Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 4 décembre 2022 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2209462 du 22 février 2023, le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mai 2023, M. A..., représenté par Me Norbert Clément, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros hors taxe au profit de son conseil, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il ne pouvait faire l'objet d'une décision d'éloignement sans réponse de sa demande d'asile ;
- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Nord qui n'a pas produit de mémoire en dépit d'une mise en demeure qui lui a été faite le 5 décembre 2023.
Par ordonnance du 6 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 11 mars 2024.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant nigérian, né le 10 mai 1995, est entré en France en 2020. Il relève appel du jugement du 22 février 2023 par lequel le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2022 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " (...) Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article L. 542-4 de ce code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français. Sous réserve des cas où l'autorité administrative envisage d'admettre l'étranger au séjour pour un autre motif, elle prend à son encontre, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, une obligation de quitter le territoire français sur le fondement et dans les conditions prévues au 4° de l'article L. 611-1 ". Aux termes de l'article R. 532-54 du même code : " Le secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'informe dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend du caractère positif ou négatif de la décision prise. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ". Aux termes de l'article R. 532-57 de ce code : " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire ". Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire français à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande, pour le cas où une telle décision est prise, lui soit notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé contre cette décision, jusqu'à la date de la lecture de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence de notification de la décision rejetant la demande d'asile présentée par l'intéressé, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de la Cour nationale du droit d'asile a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de la cour.
4. Le préfet du Nord, pour motiver la décision d'éloignement, a relevé que la demande de M. A... du bénéfice d'une protection internationale a été définitivement rejetée par une décision du 16 mars 2021 de la cour nationale du droit d'asile, notifiée à l'intéressé le 25 mars 2021. À l'appui de sa requête, M. A... conteste cette notification et fait valoir que le préfet n'apporte aucun élément pour en établir la réalité. Une copie de cette requête a été communiquée le 22 août 2023 au préfet du Nord, qui a été mis en demeure le 5 décembre 2023 de produire un mémoire en défense. Cette mise en demeure est demeurée sans effet. Le préfet du Nord, qui n'a pas produit d'observations en défense, ni en première instance, ni en appel et n'a pas produit le formulaire numérisé " Telem Ofpra", ne justifie ni de la nature de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, ni qu'elle ait été lue en audience publique ou qu'elle ait pris la forme d'une ordonnance notifiée. Ainsi, l'inexactitude des faits allégués par M. A... ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier. Dans ces conditions, le préfet du Nord doit être réputé avoir admis leur exactitude matérielle conformément aux dispositions précitées de l'article R. 612-6 du code de justice administrative. Par suite, M. A... est fondé à soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement en l'absence d'élément de nature à établir l'intervention effective d'une décision définitive rejetant sa demande de protection internationale à la date de la décision attaquée et que pour ce motif la décision d'éloignement est entachée d'erreur de droit. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de sa destination et portant interdiction de retour sur le territoire français.
5. Il résulte de ce que précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. En application de l'article L. 614-16 et du 10° de l'article R. 431-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français implique que le ressortissant étranger qui, ainsi que tel est le cas en l'espèce, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, soit muni d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler. Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord de délivrer au requérant, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, une telle autorisation provisoire valable jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Clément, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Clément de la somme de 1 000 euros toutes taxes comprises.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°2209462 du 22 février 2023 du président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 4 décembre 2022 du préfet du Nord portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et portant interdiction du retour sur le territoire français pour une durée d'un an de M. A... est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. A..., dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation de séjour lui permettant de travailler valable jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur sa situation administrative.
Article 4 : L'Etat versera à Me Norbert Clément, avocat de M. A..., une somme de 1 000 euros toutes taxes comprises au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet du Nord et à Me Norbert Clément.
Délibéré après l'audience publique du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : M. C...La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
N°23DA00868 2