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19/06/2024 | FRANCE | N°23DA02005

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 19 juin 2024, 23DA02005


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2300921 du 4 juillet 2023, le tribunal administrat

if de Rouen a rejeté la demande de Mme B....



Procédure devant la cour :



Par une requ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2300921 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2023, Mme B..., représentée par Me Verilhac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxes, à titre principal sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à titre subsidiaire, sur le seul fondement de l'article L. 761-1.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet de la Seine-Maritime a omis de procéder à un examen particulier de sa situation ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie du caractère réel et sérieux de ses études ;

- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette décision est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont le refus de séjour est entaché ;

- le préfet s'est estimé dans l'obligation d'assortir la mesure d'éloignement d'un délai de trente jours, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation ;

- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas motivée ;

- cette décision est illégale, par voie d'exception, en raison de l'illégalité dont la mesure d'éloignement est entachée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2024, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête au motif que les moyens de la requête sont inopérants ou infondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de la république démocratique du Congo, née le 13 juillet 1995, est entrée régulièrement en France le 18 octobre 2016 afin d'y suivre des études. Munie d'un titre de séjour en qualité d'étudiante, elle en a sollicité le renouvellement en vue de poursuivre ses études au cours de l'année universitaire 2022-2023. Par un arrêté du 20 octobre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office. Mme B... relève appel du jugement du 4 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le moyen tiré d'un défaut de motivation, soulevé à l'encontre de l'ensemble des décisions contestées :

2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser (...) le renouvellement (...) de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 613-2 de ce code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ". Aux termes de l'article L. 723-1 de ce code : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ".

3. D'une part, la décision de refus de séjour mentionne les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 422-1, et est suffisamment motivée en droit. Cette décision, qui précise de façon suffisante les raisons pour lesquelles le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler le titre de séjour précédemment accordé à Mme B... en qualité d'étudiante, n'avait pas à rappeler l'ensemble des éléments se rapportant à la situation personnelle de l'intéressée et est suffisamment motivée en fait. D'autre part, la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme B..., qui vise le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision lui refusant un titre de séjour, laquelle est suffisamment motivée. Enfin, la décision fixant le pays de destination rappelle que Mme B... est de nationalité congolaise et qu'elle pourra être reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité à l'expiration d'un délai de trente jours. Contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas entaché sa décision d'une insuffisance de motivation en se bornant à relever l'absence de situation contraire aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors qu'elle-même ne fait état d'aucune circonstance lui laissant craindre des risques pour sa sécurité en cas de renvoi vers la république démocratique du Congo. Cette décision est donc suffisamment motivée.

Sur les moyens soulevés à l'encontre du refus de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ". Il résulte de ces dispositions que le renouvellement de la carte de séjour portant la mention " étudiant " est subordonné, notamment, à la justification par son titulaire de la réalité et du sérieux des études qu'il a déclaré accomplir. Il appartient ainsi au préfet de rechercher à partir de l'ensemble du dossier et notamment au regard de sa progression dans le cursus universitaire, de son assiduité aux cours et de la cohérence de ses choix d'orientation, si le demandeur peut être regardé comme poursuivant avec sérieux les études entreprises.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est inscrite en première année de licence de biologie au titre de l'année universitaire 2017-2018 et a été ajournée avec une moyenne générale de 4,3/20. Elle a ensuite décidé de se réorienter et s'est inscrite en première année de licence de géographie en 2018-2019. Si la requérante a validé la deuxième année de licence en 2020-2021, à l'issue de trois ans d'études, il ressort des pièces du dossier qu'elle a été déclarée défaillante dans toutes les matières de la deuxième session au terme de sa troisième année en 2021-2022. Mme B... ne justifie pas des difficultés qu'elle indique avoir rencontrées et qui se trouveraient à l'origine du redoublement de la deuxième année de licence de géographie, en 2020, et de son échec en troisième année, en 2022. Au demeurant, réinscrite en troisième année de géographie en 2022-2023, elle indique ne pas être parvenue à valider l'ensemble des unités d'enseignement au terme de l'année universitaire. Dans ces conditions, Mme B..., qui n'a obtenu aucun diplôme après cinq années de présence en France, ne démontre pas la réalité et le sérieux de ses études. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler son titre de séjour.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime a examiné de lui-même la situation de Mme B... au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour en déduire qu'un refus de séjour ne porterait pas atteinte à son droit à une vie privée et familiale normale. A cet égard, l'intéressée, célibataire et sans charge de famille, est entrée en France en 2016, après avoir vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Séjournant sur le territoire français sous couvert d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ", elle n'établit pas avoir noué des relations personnelles sur le territoire français. Le préfet n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de renouveler son titre de séjour. Pour les mêmes motifs, il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision de refus de séjour sur la situation personnelle de la requérante.

8. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient Mme B..., il ressort des pièces du dossier, notamment des termes de la décision contestée, que le préfet de la Seine-Maritime a procédé à un examen particulier de sa situation avant de refuser de renouveler son titre de séjour.

Sur les moyens soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'établit pas que la décision refusant de renouveler son titre de séjour serait illégale. Elle n'est donc pas fondée à se prévaloir de la prétendue illégalité de cette décision pour soutenir que, par voie d'exception, la décision l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours serait elle-même illégale.

10. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime se serait estimé dans l'obligation d'assortir la mesure d'éloignement d'un délai de trente jours, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, Mme B... ne justifie pas de circonstances particulières qui aurait dû conduire le préfet à lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

11. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Seine-Maritime a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou entaché la mesure d'éloignement d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur les moyens soulevés à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'établit pas que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait illégale. Elle n'est donc pas fondée à se prévaloir de la prétendue illégalité de cette décision pour soutenir que, par voie d'exception, la décision fixant le pays de destination serait elle-même illégale.

13. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation de Mme B... avant de fixer le pays de renvoi. En décidant de renvoyer la requérante vers le pays dont elle a la nationalité, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Verilhac.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière

C. Huls-Carlier

2

N° 23DA02005


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02005
Date de la décision : 19/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-19;23da02005 ?
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