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07/06/2024 | FRANCE | N°23DA00232

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 07 juin 2024, 23DA00232


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens :



- d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le maire de Chantilly s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux déposée en vue de la réfection de la toiture et de l'extension de sa propriété située 8 avenue Magdeleine sur le territoire de la commune ;

- d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le maire de Chantilly s'est opposé à la déclaration préalable d

e travaux déposée en vue de la réfection de la clôture en bois située sur cette même propriété ;

- d'en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens :

- d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le maire de Chantilly s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux déposée en vue de la réfection de la toiture et de l'extension de sa propriété située 8 avenue Magdeleine sur le territoire de la commune ;

- d'annuler l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le maire de Chantilly s'est opposé à la déclaration préalable de travaux déposée en vue de la réfection de la clôture en bois située sur cette même propriété ;

- d'enjoindre au maire de Chantilly d'autoriser les travaux ;

- de mettre à la charge de la commune de Chantilly la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2003796 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les arrêtés attaqués, mis à la charge de la commune de Chantilly la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 février 2023, 1er mars 2023 et 2 juillet 2023, la commune de Chantilly, représentée par Me Sébastien Sehili-Franceschini, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 décembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 500 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance est irrecevable pour tardiveté ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- Mme A... ne disposait pas d'une décision de non-opposition tacite en ce qui concerne sa demande portant sur la réfection de la toiture, dès lors que la déclaration préalable était en cours d'instruction et devait être soumise à l'avis de l'architecte des bâtiments de France (ABF) du fait de la démolition induite ;

- les arrêtés attaqués sont motivés ;

- le moyen tiré de l'inintelligibilité des avis de l'ABF n'est pas fondé ;

- le moyen tiré du non-respect par les arrêtés des principes de proportionnalité et d'égalité devant la loi n'est pas fondé dès lors que le refus d'autorisation d'urbanisme ne revêt pas le caractère d'une sanction et qu'il concerne une situation distincte de celle invoquée par Mme A... ;

En ce qui concerne la toiture :

- l'urgence du remplacement de la toiture n'exemptait pas Mme A... de régulariser son projet conformément aux prescriptions de l'ABF ;

- la conservation de la toiture dans son état originel incombait à Mme A... et était possible ;

- l'usage de tuiles différentes dans les maisons avoisinantes est sans influence ;

- l'ABF reproche également le volume du garage et le changement dans l'inclinaison des pentes de la toiture, ce qui suffit à justifier la décision d'opposition ;

- le remplacement des tuiles ne respecte pas le caractère des lieux ni l'unité architecturale de l'ensemble urbain identifié au plan local d'urbanisme (PLU) comme un patrimoine bâti remarquable ;

En ce qui concerne la clôture :

- la dangerosité de la clôture d'origine n'est pas établie et ne justifie pas un remplacement d'urgence sans autorisation ;

- l'aspect initial de la clôture a été modifié sans restituer les dimensions ni les dispositions d'origine, en méconnaissance de l'annexe 11 du PLU ;

- la clôture représentée dans la déclaration de régularisation ne correspond pas à la clôture effectivement réalisée ;

- la circonstance que les clôtures voisines soient différentes est sans incidence sur la nécessité de conserver les matériaux et l'aspect de la propriété.

Par un mémoire, enregistré le 16 mai 2023, Mme B... A..., représentée par Me Thomas Vanzetto, conclut au rejet de la requête, à la confirmation de l'annulation des arrêtés du 18 juin 2020 portant opposition à déclaration préalable et à la mise à la charge de la commune de Chantilly de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de première instance n'était pas tardive et était recevable ;

- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés ;

- elle bénéficiait d'une décision de non-opposition tacite en ce qui concerne la réfection de la toiture avant l'édiction de l'arrêté contesté ;

- les avis de l'ABF supports des arrêtés attaqués ne sont pas intelligibles ;

- la commune s'est à tort estimée liée par ces avis ;

- les avis de l'ABF sont disproportionnés et méconnaissent le principe d'égalité devant la loi, ainsi que les dispositions de l'article L.632-2 du code du patrimoine.

