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07/06/2024 | FRANCE | N°23DA00493

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 07 juin 2024, 23DA00493


Vu la procédure suivante :



Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mars 2023 et un mémoire enregistré le 21 novembre 2023, la société Parc éolien de la Fosse Descroix, représentée par Me Antoine Guiheux, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :



1°) d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 en tant qu'il a refusé de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée pour l'éolienne E 6 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;



2°) d

e délivrer l'autorisation environnementale sollicitée pour cette éolienne ;



3°) à titre subsidiaire, d...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mars 2023 et un mémoire enregistré le 21 novembre 2023, la société Parc éolien de la Fosse Descroix, représentée par Me Antoine Guiheux, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 en tant qu'il a refusé de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée pour l'éolienne E 6 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) de délivrer l'autorisation environnementale sollicitée pour cette éolienne ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de l'Oise de délivrer l'autorisation sollicitée pour l'éolienne E 6, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- le projet ne porte pas atteinte aux paysages et aux sites et monuments, ni à la commodité du voisinage.

La procédure a été communiquée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la préfète de l'Oise qui n'ont pas produit de mémoire avant la clôture de l'instruction.

La clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative par une ordonnance du 11 avril 2024.

Un mémoire a été produit par la préfète de l'Oise le 29 avril 2024 et n'a pas été communiqué.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Sandrine Galipon, représentant la société Parc éolien de la Fosse Descroix.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. La société Parc éolien de la Fosse Descroix a déposé, le 19 novembre 2019, une demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien de 6 aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur les territoires des communes de Romescamps, Gourchelles et Fouilloy. A l'issue de l'enquête publique, la société a proposé de supprimer l'éolienne E 5, par un " porter à connaissance " du 15 avril 2022. Par arrêté du 24 novembre 2022, la préfète de l'Oise a autorisé les éoliennes E 1 à E 4 et refusé l'éolienne E 6. La société, après avoir formé, le 20 janvier 2023, un recours gracieux resté sans réponse, demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il refuse cette éolienne.

En ce qui concerne la motivation de l'arrêté du 24 novembre 2022 :

2. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. En particulier, il explique dans ses points 12 et 13, les motifs de refus de l'éolienne E 6. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.

En ce qui concerne les atteintes aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

3. D'une part, aux termes de l'article L 181-3 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation environnementale, l'autorité préfectorale est tenue, sous le contrôle du juge, de délivrer l'autorisation sollicitée si les dangers ou inconvénients que présente cette installation peuvent être prévenus par les prescriptions particulières spécifiées par un arrêté d'autorisation.

4. L'arrêté du 24 novembre 2022 a pour seul motif l'atteinte que porterait l'éolienne E 6 au paysage emblématique des villages herbagers de la Picardie verte.

5. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

6. L'éolienne E 6 se situe sur des parcelles de cultures ouvertes de plein champ implantées sur le plateau picard. Si ce site est identifié par l'atlas des paysages de l'Oise comme inclus dans le paysage emblématique des " villages herbagers de la Picardie verte ", ce document n'a aucune valeur règlementaire et le site d'implantation, qui ne fait l'objet d'aucune protection, se situe en limite de la zone ainsi identifiée. Or, il résulte de l'étude paysagère que si l'éolienne E 6 apparait au-dessus de bâtiments et de la végétation dans la vue sur la silhouette du village de Fouilloy, l'écrin végétal qui entoure le village et qui constitue l'une des illustrations du paysage emblématique caractérisé par l'atlas précité est peu marqué et le paysage est déjà fortement anthropisé avec la présence d'une ligne électrique et d'autres éoliennes. Par ailleurs, la suppression de l'éolienne E 5 qui était la plus proche, à 1 688 mètres du point de vue, contribue à la diminution de l'impact paysager. Enfin, l'étude paysagère précise, sans être contestée sur ce point, qu'il n'y a pas " d'axe routier majeur, ou de circuit de découverte emblématique, d'où l'on puisse apprécier dans le paysage la silhouette du village de Fouilloy ". De même si une partie des pâles de l'éolienne E 6 apparait légèrement au-dessus de l'écrin végétal entourant le village de Romescamps, cette vision très partielle et lointaine ne porte pas une atteinte significative au paysage que l'atlas précité a qualifié d'emblématique. Dans ces conditions, le site d'implantation de l'éolienne E 6 qui par lui-même ne présente pas de qualité particulière, ne fait l'objet d'aucune protection, n'apparaît pas non plus contribuer concrètement à la préservation de l'entité paysagère décrite comme remarquable par l'atlas des paysages de l'Oise et constitué par les écrins végétaux herbagers entourant certains villages.

