Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le groupe hospitalier public du sud de l'Oise (GHPSO) et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), depuis renommée Relyens Mutual Insurance, ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, l'annulation des titres exécutoires nos 1159 et 1192 émis par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) les 21 septembre 2020 et 5 octobre 2021 aux fins de recouvrer des sommes respectivement de 9 302,50 euros et 13 294,62 euros et, d'autre part, la décharge des sommes ainsi mises à leur charge.
Par un jugement n° 2004026-2103671 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes. En outre, saisi de conclusions reconventionnelles de l'ONIAM, il a condamné la SHAM à verser à l'ONIAM, d'une part, des sommes de 1 395,38 euros et 1 194,19 euros au titre de la pénalité prévue par les dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et, d'autre part, une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, il a rejeté les conclusions des parties pour le surplus.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 janvier 2023, 21 février 2023, 24 avril 2023 et 29 août 2023, le GHPSO et la société Relyens Mutual Insurance, représentés par le cabinet Le Prado-Gilbert, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à leurs demandes de première instance ;
3°) de rejeter les conclusions d'appel incident de l'ONIAM ;
4°) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des moyens dont le tribunal a été saisi et c'est à tort qu'il a considéré que le GHPSO n'avait pas d'intérêt à agir en contestation des titres exécutoires litigieux, que ces titres exécutoires sont suffisamment motivés et qu'ils satisfont aux dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- les créances dont l'ONIAM se prévaut ne sont pas fondées ; d'une part, la prise en charge de l'affection intestinale de Mme B... lors de son hospitalisation aux urgences du GHPSO le 1er septembre 2016 a été conforme aux règles de l'art ; d'autre part, l'ischémie du membre inférieur droit et l'amputation de la jambe ne sont pas en lien avec la prise en charge mais constituent un aléa thérapeutique ; la responsabilité fautive de l'établissement n'est donc pas engagée ;
- dès lors que le principe même de la responsabilité du GHPSO était en l'espèce très contestable, la SHAM ne saurait être condamnée à verser des pénalités en application du cinquième alinéa de l'article L.1142-15 du code de la santé publique, a fortiori encore moins au taux de 15 % retenu par les premiers juges ;
- dès lors que les oppositions aux titres de recettes exécutoires ont un effet suspensif, aucun intérêt légal n'a pu courir avant que le tribunal administratif d'Amiens ne se prononce sur ses requêtes ; c'est dès lors à raison qu'il a rejeté les conclusions de l'ONIAM tendant au bénéfice des intérêts légaux à compter de la notification des titres exécutoires attaqués et de leur capitalisation à chaque échéance annuelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2023, l'ONIAM, représenté par Me Sylvie Welsch, conclut :
1°) au rejet de la requête d'appel du GHPSO et de la SHAM ;
2°) à l'annulation du jugement en tant qu'il rejette ses conclusions relatives aux intérêts légaux et leur capitalisation et à ce qu'il soit fait droit à ces conclusions ;
3°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SHAM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- dès lors qu'au moment de son hospitalisation la victime présentait déjà de graves signes de perforation de l'intestin, imposant un traitement chirurgical en urgence, le GHPSO a commis un retard de diagnostic à l'origine tant de l'ischémie du grêle que de l'ischémie aiguë de son membre inférieur ; la responsabilité fautive de l'établissement est donc engagée et l'ONIAM était fondé à émettre des titres exécutoires pour récupérer les indemnités qu'il a versés à la victime en substitution de l'assureur défaillant ;
- compte tenu des conclusions claires de l'expertise conduite devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, aucun motif légitime ne justifiait le refus de la SHAM d'indemniser directement la victime ; il y a dès lors lieu, en application du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, de prononcer à l'encontre de la SHAM des pénalités, dont le montant doit être fixé, à partir d'un taux de 15 %, à 1 395,38 euros et 1 194,19 euros ;
- il a droit, sur la somme de 9 302,50 euros faisant l'objet du titre exécutoire n° 1159 du 3 septembre 2020, aux intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2020 et à leur capitalisation à chaque échéance annuelle à compter du 30 octobre 2021 et, sur la somme de 13 294,62 euros faisant l'objet du titre exécutoire n° 1192 du 2 juin 2021, aux intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2021 et à leur capitalisation à chaque échéance annuelle à compter du 26 octobre 2022.
