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23/05/2024 | FRANCE | N°22DA01613

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 23 mai 2024, 22DA01613


Vu la procédure suivante :



Par une requête enregistrée le 25 juillet 2022 et des mémoires enregistrés les 23 décembre 2022, 19 septembre 2023, et un mémoire récapitulatif enregistré le 28 décembre 2023, l'association de défense de l'environnement Nièvre et Somme (ADENIS), M. et Mme F... AG..., Mme AP... AN..., M. AO... AU..., Mme AV... AH..., M. N... W..., Mme AI... K..., M. V... AW..., M. G... AQ..., M. AR... AJ..., M. B... M..., M. C... O..., Mme E... AK..., M. AB... Y..., M. AS... Z..., Mme AD... P..., M. AY... Q..., M. C... AA..., M. AL... D..., M. AM...

J..., M. X... AX..., Mme AZ... AC..., M. L... R..., Mme A... S..., M. U...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2022 et des mémoires enregistrés les 23 décembre 2022, 19 septembre 2023, et un mémoire récapitulatif enregistré le 28 décembre 2023, l'association de défense de l'environnement Nièvre et Somme (ADENIS), M. et Mme F... AG..., Mme AP... AN..., M. AO... AU..., Mme AV... AH..., M. N... W..., Mme AI... K..., M. V... AW..., M. G... AQ..., M. AR... AJ..., M. B... M..., M. C... O..., Mme E... AK..., M. AB... Y..., M. AS... Z..., Mme AD... P..., M. AY... Q..., M. C... AA..., M. AL... D..., M. AM... J..., M. X... AX..., Mme AZ... AC..., M. L... R..., Mme A... S..., M. U... T..., et M. AF... AE..., représentés par Me Francis Monamy, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de déclarer nul et non avenu l'arrêt n° 20DA01794 du 22 mars 2022 de la cour administrative d'appel de Douai ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2022 par lequel la préfète de la Somme a fixé les prescriptions applicables au parc éolien la Croix Florent ;

3°) de rejeter la requête formée par la SEPE La Croix Florent contre l'arrêté du 21 septembre 2020 du préfet de la Somme refusant de lui délivrer une autorisation environnementale pour quatre éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Flixecourt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SEPE La Croix Florent la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt pour agir ;

- il n'est pas établi que la minute de l'arrêt ait été signée ; celui-ci est donc irrégulier ;

- l'article 6 de la convention d'Aarhus est méconnu ;

- l'accord du ministre chargé de l'aviation civile émane d'une autorité incompétente ;

- le dossier d'autorisation méconnait le 3° de l'article R. 181-13 du code de l'environnement ;

- le dossier ne comporte pas le document prévu au 11° de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement ;

- il ne comporte pas les documents prévus au 12° de l'article R. 181-15-2 du code de l'environnement ;

- l'étude d'impact est insuffisante tant en ce qui concerne les chiroptères que pour l'avifaune, pour les paysages, pour l'étude des variantes et pour l'impact sur les nappes phréatiques ;

- l'avis de l'autorité environnementale est irrégulier ;

- la consultation des conseils municipaux est irrégulière ;

- la commission départementale de la nature des paysages et des sites aurait dû à nouveau être consultée ;

- l'arrêté ne comporte pas de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées ;

- il porte une atteinte excessive aux paysages, aux chiroptères et à l'avifaune ;

- il méconnait les articles R. 111-26 et R. 111-27 du code de l'urbanisme ainsi que l'article 2.2 du règlement de la sone A du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes Nièvre et Somme ;

- le projet entraînera une consommation foncière excessive et rendra l'exploitation agricole de certaines terres plus difficile ;

- les garanties financières de la pétitionnaire pour la remise en état du site sont insuffisantes.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 octobre 2022, 3 août 2023, 19 octobre 2023 et des pièces enregistrées le 25 octobre 2022, le 16 août 2023, le 28 août 2023, la société SEPE La Croix Florent, représentée par Me Laurent Brault, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire des requérants de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants n'ont pas intérêt pour agir ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet de la Somme qui n'ont pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 22 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention d'Aarhus ;

- la directive 85/337CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ;

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2015-1229 du 2 octobre 2015 ;

