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07/06/2024 | FRANCE | N°23DA01551

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 07 juin 2024, 23DA01551


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 20 août 2020 par lequel le maire de Proville a accordé un permis de construire à M. B... et la décision du 17 novembre 2020 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux.



Par un jugement n°2100628 du 19 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 20 août 2020 et la décision du 17 novembre 2020 en tant qu'est autorisé l'apport de remblais

effectué en dehors de la surface constituée par le premier plancher habitable de la maison d'habitati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 20 août 2020 par lequel le maire de Proville a accordé un permis de construire à M. B... et la décision du 17 novembre 2020 par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n°2100628 du 19 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 20 août 2020 et la décision du 17 novembre 2020 en tant qu'est autorisé l'apport de remblais effectué en dehors de la surface constituée par le premier plancher habitable de la maison d'habitation prévue, en méconnaissance des dispositions des articles UC1 et UC2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Proville et a rejeté le surplus des demandes de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 juillet 2023, 26 janvier 2024, 19 mars 2024 et 12 avril 2024, la commune de Proville, représentée par la SCP Manuel Gros, Héloïse Hicter, Audrey d'Halluin et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Mme A... n'a pas intérêt à agir, c'est donc à tort que le tribunal administratif n'a pas rejeté comme irrecevable sa demande de première instance ;

- le remblai effectué par le pétitionnaire était nécessaire à la construction projetée et il devait concerner la terrasse et le carport qui constituent des surfaces accessoires à l'habitation ; le permis ne méconnait donc pas les articles UC 1 et UC 2 du plan local d'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 octobre 2023, le 4 mars 2024 et le 8 avril 2024, Mme A..., représentée par Me Manon Leuliet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Proville de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- le dossier de permis de construire était incomplet en ce qui concerne les espaces verts présents sur le terrain ;

- le projet méconnait l'article UV 13 du plan local d'urbanisme de la commune de Proville.

La procédure a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire.

Par une décision du 5 octobre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Douai, l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25% a été accordée à Mme A....

Par une ordonnance du 9 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 avril 2024 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la construction et de l'habitation

- le code civil ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Chavada pour la commune de Proville et de Me Manon Leuliet pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Par un arrêté du 20 août 2020, le maire de Proville a délivré un permis de construire à M. B... pour une maison individuelle sur les parcelles AE 112,114 et 115, situées impasse Camier dans cette commune. Mme A..., propriétaire de parcelles dans cette impasse a formé, par un courrier du 21 septembre 2020, un recours gracieux contre cette décision. Le maire a rejeté cette demande par décision du 17 novembre 2020. Mme A... a alors saisi le tribunal administratif de Lille, qui, par un jugement du 19 juin 2023 a annulé cet arrêté en tant qu'il autorise l'apport de remblais effectué en dehors de la surface constituée par le premier plancher habitable de la maison d'habitation prévue, en méconnaissance des dispositions des articles UC1 et UC2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Proville. Cette commune relève appel de ce jugement.

2. La demande de permis de construire portait sur la construction d'une maison individuelle, d'un garage, d'un carport et d'une terrasse pour une surface totale de plancher de 179 m². Le permis délivré l'est pour cette même surface et ne fait pas état de modifications de la demande. En prononçant l'annulation de l'arrêté en tant qu'il autorise l'apport de remblais effectué en dehors de la surface constituée par le premier plancher habitable de la maison d'habitation, le tribunal administratif a donc annulé le permis en tant qu'il autorise l'apport de remblais pour le carport, la terrasse et le garage.

