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30/05/2024 | FRANCE | N°23DA00635

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 30 mai 2024, 23DA00635


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Etablissements Sueur a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016 à raison de l'établissement qu'elle exploite à Acq (Pas-de-Calais) et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrat

ive.



Par un jugement n° 2007021 du 10 février 2023, le tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Etablissements Sueur a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016 à raison de l'établissement qu'elle exploite à Acq (Pas-de-Calais) et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2007021 du 10 février 2023, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, réduit les bases de cotisation foncière des entreprises assignées, au titre des années 2015 et 2016, à la SAS Etablissements Sueur à raison de son établissement d'Acq, en excluant la valeur locative de l'immobilisation correspondant à l'installation électrique spécifique, d'autre part, a déchargé la SAS Etablissements Sueur des suppléments de cotisation foncière des entreprises en litige, en conséquence de cette réduction de bases, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative puis a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2023, la SAS Etablissements Sueur, représentée par Me Guey-Balgairies, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises restant en litige ;

3°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en tant qu'il ne lui accorde qu'une réduction insuffisante des bases de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignées ;

4°) de prononcer une réduction supplémentaire de ses bases imposables à la cotisation foncière des entreprises, consistant en l'exclusion d'un montant de 72 000 euros au titre des années 2014 à 2016 et d'un montant supplémentaire de 26 050,74 euros au titre de l'année 2014 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, c'est à tort, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, que l'administration a retenu que des moyens techniques importants étaient mis en œuvre, dans son établissement d'Acq, pour les besoins de l'exercice de ses activités, qui ne se limitent pas à la fabrication d'éléments en bois et qui ne peuvent donc être regardées comme industrielles par nature ;

- à supposer que la cour regarderait comme importants les moyens techniques qu'elle met en œuvre dans cet établissement, elle ne pourrait cependant pas retenir que le rôle joué par ces moyens, dans le cadre de l'exercice de ses activités, est prépondérant ;

- la loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 portant loi de finances pour 2018 a prévu que les locaux des entreprises artisanales relèvent, par nature, de la méthode applicable aux locaux professionnels non industriels ;

- à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas fait droit à son moyen tiré de ce que la valeur locative de l'installation électrique spécifique devait être exclue de ses bases imposables à la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2014 ;

- c'est également à tort que le tribunal administratif n'a pas regardé les valeurs locatives de l'installation d'aspiration et du système de prévention anti-incendie comme devant être déduites de ses bases imposables des années 2014 à 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il prononce une réduction des bases de cotisation foncière des entreprises assignées à la SAS Etablissements Sueur, enfin, à ce que les fractions d'imposition dont la décharge a été prononcée par ce jugement soient remises à la charge de la société.

Il soutient :

- à l'appui de ses conclusions incidentes, que c'est à tort que le tribunal administratif a prononcé la réduction des bases de cotisations foncières des entreprises assignées à la SAS Etablissements Sueur au titre des années 2015 et 2016 à raison de l'exclusion de la valeur locative d'une installation qui n'avait pas été prise en compte par l'administration pour établir ces bases et qui, en tout état de cause, ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts ;

- à l'appui de ses autres conclusions, que la SAS Etablissements Sueur met en œuvre, dans son établissement d'Acq, pour les besoins de l'activité de fabrication de charpentes et de menuiserie en bois qu'elle y exerce, laquelle est industrielle par nature, des moyens techniques importants ;

- dans l'hypothèse où la cour estimerait que la SAS Etablissements Sueur n'exerce pas exclusivement une activité de nature industrielle dans l'établissement en cause, elle ne pourrait alors que constater que le rôle des moyens techniques qui sont mis en œuvre pour la réalisation des opérations pour lesquelles l'immeuble à évaluer est utilisé est prépondérant ;

- la SAS Etablissements Sueur ne peut utilement se prévaloir des dispositions du I de l'article 103 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2018, c'est-à-dire postérieurement aux années d'imposition en litige ;

- de même que l'installation électrique spécifique, qui fait l'objet de l'appel incident, l'installation d'aspiration et le système de protection anti-incendie n'ont pas été pris en compte par l'administration pour déterminer la valeur locative de l'établissement en cause, de sorte que la SAS Etablissements Sueur n'est pas fondée à demander que les valeurs locatives de ces immobilisations soient exclues de ses bases imposables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Etablissements Sueur, dont le siège est situé à Acq (Pas-de-Calais), exerce, notamment dans un immeuble dont elle est propriétaire sur le territoire de cette commune, une activité de conception, de fabrication et de pose de charpentes, ainsi que de structures en bois et mixte destinées à la construction. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de cotisation foncière des entreprises, sur la période s'étendant du 1er avril 2013 au 31 mars 2016. A l'issue de ce contrôle, estimant que l'activité exercée dans l'établissement d'Acq présentait un caractère industriel au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts, l'administration a retenu qu'il y avait désormais lieu d'évaluer ces locaux selon les règles définies à cet article pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises, au titre des années 2014 à 2017.