- l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 26 août 2011 modifié relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me E... Lacoste, substituant Me Monamy, représentant l'ADENIS et autres et Me Benoît Williot représentant la SEPE La Croix Florent.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. La société d'exploitation de la Croix Florent a déposé le 6 juillet 2017 une demande d'autorisation environnementale pour un parc de 4 aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Flixecourt. La préfète de la Somme a rejeté cette demande par un arrêté du 21 septembre 2020. Par un arrêt du 22 mars 2022 n° 20DA01794, la cour a annulé cet arrêté, a délivré l'autorisation demandée et a enjoint à la préfète de la Somme de fixer les prescriptions devant assortir l'autorisation dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt. La préfète de la Somme a fixé ces prescriptions par un arrêté du 4 juillet 2022. L'association de défense de l'environnement Nièvre et Somme et des particuliers font tierce opposition à l'arrêt de la cour et demandent également l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2022. L'association de défense de l'environnement Nièvre et Somme est le représentant unique des appelants en application de l'article R. 411-5 du code de justice administrative.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15-1 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / (...) / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 (...) ". Pour pouvoir contester une décision prise au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement, les tiers personnes physiques doivent justifier d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux. Lorsque le juge administratif annule un refus d'autoriser une installation classée et accorde lui-même l'autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions, la voie de la tierce opposition est ouverte contre cette décision. Afin de garantir le caractère effectif du droit au recours des tiers en matière d'environnement et eu égard aux effets sur les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement de la décision juridictionnelle délivrant une autorisation d'exploiter, la voie de la tierce opposition est, dans cette configuration particulière, ouverte aux tiers qui justifieraient d'un intérêt suffisant pour demander l'annulation de la décision administrative d'autorisation, sans qu'ils aient à justifier d'un droit lésé. Le tiers peut invoquer à l'appui de sa tierce opposition tout moyen.

3. D'une part, l'association de défense de l'environnement Nièvre et Somme, selon les termes de l'article 2 de ses statuts " exerce son action sur l'ensemble de la communauté de communes Nièvre et Somme ", qui comprend la commune de Flixecourt. D'après le même article de ses statuts, elle a pour but d'agir pour la sauvegarde de l'environnement naturel et urbain et contre ses dégradations en ce compris à travers la contestation des autorisations (...) relatives à l'implantation des installations classées pour la protection de l'environnement délivrées sur le territoire où l'association exerce son action ". L'association invoque les atteintes aux paysages, aux chiroptères ou à l'avifaune qu'est susceptible de porter le projet. L'association justifie donc d'un intérêt pour agir.

4. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. T... réside à 875 mètres environ du parc éolien et qu'aucun obstacle visuel ne masque cette installation depuis sa propriété. Par suite, M. T... a également intérêt pour agir.

5. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt pour agir doit être écartée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt pour agir des autres requérants.

Sur la régularité de l'arrêt contesté :

6. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il résulte de l'instruction menée par la cour que la minute a été signée conformément aux dispositions précitées par le président de la formation de jugement, par le rapporteur et par le greffier d'audience. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de l'arrêt manque en fait et doit être écarté.

Sur la procédure d'instruction de la demande d'autorisation :

En ce qui concerne la concertation préalable :

7. Aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention d'Aarhus : " Chaque partie : / a) applique les dispositions du présent article lorsqu'il s'agit de décider d'autoriser ou non des activités proposées du type de celles énumérées à l'annexe I (...) ". Au vingtième paragraphe de cette annexe I est mentionnée " toute activité non visée aux paragraphes 1 à 19 ci-dessus pour laquelle la participation du public est prévue dans le cadre d'une procédure d'évaluation de l'impact sur l'environnement conformément à la législation nationale ". Aux termes du troisième paragraphe de l'article 6 de la même convention : " Pour les différentes étapes de la procédure de participation du public, il est prévu des délais raisonnables laissant assez de temps pour informer le public (...) et pour que le public se prépare et participe effectivement aux travaux tout au long du processus décisionnel en matière d'environnement ". Aux termes du quatrième paragraphe du même article : " Chaque partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence ". Ces stipulations doivent être regardées comme produisant des effets directs dans l'ordre juridique interne.

8. Il résulte de l'instruction que la société du parc éolien de la Croix Florent a conclu dès 2011, avec la communauté de communes Nièvre et Somme une charte morale prévoyant un processus de concertation et d'échange sur le projet. Dans ce cadre, quatre réunions du comité de suivi associant la communauté de communes et la pétitionnaire se sont tenues les 20 juin 2011, 18 juin 2012, 15 avril 2013 et 27 mai 2016. Une permanence publique a eu lieu le 7 juillet 2016 en maire de Flixecourt. Le public a ainsi été mis à même lors de cette réunion de s'informer sur le projet et d'adresser toutes questions au pétitionnaire à un stade de la procédure où toutes les options et solutions étaient encore possibles. Enfin, l'enquête publique s'est déroulée du 9 octobre au 8 novembre 2019, à un stade où l'autorité administrative ne s'était pas encore prononcée sur le projet. L'avis défavorable du commissaire enquêteur souligne d'ailleurs que l'élaboration du projet a été accompagnée d'une démarche de concertation préalable. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention d'Aarhus doit être écarté.

