Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le département du Pas-de-Calais à lui verser la somme de 10 025,77 euros en réparation de dommages survenus le 14 septembre 2018 à son véhicule automobile sur la route départementale n° 8 qu'elle impute à la présence d'un ralentisseur à l'entrée de la commune de Foufflin-Ricametz, et d'enjoindre au département du Pas-de-Calais de procéder à la suppression de ce ralentisseur dans un délai de trois mois.
Par un jugement n° 1908619 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2022, Mme B..., représentée par Me Patrick Gaulmin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le département du Pas-de-Calais a implicitement rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices résultant des dommages survenus à son véhicule automobile alors qu'elle empruntait la route départementale 8 qu'elle impute à la présence d'un ralentisseur à l'entrée de la commune de Foufflin-Ricametz et de suppression de l'ouvrage public en cause ;
3°) d'enjoindre au département du Pas-de-Calais de procéder à la suppression du ralentisseur situé sur la route départementale 8 à l'entrée de la commune de Foufflin-Ricametz, dans un délai de trois mois à compter du jugement à intervenir ;
4°) de condamner le département du Pas-de-Calais à l'indemniser de ses préjudices à hauteur d'une somme totale de 10 025,77 euros ;
5°) de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais une somme de 3 600 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur la conformité du ralentisseur litigieux, et sur la demande de suppression de l'ouvrage ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- la responsabilité du département du Pas-de-Calais est engagée en raison d'un défaut d'entretien normal résultant de la présence d'un ralentisseur non conforme aux prescriptions du décret n° 94-447 du 27 mai 1994 ; il est implanté illégalement, sans respecter la distance minimale de l'agglomération ; la limite de vitesse à 30 km/h était indiquée par une signalisation temporaire face contre terre, alors que les travaux étaient achevés depuis au moins le 4 septembre 2018 ; si des balises d'alignement K5c attiraient l'attention des conducteurs sur la présence de travaux, le ralentisseur était seulement signalé par un panneau de type C27, sans panneau de type A2b ; sa pente restait excessive malgré des travaux de reprise effectués par le département le 7 septembre 2018 ;
- le département doit être condamné à indemniser la requérante, et être condamné à supprimer cet ouvrage ;
- les circonstances de l'accident sont établies par deux témoins directs et une troisième attestation ; le préjudice de Mme B... s'établit à la somme totale de 10 025,77 euros correspondant aux frais de location de véhicule pour 810,16 euros, aux frais de démontage pour les besoins de l'expertise pour 304,51 euros, aux frais de remise en état du véhicule pour 4 711,10 euros, à son préjudice moral et aux troubles dans ses conditions d'existence à hauteur de 3 000 euros et aux honoraires et frais de son conseil à hauteur de 1 200 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2022, le département du Pas-de-Calais, représenté par Me Henri Abecassis, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requérante ne sont pas fondés et, à titre subsidiaire, que Mme B... a commis une faute exonérant le département du Pas-de-Calais de sa responsabilité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la route ;
- le décret °94-447 du 27 mai 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Licia Bosco Damous, représentant le département du Pas-de-Calais .
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A... épouse B... soutient que son véhicule a été endommagé le 14 septembre 2018 aux alentours de 17 heures, alors qu'elle circulait sur la route départementale n° 8, à son passage sur le ralentisseur situé à l'entrée de la commune de Foufflin-Ricametz (Pas-de-Calais). Par lettre du 12 avril 2019, sa compagnie d'assurances, la société Groupama, a demandé au département du Pas-de-Calais et son assureur Breteuil Assurances le versement de la somme de 5 813,26 euros en réparation de son préjudice. La compagnie d'assurances du département a rejeté sa demande par lettre du 16 avril 2019. Par courrier du 13 mai 2019, le conseil de Mme B... a réitéré sa demande auprès du département en la complétant d'une demande de suppression du ralentisseur auquel il n'a pas été donné suite. Mme A... épouse B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande tendant ce que le département du Pas-de-Calais soit condamné à l'indemniser au titre de ses préjudices à hauteur d'une somme totale de 10 025,77 euros et à ce qu'il soit enjoint à la collectivité de supprimer le ralentisseur en litige.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, le tribunal s'est prononcé au point 4 du jugement sur les conclusions à fin d'injonction, en indiquant qu'elles devaient être rejetées, et a rejeté à l'article 1er du dispositif la demande de Mme B... dans son ensemble. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au département de supprimer le ralentisseur doit être écarté.
3. En deuxième lieu, lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures.
4. Les premiers juges ayant considéré que le lien de causalité entre l'ouvrage et les dommages constatés sur le véhicule de Mme A... épouse B... n'était pas établi, ce qui suffisait à écarter le moyen relatif à l'engagement de la responsabilité du département, le tribunal ne pouvait que rejeter les conclusions à fin d'injonction de suppression du ralentisseur, ce qu'il a fait au point 4 du jugement, et n'était donc pas tenu de se prononcer sur le défaut allégué de conformité du ralentisseur litigieux, invoqué au soutien de ces conclusions à fin d'injonction. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer sur ce moyen doit être écarté.
