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28/05/2024 | FRANCE | N°23DA01791

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 28 mai 2024, 23DA01791


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 4 août 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire pour une durée d'un an.



Par un jugement n° 2307161 du 14 août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande et a enjoint au pr

éfet du Nord de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 4 août 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2307161 du 14 août 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet du Nord de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2023, le préfet du Nord demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- il n'a pas commis d'erreur de droit ;

- les dispositions des articles L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent à un étranger placé en rétention d'introduire une demande d'asile ;

- l'article R. 741-2 dudit code permet d'éloigner du territoire un étranger présentant une demande d'asile dépourvue de caractère sérieux ;

- les autres moyens présentés par M. B... devant le tribunal ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais né le 17 août 1988, a été interpellé le 4 août 2023 quelques jours après son entrée sur le territoire français, et fait l'objet de l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire pour une durée d'un an. Cet arrêté a été annulé par le jugement du 14 août 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille, dont l'autorité préfectorale relève appel.

Sur le moyen retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la détermination de l'Etat responsable (...) ". Aux termes de l'article L. 541-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". Aux termes de l'article R. 421-4 du même code : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès (...) des services de police ou de gendarmerie (...) en vue de demander l'asile, il est orienté vers l'autorité compétente. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les services de police doivent orienter l'étranger présentant une demande d'asile devant eux vers le préfet compétent et que cette autorité est tenue d'enregistrer cette demande et de délivrer une attestation d'enregistrement de la demande d'asile. L'étranger dispose dans ce cas d'un droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande.

4. Pour annuler l'arrêté du 4 août 2023 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire pour une durée d'un an, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a considéré que M. B..., qui avait indiqué au cours de son audition par les services de police avoir quitté l'Albanie car il y était menacé de mort, devait être regardé comme formulant une demande d'asile et ne pouvait dès lors pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il ressort des termes de l'audition de M. B... par les services de police retranscrites au procès-verbal du 4 août 2023 que ce dernier a indiqué, au tout début de l'audition, faire l'objet d'une menace de mort en Albanie et avoir quitté de pays pour ce motif. Ainsi, l'administration devait regarder l'intéressé comme souhaitant présenter une demande d'asile et l'orienter vers l'autorité compétente, en application des dispositions précitées de l'article R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si le préfet du Nord soutient que cette demande était sans fondement, il lui appartenait de demander à M. B... des précisions quant aux menaces dont il affirme faire l'objet et ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, prendre à son encontre une mesure d'éloignement. Si l'appelant soutient qu'un étranger dispose de la faculté de présenter une demande d'asile en rétention, il est constant que M. B... n'était pas placé en rétention lorsqu'il a indiqué avoir dû quitter l'Albanie en raison de la menace de mort dont il fait l'objet. Dès lors, l'autorité préfectorale a commis une erreur de droit en édictant une obligation de quitter le territoire français sans tenir compte de la volonté de M. B... de demander l'asile.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 4 août 2023.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de la chambre

Signé : M.P. Viard

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

N°23DA01791 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01791
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23da01791 ?
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