En ce qui concerne le dossier de demande d'autorisation :

9. En premier lieu, aux termes de l'article R. 181-13 du code de l'environnement : " La demande d'autorisation environnementale comprend les éléments communs suivants : / (...) / 3° Un document attestant que le pétitionnaire est le propriétaire du terrain ou qu'il dispose du droit d'y réaliser son projet ou qu'une procédure est en cours ayant pour effet de lui conférer ce droit ; / (...) ".

10. Le dossier de demande d'autorisation comprenait, ainsi que le reconnaissent les requérants, une attestation de la société pétitionnaire qu'elle disposait de l'autorisation des propriétaires des parcelles d'implantation des éoliennes et du poste de livraison pour mener à bien son projet. Le dossier de demande ne comporte toutefois pas d'attestations des propriétaires des parcelles survolées par les pales des aérogénérateurs ou supportant des câbles électriques de raccordement de l'installation. Cependant, dès lors que, d'une part, la pétitionnaire était seulement tenue de justifier dans sa demande de l'engagement d'une procédure lui permettant d'obtenir la maîtrise foncière des parcelles de son projet, que, d'autre part, sa demande indiquait avec précision les références, la localisation et la consistance des parcelles en question et qu'enfin, l'accord des propriétaires doit être obtenu avant le début des travaux pour pouvoir les entreprendre, cette lacune n'a pas, en l'espèce, eu pour effet de priver d'une garantie ou d'exercer une influence sur le sens de la décision prise.

11.Par ailleurs, la seule circonstance que les attestations des propriétaires des parcelles d'implantation du projet ne soient pas accompagnées d'un relevé de propriété, ne suffit à démontrer que les dispositions précitées de l'article R. 181-13 auraient été méconnues dès lors que ces propriétaires sont également ceux mentionnés dans l'attestation fournie par la société et évoquée au point précédent indiquant que la société bénéficiait de leur autorisation de mener à bien son projet sur leurs parcelles et que les appelants n'apportent aucun élément démontrant que d'autres personnes seraient propriétaires des parcelles d'implantation du projet.

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance du 3° de l'article R. 181-13 du code de l'environnement doit être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) / 11° Pour les installations à implanter sur un site nouveau, l'avis du propriétaire, lorsqu'il n'est pas le pétitionnaire, ainsi que celui du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme, sur l'état dans lequel devra être remis le site lors de l'arrêt définitif de l'installation et, en particulier, sur l'usage futur du site, au sens du I de l'article D. 556-1 A ; ces avis sont réputés émis si les personnes consultées ne se sont pas prononcées dans un délai de quarante-cinq jours suivant leur saisine par le pétitionnaire ; / 12° Pour les installations terrestres de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent : / a) Sauf dans le cas prévu au 13°, un document établi par le pétitionnaire justifiant que le projet est conforme, selon le cas, au règlement national d'urbanisme, au plan local d'urbanisme ou au document en tenant lieu ou à la carte communale en vigueur au moment de l'instruction ; (...) ".

14. Si la communauté de communes Nièvre et Somme est compétente en matière d'urbanisme depuis le 16 septembre 2014, la zone d'implantation du projet était couverte à la date de la demande par un plan d'occupation des sols communal et le maire de Flixecourt a donné son avis sur la remise en état du site. Le dossier comprenait en outre un avis favorable du président de la communauté de communes sur le projet. Aucune disposition ne fait toutefois obstacle à ce que la consultation sur la remise en état du site puisse être exercée postérieurement à la délivrance de l'autorisation d'exploiter, ni à ce que l'autorité administrative puisse, postérieurement à cette délivrance, prescrire les mesures de démantèlement qu'elle estime appropriées, notamment au regard des observations éventuellement exprimées par la collectivité compétente en matière d'urbanisme. Dans ces conditions, l'absence de consultation du président de la communauté de communes sur la remise en état du site n'est pas de nature, ni à avoir privé les intéressés d'une garantie, ni à avoir exercé une influence sur le sens de la décision

15. Par ailleurs, si le dossier de demande ne comprenait pas de document justifiant de la conformité du projet au plan d'occupation des sols de la commune de Flixecourt, il comprenait en revanche la délibération du 23 juin 2014 du conseil de la communauté de communes Nièvre et Somme prescrivant l'élaboration d'un plan d'urbanisme intercommunal et un courrier du 16 juin 2017 du président de cet établissement public indiquant que le plan en cours d'élaboration prévoit le développement de l'énergie éolienne et que la zone d'implantation du projet est un secteur où les élus souhaitent l'implantation de projets éoliens. Il n'est au surplus, pas établi que le projet était incompatible avec le plan d'occupation des sols en vigueur. Dans ces conditions, l'absence de document justifiant de la conformité du projet au document d'urbanisme applicable n'était pas de nature à priver les intéressés d'une garantie, ni à exercer une influence sur le sens de la décision dès lors que le dossier faisait valoir sa compatibilité avec le document futur d'urbanisme.