2. L'administration a fait connaître à la SAS Etablissements Sueur son analyse par un courrier qu'elle lui a adressé le 20 juillet 2017. Les suppléments de cotisation foncière des entreprises résultant des nouvelles bases ainsi notifiées ont été mis en recouvrement le 30 novembre 2018, à hauteur d'un montant total de 31 410 euros. Sa réclamation ayant été rejetée, la SAS Etablissements Sueur a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant, d'une part, de prononcer la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016 et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

3. Par un jugement du 10 février 2023, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, réduit les bases de cotisation foncière des entreprises assignées, au titre des années 2015 et 2016, à la SAS Etablissements Sueur à raison de son établissement d'Acq, en en excluant la valeur locative de l'immobilisation correspondant à l'installation électrique spécifique, d'autre part, a déchargé la SAS Etablissements Sueur des suppléments de cotisation foncière des entreprises en litige, en conséquence de cette réduction de bases, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, puis a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. La SAS Etablissements Sueur relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction. Le ministre relève appel incident du même jugement en tant qu'il prononce une réduction des bases de cotisation foncière des entreprises assignées à cette société.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne les conclusions principales de la requête :

4. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11°, 12° et 13° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. / (...) ". En outre, en vertu de l'article 1388 de ce code, la taxe foncière sur les propriétés bâties est établie d'après la valeur locative cadastrale de ces propriétés, déterminée conformément aux principes définis notamment par les articles 1494 à 1508. Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les " locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une activité salariée à domicile ", à l'article 1498 pour " chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 " et à l'article 1499 pour les " immobilisations industrielles ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces articles, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

5. Il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté, que, pour les besoins de l'exercice de son activité de conception et de fabrication de charpentes et autres éléments en bois, ainsi que pour effectuer les stockages qui y sont associés, la SAS Etablissements Sueur dispose, dans son établissement d'Acq, de locaux d'une surface construite de 4 700 m2, comprenant un atelier d'une surface de 2 000 m², affecté à la fabrication, ainsi qu'à l'assemblage de charpentes traditionnelles et de murs à ossature en bois, un autre atelier d'une surface de 550 m² dans lequel sont effectués les travaux de menuiserie, un entrepôt d'une superficie couverte de 1 860 m² utilisé pour le stockage des produits finis et des matières premières, enfin, des locaux à usage de bureau, représentant une surface totale de 290 m², dans lesquels sont assurées la conception des produits ainsi que la gestion de l'entreprise. Il résulte des mêmes éléments et n'est pas davantage contesté que l'atelier principal était, au cours des années d'imposition en litige, notamment équipé d'une machine de découpe automatique de type Speed Cut SC 3, d'un pont roulant, d'une cadreuse automatique, ainsi que d'un bac de trempage automatisé pour le bois, de même que de plusieurs engins de levage. Il est constant que l'ensemble des moyens techniques mis ainsi en œuvre dans ces ateliers de l'entreprise était porté en comptabilité pour une valeur nette comptable totale de 713 397 euros dont 184 300 euros correspondait à la valeur de la machine de découpe et 187 115 euros à celle de la cadreuse automatique. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la SAS Etablissements Sueur doit être regardée comme ayant mis en œuvre, au cours des années d'imposition en litige, d'importants moyens techniques, dans son établissement d'Acq, pour l'exercice des activités qui y sont exercées.

6. Cependant, comme il a été dit au point 1, la SAS Etablissements Sueur exerce, sur son site d'Acq, non seulement une activité de fabrication de charpentes et de structures en bois, mais aussi des activités de conception et de stockage de ces éléments. Elle ne peut, dès lors, être regardée comme se livrant exclusivement, au sein des locaux de son établissement d'Acq, à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers. En application des principes rappelés au point 4, son établissement ne peut ainsi être regardé comme revêtant un caractère industriel, au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts, que si le rôle des importantes installations techniques, ainsi que des matériels et outillages qu'elle met en œuvre pour les besoins des activités qui y sont exercées, prises dans leur ensemble, peut être regardé comme prépondérant.