Par une ordonnance du 26 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R.611-11-1 et R.613-1 du code de justice administrative.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la présidente de la formation de jugement a invité la commune de Chantilly à produire des pièces, ce qu'elle a fait les 19 mars et 15 avril 2024.

Par lettre du 16 mai 2024 et en application de l'article R.611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'absence d'avis conforme de l'ABF au regard de l'article R.425-18 du code de l'urbanisme en ce qui concerne l'arrêté d'opposition à la déclaration préalable des travaux de clôture.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code du patrimoine ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- le décret n° 2019-617 du 21 juin 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... est propriétaire d'une maison située 8 avenue Magdeleine sur le territoire de la commune de Chantilly. Elle a déposé en mairie deux déclarations préalables de travaux, la première, le 12 décembre 2019, complétée les 20 décembre 2019 et 22 avril 2020, en vue de la réfection de la toiture et de l'extension au rez-de-chaussée d'un appentis de 19,50 m² attenant à cette maison, la seconde, le 22 avril 2020, en vue de la réfection de la clôture en bois bordant la propriété. Par deux décisions du 18 juin 2020, le maire de Chantilly s'est opposé aux travaux ainsi déclarés. Par la présente requête, la commune de Chantilly interjette appel du jugement n° 2003796 du 6 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a, à la demande de Mme A..., annulé ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L.9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. La commune de Chantilly soutient que le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne l'existence d'une démolition de la toiture et la caractérisation d'un accord ou avis de l'architecte des bâtiments de France (ABF). Cependant, ce moyen soulevé dans son mémoire en réplique alors que sa requête d'appel ne comportait aucune critique de la régularité du jugement, est irrecevable pour avoir été soulevé après l'expiration du délai d'appel. En tout état de cause, il ressort du point 7 du jugement du tribunal administratif de Rouen que celui-ci a pris position dans le sens que les travaux de la réfection de la toiture et de l'extension au rez-de-chaussée ne constituent pas la démolition d'un bâtiment, de sorte que l'accord exprès de l'ABF n'était pas requis. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement doit ainsi être écarté.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. La commune de Chantilly soutient que la demande d'annulation présentée par Mme A... est tardive dans la mesure où le recours administratif préalable obligatoire qu'elle a formé devant le préfet de la région Hauts-de-France n'était pas requis et n'a pu proroger le délai de recours contentieux contre les arrêtés attaqués notifiés le 20 juin 2020, qui expirait le 21 août 2020.

5. D'une part, aux termes de l'article R. 425-30 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans un site inscrit, la demande de permis ou la déclaration préalable tient lieu de la déclaration exigée par l'article L. 341-1 du code de l'environnement. Les travaux ne peuvent être entrepris avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande ou de la déclaration. La décision prise sur la demande de permis ou sur la déclaration préalable intervient après consultation de l'architecte des Bâtiments de France. ". L'article R. 424-14 de ce code dispose que : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. ". L'avis émis par le préfet, qu'il soit exprès ou tacite, se substitue à celui de l'ABF.

6. D'autre part, aux termes de l'article L.114-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé. ". Cette règle doit être étendue au cas où un recours administratif est mal défini et mal dirigé.

7. Enfin, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l'expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi. Cette règle doit être étendue au recours administratif formé par un administré.

8. Les travaux objets des déclarations préalables contestées sont situés dans la vallée de la Nonette, qui, en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement, constitue un site inscrit dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général. Ils sont, en conséquence, soumis à la consultation préalable de l'ABF. Cependant, dès lors que le projet n'est pas situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, au sens du code du patrimoine, ni aux abords d'un monument historique, les décisions d'opposition à déclaration prises par le maire de Chantilly, ensuite de ces avis, ne sont pas soumises à l'obligation d'exercer le recours administratif préalable prévu par l'article R. 424-14 précité du code de l'urbanisme. Les mentions des voies et délais de recours figurant sur les arrêtés litigieux ne font d'ailleurs pas état de cette obligation.

9. Cependant, dès lors que ces arrêtés visent les avis " conformes " défavorables rendus par l'ABF et citent les dispositions de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme, applicable aux projets situés dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou aux abords d'un monument historique, Mme A... a estimé se trouver dans l'obligation d'exercer un recours administratif préalable obligatoire devant le préfet des Hauts-de-France, conformément aux dispositions de l'article R.424-14 du code de l'urbanisme, avant de saisir le tribunal administratif d'une demande d'annulation de ces arrêtés.

