La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/05/2024 | FRANCE | N°23DA01975

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 28 mai 2024, 23DA01975


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de réexami

ner sa situation, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente de ce réexamen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2208351 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 28 septembre 2022 du préfet du Nord, a enjoint à celui-ci de procéder à un nouvel examen de la situation de M. B..., dans un délai de deux mois, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours, a condamné l'Etat à verser à M. B... une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée sous le n° 23DA01975 le 19 octobre 2023, le préfet du Nord demande à la cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- M. B... a été condamné, le 7 janvier 2022, par le tribunal correctionnel de Lille, à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis pour des faits de " rébellion ", " violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours " et " outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique " ; compte tenu du caractère récent et particulièrement grave des faits en cause et de ce qu'ils ont été commis à l'encontre d'une autorité étatique, M. B... représente une menace pour l'ordre public, et ce indépendamment de ses efforts d'intégration par le travail ; c'est dès lors à tort que les premiers juges ont considéré qu'il avait commis une erreur d'appréciation en statuant en ce sens et qu'ils se sont fondés sur ce motif pour annuler son arrêté du 28 septembre 2022 ;

- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Claire Perinaud, conclut au rejet de la requête d'appel du préfet et à ce que le versement d'une somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la peine qui lui a été infligée est légère au regard des quantums maximums pour ce type d'infractions et témoigne de ce que le juge pénal a jugé le risque de réitération très limité ; les faits qui lui sont reprochés remontent à plus de deux ans à la date de l'arrêté attaqué et n'ont pas été réitérés ; cette seule condamnation, appréciée à l'aune de son comportement habituel et de ses efforts d'intégration, ne suffit pas à caractériser une menace pour l'ordre public à la date de l'arrêté attaqué ; c'est dès lors à raison que les premiers juges ont retenu que le préfet avait commis une erreur d'appréciation et qu'ils ont annulé son arrêté pour ce motif ;

- en tout état de cause, la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des conditions et de l'ancienneté de son séjour en France, de son isolement dans son pays d'origine, de l'impossibilité pour sa famille de subvenir à ses besoins, des attaches qu'il a nouées en France et de la qualité de son insertion professionnelle et sociale ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale pour être fondée sur la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour qui est elle-même illégale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale pour être fondée sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;

- la décision prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est illégale pour être fondée sur la décision portant obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment.

Par une lettre du 7 mars 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période au cours de laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience et que l'instruction pourrait être close à partir du 25 mars 2024 sans information préalable.

Une ordonnance portant clôture de l'instruction immédiate a été prise le 3 avril 2024.

II.- Par une requête, enregistrée sous le n° 23DA02120 le 13 novembre 2023, le préfet du Nord demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 19 septembre 2023 du tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- M. B... a été condamné, le 7 janvier 2022, par le tribunal correctionnel de Lille, à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis pour des faits de " rébellion ", " violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours " et " outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique " ;

- compte tenu du caractère récent et particulièrement grave des faits en cause et de ce qu'ils ont été commis à l'encontre d'une autorité étatique, M. B... représente une menace pour l'ordre public, et ce indépendamment de ses efforts d'intégration par le travail ;

- c'est dès lors à tort que les premiers juges ont considéré qu'il avait commis une erreur d'appréciation en statuant en ce sens et qu'ils se sont fondés sur ce motif pour annuler son arrêté du 28 septembre 2022 ;

- il s'ensuit qu'il est fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement en application des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Claire Perinaud, conclut au rejet de la demande du préfet du Nord.

Il soutient que :

- la peine qui lui a été infligée est légère au regard des quantums maximums pour ce type d'infractions et témoigne de ce que le juge pénal a jugé le risque de réitération très limité ;

- les faits qui lui sont reprochés remontent à plus de deux ans à la date de l'arrêté attaqué et n'ont pas été réitérés ;

- cette seule condamnation, appréciée à l'aune de son comportement habituel et de ses efforts d'intégration, ne suffit pas à caractériser une menace pour l'ordre public à la date de l'arrêté attaqué ;

- c'est dès lors à raison que les premiers juges ont retenu que le préfet avait commis une erreur d'appréciation et qu'ils ont annulé son arrêté pour ce motif ;

- il s'ensuit que le préfet du Nord n'est pas fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 19 septembre 2023 du tribunal administratif de Lille.

Par une lettre du 7 février 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période au cours de laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience et que l'instruction pourrait être close à partir du 22 février 2024 sans information préalable.

