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03/07/2024 | FRANCE | N°23DA00519

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 03 juillet 2024, 23DA00519


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Huelva a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, subsidiairement la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016, 2017 et 2018 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018.



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ar un jugement n° 2102130 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Huelva a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, subsidiairement la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2016, 2017 et 2018 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018.

Par un jugement n° 2102130 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mars 2023 et des mémoires, enregistrés le 13 octobre 2023, le 16 février 2024 et le 27 février 2024, la SARL Huelva, représentée par Me Guion, demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision du juge pénal ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

4°) de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. B... a été assujetti au titre des années 2016 à 2018 à raison de revenus distribués résultant de la rectification du résultat imposable de la SARL Huelva ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'action pénale engagée à l'encontre de son comptable ;

- les conditions de l'opposition à contrôle fiscal prévu par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales n'étaient pas réunies ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires employée par l'administration est radicalement viciée dans son principe et excessivement sommaire dès lors que le service a retenu un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 20 % pour l'ensemble de ses prestations, a rejeté l'ensemble des factures qu'elle a présentées et ne s'est pas référé aux conditions d'exploitation de son activité desquelles il résulte un décalage entre l'émission d'une facture et son encaissement, qui lui est difficile de justifier compte tenu du recours à une société d'affacturage ;

- l'administration n'a pas suffisamment tenu compte, s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée, de l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sur une partie de son chiffre d'affaires lié au commerce de bois de chauffage ;

- l'administration a insuffisamment pris en considération, au vu des balances générales établies par son expert-comptable, la taxe sur la valeur ajoutée déductible en amont ; le rappel total de taxe sur la valeur ajoutée sur la période couvrant les années 2016 à 2018 doit ainsi s'établir à la somme de 91 408,95 euros ;

- en conséquence de la reconstitution de ses recettes par la méthode qu'elle propose, M. B... est fondé à solliciter une décharge des revenus qui sont réputés lui avoir été distribués sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts à hauteur de 42 256 euros ;

- dès lors qu'il est justifié de remboursements à la SARL Huelva, M. B... est fondé à solliciter la décharge des revenus distribués sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts à hauteur de ces remboursements, soit 44 181,45 euros ;

- l'opposition à contrôle fiscal résultant du fait d'un tiers, la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts qui a été appliquée n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2023, et un mémoire, enregistré le 21 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions relatives aux impositions mises à la charge de M. B... au titre de revenus distribués, contribuable distinct de la société, sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par la SARL Huelva ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Guion, représentant la SARL Huelva.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Huelva a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, à l'issue de laquelle l'administration l'a assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée et à des compléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos entre 2016 et 20108 selon la procédure d'évaluation d'office prévue l'article L. 74 du livre des procédures fiscales applicable en cas d'opposition à contrôle fiscal, et lui a infligé la majoration prévue par l'article 1732 du code général des impôts. La société a présenté une réclamation contre ces impositions, qui a donné lieu à une décision d'admission partielle le 12 février 2021. La SARL Huelva relève appel du jugement du 17 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. B... :

2. Si la proposition de rectification du 13 décembre 2019 adressée à la SARL Huelva constate l'existence de revenus devant être regardés comme distribués à son gérant et associé majoritaire, M. B..., les impositions qui en résultent ont été mises à la charge de ce dernier. La SARL Huelva n'est, par suite, ainsi que le relève le ministre, pas recevable à contester les impositions concernant un autre contribuable. Par suite, les conclusions, qui au surplus sont nouvelles en appel, tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. B... a été assujetti au titre des années 2016 à 2018 ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ".

