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23/05/2024 | FRANCE | N°23DA01778

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 23 mai 2024, 23DA01778


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiées (SAS) Synerg'i a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 14 juin 2022 par lequel la maire d'Amiens a rejeté sa demande de permis de construire un immeuble comportant dix logements sur une parcelle cadastrée section BZ n° 01 située 6 rue Dupont Bacqueville sur le territoire de cette commune.



Par un jugement n°2203418 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté

et a enjoint au maire d'Amiens de délivrer le permis sollicité dans un délai de deux mois à compter...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiées (SAS) Synerg'i a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 14 juin 2022 par lequel la maire d'Amiens a rejeté sa demande de permis de construire un immeuble comportant dix logements sur une parcelle cadastrée section BZ n° 01 située 6 rue Dupont Bacqueville sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n°2203418 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté et a enjoint au maire d'Amiens de délivrer le permis sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 septembre 2023 et un mémoire enregistré le 2 janvier 2024, la commune d'Amiens, représentée par Me Pierre-Olivier Guilmain, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2023;

2°) de rejeter la demande de la SAS Synerg'i ;

3°) de mettre à la charge de cette société la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le tribunal a fait une inexacte application de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Amiens qui justifiait le refus de permis.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2023, la société Synerg'i, représentée par Me Julien Marceau, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune d'Amiens de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le site d'implantation du projet ne présente pas de qualité particulière et le projet lui-même ne porte pas atteinte à l'environnement existant.

Par une ordonnance du 24 janvier 2024, l'instruction a été close avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Pierre Olivier Guilmain représentant la commune et de Me Julien Marceau représentant la société Synerg'i.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Synerg'i a déposé le 21 décembre 2021 une demande de permis de construire un immeuble de 10 logements sur une parcelle cadastrée BZ 01 située 6 rue Dupont Bacqueville à Amiens. La maire d'Amiens a refusé ce permis par un arrêté du 14 juin 2022. La société a formé un recours gracieux qui a été rejeté par courrier du 30 août 2022. Saisi par la société, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cet arrêté par un jugement du 13 juillet 2023 et a enjoint à la délivrance du permis sollicité. La commune d'Amiens relève appel de ce jugement.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Le règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Amiens a défini la zone UB comme celle correspondant " principalement au tissu urbain de faubourg de la première couronne. L'habitat reflète l'extension urbaine entre 1870 et 1930 ". Le secteur UBa de cette zone correspond d'après ce règlement " à la plus grande partie des faubourgs anciens ". Il " est de densité très variable. L'objectif est le maintien des caractéristiques actuelles concilié à une possibilité de densification à l'échelle de la parcelle aussi bien qu'à l'échelle de l'ilot si la taille le permet ".

3. Aux termes de l'article UB 11 du même règlement : " (...) L'aspect extérieur des constructions nouvelles ainsi que des adjonctions ou modifications de constructions existantes doit être étudié de manière à assurer leur bonne intégration dans le paysage rural ou urbain et la préservation des caractéristiques architecturales de la construction faisant l'objet de travaux, le cas échéant. (...)". Cet article précise dans son point VIII.1 que " (...) les façades des bâtiments nouveaux devront adopter les principes de composition et des choix de matériaux qui s'harmonisent avec les façades des constructions avoisinantes ou mitoyennes, notamment dans les proportions entre les pleins et les vides, dans la forme, les dimensions et les proportions des percements, dans la mise en place des rythmes verticaux et de registres horizontaux, etc. ".

4. Le projet se situe sur une parcelle occupée par des appentis et des constructions accessoires de qualité médiocre. La rue dans laquelle il prend place constitue la limite entre le secteur UBa, qui correspond à la plus grande partie des faubourgs anciens, et le secteur UCb, défini dans le règlement du document d'urbanisme comme correspondant à de l'habitat individuel de faible hauteur, en deuxième couronne de faubourg et de trame aérée. Au sein du secteur UBa, les parcelles sur la rue Dupont Bacqueville sont pour l'essentiel l'arrière de maisons de ville dites " amiénoises " de niveau R+1 en alignement, ces parcelles étant occupées pour l'essentiel par des garages, des ateliers ou des appentis, ce qui est en particulier le cas de la parcelle mitoyenne du projet au sud. Le secteur s'il se caractérise par une prédominance de maisons " amiénoises " de même gabarit notamment sur la rue parallèle à celle du projet comporte aussi des petits immeubles collectifs ainsi que dans les parcelles donnant sur le boulevard de Beauvillé des immeubles plus importants de niveau R+4 et à toiture terrasse. Par ailleurs, si les constructions en brique rouge prédominent en particulier dans la rue parallèle, des constructions plus récentes et aux styles plus hétéroclites sont également présentes notamment dans la rue du projet comme dans l'ensemble du secteur. Le site d'implantation du projet ne se caractérise donc ni par une qualité particulière, ni par une homogénéité de style.

5. Le projet consiste en un immeuble collectif de niveau R+2, d'une hauteur de 13 mètres à toiture terrasse avec attique et comprenant un soubassement sur la hauteur du rez-de-chaussée en brique grise et de couleur blanche en partie supérieure. Compte tenu de la présence au sud d'un appentis en mauvais état en brique rouge et au nord de constructions de styles hétéroclites, dont certaines ayant une façade blanche, il ne crée pas une rupture d'harmonie telle avec son environnement immédiat qu'il devait être modifié pour ce seul motif. Il n'est pas non plus établi qu'il serait visible depuis les secteurs de maisons " amiénoises " présentant une forte homogénéité stylistique, ni qu'il affecterait les vues sur ce secteur.

6. Si le tribunal administratif a fait état de la présence de l'autre côté de la rue, d'un lotissement contemporain aux gabarits et aux couleurs variés, il s'est fondé principalement, contrairement à ce que soutient la commune, sur l'insertion du projet dans le secteur UBa pour censurer le motif de refus. Au surplus, compte tenu de la situation en limite de secteur du projet, son insertion par rapport aux constructions situées dans le secteur adjacent pouvait être prise en compte et compte tenu de ce qui a été dit, les pièces du dossier ne démontrent pas non plus une méconnaissance du règlement du plan local d'urbanisme.

7. Dans ces conditions, la maire d'Amiens ne pouvait s'opposer au projet au seul motif que sa façade ne s'harmonise pas avec celle des constructions avoisinantes ou mitoyennes, alors qu'aucune condition de hauteur ou de forme de toiture n'est imposée au projet par les règles du plan local d'urbanisme et qu'une insertion plus fine dans l'environnement situé à proximité pouvait être imposée par voie de prescriptions. Par suite, la commune d'Amiens n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 14 juin 2022.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Synerg'i, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la commune d'Amiens et non compris dans les dépens.

9. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Amiens la somme de 2 000 euros à verser à la société Synerg'i au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune d'Amiens est rejetée.

Article 2 : La commune d'Amiens versera la somme de 2 000 euros à la société Synerg'i sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Amiens et à la société Synerg'i.

Délibéré après l'audience publique du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho La République mande et ordonne au préfet de la Somme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°23DA01778 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01778
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : GUILMAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23da01778 ?
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