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13/06/2024 | FRANCE | N°23DA00165

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 13 juin 2024, 23DA00165


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2002452 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :


> Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2023, M. et Mme B..., représenté par la SCP Bejin Camus Belot, demandent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2002452 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2023, M. et Mme B..., représenté par la SCP Bejin Camus Belot, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes et de prescrire la restitution, augmentée des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, des sommes recouvrées à ce titre.

Ils soutiennent que :

- ils n'ont pas disposé d'un délai suffisant entre la réception le 31 octobre 2017 de l'avis d'examen de situation fiscale personnelle et le début des opérations de vérification ;

- la demande d'éclaircissements adressée par le service vérificateur le 29 mai 2018 n'était pas justifiée dès lors que l'administration n'ignorait, à cette date, ni la nature, ni la cause, ni le classement catégoriel des revenus pour lesquels des justifications ont été demandées, de sorte que les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;

- la condition prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales que les montants crédités sur ses relevés de compte atteigne au moins le double des revenus déclarés n'était pas satisfaite de sorte que l'administration ne pouvait pas leur demander des éclaircissements ;

- compte tenu des justifications qu'ils ont apportées, l'administration n'était pas fondée à recourir à la procédure de taxation d'office s'agissant des revenus d'origine indéterminée ;

- M. B... n'a tiré aucun profit personnel des sommes créditées sur son compte bancaire et qui étaient destinées à régler les cocontractants de l'EURL B... ;

- ils sont fondés à se prévaloir d'une compensation, sur le fondement des articles 1289 à 1291 du code civil, d'une part, et des articles L. 80 et L. 205 du livre des procédures fiscales, d'autre part, entre les sommes provenant de l'EURL B... et versées sur leurs comptes bancaires et les dépenses dont ils se sont acquittés pour le compte et dans l'intérêt de l'EURL B... ; ainsi, la somme de 97 084,55 euros doit venir en déduction des distributions occultes au titre de l'année 2015 ;

- cette compensation doit être appliquée au regard de critères d'équité ;

- ils sont fondés à se prévaloir des énonciations du paragraphe n° 250 des commentaires publiés au BOFiP-Impôts sous la référence BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20 ;

- c'est à tort que l'administration a imposé les versements en espèces pour lesquels ils avaient déjà été imposés, et qui provenaient de retraits opérés sur d'autres comptes dont ils étaient titulaires ;

- il est justifié de la nature et du montant de trois crédits bancaires reçus au cours de l'année 2015 de sorte que les sommes correspondantes ne sauraient être considérées comme des revenus d'origine indéterminée ;

- ils justifient de règlements effectués par M. B..., au profit de l'EURL B..., à partir de comptes ouverts dans les établissements bancaires CIC et Crédit du Nord, au titre de l'année 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2015 et 2016 à l'issue duquel l'administration leur a notifié des rehaussements portant, d'une part, sur des revenus réputés distribués par l'EURL B..., dont M. B... était le gérant et l'unique associé, qu'elle a imposés, selon la procédure contradictoire, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts et du 2° du 1 de l'article 109 de ce code, et, d'autre part, sur des revenus dont l'origine est restée indéterminée et qui ont été taxés d'office sur le fondement des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales. L'administration a confirmé ces rehaussements, en droits et pénalités, dans une réponse aux observations des contribuables du 26 mars 2019. M. et Mme B... ont alors sollicité la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, afin de lui soumettre le différend les opposant à l'administration fiscale quant aux revenus d'origine indéterminée.

2. Parallèlement, les cotisations supplémentaires, au titre des années 2015 et 2016, d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, ainsi que les pénalités correspondantes, ont été mises en recouvrement le 30 septembre 2019.

3. Après avoir vainement réclamé auprès de l'administration contre les impositions supplémentaires ainsi mises à leur charge, M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif d'Amiens qui, par un jugement du 1er décembre 2022, a rejeté leur demande en décharge. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le délai écoulé entre la réception de l'avis de vérification et la date de la première intervention :

4. Aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / (...) L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ".

5. Il résulte de ces dispositions que la première intervention de l'administration sur place aux fins de vérification de la comptabilité du contribuable ne peut avoir lieu qu'après que ce dernier a été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de notification, dans un délai raisonnable qui ne peut être inférieur à deux jours ouvrés, de l'engagement du contrôle, cette garantie étant de nature à permettre au contribuable d'être présent ou représenté lors des interventions sur place du vérificateur.

6. Par un avis du 30 octobre 2017, dont M. et Mme B... ont accusé réception le lendemain, l'administration les a informés qu'ils feraient l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2014 à 2016. Si M. et Mme B... soutiennent que le contrôle aurait débuté dès le 31 octobre 2017, en se fondant sur les mentions contenues dans la proposition de rectification du 17 décembre 2018, ils n'ont versé au dossier aucun élément de nature à établir que des opérations de contrôle auraient effectivement été entreprises antérieurement à la date du 22 novembre 2017, date à laquelle, selon cette même proposition de rectification, le service a procédé aux premières démarches en proposant un entretien aux contribuables et en leur demandant des renseignements. Dans ces conditions, M. et Mme B... doivent être regardés comme ayant disposé d'un délai suffisant pour se faire assister d'un conseil de leur choix et ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition suivie à leur encontre était, pour ce motif, entachée d'irrégularité.