4. Il résulte de l'instruction que l'administration a envoyé le 11 octobre 2019 un avis de vérification de comptabilité au siège social de la SARL Huelva et au domicile personnel de son gérant et associé majoritaire, M. B..., prévoyant un premier rendez-vous sur place le 30 octobre 2019. Alors que le service vérificateur avait fait droit à la demande de la société de reporter ce rendez-vous au 7 novembre 2019 et de le fixer à l'adresse de son conseil, aucun représentant légal ou personne mandatée pour les opérations de vérification ne s'est présenté. Par un courrier du 12 novembre 2019, adressé par lettre recommandée et en envoi simple à la société et à M. B..., la vérificatrice a proposé un deuxième rendez-vous le 20 novembre 2019 et a mis en garde la société quant aux conséquences de la mise en œuvre de la procédure d'opposition à contrôle fiscal en cas d'absence totale d'interlocuteur dans le cadre du contrôle. Aucun représentant de la société ne s'est cependant présenté à ce deuxième rendez-vous. Par un courrier du 21 novembre 2019 valant seconde mise en garde et adressé selon les mêmes modalités que le précédent, la vérificatrice a proposé un ultime entretien au représentant de la société ou à toute personne dûment mandatée le 6 décembre suivant. Il n'est pas contesté que les plis contenant ces deux mises en garde, adressés en envoi recommandé avec avis de réception au siège social de la société et au domicile de son gérant, ont tous été renvoyés au service avec la mention " pli avisé et non réclamé " et que les copies de ces courriers, envoyées par lettre simple, n'ont pas été retournées au service. Constatant l'absence de tout représentant de la société à cette troisième tentative de rendez-vous, la vérificatrice a, par un procès-verbal en date du 10 décembre 2019, constaté l'opposition à contrôle fiscal.

5. La SARL Huelva ne peut utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle avait informé l'administration que le courrier n'était plus relevé à l'adresse de son siège social alors qu'il lui appartenait, en l'absence de modification de cette adresse, d'assurer le suivi de la distribution de son courrier. Au demeurant, l'administration, qui n'y était pas tenue, a adressé, par lettres recommandées doublées d'envois simples, l'ensemble des courriers évoqués au point précédent au domicile personnel du gérant de la société, lequel s'est également abstenu, sans apporter d'explication crédible, de retirer les deux courriers de mise en garde qui lui avaient été envoyés. La circonstance que le gérant de la société résidait dans le département des Bouches-du-Rhône alors que les entretiens proposés par le service devaient se dérouler dans le département de l'Eure, où la société a son siège, n'est pas de nature à justifier l'absence de tout représentant de la société à l'un des trois rendez-vous proposés par le service.

6. Si la SARL Huelva fait également valoir qu'elle avait " implicitement " mandaté la personne alors chargée du suivi de sa comptabilité pour la représenter lors des opérations de vérification, il ne résulte pas de l'instruction que la société, qui s'est bornée à demander que le rendez-vous reporté à sa demande au 7 novembre 2019 ait lieu à l'adresse de ce tiers, aurait dûment désigné celui-ci comme son représentant pour l'assister aux opérations de contrôle. Dès lors, l'administration n'avait pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, à lui demander si elle entendait désigner ce tiers pour la représenter ni, en l'absence de mandat donné par la société, à contacter directement ce tiers. D'ailleurs, la société s'est abstenue de produire le courrier électronique qu'elle a adressé au service vérificateur pour solliciter la tenue d'un rendez-vous au domicile de son conseil. Enfin, la société ne peut utilement imputer la responsabilité de son inertie à son conseil qu'elle avait chargé de tenir sa comptabilité.

7. Au vu des circonstances ainsi décrites et, en particulier, des diligences effectuées par le service, le comportement du gérant et associé majoritaire de la SARL Huelva, qui a systématiquement cherché à éluder les entrevues avec la vérificatrice, caractérise une opposition au contrôle fiscal. Par suite, l'administration pouvait légalement faire usage, à l'encontre de cette société, de la procédure d'évaluation d'office de ses bases d'imposition prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

8. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". L'article R. 193-1 du même livre dispose que " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ". Conformément à ces dispositions et dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, la SARL Huelva a été régulièrement imposée d'office, il incombe à celle-ci d'apporter la preuve de l'absence de bien-fondé des impositions en litige.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

9. Aux termes du 1 de l'article 38 du code général des impôts : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) ". Aux termes du 2 du même article : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Enfin, aux termes du 2 bis de cet article : " (...) les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services (...) ".

