. En dernier lieu, il n'appartient pas au juge administratif de fixer, au passif d'une société en liquidation judiciaire, les créances déclarées par les créanciers de cette société. Les conclusions de la communauté de communes du pays de Bray tendant à obtenir l'inscription de sa créance au passif de la société IBAT ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions de M. F... et de Mme C... :
22. L'admission partielle de l'appel des sociétés Ramery Energies et Diter aggrave la situation de M. F... et de Mme C..., qui se trouvent exposés, en raison de la solidarité avec les autres constructeurs, à devoir payer à la communauté de communes du pays de Bray le coût des réparations tel qu'il a été estimé par le tribunal administratif alors que pour certains de ces désordres, les sociétés Ramery Energies et Diter sont, en tout ou en partie, déchargés de cette obligation par la présente décision. M. F... et Mme C... sont dès lors recevables à demander, par voie d'appel provoqué, que les condamnations que le jugement a prononcées à leur encontre au profit de la communauté de communes soient supprimées ou réduites.
23. En premier lieu, il ressort de l'acte d'engagement conclu entre le groupement de maîtrise d'œuvre, constitué de M. F..., Mme C..., la société SCB Economie et la société IBAT et la communauté de communes qu'une mission de maîtrise d'œuvre, intégrant notamment les prestations d'avant-projet, de projet, d'assistance à la rédaction des contrats de travaux et de direction des travaux, a été confiée aux deux architectes pour la réalisation des travaux de construction du complexe sportif et socio-culturel. A cet égard, M. F... et Mme C... ne démontrent pas que, dans l'accomplissement de cette mission de maîtrise d'œuvre, ils n'auraient eu aucune part à la réalisation des prestations relatives à la thermie. Par ailleurs, l'absence de solidarité dans un groupement d'entreprises ne fait pas obstacle à ce que les cotraitants puissent être condamnés solidairement s'ils sont coauteurs d'un même dommage. Dans ces conditions, M. F... et Mme C..., qui ont participé aux travaux à l'origine des dommages et ne sauraient utilement soutenir qu'ils n'étaient pas tenus à une présence constante sur le chantier, ne sont pas fondés à soutenir que leur responsabilité n'est pas engagée à l'égard du maître de l'ouvrage.
24. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 8 que M. F... et Mme C..., qui contestent le montant des préjudices, sont fondés à obtenir la réduction du montant alloué pour la réparation de la couverture de la salle de sport, qui doit être ramené de la somme de 40 794,59 euros à celle de 4 000 euros, et la décharge de la somme de 13 800 euros accordée par le tribunal administratif en réparation des désordres affectant le toit-terrasse de la salle socio-culturelle.
25. En dernier lieu, M. F... et Mme C... soutiennent que le montant de leur condamnation ne saurait être supérieur à 7,14 % du montant des préjudices. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, leur responsabilité décennale est engagée, impliquant leur condamnation solidaire à réparer les dommages avec les autres constructeurs. Par ailleurs, ils ne démontrent pas que les premiers juges se seraient mépris à leur égard dans la répartition de la charge finale de l'indemnité en condamnant les autres constructeurs à les garantir pour un montant total représentant plus de 87 % du montant de la condamnation fixée en première instance.
Sur les conclusions de la société IBAT :
26. Pour les mêmes raisons que celles qui sont exposées au point 22, l'admission partielle de l'appel des sociétés Ramery Energies et Diter aggrave la situation de la société IBAT, de telle sorte que cette société est recevable à demander, par voie d'appel provoqué, que les condamnations prononcées par le jugement attaqué à son encontre au profit de la communauté de communes soient supprimées ou réduites.
En ce qui concerne la condamnation prononcée à l'encontre de la société IBAT :
27. Il résulte de l'instruction que les réserves relatives aux travaux litigieux ont été levées au plus tard au cours du mois de décembre 2007 et que, si la communauté de communes du pays de Bray a saisi le juge des référés le 10 octobre 2016 en vue d'obtenir une mesure d'expertise, sa demande ne visait pas la société IBAT. La communauté de communes ne fait état d'aucune circonstance susceptible d'avoir interrompu le délai de la garantie décennale à l'égard de cette société avant le 18 juin 2020, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif. Dans ces conditions, si les premiers juges ne pouvaient opposer à la communauté de communes l'expiration du délai décennal, en l'absence de moyen soulevé en défense par la société IBAT, celle-ci est fondée à soutenir en appel que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée solidairement avec les autres constructeurs à réparer les dommages affectant le complexe sportif et socio-culturel.
En ce qui concerne la condamnation de la société IBAT à garantir M. F... et Mme C... :
28. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, il résulte de l'instruction que, depuis sa construction, le complexe sportif et socio-culturel présente un niveau de température qui ne permet pas d'en assurer l'utilisation dans des conditions normales, impliquant une importante surconsommation de gaz et l'impossibilité de chauffer les salles au niveau des températures définies contractuellement en cas de température extérieure négative. Ces désordres affectant le chauffage, la ventilation et l'isolation de l'ouvrage sont de nature à rendre celui-ci impropre à sa destination, quand bien même ils n'ont pas entraîné une cessation de son exploitation. Si la société IBAT fait état, d'une part, du retard de la communauté de communes à engager une action, près de dix ans après la réception des travaux et, d'autre part, de l'arrêt des chaudières au cours des années 2011 et 2013, elle n'établit pas que les désordres affectant le système de chauffage et de ventilation seraient imputables à une faute du maître de l'ouvrage, notamment à un défaut de maintenance. Par suite, contrairement à ce que soutient la société IBAT, la responsabilité des constructeurs est engagée en raison de ces désordres.
