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03/07/2024 | FRANCE | N°23DA01582

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 03 juillet 2024, 23DA01582


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme (SA) ALKOR a demandé au tribunal administratif d'Amiens, par deux demandes successives, de prononcer une réduction des droits de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2020 à raison d'un établissement qu'elle exploite, dans le cadre de l'exercice de son activité, et qui est implanté sur le territoire des communes de Rouvroy et de Morcourt (Aisne).



Par un jugement nos 2102986, 2102987 du

7 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes.



Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) ALKOR a demandé au tribunal administratif d'Amiens, par deux demandes successives, de prononcer une réduction des droits de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2020 à raison d'un établissement qu'elle exploite, dans le cadre de l'exercice de son activité, et qui est implanté sur le territoire des communes de Rouvroy et de Morcourt (Aisne).

Par un jugement nos 2102986, 2102987 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 août 2023, la SA ALKOR, représentée par la SELARL LSF, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la réduction demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les entiers dépens.

Elle soutient que c'est à tort que l'administration a estimé que la valeur locative de son établissement, entrant dans ses bases imposables à la cotisation foncière des entreprises, devait être déterminée selon la méthode applicable aux établissements industriels, visée à l'article 1499 du code général des impôts, dès lors que les moyens techniques qu'elle met en œuvre, pour les besoins de l'activité qu'elle exerce dans cet établissement, laquelle n'est pas industrielle par nature, ne peuvent être qualifiés de prépondérants, au sens retenu par la jurisprudence et par les dispositions de l'article 1500 du même code, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la SA ALKOR met en œuvre, pour les besoins de l'exercice de son activité, des moyens techniques qui doivent non seulement être qualifiés d'importants mais dont le rôle dans la conduite de son exploitation doit être regardé comme prépondérant, de sorte que c'est à bon droit que l'administration a retenu que la valeur locative cadastrale de son établissement de Rouvroy et Morcourt devaient être déterminée selon la méthode visée à l'article 1499 du code général des impôts, applicable aux établissements industriels.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société anonyme (SA) ALKOR exerce, dans un établissement situé sur le territoire des communes de Rouvroy et de Morcourt (Aisne), qu'elle prend en crédit-bail et où est fixé son siège social, une activité de négoce et de distribution de papeterie, ainsi que de fournitures de bureau et scolaires auprès de commerçants indépendants regroupés en réseau. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, en matière de cotisation foncière des entreprises, portant sur la période correspondant aux années 2016 à 2018. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé que la valeur locative entrant dans les bases de cotisation foncière des entreprises assignées à la SA ALKOR devait désormais être déterminée selon la méthode, visée à l'article 1499 du code général des impôts, applicable aux établissements industriels. Elle a fait connaître son analyse à la SA ALKOR, par un courrier qu'elle lui a adressé le 13 décembre 2019 et la cotisation foncière des entreprises mise à sa charge au titre de l'année 2020 a été établie sur ces nouvelles bases, dans les rôles des communes de Morcourt et de Rouvroy, à hauteur des montants respectifs de 99 127 euros et 53 376 euros.

2. L'administration n'ayant apporté aucune réponse expresse, dans le délai de six mois imparti par l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales, aux réclamations formées par la SA ALKOR, celle-ci a, conformément à l'article R. 199-1 du même livre, porté le litige devant le tribunal administratif d'Amiens, par deux demandes successives, en lui demandant de prononcer une réduction des droits de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2020 à raison de l'établissement qu'elle exploite à Rouvroy et Morcourt. La SA ALKOR relève appel du jugement du 7 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes.

3. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11°, 12° et 13° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. / (...) ". Aux termes de l'article 1467 A de ce code : " (...) la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. ".

4. En application de ces dispositions des articles 1467 et 1467 A du code général des impôts, la cotisation foncière des entreprises en litige, à laquelle la SA ALKOR a été assujettie au titre de l'année 2020, à raison de l'établissement qu'elle exploite à Rouvroy et Morcourt, a pour base la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties dont elle a disposé, au sein de cet établissement, pendant la période de référence, c'est-à-dire, durant l'avant-dernière année, à savoir l'année 2018. Il s'ensuit que la SA ALKOR ne peut utilement se prévaloir des dispositions au A du I de l'article 1500 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018, lesquelles ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2019 et ne sont, dès lors, pas applicables à l'année de référence 2018.

5. En vertu de l'article 1388 de ce code, la taxe foncière sur les propriétés bâties est établie d'après la valeur locative cadastrale de ces propriétés, déterminée conformément aux principes définis notamment par les articles 1494 à 1508. Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les " locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une activité salariée à domicile ", à l'article 1498 pour " chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 " et à l'article 1499 pour les " immobilisations industrielles ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces articles, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

6. Il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté, que, pour les besoins de l'exercice de l'activité qu'elle y met en œuvre, la SA ALKOR disposait, au cours de l'année de référence pour l'établissement de ses bases de cotisation foncière des entreprises de l'année 2020, dans son établissement de Rouvroy et Morcourt, au sein d'un entrepôt d'une surface totale de 22 000 m² réparti en trois cellules de stockage comportant 3 200 racks de 6,5 mètres de hauteur et desservi par une gare de tri composée de 64 rampes, d'un convoyeur automatisé permettant de transporter les colis contenant les commandes en cours de constitution vers la zone d'expédition. Il résulte également de l'instruction et n'est pas davantage contesté qu'un autre convoyeur, installé sur une mezzanine couvrant une surface totale de 2 500 m² et intégré à des rayonnages dynamiques, permettait de faciliter la préparation des commandes portant sur des marchandises présentant un fort taux de rotation. L'ensemble de ces équipements automatisés était, dès l'année de référence 2018, commandé par un système informatique centralisé permettant de gérer et de rationaliser le stockage des marchandises, d'assurer leur traçabilité et de constituer, selon les commandes, les colis en vue de leur expédition. Enfin, il résulte de l'instruction que, pour les besoins des opérations réalisées dans son établissement, la SA ALKOR disposait, en outre, de trois formeuses et de trois fermeuses de cartons, de même que de quatre filmeuses automatiques et de nombreux matériels de manutention.

