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28/05/2024 | FRANCE | N°23DA00267

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 28 mai 2024, 23DA00267


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... Delamare a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 29 septembre 2021 par laquelle le président du conseil départemental de l'Eure lui a retiré son agrément d'assistante maternelle.



Par un jugement n° 2104533 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 février 20

23 et 25 mars 2024, Mme A... Delamare, représentée par Me Christophe Launay, demande à la cour :



1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... Delamare a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 29 septembre 2021 par laquelle le président du conseil départemental de l'Eure lui a retiré son agrément d'assistante maternelle.

Par un jugement n° 2104533 du 17 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 février 2023 et 25 mars 2024, Mme A... Delamare, représentée par Me Christophe Launay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 29 septembre 2021 ;

3°) de mettre à la charge du département de l'Eure le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle a été rendue sans respecter une procédure contradictoire préalable ;

- le président du conseil départemental de l'Eure a commis une erreur d'appréciation ;

- le président du conseil départemental de l'Eure a commis une erreur de droit

- la décision est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2023, le département de l'Eure, représenté par Me Nicolas Lafaix, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de Mme Delamare le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... Delamare, est titulaire d'un agrément d'assistante maternelle depuis le 18 août 1999, pour accueillir quatre enfants, dont trois à temps complet. Son agrément a été renouvelé par le président du conseil départemental de l'Eure le 18 août 2019 pour une durée de cinq ans. A la suite de visites domiciliaires, effectuées par les services du département en avril 2020 et mars 2021, le président du conseil départemental a saisi la commission consultative paritaire départementale en vue d'un retrait de cet agrément. Par décision du 29 septembre 2021, le président du conseil départemental de l'Eure a prononcé le retrait de l'agrément d'assistante maternelle de Mme Delamare qui relève appel du jugement n° 2104533 du 17 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel (...) est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) / L'agrément est accordé (...) si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. (...) " et le 1° de l'article R. 421-3 du même code précise que pour obtenir cet agrément, le candidat doit : " Présenter les garanties nécessaires pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif ". Aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 421-6 du même code : " Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil départemental peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. (...) / Toute décision de retrait de l'agrément (...) doit être dûment motivée (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-23 de ce code : " Lorsque le président du conseil départemental envisage de retirer un agrément, d'y apporter une restriction ou de ne pas le renouveler, il saisit pour avis la commission consultative paritaire départementale mentionnée à l'article R. 421-27 en lui indiquant les motifs de la décision envisagée. / L'assistant maternel ou l'assistant familial concerné est informé, quinze jours au moins avant la date de la réunion de la commission, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, des motifs de la décision envisagée à son encontre, de la possibilité de consulter son dossier administratif et de présenter devant la commission ses observations écrites ou orales. La liste des représentants élus des assistants maternels et des assistants familiaux à la commission lui est communiquée dans les mêmes délais. L'intéressé peut se faire assister ou représenter par une personne de son choix. (...) ".

3. En premier lieu, après avoir fait référence à l'article R. 421-23 précité, la décision contestée indique que Mme Delamare ne respecte pas des conditions d'accueil garantissant la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs qui lui étaient confiés et en précise les motifs. Contrairement à ce que soutient Mme Delamare, la décision attaquée n'avait pas à s'approprier les termes de l'avis de la commission consultative paritaire départementale. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision en litige doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 que, s'il incombe au président du conseil départemental de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément de l'assistant maternel si ces conditions ne sont plus remplies, il ne peut le faire qu'après avoir saisi pour avis la commission consultative paritaire départementale compétente, devant laquelle l'intéressé est en droit de présenter ses observations écrites ou orales, en lui indiquant, ainsi qu'à l'assistant maternel concerné, les motifs de la décision envisagée. La consultation de cette commission sur ces motifs, à laquelle est attachée la possibilité pour l'intéressé de présenter ses observations, revêt ainsi pour ce dernier le caractère d'une garantie. Il en résulte qu'un tel retrait ne peut intervenir pour un motif qui n'aurait pas été soumis à la commission consultative paritaire départementale et sur lequel l'intéressé n'aurait pu présenter devant elle ses observations.

