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04/06/2024 | FRANCE | N°23DA02055

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 04 juin 2024, 23DA02055


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 octobre 2023 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé la République démocratique du Congo comme pays à destination duquel il doit être renvoyé et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2303561 du 25 octo

bre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 octobre 2023 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé la République démocratique du Congo comme pays à destination duquel il doit être renvoyé et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2303561 du 25 octobre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Raad, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2023 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français durant deux années ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée pour les mêmes motifs que ceux exposés dans les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- en outre, cette décision a été prise en méconnaissance du principe de non-refoulement des réfugiés prévu par l'article 33 de la convention de Genève :

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée pour les mêmes motifs que ceux exposés dans les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée à la préfète de l'Oise, qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 20 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 10 avril 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant congolais né le 13 juillet 1999, est entré sur le territoire français le 4 octobre 2013 sous couvert d'un visa long séjour portant la mention " regroupement familial ", valable du 18 septembre 2013 au 17 décembre 2013. Il s'est vu délivrer deux cartes de séjour temporaires valables du 9 octobre 2017 au 8 octobre 2018 et du 5 mars 2019 au 4 mars 2020. Par un arrêté du 12 octobre 2023, la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé la République démocratique du Congo comme pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 25 octobre 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision contestée vise les textes dont elle fait application et mentionne les faits qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... est entré sur le territoire français le 4 octobre 2013 muni d'un visa de long séjour dans le cadre d'un regroupement familial, puis a bénéficié de titres de séjour temporaires valables du 9 octobre 2017 au 8 octobre 2018 et du 5 mars 2019 au 4 mars 2020, il n'a toutefois pas sollicité le renouvellement de ce dernier titre et a fait l'objet, le 22 novembre 2021, d'une obligation de quitter le territoire français devenue définitive, à laquelle il n'a jamais déféré, de sorte que son séjour ne peut être regardé comme régulier au sens des dispositions précitées à compter de cette dernière date. Au surplus, il est constant qu'il a été écroué durant plusieurs mois à la suite de trois condamnations successives à des peines d'emprisonnement prononcées par le tribunal judicaire de Senlis le 20 novembre 2019 et le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer les 6 avril et 1er juin 2022. Dès lors que les périodes qu'il a passées en détention au titre d'une peine privative de liberté ne peuvent s'imputer dans le calcul des dix ans mentionnés par l'article L. 611-3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers, la préfète de l'Oise n'a commis ni d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation en écartant l'application de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à sa situation.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ".

6. Pour invoquer la méconnaissance de ces dispositions, M. B... soutient avoir " demandé à déposer une demande d'asile ", toutefois, il ne verse aucun élément propre à établir qu'il aurait sollicité une telle demande de protection ou que celle-ci serait en cours d'instruction. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions qu'il invoque ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas pour objet de désigner le pays à destination duquel M. B... sera éloigné en exécution de cette mesure. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision l'exposerait à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.

10. M. B... se prévaut de sa présence continue en France depuis l'année 2013 et soutient y avoir transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux. S'il est constant qu'il est entré en France en octobre 2013 à l'âge de quatorze ans avec sa sœur jumelle, dans le cadre d'un regroupement familial sollicité par sa mère, la seule présence de sa sœur et de sa mère, au foyer de laquelle il déclare être encore hébergé, n'est pas de nature à établir le transfert de l'ensemble de ses intérêts hors de son pays d'origine, où il n'établit pas ne plus avoir de liens familiaux. Il n'apporte par ailleurs aucun élément sur les autres liens, notamment de nature amicale qu'il aurait noué en France. Il ne justifie pas davantage d'une insertion professionnelle et il ressort en outre des motifs de l'arrêté contesté, qu'il a fait l'objet, entre 2018 et 2022, de plusieurs condamnations pénales pour des faits de violence et d'outrage, pour lesquelles il a été incarcéré. Enfin, il a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement prise à son encontre le 22 novembre 2021 à laquelle il n'a pas déféré, se maintenant ainsi irrégulièrement sur le territoire depuis cette date. Dans ces conditions, eu égard aux caractéristiques de sa vie familiale et aux conditions de son séjour en France, la préfète de l'Oise n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle en l'obligeant à quitter le territoire français.

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est entachée d'insuffisance de motivation, méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du 4° de l'article L. 611-1 du même code, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. B... n'apporte à l'instance aucun élément laissant supposer des risques pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

13.En dernier lieu, l'appelant ne peut utilement soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaît le " principe de non refoulement des réfugiés " consacré par l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, dès lors qu'il ne justifie pas, ainsi qu'il a été dit au point 6, bénéficier de la qualité de réfugié ou d'une protection subsidiaire à la date de l'arrêté attaqué. Ce moyen doit ainsi être écarté comme inopérant.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

14. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est entachée d'insuffisance de motivation, méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du 4° de l'article L. 611-1 du même code, les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 25 octobre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Raad.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 21 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guerin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 23DA02055 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA02055
Date de la décision : 04/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : RAAD

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-04;23da02055 ?
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