Sur le moyen d'annulation partielle retenu par le tribunal administratif :

3. Le projet est situé en zone UC du plan local d'urbanisme de la commune de Proville. Cette zone est, d'après le règlement du plan local d'urbanisme, " affectée principalement à une urbanisation à faible densité ". Le projet est également localisé dans un secteur UC i de cette zone, soumis, d'après le règlement à " un risque d'inondation ". Aux termes de l'article UC1 de ce règlement: " Sont interdits : / - les constructions à usage d'activité industrielle, / les constructions à usage d'entrepôts commerciaux, / les constructions à usage agricole, / les constructions à usage d'habitations légères de loisirs, / les terrains de camping et de caravaning, / le stationnement de caravanes isolées, / les dépôts de vieilles ferrailles, de matériaux de démolition et de déchets dès que la superficie occupée sur un même terrain dépasse 5m² et qu'ils sont visibles de l'extérieur de la propriété, / les parcs permanents, les stands de tir et les pistes de karting, / les paraboles en façade avant des constructions. / En outre, en zone UCi : (...) les remblais non nécessaires aux constructions autorisées sont interdits afin de ne pas aggraver le risque d'inondation par ailleurs ". Aux termes de l'article UC 2 de ce même document : " Dans le secteur UC indicé " i " : Sont admis tous les types d'occupations et utilisations du sol non expressément mentionnés dans l'article UC1, dont la hauteur du 1er plancher habitable est située 0,50 m au-dessus de la cote 45,60 NGF. (...) ".

4. Le règlement du plan local d'urbanisme ne comporte pas de définition de la notion de plancher habitable. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-14 du code de l'urbanisme, relatif aux règles de densité des constructions : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 331-10, la surface de plancher de la construction s'entend de la somme des surfaces de plancher closes et couvertes, sous une hauteur de plafond supérieure à 1,80 m, calculée à partir du nu intérieur des façades du bâtiment. ". Aux termes des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction alors applicable : " La surface habitable d'un logement est la surface de plancher construite, après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escaliers, gaines, embrasures de portes et de fenêtres ; le volume habitable correspond au total des surfaces habitables ainsi définies multipliées par les hauteurs sous plafond. / Il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagés, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, volumes vitrés prévus à l'article R. 111-10, locaux communs et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre. ".

5. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'eu égard à l'objectif de préservation des inondations qui s'impose dans la zone UCi, les constructions non interdites par l'article UC1 doivent avoir le premier niveau de leur surface de plancher habitable situé au-dessus de la côte 46,10 mètres NGF et que les remblais ne sont permis que pour permettre à ces constructions de remplir cette condition.

6. Le carport et la terrasse ne sont pas clos et n'ont donc pas de surface de plancher au sens du code de l'urbanisme. Le garage est séparé de la maison par le carport et s'il constitue un accessoire du bâtiment d'habitation au sens de l'article R. 151-29 du code de l'urbanisme, ayant même destination que l'habitation, il ne dispose pas pour autant d'une surface habitable. Si l'ampleur exacte des remblaiements est contestée, il est constant que les remblais ont été effectués sur l'ensemble des parties construites, à savoir la maison, le carport, la terrasse et le garage. Dans ces conditions, en autorisant le remblaiement au-delà de la seule maison d'habitation, le maire de Proville a méconnu les dispositions précitées du plan local d'urbanisme communal.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Proville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 20 août 2020 en tant qu'il autorise l'apport de remblais effectué en dehors de la surface constituée par le premier plancher habitable de la maison d'habitation.

Sur les autres moyens soulevés par Mme A... :

8. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation est contesté dans les conditions prévues à l'article L. 600-5-2, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux à son encontre passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense le concernant. ". Si Mme A... a développé des moyens d'annulation du permis du 20 août 2020 distincts de celui retenu par le tribunal administratif pour l'annulation partielle de celui-ci, elle ne l'a fait que dans son mémoire du 4 mars 2024, soit plus de deux mois après la production de son premier mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2023. Les moyens soulevés par Mme A... doivent donc, en tout état de cause, être écartés comme irrecevables, comme l'oppose la commune de Proville.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Proville demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme A... sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Proville est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Proville, à Mme C... A..., à M. B... et à Me Leuliet.

Délibéré après l'audience publique du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Romero

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA01551 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01551
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : MANUEL GROS, HÉLOÏSE HICTER & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;23da01551 ?
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