La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2024 | FRANCE | N°23DA01455

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 23 mai 2024, 23DA01455


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen :



- d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;



- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour t

emporaire ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de la munir, dans cette attente, d'u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen :

- d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de la munir, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;

- et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2301059 du 4 juillet 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 7 décembre 2022, enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à Mme B... une carte de séjour mention " étudiant ", sous réserve qu'elle suive toujours un enseignement en France, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme D... B....

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il avait méconnu les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que Mme B... n'a pas justifié de la réalité et du caractère sérieux des études poursuivies ;

- il s'en rapporte à ses écritures de première instance en réponse aux moyens soulevés par Mme D... B....

La requête a été communiquée à Mme D... B... qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 3 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D... B..., ressortissante marocaine, née le 12 août 1998 à Agadir (Maroc), est entrée en France le 26 octobre 2020, munie de son passeport revêtu d'un visa long séjour, délivré par les autorités consulaires françaises à Casablanca, valant titre de séjour portant la mention " étudiant ". Son titre de séjour a été renouvelé une première fois jusqu'au 21 octobre 2022, mais par un arrêté du 7 décembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler une seconde fois ce titre, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai. Par un jugement n° 2301059 du 4 juillet 2023 rendu à la demande de Mme B..., le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 7 décembre 2022, enjoint au préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le préfet de la Seine-Maritime interjette appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Rouen :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. ". Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an (...). ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant, d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études effectivement poursuivies, en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi.

3. Il ressort des pièces du dossier que, titulaire d'une licence en " Méthodes quantitatives appliquées aux sciences sociales " obtenue à l'université Hassan II de Casablanca au Maroc, Mme B... s'est inscrite tardivement, au titre de l'année 2020-2021, à l'université de Rouen en master 1 " Mathématiques - parcours Actuariat et Ingénierie Mathématique pour l'Assurance et la Finance " porté par la faculté de Sciences et techniques. Il ressort de plusieurs échanges de courriel avec des professeurs et d'un courrier d'une chargée d'orientation de l'université de Rouen que Mme D... B... a d'abord éprouvé des difficultés à rattraper les cours qu'elle avait manqués en début d'année, puis à suivre les cours en distanciel qu'une nouvelle période de confinement a imposés en novembre et décembre 2020, enfin à assimiler les compétences mathématiques élevées requises par ce master. Si elle a été ajournée à l'issue de cette année universitaire, elle s'est réorientée en 2021-2022 et a intégré le master 1 " Monnaie, Banque, Finance, Assurances, parcours Economie et Gestion des Risques Financiers (EGRF) " porté par la faculté de droit, sciences économiques et gestion. Il ressort de l'attestation de la chargée d'orientation que cette réorientation correspond davantage aux acquis et au projet professionnel de l'intéressée. Mme D... B... n'a pas validé ce master à la première session d'examen et a seulement validé le 1er semestre à la deuxième session avec une moyenne de 10,5/20, échouant au 2nd semestre avec une moyenne de 7,3/20. Toutefois, eu égard au contexte de sa première année universitaire en France, à sa validation, l'année suivante, d'un de ses deux semestres d'études et à son unique redoublement en master 1 " EGRF " pour valider son 2nd semestre, le préfet de la Seine-Maritime a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en estimant que Mme D... B... ne justifiait pas de la réalité et du caractère sérieux des études poursuivies.

4. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 7 décembre 2022, enjoint au préfet territorialement compétent de délivrer à Mme D... B... une carte de séjour mention " étudiant ", sous réserve qu'elle suive toujours un enseignement en France, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°23DA01455 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01455
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;23da01455 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award