29. En deuxième lieu, il résulte des constatations de l'expert judiciaire que les désordres affectant la ventilation de la grande salle de sport et le système de ventilation et de chauffage des salles socio-culturelles résultent d'erreurs commises dans la conception du projet, dont la société IBAT était seule chargée sur ce point. Il ressort encore du rapport d'expertise que les désordres liés au défaut d'isolation des murs de rangement sont imputables à une erreur de conception, à laquelle la société IBAT a participé dans une proportion que les premiers juges n'ont pas surévalué en la fixant à 20 %. La société IBAT ne saurait s'exonérer de sa responsabilité au motif que les entreprises de travaux n'ont pas décelé ces erreurs dans leurs études d'exécution et n'ont pas été en mesure d'alerter le maître d'œuvre. A cet égard, l'appel en garantie qu'elle présente à l'encontre de la société Ramery Energies, venant aux droits de la société Monsegu, ne peut qu'être rejeté. Enfin, la société IBAT ne conteste pas le jugement attaqué en tant que, pour les désordres constatés dans le vitrage de la salle de sport, il a retenu sa responsabilité dans une proportion de 15 %.
30. En dernier lieu, la société IBAT n'établit pas que le préjudice lié à la surconsommation en gaz de chauffage serait imputable à une faute du maître de l'ouvrage. Si elle fait état de l'évolution du coût moyen du gaz entre 2006 et 2014, elle n'apporte aucun élément au dossier laissant supposer que le tribunal administratif, qui a pris pour base un surcoût de 7 800 euros par an, aurait fait une évaluation trop importante de ce chef de préjudice.
31. Il résulte de tout ce qui précède, notamment les points 6 et 8, que la société Ramery Energies, venant aux droits de la société Monsegu, et la société Diter sont seulement fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a mis à leur charge, solidairement avec les autres constructeurs, une somme supérieure à 197 300 euros en réparation des désordres affectant le complexe sportif et socio-culturel de la communauté de communes du pays de Bray et a condamné la société Ramery Energies à garantir M. F... et Mme C... pour un montant supérieur à 10 000 euros. Il résulte encore de ce qui précède, d'une part, que M. F... et Mme C... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif les a condamnés solidairement avec les autres constructeurs au versement d'une somme supérieure à 197 300 euros, et, d'autre part, que la société IBAT est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, les premiers juges l'ont condamnée solidairement avec les autres constructeurs. Enfin, il résulte de ce qui précède que les conclusions de la communauté de communes du pays de Bray ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les dépens :
32. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ". Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a mis les frais d'expertise fixés à la somme totale de 19 066,85 euros à la charge solidaire, notamment, de la société Monsegu et de la société Diter.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
En ce qui concerne la somme mise à la charge des parties perdantes devant le tribunal administratif :
33. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une évaluation insuffisante du montant des frais exposés en première instance par la communauté de communes du pays de Bray en lui allouant une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, la communauté de communes n'est pas fondée à demander l'infirmation du jugement attaqué sur ce point.
En ce qui concerne les conclusions présentées devant la cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. F..., de Mme C... et des sociétés Ramery Energies, Diter et IBAT, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme dont la communauté de communes du pays de Bray demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes du pays de Bray, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros à verser à M. F... et à Mme C... et une somme de même montant à la société IBAT.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que, par le jugement du tribunal administratif d'Amiens n° 2001711 du 9 mars 2022, les constructeurs ont été condamnés à verser à la communauté de communes du pays de Bray, ramenée à 197 300 euros, est mise à la charge solidaire de la société Monsegu, aux droits de laquelle vient la société Ramery Energies, de la société Diter, de M. F... et de Mme C....
Article 2 : La somme que, par le jugement du tribunal administratif d'Amiens n° 2001711 du 9 mars 2022, la société Monsegu, aux droits de laquelle vient la société Ramery Energies, est condamnée à garantir M. F..., Mme C... et la société Mutuelle des architectes français est ramenée à 10 000 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens n° 2001711 du 9 mars 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La communauté de communes du pays de Bray versera, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à M. F... et Mme C..., et une somme de 1 500 euros à la société IBAT.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ramery Energies, à la société Diter, à la communauté de communes du pays de Bray, à la commune de Saint-Germer-de-Fly, à M. D... F..., à Mme E... C..., à la société Mutuelle des architectes français, à la société SCB Economie, à Me Gilles Pellegrini, mandataire liquidateur de la société IBAT et à la société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics.
Délibéré après l'audience publique du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne à la préfète de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière
C. Huls-Carlier
2
N° 22DA00986