10. En l'espèce, le préfet des Hauts-de-France n'était pas compétent pour arrêter définitivement la position de l'administration sur les déclarations préalables déposées par Mme A.... Le recours administratif de cette dernière doit, dès lors, s'analyser non comme un recours administratif préalable obligatoire mais comme un recours gracieux, les arrêtés attaqués ayant été pris par le maire au nom de la commune. Son recours, adressé le 19 août 2020, dans le délai de deux mois suivant la notification des arrêtés attaqués, est réputé, en application des dispositions précitées de l'article L.114-2 du code des relations entre le public et l'administration, avoir été transmis à l'autorité administrative compétente, c'est-à-dire au maire de Chantilly. A l'issue du délai de deux mois courant à compter de la date d'envoi aux autorités préfectorales, ce recours est réputé avoir été implicitement rejeté par le maire, en vertu des mêmes dispositions, soit le 19 octobre 2020.

11. Par suite, Mme A... n'était pas forclose lorsqu'elle a saisi le 20 novembre 2020 le tribunal administratif d'Amiens d'une demande d'annulation des arrêtés portant opposition à ses déclarations préalables de travaux.

12. Il résulte de ce qui précède que la commune de Chantilly n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a écarté sa fin de non-recevoir et admis la recevabilité de la demande de Mme A....

Sur le bien-fondé du jugement :

13. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptible de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". En application de cet article, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. Il lui est toutefois loisible de retenir un autre moyen s'il est également de nature à justifier l'annulation de cet acte. Il doit en particulier examiner les demandes de substitution de motifs ou de neutralisation de motif illégal qui peuvent être présentées pour la première fois en appel.

En ce qui concerne l'opposition à la déclaration préalable de travaux de réfection de la toiture et de l'extension au rez-de-chaussée d'un appentis de 19,50 m² :

14. Pour motiver son arrêté d'opposition, le maire de Chantilly s'est référé à " l'avis défavorable conforme " de l'ABF du 29 mai 2020 et a invité la pétitionnaire à soumettre un projet respectueux des matériaux de couverture et à restituer le volume d'origine du garage avec ses trois pentes plus prononcées et ses tuiles mécaniques. Il a considéré que le projet, d'une part, ne respectait pas la teneur d'un précédent avis rendu par l'ABF tendant au maintien des tuiles mécaniques losangées d'origine et à leur complément par des tuiles identiques afin de préserver l'unité et le caractère du patrimoine bâti remarquable protégé par le plan local d'urbanisme (PLU), d'autre part, n'était pas compatible avec le caractère et la protection des lieux en site protégé.

15. Pour annuler cet arrêté, le tribunal administratif d'Amiens a d'abord retenu le moyen tiré de l'erreur de droit du maire, qui s'est cru à tort lié par l'avis défavorable de l'ABF, et a ensuite écarté la demande de substitution de motif de la commune tenant à la méconnaissance par le projet des dispositions du PLU relatives au patrimoine architectural identifié au titre de l'article L.151-19 du code de l'urbanisme.

S'agissant de la nature de la décision attaquée :

16. D'une part, aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / a) un mois pour les déclarations préalables (...) ". Aux termes de l'article R. 423-24 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois : / a) Lorsque le projet est soumis, dans les conditions mentionnées au chapitre V, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévues par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable / b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. (...) ". Aux termes de l'article R. 424-3 du même code : " Par exception au b de l'article R*424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet lorsque la décision est soumise à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France et que celui-ci a notifié, dans les délais mentionnés aux articles R*423-59, R*423-67 et R*423-67-1, un avis défavorable ou un avis favorable assorti de prescriptions. (...) ". Conformément au II de l'article 4 du décret du 21 juin 2019 relatif aux abords de monuments historiques, aux sites patrimoniaux remarquables et à la dispense de recours à un architecte pour les coopératives d'utilisation de matériel agricole, " sans préjudice des dispositions du VI de l'article 56 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, ces dispositions sont applicables aux demandes d'autorisation d'urbanisme et aux déclarations préalables déposées à compter du lendemain de la publication dudit décret. ". La publication de ce décret au journal officiel de la République française est intervenue le 22 juin 2019.