7. Il résulte de l'instruction et de ce qui a été dit précédemment, que les surfaces de l'atelier de fabrication et d'assemblage des charpentes traditionnelles et des murs à ossature en bois et de l'atelier de menuiserie, qui atteignent, au total, 2 550 m², représentent plus de la moitié de la superficie totale au sol de l'établissement d'Acq, qui est l'ensemble immobilier concerné par le présent litige, au sein duquel doit être apprécié le caractère prépondérant ou non du rôle des moyens techniques mis en œuvre pour la réalisation des opérations qui y sont conduites. Il résulte également de l'instruction que les moyens techniques mis en œuvre dans ces ateliers étaient inscrits au bilan de l'entreprise pour une valeur nette comptable totale de 713 397,49 euros, soit 22,71 % du total de l'actif immobilisé, lequel s'élevait à un montant 3 141 207 euros incluant les terrains, bâtiments et agencements, pour une valeur de 1 393 258,90 euros, de sorte que la valeur nette comptable des moyens techniques mis en œuvre dans les ateliers représentait 40,81 % de l'ensemble des actifs immobilisés hors terrains, bâtiments et agencements. En regard, la surface totale de 290 m² affectée aux bureaux ne représente que 6 % de la surface totale de l'établissement d'Acq et il ne résulte pas de l'instruction, ni n'est même allégué qu'y seraient utilisés, pour la conception des produits et la gestion de l'entreprise, des matériels et logiciels dont la valeur excéderait celle des moyens techniques mis en œuvre dans les ateliers.

8. En outre, si, comme il a également été dit, la majeure partie de la surface restante de cet établissement, à savoir une superficie de 1 860 m², est affectée à l'exercice d'une activité de stockage de produits finis et de matières premières, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté, que cette activité est liée à celles exercées au sein des ateliers, dont elle constitue un accessoire nécessaire. A cet égard, si la SAS Etablissements Sueur fait état des éléments de charpente métallique et de bardage qu'elle utilise pour la construction de bâtiments agricoles, laquelle activité constituait la majeure partie de son chiffre d'affaires au cours des années d'imposition en litige et s'avère sans lien avec les activités de fabrication de charpentes traditionnelles, de murs à ossature en bois et de menuiserie bois qu'elle met en œuvre dans ses ateliers d'Acq, elle précise elle-même que ces pièces de charpente métalliques et autres éléments utilisés pour la construction de bâtiments agricoles lui étaient directement livrés par ses fournisseurs sur les sites des chantiers et qu'ils n'étaient ainsi aucunement stockés dans son entrepôt d'Acq, de sorte que les opérations concourant à cette activité de construction de bâtiments agricoles ne peuvent être regardés comme conduites dans l'établissement faisant l'objet du présent litige. D'ailleurs, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté, que la SAS Etablissements Sueur dispose d'un autre établissement situé à Haute-Avesnes, couvrant une surface de 1 600 m² et dans lequel elle réalise notamment la découpe et la fabrication de poteaux métalliques utilisés pour la construction de bâtiments agricoles.

9. Par ailleurs, si, sur un effectif de 46 à 48 salariés employés par la SAS Etablissements Sueur au cours des années d'imposition en litige, seuls 2 à 3 salariés étaient affectés à l'atelier de fabrication de charpentes traditionnelles et de murs à ossature en bois, tandis que 1 à 2 salariés étaient affectés à l'atelier de menuiserie, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit, que ces deux ateliers sont les lieux où se concentrent les moyens techniques dont dispose l'entreprise, notamment composés de trois machines automatisées dont l'utilisation est essentielle notamment pour la fabrication des charpentes traditionnelles en bois. Ainsi, quand bien même le coût du personnel était-il notablement plus important, au cours des années d'imposition en litige, que celui des matériels, amortissements compris, les moyens techniques importants que la SAS Etablissements Sueur a mis en œuvre, dans son établissement d'Acq, doivent, dans les circonstances de l'espèce, être regardés comme ayant joué un rôle prépondérant pour la réalisation des opérations relevant de l'exercice des activités qu'elle y met en œuvre.

10. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a regardé cet établissement comme revêtant un caractère industriel au sens des dispositions précitées de l'article 1499 du code général des impôts et qu'elle a déterminé la valeur locative de cet établissement selon la méthode prévue par ces dispositions. La SAS Etablissements Sueur ne peut, à cet égard, se prévaloir utilement des dispositions issues du I de l'article 103 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 et actuellement codifiées à l'article 1499-00 A du code général des impôts, en vertu desquelles l'article 1499 de ce code ne s'applique pas à la détermination de la valeur locative des biens dont disposent les entreprises qui satisfont à des conditions prévues par le code de l'artisanat, dès lors que ces dispositions sont, en tout état de cause, entrées en vigueur le 1er janvier 2018, c'est-à-dire postérieurement aux années d'imposition en litige.