5. Mme Delamare soutient qu'au cours de la séance de la commission consultative paritaire départementale du 16 septembre 2021 il lui a été dit que la plainte d'un parent d'enfant qui lui avait été confiée ne serait pas prise en compte pour procéder au retrait de son agrément. Toutefois, l'appelante ne soutient pas avoir été dans l'impossibilité de présenter ses observations quant aux motifs de la décision envisagée retirant son agrément, lesquels reposent en partie sur cette plainte et pour l'essentiel, sur le compte-rendu des visites à son domicile des 3 avril 2020 et 11 mars 2021. En outre, il ressort du procès-verbal de la séance de la commission du 16 septembre 2021 que les motifs retenus à son encontre ont bien été évoqués. Ainsi, le moyen tiré du défaut de procédure contradictoire préalable doit être écarté.

6. En troisième lieu, pour retirer l'agrément dont était titulaire Mme Delamare, le président du conseil départemental de l'Eure a retenu, d'une part, qu'elle n'a pas prévenu les parents d'enfants gardés à son domicile ayant fait une chute et que l'un d'entre eux n'a pas reçu des soins adéquats, que Mme Delamare a refusé que les parents apportent des repas pour nourrir leurs enfants au motif qu'il faudrait les changer plus souvent et qu'un enfant a été traumatisé par la méthode d'acquisition de la propreté utilisée par l'appelante et d'autre part, que Mme Delamare ne respecte pas les préconisations des services départementaux quant au mode de couchage des enfants, quant à leur sécurité, quant à l'organisation des jeux, quant à la méthode d'acquisition de la propreté utilisée par l'appelante, que l'hygiène de son habitation est insuffisante, qu'elle utilise un langage infantilisant, qu'elle ne prévient pas l'administration des entrées et sorties d'enfant et que ses animaux représentent une menace potentielle pour les enfants.

7. Il ressort des constats opérés par un agent de l'administration lors de la visite domiciliaire du 11 mars 2021 que Mme Delamare a attaché un enfant sur son pot avec un drap et l'a laissé dans cette position sans surveillance. Le département de l'Eure établit que cette pratique ne permet pas l'acquisition adéquate de la propreté et est de nature à créer un traumatisme chez l'enfant. Il a également été constaté à cette occasion que le chien et le chat de Mme Delamare pouvaient adopter en présence des enfants une posture menaçante, qu'une enfant de six mois était installée dans une balancelle dans une position dangereuse, qu'un pare-feu n'était alors pas mis en place devant la cheminée et qu'aucune barrière n'empêchait les enfants de descendre un escalier. Ainsi, ces constats, qui ne sont pas démentis par les photographies et témoignages postérieurs à la décision attaquée produits par l'appelante, permettent d'établir que la sécurité des enfants n'était pas assurée au domicile de Mme Delamare. En outre, le département justifie que Mme Delamare ne mettait pas à jour les fiches d'entrée et de sortie des enfants, contrairement aux exigences de l'article R. 421-39 du code de l'action sociale et des familles, de sorte que l'administration ignorait le nombre d'enfants effectivement gardés à son domicile.

8. Aussi et même si certains des reproches faits à Mme Delamare, tels que l'absence de communication avec les parents sur la chute faite par leur enfant le 9 mars 2021 et les soins immédiats qui lui ont été prodigués, le refus de donner aux enfants des repas préparés par leurs parents, ou encore les conditions de couchage des enfants et le langage infantilisant qu'elle utiliserait pour leur parler, n'apparaissent pas fondés au regard des pièces du dossier, le président du conseil départemental de l'Eure pouvait légalement, pour les seuls motifs énoncés au point précédent, procéder au retrait de l'agrément de Mme Delamare dans la mesure où les conditions d'accueil des enfants à son domicile ne garantissaient plus leur sécurité, leur santé et leur épanouissement au sens des dispositions précitées de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles.

9. En dernier lieu, eu égard à ses motifs, la décision retirant l'agrément de Mme Delamare ne présente pas le caractère d'une sanction ; l'intéressée ne peut donc utilement faire valoir qu'elle constituerait une sanction disproportionnée par rapport à la gravité des faits qui lui sont reprochés. À cet égard, il y a lieu d'observer que Mme Delamare a fait l'objet d'un rappel à ses obligations professionnelles par décision du 1er août 2019, à la suite d'une visite à son domicile du 11 juillet 2019, et qu'elle n'a pas tenu compte des remarques qui lui été adressées à cette occasion. Par suite, le moyen doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme Delamare n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 septembre 2021.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département de l'Eure qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme Delamare la somme demandée par le département au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme Delamare est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département de l'Eure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... Delamare et au département de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 14 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Marie-Pierre Viard, présidente de chambre

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,

Signé : M.P. Viard

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA00267


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00267
Date de la décision : 28/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SELARL CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-28;23da00267 ?
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