Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office en cas d'exécution forcée de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2205015 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer un titre de séjour à Mme B... en qualité d'étudiante.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement du 29 juin 2023 et de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rouen.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est en contradiction avec celui du 19 octobre 2022 rejetant le recours présenté par la mère de Mme B... contre le refus de titre de séjour et la mesure d'éloignement la concernant ;
- Mme B... peut poursuivre ses études dans son pays d'origine ;
- elle pourra revenir en France sous couvert d'un visa de long séjour en qualité d'étudiante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Leroy, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet sont inopérants ou non fondés.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 11 avril 2024, l'aide juridictionnelle totale accordée à Mme B... devant le tribunal administratif de Rouen lui est maintenue dans le cadre de la présente instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 26 octobre 2003, est entrée en France au mois d'août 2018. Le 21 février 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2, L. 422-3, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 31 août 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 29 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". L'article L. 412-1 du code précité subordonne la première délivrance d'une carte de séjour temporaire à la production par l'étranger du visa de long séjour.
3. Pour annuler l'arrêté du 31 août 2022 refusant un titre de séjour à Mme B..., le tribunal administratif a relevé, d'une part, que l'intéressée avait suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuivait des études supérieures et, d'autre part, qu'elle devait être regardée comme étant entrée régulièrement sur le territoire français au mois d'août 2018. Le préfet de la Seine-Maritime n'expose en appel aucun argumentaire de nature à contester les éléments ainsi pris en compte par les premiers juges, qui en ont déduit que Mme B... pouvait se voir délivrer une carte de séjour en qualité d'étudiante dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet ne saurait utilement se prévaloir de ce que, par un jugement du 19 octobre 2022, le tribunal administratif a rejeté le recours formé par la mère de Mme B... contre le refus de séjour et la mesure d'éloignement la concernant. Si le préfet soutient que l'intéressée peut poursuivre des études dans son pays d'origine ou revenir en France en qualité d'étudiante sous couvert d'un visa de long séjour, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 422-1, il ne conteste pas qu'elle poursuit actuellement ses études sur le territoire français avec mérite, motivation et sérieux, ainsi que l'ont relevé les premiers juges au vu de ses bulletins de notes et des attestations de ses professeurs. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il avait méconnu les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 422-1 en refusant un titre de séjour à Mme B....
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 31 août 2022.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Mme B..., à laquelle l'aide juridictionnelle totale a été accordée en première instance, bénéficie de plein droit du maintien de cette aide en appel. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leroy, avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Leroy de la somme de 1 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Leroy une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Leroy renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Leroy.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juin 2024.
Le président-rapporteur,
Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,
Signé : M.-P. Viard
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
Par délégation,
La greffière
C. Huls-Carlier
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N° 23DA01382