En ce qui concerne la régularité de la procédure de taxation d'office :

7. Il résulte de l'instruction que, pour établir les impositions contestées mises en recouvrement par deux avis établis le 19 septembre 2019 et résultant d'une taxation dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration a suivi la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 16 de ce livre et de l'irrégularité du recours à la procédure de taxation d'office des revenus d'origine prétendument indéterminée sont inopérants et ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers provenant de l'EURL B... :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ".

9. Il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 17 décembre 2018, que l'administration a établi que M. et Mme B... ont directement appréhendé, ou par l'intermédiaire de la SCI Manolo, dont M. B... est l'unique associé, des produits non comptabilisés par l'EURL B... et que cette société a effectué des paiements, correspondant à des charges non justifiées, à M. B... et à la SCI Manolo, pour des montants de 360 765 euros en 2015 et de 167 136 euros en 2016, qu'elle a qualifiés de distributions occultes au sens du c de l'article 111 du code général des impôts.

10. Si M. et Mme B... contestent l'appréhension personnelle des fonds sociaux en cause en ce que les sommes versées sur leur compte ont, pour partie, été utilisées pour acquitter des factures dont l'EURL B..., alors en liquidation, était redevable, il résulte de de la réponse aux observations du contribuable que l'administration n'a pas regardé comme des revenus distribués les crédits bancaires qui correspondaient au remboursement à M. B... de paiements par lui de factures comptabilisées par l'EURL et qu'en revanche n'ont pas été déduites des autres crédits bancaires qualifiés de revenus distribués des dépenses alléguées pour le compte de l'EURL qui soit n'étaient pas comptabilisées soit n'étaient pas assorties de justificatifs permettant d'établir qu'elles se rapportaient à des chantiers de l'EURL. Devant le tribunal, l'administration a observé que les pièces produites à l'instance, déjà mentionnées en réponse à la proposition de rectification, ne se rapportaient pas de manière précise aux crédits bancaires retenus par le service au cours de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle et cette démonstration n'a pas davantage été apportée devant la cour. Dans ces conditions, M. et Mme B... n'apportent pas d'éléments suffisamment probants permettant d'étayer leur argumentation selon laquelle les sommes appréhendées ont été utilisées dans l'intérêt de la liquidation de la société.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales : " (...) Les compensations de droits sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable qui a fait l'objet d'une rectification lorsqu'il démontre qu'une taxation excessive a été établie à son détriment ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ". Aux termes de l'article L. 203 de ce livre : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande ". Aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ".

12. M. et Mme B... sollicitent une compensation entre les sommes imposées au titre des revenus qui leur ont été distribués par l'EURL B... au titre des années 2015 et 2016 et des règlements de factures incombant à l'EURL et dont M. B... s'est personnellement acquittés.

13. Toutefois, il résulte des dispositions combinées des articles L. 203 à L. 205 du livre des procédures fiscales qu'aucune compensation n'est légalement possible entre les impositions qui ne concernent pas le même contribuable. Dès lors, M. et Mme B..., qui au demeurant n'établissent pas l'existence d'une surimposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, ne sont pas fondés à solliciter une compensation sur ce fondement avec un autre contribuable qu'est l'EURL B..., société de capitaux soumise à l'impôt sur les sociétés.

14. Si les requérants soutiennent que les sommes ainsi appréhendées correspondent à des compensations de créances, en application de l'article 1289 du code civil alors applicable, selon lequel " lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes ", entre eux et l'EURL B..., dont M. B... était le gérant et associé, M. et Mme B... n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, qu'ils détenaient, à la date des distributions, une créance envers l'EURL. Par suite, et en tout état de cause, les conditions posées par l'article 1289 du code civil ne sont pas davantage remplies, alors applicable, selon lequel " lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes ".

15. En troisième lieu, si M. et Mme B... font valoir qu'il ne serait pas inéquitable de procéder à une compensation, ils ne peuvent utilement, pour obtenir la décharge des impositions contestées, se prévaloir devant le juge de l'impôt de considérations d'équité, dès lors que les impositions ont été établies conformément à la loi fiscale.

16. En dernier lieu, M. et Mme B... ne sont, en tout état de cause, pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation administrative de la loi fiscale énoncée au paragraphe 250 de la documentation administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20 du 12 septembre 2012, dès lors que celle-ci est relative aux conditions et modalités d'application des dispositions du a) de l'article 111 du code général des impôts, et non à celles des dispositions du c) du même article.

En ce qui concerne l'imposition de revenus d'origine indéterminée :

17. Les droits résultant de l'imposition de revenus d'origine indéterminée n'ayant pas été mis en recouvrement, les moyens tirés de ce que M. et Mme B... ont justifié de la nature et de l'origine de crédits bancaires et de versements en espèces sont inopérants.

18. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.

19. Dans ces conditions, les conclusions de M. et Mme B... tendant à ce que l'Etat soit condamné au paiement des intérêts moratoires dus en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ne peuvent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

Le président de chambre,

Signé : M. C...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Sophie Cardot

2

N°23DA00165


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00165
Date de la décision : 13/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP BEJIN CAMUS BELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-13;23da00165 ?
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