En ce qui concerne les conclusions subsidiaires :

11. Aux termes de l'article 1382 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ; / (...) ". Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties, en application des dispositions précitées du 11º de l'article 1382 du code général des impôts, et doivent, par suite, être exclus des bases imposables à la cotisation foncière des entreprises, les biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499 de ce code, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1º et 2º de l'article 1381 du même code, c'est-à-dire qu'ils ne constituent ni des installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits, ni des ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation, ces éléments étant mentionnés au 1° de l'article 1381, ni des ouvrages d'art et des voies de communication, mentionnés au 2° de cet article. En revanche, peu importe que ces biens soient ou non dissociables des immeubles.

12. A l'exception des cas, dont ne relève pas l'espèce, où, eu égard à la procédure d'imposition mise en œuvre, la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les immobilisations d'une entreprise entrent dans le champ de la cotisation foncière des entreprises et, dans l'affirmative, si le contribuable remplit les conditions légales pour pouvoir prétendre à une exonération de cette cotisation.

13. La SAS Etablissements Sueur soutient que certaines des immobilisations présentes sur son site d'Acq et inscrites dans sa comptabilité, devaient bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions précitées du 11° de l'article 1382 du code général des impôts. Elle revendique ainsi cette exonération, au titre de l'année 2014, en ce qui concerne l'installation électrique spécifique, et, au titre de l'ensemble des années d'imposition en litige, en ce qui concerne l'installation d'aspiration et du système de prévention anti-incendie. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment, des éléments avancés en défense, et n'est pas contesté, par la SAS Etablissements Sueur, qui n'a pas répliqué au mémoire du ministre, que les valeurs locatives, d'une part, de l'installation électrique spécifique et, d'autre part, de l'installation d'aspiration et du système de prévention anti-incendie, n'ont pas été incluses dans les bases imposables à la cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignées, respectivement, au titre de l'année 2014 et au titre des années 2014 à 2016. Dès lors, les moyens ainsi présentés par la SAS Etablissements Sueur ne peuvent qu'être écartés comme inopérants et, par suite, ses conclusions subsidiaires tendant à ce que la cour prononce une réduction supplémentaire, par rapport à celle accordée par le tribunal administratif, des bases de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignées ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Etablissements Sueur n'est pas fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a insuffisamment fait droit aux conclusions de sa demande.

Sur l'appel incident :

15. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que, pour prononcer une réduction des bases de cotisation foncière des entreprises assignées à la SAS Etablissements Sueur au titre des années 2015 et 2016, le tribunal administratif de Lille a estimé que l'installation électrique spécifique pouvait, s'agissant de ces deux années, bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions précitées du 11° de l'article 1382 du code général des impôts. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment, des éléments avancés en défense, et n'est pas contesté, par la SAS Etablissements Sueur, qui n'a pas répliqué au mémoire du ministre, que la valeur locative de l'installation électrique spécifique n'a pas été incluse dans les bases imposables à la cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignées au titre de l'année 2014. Dès lors, le ministre est fondé à soutenir que le tribunal administratif a retenu à tort que la SAS Etablissements Sueur pouvait prétendre à ce que cette valeur locative soit exclue de ces bases imposables.

16. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille, d'une part, a accordé à la SAS Etablissements Sueur une réduction des bases de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignée, à raison de son établissement d'Acq, au titre des années 2015 et 2016, et, d'autre part, a déchargé la SAS Etablissements Sueur des suppléments de cotisation foncière des entreprises en litige, en conséquence de cette réduction de bases. Par voie de conséquence, le ministre est également fondé à demander que la fraction de cotisation foncière des entreprises dont la décharge a ainsi été prononcée par ce jugement soit remise à la charge de la SAS Etablissements Sueur.

Sur les frais de procédure :

17. Par voie de conséquence de l'ensemble de ce qui précède, les conclusions que la SAS Etablissements Sueur présente, en cause d'appel, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 2007021 du 10 février 2023 du tribunal administratif de Lille sont annulés.

Article 2 : La fraction de cotisation foncière des entreprises dont la décharge a été prononcée par le jugement mentionné à l'article 1er ci-dessus au titre des années 2015 et 2016 est remise à la charge de la SAS Etablissements Sueur.

Article 3 : Les conclusions correspondantes de la demande présentée par la SAS Etablissements Sueur devant le tribunal administratif de Lille sont rejetées.

Article 4 : La requête présentée par la SAS Etablissements Sueur est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Etablissements Sueur, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administratrice générale de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 15 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre ;

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : M. A...La greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

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N°23DA00635

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00635
Date de la décision : 30/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GUEY BALGAIRIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-30;23da00635 ?
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