La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2024 | FRANCE | N°23DA01606

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 19 juin 2024, 23DA01606


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel la mesure d'éloignement pourrait être exécutée d'office.



Par un jugement n° 2301340 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé

cet arrêté et enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer un titre de séjour à M. A....



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel la mesure d'éloignement pourrait être exécutée d'office.

Par un jugement n° 2301340 du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer un titre de séjour à M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 juillet 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.

Il soutient que M. A... ne justifie pas de sa minorité lorsqu'il a été placé auprès du service d'aide sociale à l'enfance, de sorte qu'il ne peut se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mai 2024, M. B... C... A..., représenté par Me Leroy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'il justifie avoir été pris en charge par le service d'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et celui de dix-huit ans, de sorte qu'il remplit les conditions prévues par l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par une ordonnance du 6 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 21 mai 2024, à 12 heures.

Par une décision du 15 mai 2024, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenu à M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui déclare être un ressortissant de la république de Guinée avec pour date de naissance le 5 juin 2003, a sollicité son admission au séjour le 6 septembre 2021 sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 janvier 2023, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit à l'issue de ce délai. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 21 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A..., le préfet de la Seine-Maritime a relevé que l'intéressé ne justifiait pas de son état civil et, par conséquent, de son âge lors de son placement auprès du service d'aide sociale à l'enfance, et en a déduit qu'il ne remplissait pas les conditions prévues à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le tribunal administratif a annulé l'arrêté préfectoral refusant de délivrer un titre de séjour à M. A... sur le fondement de cet article aux motifs que, en dépit d'une demande de visa sollicitée par l'intéressé mentionnant le 5 juin 1991 comme date de naissance et de nombreuses anomalies relevées notamment par les services de la direction centrale de la police aux frontières, l'extrait d'acte de naissance émanant de l'ambassade guinéenne au Gabon, daté du 3 juin 2019, les deux cartes consulaires délivrées par cette ambassade et les services consulaires guinéens en France et la circonstance que ni l'autorité judiciaire ni les services de l'aide sociale à l'enfance n'avaient remis en cause l'état civil et la minorité de M. A..., justifiaient de façon suffisante de l'état civil et de la date de naissance de ce dernier, de sorte qu'il devait être regardé comme ayant été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge

de dix-huit ans. En appel, le préfet de la Seine-Maritime soutient au contraire que les empreintes digitales de M. A... ont été enregistrées dans la base de données " Visabio " au consulat de France à Libreville au Gabon, avec une date de naissance déclarée au 5 juin 1991, que l'extrait d'acte de naissance du 3 juin 2019, entaché de nombreuses anomalies et omissions et dépourvu d'une double légalisation, présente un caractère frauduleux, et que les cartes consulaires ne permettent pas d'établir l'identité de l'intéressé. Toutefois, M. A..., qui admet être entré en France sous couvert d'un passeport et d'un visa obtenus au vu de fausses déclarations afin de dissimuler sa minorité, produit devant la cour un acte de naissance, délivré le 4 juillet 2023 dans les conditions prévues par les lois guinéennes du 25 octobre 2023 n° 2023/0019 portant identification des personnes physiques en république de Guinée et n° 2023/0020 portant état civil en république de Guinée. Si cet acte de naissance a été établi postérieurement à la date de l'arrêté contesté, il confirme les documents d'état civil précédemment produits à l'instance et indiquant une naissance à la date du 5 juin 2003. Le préfet de la Seine-Maritime ne conteste pas la validité de ce document, légalisé le 11 août 2023 par les autorités consulaires guinéennes en France, au vu duquel M. A... a obtenu de ces autorités la délivrance d'un passeport le 16 août 2023. Il n'est pas davantage contesté que M. A... a été pris en charge par les services d'aide sociale à l'enfance le 8 octobre 2019. Dans ces conditions, les premiers juges ont à bon droit considéré que M. A... avait bien seize ans lors de sa prise en charge et remplissait donc les conditions prévues à l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Le préfet de la Seine-Maritime ne conteste pas en appel le motif d'annulation, également retenu par les premiers juges, tiré de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation de la situation globale de M. A... au regard des dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 juillet 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 12 janvier 2023 et lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. M. A..., qui a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale en première instance, bénéficie de plein droit d'un maintien de cette aide devant la cour. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leroy, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Leroy de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Leroy une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Leroy renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Leroy.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 juin 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

2

N° 23DA01606


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01606
Date de la décision : 19/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : LEROY

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-19;23da01606 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award