7. La SA ALKOR soutient, en fondant son analyse sur un tableau récapitulatif des coûts comparés d'amortissement, de maintenance et d'entretien de ses matériels, d'une part, et de main d'œuvre, d'autre part, qu'en dépit des nombreux investissements qu'elle a réalisés dans le but de réduire la pénibilité du travail de ses salariés, sans gain significatif de productivité, le rôle de ses employés reste prépondérant dans la réalisation des opérations nécessaires à l'exercice, dans son établissement de Rouvroy et Morcourt, de ses activités. Toutefois, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté, qu'à son entrée dans l'entrepôt, chaque palette de marchandises est identifiée par un cariste au sein de la cellule de réception, au moyen d'un pistolet lecteur de code barre, puis soit stockée en intégralité par le cariste à l'emplacement désigné par le système informatique centralisé, soit affectée par le système vers une autre cellule dans laquelle elle est ouverte afin que les différents articles la composant fassent l'objet d'un stockage séparé. Le système informatique gère également la préparation des commandes en orientant les marchandises vers un convoyeur de part et d'autre duquel interviennent les opérateurs, qui reçoivent l'ordre de constitution des commandes, ainsi que l'emplacement, dans l'entrepôt, des cartons à récupérer, qui enregistrent chacun de ces cartons à l'aide d'un pistolet lecteur, puis les identifient au moyen d'une étiquette délivrée par le système et les déposent sur le convoyeur, qui les achemine vers la zone d'expédition.

8. Par ailleurs, les commandes des marchandises à forte rotation, c'est-à-dire celles qui concernent les 3 000 références les plus vendues, sont préparées sur des rayonnages dynamiques avec convoyeur intégré, situé sur la mezzanine. Des cartons dimensionnés en fonction de la commande à préparer sont formés par une machine en amont du processus, puis avancent sur le convoyeur, où ils sont identifiés automatiquement par une étiquette et où ils sont acheminés vers le lieu de stockage des marchandises destinées à composer la commande, puis identifiés, au moyen d'un pistolet lecteur, par un cariste, qui obtient du système informatique la liste et l'emplacement des marchandises à prélever dans le stock pour confectionner chaque colis. Une fois approvisionné, celui-ci continue son cheminement sur le convoyeur vers un autre lieu de stockage, où un autre cariste réalise la même opération. Enfin, la commande étant entièrement constituée, le colis est acheminé par le convoyeur vers la zone d'expédition.

9. Si, cependant, il résulte de l'instruction que certaines commandes concernant des marchandises à rotation moyenne sont préparées selon des modalités faisant davantage intervenir la main d'œuvre, il n'est pas contesté que les actions des caristes et préparateurs sont, dans ce cas également, guidées par la système informatique, qui leur désigne les marchandises à prélever dans le stock, les quantités requises et qui leur donne des instructions pour la constitution des colis, afin que les marchandises les plus lourdes se trouvent au fond du carton et les plus légères au-dessus. Enfin, toutes les opérations préalables à l'expédition, à savoir la fermeture automatique de chaque carton au plus près de son contenu, son étiquetage, son acheminement vers la rampe de tri qui lui est dédiée, ainsi que la formation des palettes sont pilotées par le système informatique, seul le transport vers la filmeuse étant effectué par un cariste, qui appose, sur la palette filmée, l'étiquette d'expédition délivrée par le système.

10. L'ensemble de ces moyens techniques permet à la SA ALKOR d'optimiser les différentes étapes du travail, le suivi des commandes, l'espace de stockage ou encore les délais de livraison, et doivent être regardés comme ayant un rôle prépondérant dans l'activité qu'elle exerce, alors même qu'elle aurait recours à une main d'œuvre importante, que le coût de la masse salariale serait supérieur à celui des moyens techniques mis en œuvre, que son choix de recourir à un mode de fonctionnement mécanisé, pour partie automatisé et en grande mesure informatisé, ne serait pas strictement indispensable et que certains de ces équipements auraient pour objet de réduire la pénibilité du travail des salariés.

11. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a regardé l'établissement ainsi exploité par la SA ALKOR sur le territoire des communes de Rouvroy et de Morcourt comme présentant un caractère industriel au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts, et qu'elle a déterminé, pour la définition des bases de cotisation foncière des entreprises assignées à cette société au titre de l'année 2020, la valeur locative de cet établissement selon les modalités visées par ces dispositions.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SA ALKOR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes.

Sur les frais de procédure :

13. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions que la SA ALKOR présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées et il doit en être de même, en tout état de cause, de ses conclusions afférentes à la charge des dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la SA ALKOR est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA ALKOR, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre ;

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

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2

N°23DA01582

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01582
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LSF

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;23da01582 ?
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