10. En l'absence de toute comptabilité et pièce justificative, l'administration, après avoir exercé son droit de communication auprès des établissements bancaires dans lesquels la SARL Huelva disposait de comptes, a déterminé les chiffres d'affaires taxables et les bénéfices imposables de la société au titre des exercices clos entre 2016 et 2018 en se fondant sur les encaissements constatés sur ces comptes bancaires, diminués de la taxe sur la valeur ajoutée exigible sur ces opérations. Pour tenir compte de la réalité économique, et alors pourtant qu'en raison de l'opposition au contrôle fiscal aucune charge n'avait été justifiée, le service a néanmoins admis en déduction un montant de charges correspondant à 85 % du chiffre d'affaires hors taxe reconstitué. Le résultat des exercices clos en 2016, 2017 et 2018 a ainsi été évalué par l'administration à respectivement 91 458 euros, 48 507,31 euros et 68 255 euros.

11. En premier lieu, pour critiquer l'évaluation de ses chiffres d'affaires hors taxe, la société fait valoir que le service a retenu, à tort, un taux de taxe sur la valeur ajoutée de 20 % pour l'ensemble de ses prestations, alors qu'elle a effectué des travaux soumis aux taux de 5,5 % et de 10 %. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment de la décision d'admission partielle de sa réclamation, que, contrairement à ce qui est soutenu, l'administration a tenu compte, à partir des éléments produits postérieurement au contrôle, des conditions d'exploitation de son activité de travaux de rénovation en appliquant à ces prestations le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu aux articles 278-0 bis A et 279-0 bis du code général des impôts. La société ne conteste pas les montants des prestations ainsi retenues par l'administration et soumises au taux réduit.

12. En deuxième lieu, la SARL Huelva soutient que cette méthode de reconstitution, fondée sur les encaissements bancaires, est radicalement viciée dans son principe dès lors que son activité exigeait, en application du 2 bis de l'article 38, une comptabilisation pour chaque exercice concerné des seules créances acquises. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, caractérisées par l'absence de tout élément comptable mis à la disposition de la vérificatrice au cours des opérations de contrôle, cette dernière était dans l'impossibilité de respecter les règles de rattachement des créances fixées par le 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, ou même de procéder à des ajustements extra-comptables permettant de se rapprocher des règles ainsi fixées.

13. Si la société se prévaut de factures qu'elle a fournies au service postérieurement aux opérations de contrôle, elle ne conteste pas que celles-ci ne comportaient pas " un numéro unique basé sur une séquence chronologique et continue " comme l'exigent pourtant les dispositions de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts, ni n'établit que cette absence de numérotation chronologique et continue serait imputable, comme elle l'allègue, à des défaillances du logiciel de gestion qu'elle utilise. En outre, le ministre relève, sans être contredit, que les factures présentées par la société mentionnent, pour nombre d'entre elles, des adresses ne correspondant pas à celle de son siège déclaré auprès du centre de formalité des entreprises, en méconnaissance du 1° du I du même article 242 nonies A de l'annexe II, selon lequel doivent obligatoirement figurer sur les factures " le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client ", ou sont libellées à l'en-tête d'une autre société, la SARL Huelva Rénovation, dont M. B... est également le gérant. Si la société fait enfin valoir, sans autres précisions, qu'il lui est impossible d'opérer un recoupement entre le montant des factures et la date de leurs encaissements en raison de la commission versée sur chacune des factures à une société d'affacturage, elle ne justifie pas même avoir eu recours aux services d'une telle société.

14. Dans ces conditions, les pièces produites par la société, qui supporte la charge de la preuve, n'ont pas un caractère suffisamment probant permettant de remettre en cause la méthode de reconstitution utilisée par l'administration. En tout état de cause, l'appelante n'établit pas que les résultats d'une reconstitution fondée sur une comptabilité d'engagement aboutiraient à une base imposable différente de celle issue de la reconstitution effectuée par l'administration.