17. D'autre part, aux termes de l'article R.425-18 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur la démolition d'un bâtiment situé dans un site inscrit en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement, le permis de démolir ne peut intervenir qu'avec l'accord exprès de l'architecte des Bâtiments de France. ". Le lexique national de l'urbanisme définit un bâtiment comme " une construction couverte et close ". Le lexique du PLU de Chantilly énonce qu'un bâtiment est " tout ouvrage durable édifié au-dessus du niveau du sol et ayant une fonction d'abri ; ainsi, on ne peut pas appeler bâtiment un mur de clôture ou une piscine. La notion de bâtiment est moins large que celle de construction. ".

18. Enfin, aux termes de l'article L.424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. (...) ".

19. Les travaux de réfection de la toiture et de l'extension au rez-de-chaussée d'un appentis ne portent pas sur la démolition d'un bâtiment, même s'ils impliquent la dépose des tuiles existantes. Ainsi, les travaux correspondants ne nécessitaient pas l'accord exprès de l'ABF mais la simple consultation de ce dernier en application des dispositions de l'article R. 425-30 du code de l'urbanisme, cité au point 3 du présent arrêt. Il s'en déduit que le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction de la déclaration préalable déposée par Mme A... ne valait pas décision implicite de rejet mais décision de non-opposition à cette déclaration.

20. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a déposé sa déclaration préalable le 12 décembre 2019 et que l'ABF a rendu son avis le 20 décembre 2019. Si la commune affirme l'avoir informée, le 6 janvier 2020, de la prolongation du délai d'instruction de sa demande, elle n'en justifie nullement, en se bornant à viser dans sa décision les " pièces complémentaires déposées les 20/12/2019 et 22/04/2020 ", cette dernière correspondant à la déclaration préalable pour la rénovation de la clôture qui a donné lieu à la seconde décision distincte d'opposition à déclaration préalable en litige. Dès lors, à défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction porté à deux mois du fait de la consultation de l'ABF, Mme A... bénéficiait, au 12 février 2020, d'une décision de non-opposition, sur la naissance de laquelle l'état d'urgence décrété postérieurement, par la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, n'a eu aucune influence. Par suite, en s'opposant, le 18 juin 2020, aux travaux déclarés par Mme A..., le maire de Chantilly a procédé au retrait de la décision de non-opposition née le 12 février 2020. Mme A... n'articule cependant aucun moyen propre à ce retrait.

S'agissant de l'absence de compétence liée du maire :

21. Ainsi qu'il a été dit au point 8, les travaux ne portent pas sur un projet situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable au sens des dispositions de l'article L.613-1 du code du patrimoine, ni aux abords d'un monument historique et ne sont donc pas soumis à l'accord de l'ABF. Dès lors, l'avis rendu par l'ABF sur ces travaux n'est pas un avis conforme. Or, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le maire de Chantilly s'est cru tenu de s'opposer aux travaux déclarés compte tenu de " l'avis défavorable conforme " de l'ABF.

22. Il résulte de ce qui précède que la commune de Chantilly n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement, attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a retenu le moyen tiré de l'erreur de droit.

S'agissant de la demande de substitution du motif illégal :

23. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

24. Pour établir la légalité de l'arrêté attaqué, la commune de Chantilly reprend le motif, déjà invoqué en première instance, tiré de ce que le projet méconnaît les dispositions du PLU de la commune, relatives au patrimoine architectural identifié au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme et invoque un nouveau motif tiré de ce que le projet porte atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants.

Quant à la méconnaissance des dispositions du PLU relatives au patrimoine architectural identifié au titre de l'article L.151-19 du code de l'urbanisme :

25. Aux termes de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme : " Le règlement [du PLU] peut (...) identifier, localiser et délimiter les (...) immeubles bâtis (...) à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation, leur conservation ou leur restauration (...). ".

26. Il ressort de l'annexe 11 du PLU de la commune de Chantilly dans sa version alors applicable que l'immeuble bâti sur la parcelle d'assiette du projet est identifié comme patrimoine bâti remarquable sous le n° 72 au titre d'un " ensemble de maisons " qui disposent d'une " cohérence d'ensemble ", " partagent les mêmes principes de composition et les mêmes matériaux " et dont " la toiture [est] en tuiles à emboîtement ".