Par ordonnance du 30 août 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 3 octobre 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 1er septembre 2016, Mme A... B..., porteuse de la maladie de Crohn, s'est présentée aux urgences du centre hospitalier de Creil, aux droits duquel vient désormais le Groupe hospitalier public du sud de l'Oise (GHPSO), en raison de vomissements, nausées, diarrhées et douleurs abdominales durant depuis trois à cinq jours et allant en s'aggravant. Placée sous surveillance médicale, elle a présenté le lendemain un choc septique ayant conduit à son transfert au centre hospitalier universitaire (CHU) d'Amiens. Elle y a subi en urgence une intervention chirurgicale par laparotomie pour prise en charge d'une occlusion sur sténose inflammatoire ainsi qu'une thrombectomie de l'axe fémoro-poplité en raison de l'apparition d'une ischémie aigüe de son membre inférieur droit. Les suites opératoires ont été marquées par deux reprises de la chirurgie digestive, les 3 et 6 septembre 2016, ainsi que par l'aggravation de l'ischémie de la jambe droite, conduisant à une amputation sous-gonale le 10 octobre 2016. Mme B... a conservé, d'une part, un syndrome dit de " grêle court " à l'origine de troubles intestinaux et, d'autre part, des troubles fonctionnels résultant de l'amputation de sa jambe droite.
2. Mme B... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Picardie le 21 février 2018, qui a sollicité une expertise médicale, dont le rapport a été rendu le 7 mai 2018. Par un avis du 21 septembre 2018, la CRCI a estimé que la réparation incombait à l'assureur du GHPSO au titre des fautes commises par ce dernier au cours de la prise en charge de l'intéressée et a déterminé les postes de préjudices d'ores et déjà indemnisables malgré l'absence de consolidation de son état de santé. Par un courrier du 6 février 2019, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), en qualité d'assureur du GHPSO, a informé Mme B... et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) de ce qu'elle refusait d'adresser une offre d'indemnisation au motif que la responsabilité de son assuré n'était, selon elle, pas engagée. L'ONIAM, intervenant par substitution en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, a conclu avec Mme B... deux protocoles d'indemnisation transactionnelle provisionnelle les 3 septembre 2020 et 2 juin 2021, pour des montants respectifs de 9 302,50 euros et 13 294,62 euros. L'ONIAM a alors émis à l'encontre de la SHAM, les 21 septembre 2020 et 5 octobre 2021, deux titres exécutoires nos 1159 et 1192 aux fins de recouvrer ces mêmes sommes.
3. Par un jugement du 17 novembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les requêtes dont l'avaient saisi le GHPSO et la SHAM, depuis devenue la société Relyens Mutual Insurance, tendant à l'annulation des titres exécutoires des 21 septembre 2020 et 5 octobre 2021 et à la décharge de l'obligation de payer les sommes de 9 302,50 euros et 13 294,62 euros demandées par l'ONIAM. En revanche, il a fait droit aux conclusions reconventionnelles présentées par l'ONIAM en condamnant la SHAM à verser en outre à celui-ci des sommes de 1 395,38 euros et 1 194,19 euros au titre de la pénalité de 15 % prévue par le cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique mais il a rejeté le surplus de ses conclusions, notamment celles relatives aux intérêts légaux et à la capitalisation des intérêts. Le GHPSO et la société Relyens Mutual Insurance relèvent appel de ce jugement et demandent à la cour de l'annuler ainsi que de faire droit à leurs demandes de première instance. En défense, l'ONIAM conclut au rejet de la requête d'appel et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour d'annuler le jugement uniquement en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives aux intérêts et à la capitalisation des intérêts et de faire droit à ces mêmes conclusions.