15. En conséquence, la SARL Huelva n'établit pas que la méthode retenue par l'administration pour procéder à la reconstitution de ses chiffres d'affaires soit radicalement viciée dans son principe ou excessivement sommaire.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

16. Aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien autres que ceux mentionnés à l'article 278-0 bis A portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans (...) 3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans et ne répondent pas aux conditions mentionnées au 2. Il est également applicable dans les mêmes conditions aux travaux réalisés par l'intermédiaire d'une société d'économie mixte intervenant comme tiers financeur. Le prestataire est tenu de conserver cette attestation à l'appui de sa comptabilité (...) ".

17. La SARL Huelva se borne à soutenir qu'elle exerce notamment une activité de vente de bois de chauffage soumise, en application du a) du 3° bis de l'article 278 bis du code général des impôts, au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 10 %, sans toutefois en justifier. S'agissant des prestations de travaux de rénovation qu'elle a effectuées, la société n'établit pas, compte tenu, ainsi qu'il a été dit précédemment, du caractère insuffisamment probant des factures qu'elle produit, que l'administration aurait surévalué sa taxe sur la valeur ajoutée collectée en n'appliquant pas le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à l'ensemble des prestations soumises à ce taux qu'elle allègue avoir réalisées.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

18. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession (...) desdites factures (...) ". Aux termes du II de l'article 289 du code général des impôts : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée ". En vertu des 1° et 7° de l'article 242 nonies A de l'annexe II du code général des impôts, les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures sont notamment, le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client et un numéro unique basé sur une séquence chronologique et continue.

19. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative aux articles 168, 178, 219, 220 et 226 de la directive du 28 novembre 2006, dont les dispositions mentionnées au point 2 assurent la transposition, notamment de l'arrêt Barlis 06 - Investimentos Imobiliários e Turísticos SA du 15 septembre 2016 (C-516/14), que l'obligation, faite à un assujetti souhaitant exercer son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée payée en amont, de disposer d'une facture faisant figurer les mentions obligatoires prévues par ces textes revêt une nature formelle, de sorte que sa méconnaissance n'a pas pour effet d'entraîner la déchéance de ce droit, à condition toutefois que l'assujetti établisse que les conditions de fond en sont remplies, ce qui implique de produire, devant l'administration ou devant le juge, une facture ou tout document en tenant lieu faisant figurer les informations permettant de déterminer l'étendue de son droit à déduction.

20. La société requérante, qui se borne à produire des balances générales en fin d'exercice résultant d'une comptabilité reconstituée a posteriori, ne verse en appel, pas plus qu'elle ne le faisait devant le tribunal administratif, aucun justificatif et notamment aucune facture de nature à démontrer qu'elle se serait effectivement acquittée auprès de fournisseurs de montants de taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le prix d'opérations imposables. Ainsi, la SARL Huelva n'apporte pas de justificatifs établissant la réalité des dépenses supportées et des taxes acquittées, de nature à donner, par suite, naissance à un droit à déduction.

Sur les pénalités :

21. Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat ; (...) ". Ces dispositions ne sauraient être interprétées comme autorisant l'administration à mettre cette pénalité, qui vise à sanctionner l'opposition à contrôle fiscal, à la charge du contribuable lorsque celui-ci n'a pas pris personnellement part à l'opposition au contrôle.

22. Il résulte des circonstances exposées plus haut que la vérification de comptabilité de la SARL Huelva n'a pu avoir lieu du fait de ses propres agissements, en particulier de ceux de son gérant et associé majoritaire qui a systématiquement cherché à éluder les entretiens proposés par la vérificatrice, et non de ceux de son conseil alors chargé de suivre sa comptabilité et qu'elle n'avait pas dûment mandaté pour la représenter lors des opérations de contrôle. Dès lors, la société contribuable ne peut pas être regardée comme n'ayant personnellement pris part à l'opposition au contrôle.

23. Dans ces conditions, la SARL Huelva n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a mis à sa charge la majoration de 100 % prévue au a de l'article 1732 du code général des impôts.

24. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision de la juridiction pénale à la suite de procédures engagées à l'encontre de son ex-comptable, que la SARL Huelva n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Huelva est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Huelva et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juillet 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

2

N°23DA00519


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00519
Date de la décision : 03/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GUION

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-03;23da00519 ?
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