5. En troisième lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Lille a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par la requérante. En particulier, le tribunal administratif, n'étant pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'était pas tenu de se prononcer sur le défaut allégué de conformité du ralentisseur litigieux, dès lors qu'il avait écarté l'engagement de la responsabilité du département en l'absence de lien de causalité établi et, qu'en l'absence d'une telle responsabilité, les conclusions à fin d'injonction ne pouvaient être que rejetées par voie de conséquence. Par conséquent, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'une insuffisance de motivation, et par suite, d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
6. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur une voie publique, de rapporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
Quant à la matérialité des faits et au lien de causalité :
7. Mme B... impute les dommages causés à son véhicule au ralentisseur situé à l'entrée de la commune de Foufflin-Ricametz, sur la route départementale 8, le 14 septembre 2018. Cependant, il résulte de l'instruction que le carter de son véhicule était déjà endommagé et avait déjà fait l'objet d'une réparation, et les deux attestations de témoins datées des 19 septembre 2018 et 15 octobre 2018 ne permettent pas d'établir la réalité des faits allégués, ayant été établies pour l'une deux jours et pour l'autre un mois plus tard. De même, l'attestation datée du 17 septembre 2018 du garagiste l'ayant prise en charge ne mentionne pas le lieu de prise en charge et ne permet pas non plus de corroborer les allégations de Mme B.... Dans ces circonstances, compte tenu de l'état antérieur du véhicule et du caractère insuffisamment probant des attestations fournies, le lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage dont elle se plaint ne peut pas être regardé comme établi.
Au surplus, quant à l'entretien normal de l'ouvrage et quant à la faute de la victime :
8. Les dispositions du décret n° 94-447 du 27 mai 1994 relatif aux caractéristiques et aux conditions de réalisation des ralentisseurs de type dos d'âne ou de type trapézoïdal sont sans incidence en l'espèce, le ralentisseur étant du type " plateau " qui ne fait pas l'objet d'une réglementation technique spécifique.
9. Il résulte de l'instruction que ce plateau ralentisseur, d'une longueur de douze mètres et d'une largeur de 5,20 mètres, a une rampe d'attaque entre 7 et 10 % qui, au regard des essais effectués le 6 novembre 2018 permet un franchissement sans dommages à 30 km/h. Bien qu'il ne soit pas soumis à une réglementation technique spécifique, il est conforme aux recommandations du Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les construction publiques (Certu).
10. S'agissant de la signalisation, si le panneau A2b annonçant un ralentisseur était absent et si le marquage au sol n'a été effectué que postérieurement aux faits en litige, entre le 18 septembre 2018 et le 6 novembre 2018, il est constant qu'un panneau C27 signalant la position de la surélévation de chaussée était installé. La circonstance que le panneau temporaire mobile de type B14 de limitation de vitesse à 30 km/h a été trouvé face contre terre lors du constat d'huissier du 18 septembre 2018 ne permet pas d'établir s'il était visible ou non le 14 septembre 2018, dès lors que ce panneau n'est pas fixe. Enfin, et surtout, une signalisation provisoire de chantier de type K5c avertissait de la réalisation de travaux. Si Mme B... soutient que les travaux auraient été achevés le 4 septembre 2018, cette circonstance n'est pas établie, dès lors qu'il résulte de l'instruction que des travaux de signalisation et de marquage restaient à effectuer et en tout état de cause, à la supposer établie, elle n'interdisait pas de maintenir temporairement une signalisation de chantier à titre de précaution. Compte tenu de cette signalisation de chantier et du panneau de position du plateau ralentisseur, réalisé dans un matériau de couleur différente accentuant sa visibilité, cette signalisation de l'ouvrage ne peut être regardée en l'espèce comme insuffisante pour avertir de la présence d'un danger nécessitant une particulière vigilance et une adaptation de la vitesse par les conducteurs.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, compte tenu des caractéristiques de l'ouvrage et de la signalisation adaptée à la réalisation de travaux en cours, qu'aucun défaut d'entretien normal de l'ouvrage ne peut en l'espèce être retenu à l'encontre du département.
12. Aux termes de l'article R. 413-17 du code de la route, dans sa rédaction applicable à la date des faits : " I.- Les vitesses maximales autorisées par les dispositions du présent code, ainsi que celles plus réduites éventuellement prescrites par les autorités investies du pouvoir de police de la circulation, ne s'entendent que dans des conditions optimales de circulation : bonnes conditions atmosphériques, trafic fluide, véhicule en bon état. / II.- Elles ne dispensent en aucun cas le conducteur de rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l'état de la chaussée, des difficultés de la circulation, notamment sur les voies adjacentes et des obstacles prévisibles (...) ".
13. Il résulte de l'instruction, d'une part, que Mme B..., domiciliée à Monts-en-Ternois à quelques kilomètres du lieu d'implantation du ralentisseur et titulaire d'un permis de conduire depuis 1997, connaissait nécessairement les lieux, et, d'autre part, que si le ralentisseur présente des traces de frottement, au regard de sa pente et des essais effectués le 6 novembre 2018, ces traces sont imputables à des franchissements à une vitesse excessive. Compte tenu de la signalisation de chantier présente en amont du plateau ralentisseur et de ses caractéristiques techniques, il résulte de l'instruction que le choc entre le véhicule de Mme B... et l'ouvrage n'a été rendu possible que par une vitesse inadaptée à l'état de la chaussée et aux difficultés de la circulation, en méconnaissance fautive des dispositions précitées de l'article R. 413-17 du code de la route.
14. Il résulte de tout ce qui précède, compte tenu de l'entretien normal de l'ouvrage, et au surplus de la faute de la victime, que la responsabilité du département en charge de l'ouvrage public dans les dommages subis par Mme B... ne peut, en tout état de cause, être retenue.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Compte tenu du principe rappelé au point 3, et en l'absence de responsabilité du département du Pas-de-Calais, les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint à la collectivité de supprimer le plateau ralentisseur en litige doivent être rejetées.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite, la requête de Mme B... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros à verser au département du Pas-de-Calais au titre des dispositions de cet article.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera la somme de 2 000 euros au département du Pas-de-Calais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au département du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 14 mai 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
M. Marc Baronnet, président-assesseur,
M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : M. D...La présidente de chambre,
Signé : M.P. Viard
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
par délégation,
La greffière
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N°22DA00183