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12/06/2024 | FRANCE | N°23DA01560

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 12 juin 2024, 23DA01560


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un refus de titre séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.



Par un jugement n° 2300511 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Procédure devant la

cour :



Par une requête, enregistrée le 1er août 2023, Mme D... A... représentée par Me Cécile Bernaille...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un refus de titre séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 2300511 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2023, Mme D... A... représentée par Me Cécile Bernaille, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire avec fixation de renvoi sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle n'était pas soumise à l'obligation de déclaration d'entrée prévue par les dispositions des articles R. 621-2 et R. 621-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en tout état de cause, elle justifie, par les autorisations provisoires de séjour qui lui ont été délivrées en 2014, être entrée régulièrement en France le 22 août 2023 ;

- elle devait bénéficier d'un titre de séjour en raison de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de sa situation personnelle et familiale et de l'ancienneté de son séjour en France ; l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de délivrance de titre de séjour, en raison des circonstances exceptionnelles qu'elle fait valoir ;

- la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire méconnaissent l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2023, le préfet conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requérante ne sont pas fondés, et renvoie à ses écritures présentées devant le tribunal administratif de Rouen.

Par ordonnance du 23 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 9 février 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Baronnet, président assesseur,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier rapporteure publique,

- et les observations de Me Cécile Bernaille, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... A..., ressortissante chinoise, née le 5 septembre 1964 à Heilongjiang (Chine), entrée en Autriche le 20 août 2013, et en France le 22 août 2013, s'est vu refuser l'asile, en dernier lieu par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 4 décembre 2014. Elle a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire le 24 février 2015, qui n'a pas été exécutée. Elle a demandé le 4 octobre 2022 la délivrance d'une carte de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant français après son mariage avec M. B..., célébré le 16 juillet 2022. Cette demande a été rejetée par l'arrêté du 13 décembre 2022 du préfet de l'Eure. Mme A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2023.

Sur le moyen commun aux décisions attaquées :

2. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de l'Eure s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme A.... Il vise et mentionne entre autres les dispositions de l'article L. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles l'intéressée a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", rappelle ses conditions d'entrée et de séjour en France, et procède à l'examen de sa situation familiale sur le territoire et dans son pays d'origine. Il examine également ses perspectives d'insertion professionnelle et sociale en France. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure n'aurait pas procédé à l'examen de la situation personnelle de Mme A.... Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée et de ce qu'elle serait entachée d'erreur de droit à défaut d'avoir procédé à un examen particulier de sa situation, doivent être écartés.

Sur le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". L'article L.412-1 du même code dispose que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 22 de la convention d'application de l'Accord de Schengen du 14 juin 1985 : " Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties Contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque Partie Contractante, aux autorités compétentes de la Partie Contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie Contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie Contractante sur lequel ils pénètrent ".

5. Il résulte de la décision n° 91-294 DC du 25 juillet 1991 du Conseil constitutionnel que la souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.

6. Mme A..., entrée en France en août 2013, ne bénéficiait pas d'un visa long séjour mentionné à l'article L. 411-1, mais d'un visa court séjour de type C délivré par les autorités autrichiennes, valable au sein de l'espace Schengen pour une durée maximale de 3 mois, et qui était, dans le cas de l'intéressée, valable dix jours seulement. Si, en application des dispositions de l'article L. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la condition de détention d'un visa long séjour ne lui est pas opposable, celle de l'entrée régulière sur le territoire français demeure applicable. Or, il ne résulte pas des pièces du dossier que Mme A... ait souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français, qui est une condition à l'entrée régulière sur le territoire français en application des stipulations de l'article 22 de la convention d'application de l'Accord de Schengen de 1985. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à prétendre à l'obtention du titre de séjour prévu à l'article L. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, si Mme A... soutient qu'elle n'était pas soumise à l'obligation de souscrire une déclaration d'entrée, les articles R. 621-2, R. 621-4 et L. 621-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision attaquée, reprennent une obligation précédemment inscrite à l'article L. 531-2, dans sa rédaction en vigueur en 2013, année de son entrée en France. Dès lors, le moyen doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Si Mme A... est entrée en France en 2013, il ressort des pièces du dossier qu'elle a fait l'objet en 2015 à la suite du rejet de sa demande d'asile d'une obligation de quitter le territoire français qu'elle n'a pas exécutée. Elle s'est ensuite maintenue irrégulièrement sur le territoire français sans chercher à régulariser sa situation, jusqu'au dépôt de sa demande de titre de séjour en qualité de conjoint de français le 20 septembre 2022, sept ans après cette obligation de quitter le territoire. En outre, si Mme A... a une vie maritale depuis plusieurs années avec un ressortissant français et s'est mariée avec lui en 2022, cinq mois avant la décision attaquée, elle a en Chine un fils majeur, et ne justifie d'aucun obstacle à ce qu'elle retourne dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans, afin d'accomplir les démarches permettant un retour régulier en France en qualité de conjointe de Français. Aussi, et nonobstant une promesse d'embauche et des attestations de liens amicaux, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet de l'Eure n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'il a poursuivis et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En quatrième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il n'avait pas présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de cet article et que l'autorité compétente n'a pas procédé à un examen d'un éventuel droit au séjour à ce titre. En l'espèce, le préfet ayant examiné la situation de Mme A... au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, le moyen doit être regardé comme opérant.

11. En l'espèce, eu égard notamment aux conditions du séjour en France de l'intéressée rappelées aux points précédents, Mme A... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour de étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet, qui ne s'est pas appuyé sur des faits inexacts, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, se fonder sur l'absence de considérations humanitaires pour s'abstenir de faire usage de son pouvoir discrétionnaire et refuser de délivrer à Mme A... un titre de séjour en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français.

12. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision de refus de délivrance d'un titre de séjour et de cette obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme A....

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur ;

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.

Le president-rapporteur,

Signé : M. C... La présidente de la chambre,

Signé : M.P. Viard

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

N°23DA01560 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01560
Date de la décision : 12/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : BERNAILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-12;23da01560 ?
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