Sur l'appel principal du GHPSO et de la société Relyens Mutual Insurance :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
4. Les moyens tirés du défaut de motivation du jugement du 17 novembre 2022 et de ce que les premiers juges auraient à tort rejeté comme irrecevables les requêtes en tant qu'elles sont présentées par le GHPSO, brièvement énoncés par le GHPSO et la société Relyens Mutual Insurance dans leur mémoire sommaire introductif d'instance et non repris ni développés par la suite, ne sont pas assortis de précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, le tribunal administratif d'Amiens, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens soulevés devant lui. Par ailleurs, c'est sans entacher son jugement d'irrégularité que le tribunal administratif d'Amiens a pu opposer le défaut d'intérêt à agir du GHPSO dès lors qu'il n'est ni destinataire des titres exécutoires attaqués, ni tenu par les obligations de payer que ceux-ci énoncent, quand bien même le GHPSO ne serait pas étranger aux circonstances de fait sur lesquels ces titres exécutoires sont fondés. Dès lors, ces moyens doivent être écartés.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant des conclusions à fin d'annulation des titres exécutoires des 21 septembre 2020 et 5 octobre 2021 et de décharge des obligations de payer correspondantes :
5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) ". Aux termes de l'article 1142-14 du même code : " Lorsque la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales estime qu'un dommage relevant du premier alinéa de l'article L. 1142-8 engage la responsabilité d'un professionnel de santé, d'un établissement de santé, d'un service de santé ou d'un organisme mentionné à l'article L. 1142-1 ou d'un producteur d'un produit de santé mentionné à l'article L. 1142-2, l'assureur qui garantit la responsabilité civile ou administrative de la personne considérée comme responsable par la commission adresse à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai de quatre mois suivant la réception de l'avis, une offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis dans la limite des plafonds de garantie des contrats d'assurance. / (...) ". Aux termes de l'article L. 1142-15 du même code : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré ou la couverture d'assurance prévue à l'article L. 1142-2 est épuisée ou expirée, l'office institué à l'article L. 1142-22 est substitué à l'assureur. / (...) / L'acceptation de l'offre de l'office vaut transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La transaction est portée à la connaissance du responsable et, le cas échéant, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances. / L'office est subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de la victime contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur ou le fonds institué à l'article L. 426-1 du même code. Il peut en outre obtenir remboursement des frais d'expertise. / (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'ONIAM s'est substitué à la personne responsable du dommage et que la victime a accepté son offre d'indemnisation, il est subrogé dans les droits de cette dernière à concurrence des sommes versées et est ainsi investi, dans cette limite, de tous les droits et actions que le subrogeant pouvait exercer. Ainsi, lorsque l'ONIAM émet un titre exécutoire en vue du recouvrement de la somme versée à la victime en application des dispositions précitées de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, le recours du débiteur tendant à la décharge de la somme mise à sa charge invite le juge administratif à se prononcer sur la responsabilité du débiteur à l'égard de la victime aux droits de laquelle l'Office est subrogé, ainsi que sur le montant de son préjudice. Il incombe alors au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, s'ils étaient fondés, à justifier le prononcé de la décharge.
- Bien-fondé des créances de l'ONIAM :
7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise médicale du 7 mai 2018 mais également de la chronologie des faits présentée par les trois rapports critiques produits par le GHPSO et la société Relyens Mutual Insurance dans le cadre de l'instance, que Mme B..., qui avait été diagnostiquée de la maladie de Crohn en janvier 2016, s'est présentée aux urgences du centre hospitalier de Creil le 1er septembre 2016 à 23h37 en raison de vomissements, nausées, diarrhées et douleurs abdominales durant depuis trois à cinq jours et allant en s'aggravant. Un examen par scanner a mis en évidence un syndrome occlusif grêlique en amont d'une sténose d'allure inflammatoire de la dernière anse, sans signe de perforation mais avec une lame d'épanchement dans le pelvis et la gouttière pariéto-colique. Un chirurgien digestif a alors préconisé la mise en place d'une aspiration digestive et d'un traitement anti-œdémateux associé à une antibiothérapie large. Cette indication, excluant le recours à la chirurgie, a encore été confirmée le lendemain à 10h alors que Mme B... était prise en charge depuis 5h20 pour un choc septique et la détérioration de son état général. Elle a finalement été transférée dans la journée au CHU d'Amiens, avec au préalable la pose d'un cathéter fémoral. Elle y a subi dès son arrivée une intervention chirurgicale par laparotomie, suivie de deux reprises chirurgicales les 3 et 6 septembre 2016, au cours desquelles il a été procédé à plusieurs résections du grêle. Elle a par ailleurs développé une ischémie aigüe de sa jambe droite qu'une thrombectomie de l'axe fémoro-poplité réalisée le 3 septembre 2016 n'a pas permis de résorber et qui a conduit à une amputation sous-gonale le 10 octobre 2016.