7. Si l'éolienne E 6 est effectivement isolée des quatre autres éoliennes qui se trouvent à une distance d'environ un kilomètre, il ne résulte pas des photomontages composant l'étude paysagère que cette éolienne apparaisse totalement déconnectée des autres engins du projet comme des autres parcs existants. En particulier, si sur le photomontage 29 sur lequel s'appuie la préfète de l'Oise, cette éolienne apparait dominer un paysage de plateau constitué de cultures ouvertes de plein champ et comprenant des éléments arborés, elle s'intègre dans un paysage qui ne fait l'objet d'aucune protection, qui n'apparait pas avoir de qualité particulière et qui est déjà marqué par le motif éolien à l'horizon, dans le même angle de vue. L'atteinte portée par cette éolienne aux paysages qui l'environnent n'apparait donc pas significative.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Parc éolien de la Fosse Descroix est fondée à soutenir que c'est à tort que la préfète de l'Oise a refusé d'autoriser l'éolienne E 6.

Sur la délivrance de l'autorisation et l'injonction :

9. Dans le cadre d'un litige relevant d'un contentieux de pleine juridiction, comme en l'espèce, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation soumise à autorisation environnementale en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée puis, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions.

10. Aucun autre motif que celui écarté précédemment n'ayant été invoqué et eu égard aux motifs d'annulation retenus au présent arrêt, il y a lieu pour la cour de faire usage de ses pouvoirs de pleine juridiction, d'une part, en délivrant à la société pétitionnaire l'autorisation environnementale relative à la construction et l'exploitation de l'aérogénérateur E 6, d'autre part, en la renvoyant devant la préfète de l'Oise pour que soient fixées les prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, enfin, en enjoignant à l'autorité administrative de fixer ces prescriptions dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

11. En vue de garantir la sécurité juridique du bénéficiaire de l'autorisation et l'information des tiers, il est enjoint au maire de Romescamps et à la préfète de l'Oise de procéder dans le délai de dix jours à compter de la notification du présent arrêt aux mesures de publicité prescrites par l'article R.181-44 du code de l'environnement, à savoir un affichage du présent arrêt à la mairie de Romescamps pendant une durée minimum d'un mois, une publication sur le site internet des services de l'Etat du département de l'Oise pendant une durée minimale de quatre mois et un envoi de l'arrêt par les préfets aux conseils municipaux et aux autorités locales qui ont été consultées.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Parc éolien de la Fosse Descroix sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 24 novembre 2022 de la préfète de l'Oise est annulé en tant qu'il refuse d'autoriser l'éolienne E 6.

Article 2 : L'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation des éoliennes E 6 sur le territoire de la commune de Romescamps est accordée à la société Parc éolien de la Fosse Descroix.

Article 3 : La société Parc éolien de la Fosse Descroix est renvoyée devant la préfète de l'Oise pour que soient fixées les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

Article 4 : Il est enjoint à la préfète de l'Oise de fixer les prescriptions mentionnées à l'article 3 dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : La préfète de l'Oise et le maire de Romescamps procèderont aux mesures de publicité prévues à l'article R.181-44 du code de l'environnement dans le délai de dix jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 6 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Parc éolien de la Fosse Descroix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien de la Fosse Descroix, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la préfète et de l'Oise et à la commune de Romescamps.

Copie en sera adressée à la commune de Gourchelles.

Délibéré après l'audience publique du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. PerrinLa présidente de 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la préfète de l'Oise, chacun en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA00493 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00493
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET VOLTA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;23da00493 ?
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