27. Toutefois, ces dispositions, qui imposent un type de tuiles et une unité de style, n'interdisent pas l'utilisation de tuiles de type beauvoise huguenot flammées rustiques, dès lors qu'elles relèvent des " tuiles à emboîtement " et qu'elles sont proches, dans leurs matériaux et composition, des tuiles losangées originelles. En outre, la requérante justifie, par la production d'un courriel de l'entrepreneur qui a procédé à la réfection de la toiture et par une capture d'écran de recherche sur internet, d'une part, que l'état de la toiture nécessitait une rénovation d'urgence, d'autre part, que les tuiles losangées originelles n'étaient plus commercialisées. Par ailleurs, si la commune se plaint de la modification des pentes et du volume de la toiture de l'appentis, l'annexe précitée ne comporte aucune description ou prescription au sujet de ce type de toiture qui aurait été méconnue. Dès lors que les tuiles envisagées répondent au principe d'identité de composition et de matériau et que les critiques relatives aux pentes et au volume de la toiture de l'appentis ne révèlent pas un manquement à ce principe ou à la cohérence d'ensemble des maisons, le motif tiré de la méconnaissance des dispositions du PLU de la commune relatives au patrimoine architectural identifié au titre de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme n'est pas de nature à fonder légalement l'arrêté attaqué. Il n'y a dès lors pas lieu de procéder à la substitution demandée.

Quant à la méconnaissance des dispositions de l'article R.111-27 du code de l'urbanisme :

28. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

29. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-27 cité ci-dessus. Ces règles s'appliquent également lorsque l'autorité administrative est saisie d'une déclaration préalable.

30. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des photographies jointes, que la parcelle d'assiette du projet se situe en plein cœur de la vallée de la Nonette, site inscrit en application du code de l'environnement pour répondre à un besoin de conservation et de valorisation du patrimoine, composé notamment du cours d'eau de la Nonette, de petits monts façonnant le relief de la vallée, des massifs forestiers d'Halatte, Chantilly et Ermenonville ainsi que de châteaux agrémentés de parcs et jardins. Elle se trouve plus particulièrement dans un quartier résidentiel et champêtre comportant des maisons à usage d'habitation de style bourgeois, en pierre ou crépi clair, surmontées de toits en tuiles et implantées en léger retrait de la voie publique sur des parcelles dont la plupart sont closes par des clôtures ajourées en bois ou en métal ou par des haies d'arbres.

31. D'autre part, il ressort des photographies jointes par la requérante que les toits d'autres maisons avoisinantes comportent l'utilisation de tuiles de type beauvoise huguenot flammées rustiques et que leur aspect, même si elles sont moins ouvragées, demeure proche des tuiles traditionnelles et originelles. En outre, il n'est pas établi que les pentes et le volume de la toiture de l'appentis ne correspondraient pas aux caractéristiques des bâtiments avoisinants. La toiture ne dépare ainsi pas le paysage et le bâti environnant et ne crée pas une rupture qui témoignerait d'un défaut d'insertion dans l'environnement du site inscrit. Dans ces conditions, le motif tiré de l'atteinte portée au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants n'est pas de nature à fonder légalement l'arrêté attaqué. Il n'y a dès lors pas lieu de procéder à la substitution demandée.

32. Il résulte de ce qui précède que la commune de Chantilly n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le maire s'est opposé à la déclaration préalable des travaux de réfection de la toiture et de l'extension au rez-de-chaussée d'un appentis de 19,50 m².

En ce qui concerne l'opposition à la déclaration préalable des travaux de clôture :

33. Pour motiver son arrêté d'opposition, le maire de Chantilly s'est référé à l'avis défavorable conforme de l'ABF du 29 mai 2020 et a invité la pétitionnaire à " restituer les dimensions élégantes d'origine des barreaudages verticaux " et à prévoir un raccordement au portail de même courbe, comme à l'origine. Il a considéré que le projet ne respectait pas le caractère des lieux en espace protégé, " en rompant le caractère esthétique de la clôture existante avant travaux par la création d'une clôture visuellement plus opaque et plus lourde ".