Une ordonnance portant clôture de l'instruction immédiate a été prise le 3 avril 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- et les observations de Me Claire Périnaud, représentant M. B..., présent.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 10 mai 1998, ressortissant de la République de Guinée, est selon ses déclarations entré irrégulièrement en France le 15 février 2015. Alors mineur et isolé sur le territoire, il a été placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance. A la suite de son accession à la majorité, il a bénéficié de la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " le 4 août 2016 puis d'un titre de séjour portant la mention " salarié " le 18 décembre 2017, renouvelé sans interruption jusqu'au 1er janvier 2022. Il en a sollicité le renouvellement le 11 février 2022. Par un arrêté du 28 septembre 2022, le préfet du Nord a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par sa requête sous le n° 23DA01975, le préfet du Nord relève appel du jugement du 19 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille, saisi par M. B..., a annulé cet arrêté et lui a enjoint de procéder à un réexamen de sa situation dans un délai de deux mois, en lui remettant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours. Par sa requête sous le n° 23DA02120, il sollicite le sursis à exécution de ce jugement. Les requêtes nos 23DA01975 et 23DA02120 présentées par le préfet du Nord étant relatives à un même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE" ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, le 7 janvier 2022, soit à une période contemporaine de la demande de renouvellement de titre de séjour en litige, M. B... a été condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement délictuel assortie du sursis pour des faits de rébellion, outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique et violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours. Ces faits ont été commis le 18 août 2020 à Lille à l'encontre de deux agents de police et ont conduit au placement en arrêt de travail de ces derniers pendant des durées d'un à deux jours. Ces faits, commis alors que M. B... était déjà âgé de 22 ans, révèlent un comportement transgressif. M. B..., qui ne le conteste pas, s'était d'ailleurs déjà fait connaître défavorablement des forces de l'ordre pour des faits de conduite d'un véhicule sans assurance le 25 septembre 2019. Sa situation professionnelle ne suffit par elle-même pas à prévenir la récidive d'un tel comportement. Eu égard à la gravité des faits délictueux en litige, commis de surcroît à l'encontre de dépositaires de l'autorité publique, et à leur caractère encore récent à la date de la décision attaquée, le préfet du Nord n'a pas fait une inexacte appréciation des faits de l'espèce en estimant qu'ils caractérisaient, même en l'absence d'autres faits délictueux commis depuis lors, un comportement de nature à constituer une menace à l'ordre public et en refusant, pour ce motif, de renouveler le titre de séjour de M. B....

4. Il s'ensuit que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler son arrêté du 28 septembre 2022 refusant le renouvellement du titre de séjour de M. B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il doit être éloigné et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens :

S'agissant du moyen commun aux décisions attaquées :

5. Par un arrêté du 24 mai 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord n° 131 du 25 mai 2022, le préfet du Nord a donné à Mme Amélie Puccinelli, secrétaire générale adjointe de la préfecture du Nord et signataire de l'arrêté attaqué, délégation pour signer notamment " tous arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de la direction de la réglementation et de la citoyenneté et de la direction de l'immigration et de l'intégration ". Dès lors, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées doivent être écartés comme manquant en fait.

S'agissant des moyens propres à la décision portant refus de séjour :

6. En premier lieu, l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord s'est fondé pour refuser de renouveler le titre de séjour de M. B.... Il vise et mentionne les dispositions de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que celui-ci a invoquées à l'appui de sa demande ainsi que celles des articles L. 412-5 et L. 432-1 du même code sur lesquelles le préfet s'est fondé pour opposer la réserve d'ordre public. Il rappelle les conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé en France. Il rappelle les faits reprochés à M. B... et, après les avoir examinés en tenant compte notamment de son insertion socio-professionnelle, conclut qu'ils caractérisent une menace pour l'ordre public. Il rend compte également de l'examen de sa situation familiale sur le territoire et dans son pays d'origine. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet n'aurait, préalablement au prononcé de la décision attaquée, pas procédé à l'examen de la situation personnelle du demandeur. Dès lors, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée et de ce qu'elle serait entachée d'erreur de droit pour procéder d'un défaut d'examen particulier doivent être écartés.

7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français et n'y justifie d'aucune attache familiale. La seule circonstance tirée de ce que ses parents seraient décédés ne suffit pas à établir qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine. Il ne justifie pas qu'il ne pourrait pas s'y réinsérer socialement et professionnellement, compte tenu en particulier des qualifications qu'il a acquises à la faveur de sa prise en charge en France. Dans ces conditions, et compte tenu par ailleurs du comportement de M. B..., qui doit être regardé comme constituant une menace pour l'ordre public pour les motifs exposés aux points 2 à 4, et de l'objectif de préservation de l'ordre public qu'elle poursuit, la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour prise à son encontre, bien que celui-ci soit entré jeune sur le territoire et malgré la qualité de la formation et de l'expérience professionnelles qu'il y a acquises, ne peut pas être regardée comme emportant des conséquences disproportionnées pour sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

S'agissant des moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) ". Toutefois, l'article L. 611-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle la décision attaquée a été prise, énonce neuf catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. En outre, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

10. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constituent le fondement légal de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il ressort également sans ambiguïté des énonciations de cet arrêté que l'obligation de quitter le territoire français qu'il prononce à l'encontre de M. B... est fondée sur le refus de séjour qui lui est également opposé. L'arrêté attaqué comporte à cet égard, ainsi qu'il a été dit au point 6, les considérations de fait et de droit qui fondent cette décision de refus de séjour. Dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français n'avait pas, en application des dispositions citées au point précédent de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à faire l'objet d'une motivation distincte. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit être écarté.

11. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 8, M. B... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il lui refuse le renouvellement de son titre de séjour, serait illégal. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

12. En troisième lieu, si M. B... soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne précise pas laquelle des protections contre l'éloignement il serait fondé à se prévaloir. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, qui n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé, doit être écarté.

13. En quatrième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8.

S'agissant des moyens propres à la décision relative au délai de départ volontaire :

14. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

15. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui constituent le fondement légal de la décision relative au délai de départ volontaire. Par ailleurs, le préfet du Nord n'avait pas à motiver spécifiquement le choix du délai de trente jours qu'il a accordé à M. B... pour quitter volontairement le territoire français, dès lors que ce délai correspond au délai de droit commun prévu par ces dispositions et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait fait valoir devant lui des éléments spécifiques justifiant qu'un délai supérieur lui soit accordé. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le délai de départ volontaire doit être écarté.

16. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 13, M. B... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la décision relative au délai de départ volontaire doit être écarté.

17. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 8 que M. B... est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français et qu'il n'y a aucune attache familiale. En outre, à la date de la décision attaquée, sa formation professionnelle était terminée et il ne justifie pas qu'il ne pourrait pas poursuivre ses activités de maçon dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet du Nord a pu considérer qu'aucune circonstance particulière ne justifiait d'accorder à titre exceptionnel à M. B... un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Le moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

S'agissant des moyens propres à la décision relative au pays de destination :

18. Ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 13, M. B... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la décision relative au pays de destination de la mesure d'éloignement doit être écarté.

S'agissant des moyens propres à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

19. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

20. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

21. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

22. En premier lieu, l'arrêté attaqué cite les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituant la base légale de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, il ressort des énonciations de cet arrêté que, pour décider de prononcer cette interdiction et déterminer sa durée, le préfet du Nord a procédé à un examen de la situation de M. B... au regard des critères de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a retenu en particulier que, si M. B... est entré en France en février 2015 et n'a jamais fait l'objet de mesure d'éloignement, il est toutefois dépourvu d'attaches familiales sur le territoire, il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine et son comportement représente une menace pour l'ordre public. Ainsi, le préfet du Nord a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an qu'il a prise à l'encontre de M. B.... Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée doit être écarté.

23. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé aux points 2 à 13, M. B... n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, serait illégal. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an doit être écarté.

24. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en février 2015 alors qu'il était âgé seulement de 16 ans. Placé auprès des services de l'aide sociale à l'enfance puis mis en possession de titres de séjour à compter de sa majorité, il a été sans interruption en situation régulière sur le territoire jusqu'à la date de l'arrêté attaqué. Il y a acquis une formation et une expérience professionnelle en qualité de maçon. En revanche, malgré l'ancienneté de son séjour en France, il reste célibataire et sans charge de famille sur le territoire et n'y a aucune attache familiale. Il ne justifie pas être isolé dans son pays d'origine, ni qu'il ne pourrait pas s'y réinsérer socialement et professionnellement, à la faveur notamment de la formation et de l'expérience professionnelle acquises en France. En outre, pour les motifs exposés aux points 2 à 4, son comportement doit être regardé comme représentant une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, l'interdiction qui lui a été faite de retourner sur le territoire français ne méconnaît, ni dans son principe, ni dans sa durée, les dispositions précitées des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen soulevé en ce sens par M. B... doit être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 18 septembre 2022. Il convient donc de prononcer l'annulation de ce jugement et de rejeter les conclusions présentées en première instance par M. B... à fin d'annulation de cet arrêté ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes conclusions qu'il réitère en appel doivent, pour les mêmes motifs, être rejetées à leur tour.

Sur la demande de sursis à exécution du jugement attaqué :

26. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur les conclusions de la requête n° 23DA01975 du préfet du Nord tendant à l'annulation du jugement du 19 septembre 2023, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23DA02120.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23DA02120 tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 2208351 du 19 septembre 2023 du tribunal administratif de Lille.

Article 2 : Le jugement n° 2208351 du 19 septembre 2023 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLa présidente de chambre,

Signé : M.P. Viard

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA01975-23DA02120


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01975
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : PERINAUD;PERINAUD;PERINAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23da01975 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award