8. Il résulte également de l'instruction que les symptômes ayant conduit Mme B... à se rendre aux urgences du centre hospitalier de Creil le 1er septembre 2016 s'inscrivent dans le prolongement d'une poussée de sa maladie de Crohn qui était à l'œuvre depuis le début de l'été et qui avait déjà donné lieu à une prise en charge au sein de l'hôpital privé Les Jockeys situé à Chantilly et à un traitement médicamenteux. Par ailleurs, il est constant que lorsqu'elle s'est présentée aux urgences, Mme B... présentait des symptômes évoluant depuis trois à cinq jours dans le sens de leur aggravation et que des douleurs abdominales très importantes ont alors été constatées. Il n'est d'ailleurs pas contesté par le GHPSO et la société Relyens Mutual Insurance que ces douleurs ont conduit à administrer une dose importante de morphine à Mme B... au cours de la nuit suivante. Ainsi, compte tenu, d'une part, des symptômes présentés par Mme B... à son arrivée aux urgences et, d'autre part, de la prise en charge dont elle avait déjà bénéficié dans les semaines précédentes, l'indication d'un traitement médical et l'exclusion de la voie chirurgicale n'étaient pas adaptées à son état de santé, ni conformes à une prise en charge dans les règles de l'art. En outre, cette indication erronée a même encore été maintenue dans la matinée du 2 septembre 2016 alors que l'état de Mme B... s'était gravement détérioré pendant la nuit et qu'elle était déjà prise en charge pour un choc septique. Dans ces conditions, le GHPSO doit être regardé comme ayant commis une faute dans le diagnostic et la prise en charge de Mme B....
9. Il résulte enfin de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise médicale du 7 mai 2018, que la faute du GHPSO a permis le développement d'un choc septique ainsi que l'aggravation de la sténose intestinale de Mme B.... La prise en charge de celle-ci a nécessité des interventions chirurgicales beaucoup plus lourdes que celle qu'elle aurait subie si l'indication opératoire avait été posée à son arrivée aux urgences du GHPSO et elle a aussi conduit à des résections du grêle beaucoup plus importantes. Il en résulte un syndrome de " grêle court " à l'origine de graves troubles intestinaux que Mme B... n'aurait pas conservés en cas de prise en charge conforme aux règles de l'art. Par ailleurs, si la thrombose fémorale développée par Mme B... ne présente pas de lien avec la sténose intestinale mais constitue une complication liée à la pose d'un cathéter au cours de la prise en charge, il résulte de l'instruction que la pose de ce dispositif n'a été rendue nécessaire que par le choc septique dont la faute du GHPSO a seule permis le développement et l'aggravation et ne l'aurait pas été si l'indication opératoire avait été posée dès le début de la prise en charge. Il en résulte que, quand bien même elle présenterait les caractères d'un accident médical non fautif ou d'un aléa médical, la réparation des conséquences de la thrombose fémorale présentée par Mme B..., incluant l'amputation de sa jambe droite, incombe entièrement au GHPSO.
10. Il résulte de ce qui précède que la faute commise par le GHPSO lors de la prise en charge de Mme B... les 1er et 2 septembre 2016 engage sa responsabilité et l'oblige à réparer les entiers préjudices qu'elle a subis. Dès lors que le GHPSO et la société Relyens Mutual Insurance ne contestent pas par ailleurs le montant des indemnités transactionnelles provisionnelles de 9 302,50 euros et 13 294,62 euros versées par l'ONIAM à Mme B... dans le cadre de la substitution prévue par les dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, l'ONIAM est fondé à en demander le remboursement à l'assureur du GHPSO, la SHAM, depuis devenue la société Relyens Mutual Insurance.
- Régularité des titres exécutoires attaquées :
11. Si le GHPSO et la société Relyens Mutual Insurance énoncent dans leur mémoire sommaire introductif d'instance que " c'est à tort que le tribunal a jugé que les titres exécutoires litigieux étaient suffisamment motivés et permettaient à la SHAM d'en comprendre le fondement " et que " c'est également à tort que le tribunal a jugé que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration devait être écarté ", ils n'ont développé par la suite aucun moyen de contestation des motifs du jugement sur ces points. Dès lors, ces moyens, qui ne sont pas assortis de précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé, doivent être écartés.
S'agissant de la condamnation de la société Relyens Mutual Insurance sur le fondement du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique :
12. Aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique : " En cas de silence ou de refus explicite de la part de l'assureur de faire une offre, ou lorsque le responsable des dommages n'est pas assuré, le juge, saisi dans le cadre de la subrogation, condamne, le cas échéant, l'assureur ou le responsable à verser à l'office une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité qu'il alloue ".