34. Pour annuler cet arrêté, le tribunal administratif d'Amiens a retenu le moyen tiré de l'erreur d'appréciation de " l'avis défavorable conforme " de l'ABF.

S'agissant de l'erreur d'appréciation de l'avis de l'ABF :

35. Comme indiqué au point 17 du présent arrêt, l'accord exprès de l'ABF est requis lorsque le projet porte sur la démolition d'un bâtiment situé dans un site inscrit en application de l'article L. 341-1 du code de l'environnement.

36. En premier lieu, eu égard à ses dimensions et à la nature des matériaux utilisés, l'ouvrage formé par le portail et le mur de clôture de la maison de Mme A... ne constitue pas un bâtiment au sens des dispositions précitées. Par conséquent, même si les travaux de réfection de la clôture impliquaient la dépose de la clôture existante, les travaux correspondants ne nécessitaient pas l'accord exprès de l'ABF mais la simple consultation de ce dernier en application des dispositions de l'article R. 425-30 du code de l'urbanisme, cité au point 5 du présent arrêt. Ainsi, l'avis rendu par l'ABF sur ces travaux n'est pas un avis conforme, ce dont les parties ont été informées par un moyen relevé d'office. Or, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le maire de Chantilly s'est cru tenu de s'opposer aux travaux déclarés compte tenu de " l'avis défavorable conforme " de l'ABF. Il a, ce faisant, entaché son arrêté d'une erreur de droit.

37. En second lieu, dès lors que l'avis de l'ABF était purement consultatif, il ne peut valablement être excipé au fond de son manque d'intelligibilité, de l'erreur d'appréciation dont il serait entaché, de son caractère disproportionné, de sa méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et des dispositions de l'article L.632-2 du code du patrimoine.

S'agissant de la demande de substitution de motif :

38. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

39. Pour établir la légalité de l'arrêté attaqué, la commune de Chantilly invoque le motif tiré de ce que le projet méconnaît les objectifs de valorisation et de conservation visé par l'annexe 11 du PLU et que la clôture réalisée ne correspond pas au projet.

40. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 26 du présent arrêt, il ressort de l'annexe 11 du PLU de la commune de Chantilly dans sa version alors applicable que l'immeuble bâti sur la parcelle d'assiette du projet est identifié comme patrimoine bâti remarquable sous le n° 72 au titre d'un " ensemble de maisons " qui disposent d'une " cohérence d'ensemble ", " partagent les mêmes principes de composition et les mêmes matériaux ", et dont les " volets et menuiseries [sont] en bois peint en blanc ". Dès lors que le projet respecte ces prescriptions et opte pour une clôture dont les caractéristiques sont très proches de celle qui était déjà installée, les seules circonstances que l'espacement entre les barreaudages soit plus resserré et que le sommet de ceux-ci ne soit pas arrondi, ne caractérisent pas une méconnaissance de l'objectif de valorisation du patrimoine posé par le PLU. En outre, dès lors que les photographies jointes par Mme A... établissent le caractère très dégradé de la clôture existante, l'objectif de conservation ne pouvait être respecté en raison de la nécessité de son remplacement.

41. En second lieu, les différences affectant l'aspect de la clôture figurant dans le dossier de demande préalable par rapport à la clôture installée ne sont pas substantielles et ne peuvent fonder une opposition à déclaration préalable. Le moyen tiré de ce que la clôture réalisée ne correspond pas au projet est donc inopérant.

42. Il suit de là qu'il n'y a pas lieu de procéder à la substitution demandée.

43. Il résulte de ce qui précède que la commune de Chantilly n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 18 juin 2020 par lequel le maire s'est opposé à la déclaration préalable des travaux de clôture.

Sur les frais liés au litige :

44. Partie perdante dans la présente instance, la commune de Chantilly ne peut voir accueillies ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

45. Il y a, en revanche, lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Chantilly la somme de 2 000 euros à verser à Mme A... sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Chantilly est rejetée.

Article 2 : La commune de Chantilly versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chantilly et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience publique du 23 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au préfet de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA00232 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00232
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SEHILI - FRANCESCHINI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;23da00232 ?
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