Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de trois mois.
Par un jugement n° 2205264 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2023 et des pièces enregistrées le 30 avril 2024, M. A... B..., représenté par Me Djehanne Elatrassi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 23 mars 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour valable un an, portant la mention " vie privée et familiale ", ou, subsidiairement, d'enjoindre au réexamen de sa demande dans les deux cas, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour dans un délai de sept jours à compter du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- cette décision aurait dû être prise après saisine de la commission du titre de séjour ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas produit ;
- la décision portant refus de titre méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également l'article L. 435-1 du même code ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2023 et des pièces enregistrées le 22 décembre 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, est entré en France en août 2018 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 4 juin 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 3 novembre 2021. Il a ensuite demandé la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Par arrêté du 23 mars 2022, le préfet de Seine-Maritime a rejeté cette demande, a obligé le requérant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'expiration de ce délai et lui a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de trois mois. Par un jugement du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté :
En ce qui concerne la motivation de la décision refusant un titre de séjour :
2. La décision contestée cite les textes dont elle fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. En particulier, elle mentionne le sens de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et considère qu'au vu des pièces du dossier et de l'examen de la situation de l'intéressé, celui-ci ne remplit pas les conditions posées par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision de refus de titre indique également que M. B... " ne fait valoir son investissement dans aucune association ou formation professionnelle qualifiante " et qu'il n'établit pas que son épouse et sa fille ne résiderait pas dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté.
En ce qui concerne le respect de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
3. Aux termes de cet article: " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu un avis, le 14 décembre 2021. Cet avis a été produit et communiqué au requérant, contrairement à ce qu'il soutient. Le moyen tiré d'un défaut de consultation de cette instance doit donc être écarté.
5. En deuxième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires, doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous les éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré, dans son avis du 14 décembre 2021 que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
7. M. B... a produit des ordonnances de prescriptions de médicaments courants ainsi que des pièces démontrant son suivi médical. Le certificat médical du 9 septembre 2021 adressé à l'Office français de l'immigration et de l'intégration qu'il produit, atteste d'une amélioration de son état mais indique que son retour dans son pays l'exposerait à une rechute traumatique. Il produit également un courrier du 27 mai 2021 d'un infirmier psychiatrique indiquant qu'il est " nécessaire qu'il puisse maintenir ses soins en France car il lui est impossible d'accéder de manière effective " à une prise en charge spécialisée dans son pays. Ces éléments peu circonstanciés ne suffisent pas à démontrer les conséquences d'une exceptionnelle gravité de l'absence de prise en charge médicale. De même, pour étayer l'absence d'accès effectif à un traitement, il se limite à produire un rapport d'octobre 2010 sur la prise en charge psychiatrique en Guinée. Par ailleurs, l'intéressé ne produit non plus aucun élément de nature à établir que son retour dans son pays serait de nature à entraîner une aggravation de son état de santé de nature à menacer sa vie, ni même que son état de santé serait lié aux événements qu'il dit avoir vécu dans son pays, sa demande d'asile ayant été rejetée de manière définitive. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, l'avis du collège de médecins précité indique que M. B... peut voyager sans risque vers son pays d'origine et l'appelant ne produit aucun élément de nature à remettre en cause cette appréciation.
En ce qui concerne le respect de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
8. Aux termes du premier alinéa de cet article : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
9. Si M. B... soutient sans l'établir qu'il est entré en France en octobre 2018, la durée de son séjour résulte des démarches entreprises pour demander l'asile puis de son maintien en situation irrégulière. Par ailleurs, si l'intéressé indique qu'il travaille et fait état des événements traumatiques vécus dans son pays, il ne produit aucune pièce de nature à l'établir. Dans ces conditions, il ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels permettant que lui soit délivrée une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions précitées.
En ce qui concerne l'examen de la situation et de l'erreur manifeste d'appréciation :
10. Il ne résulte pas des termes de la décision eu égard aux pièces du dossier et au vu de ce qui précède que le préfet ne se soit pas livré à un examen sérieux de la situation personnelle de M. B....
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'appelant doit également être écarté.
En ce qui concerne la saisine de la commission du titre de séjour :
12. Le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour. Il résulte de ce qui précède que M. B... ne rentre pas dans un tel cas. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de première instance. Il y a donc lieu de rejeter ses conclusions d'appel à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Djehanne Elatrassi.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.
Le rapporteur,
Signé : D. PerrinLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
N. Roméro
N° 23DA02058 2