13. Il résulte de l'instruction et de ce qui a déjà été dit aux points 7 à 10 que le GHPSO a commis des fautes lors de la prise en charge de Mme B... les 1er et 2 septembre 2016. Elles ont emporté pour l'état de santé de l'intéressée des conséquences graves à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent qui ne sera, à terme, pas inférieur à 35 %. Les conclusions du rapport d'expertise médicale du 7 mai 2018, rendues au contradictoire du GHPSO, n'étaient ni ambigües ni hautement contestables, contrairement à ce que soutiennent le GHPSO et la société Relyens Mutual Insurance. Cette société a refusé d'adresser une offre d'indemnisation à Mme B... en dépit de l'avis favorable émis par la CRCI qui ne divergeait pas des conclusions de l'expertise. Elle a encore refusé de s'acquitter des titres exécutoires émis par l'ONIAM alors même qu'elle ne conteste pas le montant des indemnités transactionnelles provisionnelles versées dans le cadre de la substitution prévue par les dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la société Relyens Mutual Insurance à verser à l'ONIAM la pénalité prévue au cinquième alinéa de l'article précité et, pour déterminer son montant, de se fonder sur le taux maximal de 15 % prévu par ces mêmes dispositions. Il s'ensuit que la société Relyens Mutual Insurance doit être condamnée à verser à l'ONIAM une somme de 1 395,38 euros au titre du recouvrement du titre exécutoire n° 1159 du 21 septembre 2020 et une somme de 1 194,19 euros au titre du recouvrement du titre exécutoire n° 1192 du 5 octobre 2021.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de leur requête d'appel, que le GHPSO et la société Relyens Mutual Insurance ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des titres exécutoires nos 1159 et 1192 du 21 septembre 2020 et 5 octobre 2021 et à la décharge de l'obligation de payer les sommes de 9 302,50 euros et 13 294,62 euros demandées par l'ONIAM et, d'autre part, fait droit aux conclusions reconventionnelles de l'ONIAM en condamnant la société Relyens Mutual Insurance à lui verser des sommes de 1 395,38 euros et 1 194,19 euros au titre de la pénalité prévue au cinquième alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.
Sur l'appel incident de l'ONIAM :
15. D'une part, lorsque l'ONIAM a choisi d'émettre un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme qu'il a versée à une victime en application des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, il n'est recevable à demander au juge ni la condamnation du débiteur au remboursement de l'indemnité ainsi versée, ni d'ordonner le versement des intérêts légaux qui s'y rapportent, pas plus que leur capitalisation. D'autre part, l'émission par l'ONIAM d'un titre exécutoire en vue de recouvrer la somme versée à une victime dans le cadre de la substitution prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique fait en tout état de cause de plein droit courir des intérêts légaux. A cet égard, et contrairement à ce que soutiennent le GHPSO et la société Relyens Mutual Insurance en défense, l'opposition à titre exécutoire formée devant le juge administratif a seulement pour effet de suspendre l'obligation de payer mais ne fait pas obstacle, en cas de rejet de la requête, à l'exigibilité des intérêts légaux à compter de la date de notification à son destinataire du titre exécutoire litigieux. Dans ces conditions, l'ONIAM disposant des pouvoirs nécessaires pour assurer le recouvrement des intérêts légaux en émettant directement un nouveau titre exécutoire à cette fin, il n'est pas recevable à demander au juge administratif de condamner la société Relyens Mutual Insurance au paiement de ces intérêts légaux. Il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions relatives à la capitalisation des intérêts.
16. Il résulte de ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif d'Amiens aurait entaché son jugement d'irrégularité en rejetant comme irrecevables ses conclusions reconventionnelles relatives aux intérêts légaux et, par voie de conséquence, celles relatives à leur capitalisation.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le GHPSO et la société Relyens Mutual Insurance demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Relyens Mutual Insurance le versement à l'ONIAM d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du GHPSO et de la société Relyens Mutual Insurance est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de l'ONIAM sont rejetées.
Article 3 : La société Relyens Mutual Insurance versera à l'ONIAM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au groupe hospitalier public du sud de l'Oise, à la société Relyens Mutual Insurance et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Délibéré après l'audience publique du 28 mai 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.
Le rapporteur,
Signé : G. ToutiasLa présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°23DA00125