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21/06/2024 | FRANCE | N°24DA00077

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 21 juin 2024, 24DA00077


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.



Par un jugement n° 2108978 du 27 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 janvier 2024 et le 17

mai 2024, M. A..., représenté par Me Marion Schryve, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2108978 du 27 octobre 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 janvier 2024 et le 17 mai 2024, M. A..., représenté par Me Marion Schryve, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à l'administration de procéder au retrait du signalement du requérant effectué au système d'information Schengen, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de justifier du respect de cette injonction auprès du conseil du requérant dans un délai de trois jours après l'accomplissement de ce retrait, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. A..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil à la part contributive de l'État.

Il soutient que :

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnait les dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait également l'article L. 612-10 du même code ;

- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle viole également les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mai 2024, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée au 27 mai 2024 à 12 heures par une ordonnance du 7 mai 2024.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 14 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller ;

- et les observations de M. C..., représentant le préfet du Pas-de-Calais.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. A..., ressortissant algérien a demandé un certificat de résidence algérien en qualité de conjoint de français. Par un arrêté du 15 avril 2021, le préfet du Pas-de-Calais a rejeté cette demande, a obligé M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Puis par un arrêté du 26 octobre 2021, le préfet du Pas-de-Calais lui a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 27 octobre 2023 du tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande d'annulation de ce dernier arrêté.

Sur le cadre juridique :

2. Aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". L'article L. 612-10 du même code précise que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

Sur la motivation de l'arrêté du 26 octobre 2021 :

3. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

4. L'arrêté en litige cite les articles L. 612-7 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait également état de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours prise à l'encontre de M. A..., de la date d'entrée en France déclarée par l'intéressé, du mariage de celui-ci avec une ressortissante française, et de l'absence de justification de diligences de sa part pour quitter le territoire français. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 26 octobre 2021 ne peut qu'être écarté.

Sur la méconnaissance de l'article L. 612-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

5. Il est constant que M. A... s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai de trente jours qui lui avait été accordé pour quitter le territoire français par l'arrêté du 15 avril 2021. Par suite, le préfet était tenu de prononcer à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français en application des dispositions citées au point 3 sauf à ce que des considérations humanitaires justifient que ne soit pas édictée une telle mesure.

6. En premier lieu, la circonstance que les vols à destination de l'Algérie aient été suspendus dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19, si elle fait obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'illégalité la décision par laquelle le préfet a interdit le retour de M. A... sur le territoire français pendant une durée d'un an, qui ne prend effet qu'à la date de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Cette circonstance ne constitue pas non plus une considération humanitaire qui justifie que ne soit pas prononcée une décision d'interdiction de retour. Au surplus, l'appelant qui avait indiqué dans un courriel à la préfecture qu'il n'avait pas quitté la France en raison d'un arrêt maladie de son épouse, n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'il aurait cherché à exécuter la mesure d'éloignement, alors que l'interdiction de retour n'a été prononcée que plus de six mois après l'obligation de quitter le territoire et qu'il n'a quitté la France que le 16 mars 2023.

7. En deuxième lieu, M. A... s'est marié avec une ressortissante française le 31 août 2019 et a déclaré sa vie maritale avec celle-ci à la caisse d'allocations familiales à compter du 23 avril 2019. La vie commune datait donc de moins d'un an à la date de la décision. Il établit également que son épouse était enceinte en septembre 2021 et produit des attestations et des photographies démontrant qu'il s'occupait des précédents enfants de son épouse. Il justifie avoir travaillé de février 2020 à décembre 2020. L'ensemble de ces éléments ne constituent toutefois pas des circonstances humanitaires justifiant que ne soit pas prononcée une interdiction de retour.

Sur la méconnaissance de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

8. Compte tenu de ce qui précède et alors que M. A... s'est maintenu irrégulièrement en France depuis son entrée dont il déclare qu'elle a eu lieu sans l'établir en 2016 et n'a pas accompli de démarches avant son mariage pour obtenir un titre de séjour, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en fixant la durée de l'interdiction de retour de M. A... à une durée d'un an.

Sur l'atteinte à la vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de l'enfant :

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de M. A..., ni n'a méconnu l'intérêt supérieur des enfants de son épouse. Dans ces conditions, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés. De même, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de M. A... doit également être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille, par le jugement contesté a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2021.

11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions d'annulation n'implique aucune mesure d'exécution pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Les conclusions à fins d'injonction doivent donc être rejetées. De même, les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Marion Schryve.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 6 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La président de la 1ère chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°24DA00077


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00077
Date de la décision : 21/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCHRYVE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-21;24da00077 ?
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