En ce qui concerne la présentation des capacités financières :

16. Aux termes de l'article D. 181-15-2 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " Lorsque l'autorisation environnementale concerne un projet relevant du 2° de l'article L. 181-1, le dossier de demande est complété dans les conditions suivantes. / I. - Le dossier est complété des pièces et éléments suivants : / (...) / 3° Une description des capacités techniques et financières mentionnées à l'article L. 181-27 dont le pétitionnaire dispose, ou, lorsque ces capacités ne sont pas constituées au dépôt de la demande d'autorisation, les modalités prévues pour les établir. Dans ce dernier cas, l'exploitant adresse au préfet les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation ; (...) ".

17. Il résulte de l'instruction que le dossier de demande d'autorisation comprenait un plan de financement faisant notamment apparaître pour chacune des quinze années d'exploitation prévues, le chiffre d'affaires prévisionnel et l'amortissement de la dette. Etait également indiqué que le financement se répartissait entre un quart de fonds propres et trois quarts d'emprunt bancaire. Enfin, étaient présentées les capacités de la société Ostwind international, dont la société d'exploitation de la Croix Florent est une filiale à 100%. Le dossier détaillait notamment le chiffre d'affaires et les fonds propres du groupe Ostwind sur les huit dernières années connues à la date de la demande d'autorisation. Dans ces conditions le moyen tiré de l'insuffisante présentation des capacités financières de la société pétitionnaire dans le dossier d'autorisation doit être écarté.

En ce qui concerne l'étude d'impact :

18. En premier lieu, les requérants ne sauraient se prévaloir des dispositions de la directive 85/337 du 27 juin 1985 qui a été abrogée par la directive 2011/92 du 13 décembre 2011. Les dispositions de cette dernière directive ont été entièrement transposées en droit interne. En limitant l'analyse des effets cumulatifs sur l'environnement aux projets ayant fait l'objet d'un avis de l'Autorité environnementale, l'article R. 122-5 du code de l'environnement, n'est pas contraire aux objectifs de cette directive du 13 décembre 2011 qui visent à décrire les effets secondaires cumulatifs à court, moyen et long terme du projet et ne saurait donc prendre en compte que les projets en activité ou dont la mise en activité est autorisée ou en voie de l'être. En particulier, la demande d'autorisation du projet de Ville-le-Marclet a été déposée postérieurement à celle de Croix Florent, l'étude d'impact n'a donc méconnu aucune disposition en ne prenant pas en compte ce parc.

19. En deuxième lieu, l'étude d'impact comprend une analyse des enjeux chiroptérologiques sur deux cycles biologiques complets. Cette analyse repose sur 7 sorties dans l'étude initiale de 2014-2015 et 21 dans l'étude complémentaire dont 3 en août. Ces prospections de terrain ont également été complétées par des écoutes en altitude entre le 1er mars 2018 et le 31 octobre suivant. La société pétitionnaire a également analysé les effets cumulés avec les parcs existants ou autorisés mais l'étude d'impact conclut que ces effets sont faibles en ce qui concerne les chiroptères, compte tenu de la distance de 2 kilomètres avec le parc le plus proche. Elle a également étudié l'impact du projet sur les espèces qui chassent régulièrement en écoute passive, concluant que le grand murin représente moins de 1% des chiroptères recensés et que les oreillards s'ils représentent 20% des contacts sont exclusivement présents en milieu forestier alors que le projet localise les éoliennes à plus de 200 mètres des éléments boisés. Enfin, si le projet n'a pas pris en compte une haie survolée par l'éolienne FL 3, il n'est pas contesté que cette haie a été arasée, avant l'étude d'impact et au surplus, le secteur d'implantation de cette éolienne était de sensibilité moyenne pour les chauves-souris. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'étude chiroptérologique est proportionnée aux enjeux du projet.

20. En troisième lieu, s'agissant de l'avifaune, vingt-deux sorties ont eu lieu sur le site pendant un cycle biologique complet. Ces observations ont été complétées par une étude radar pendant neuf jours en période prénuptiale et onze jours en période postnuptiale. Par ailleurs, il n'est pas établi compte tenu des faibles enjeux pour l'avifaune de la zone que l'étude n'ait pas évalué de manière proportionnée l'impact du projet. De même, compte tenu qu'en dehors d'un parc voisin situé à deux kilomètres et d'un projet en cours d'instruction mais non encore soumis à l'avis de l'Autorité environnementale, les autres parcs se situent de l'autre côté de la vallée de la Somme et de la Nièvre, l'appréciation des effets cumulés paraît suffisante. Il résulte de ces éléments que l'étude d'impact est proportionnée aux enjeux du projet sur l'avifaune.

21. En quatrième lieu, s'agissant du volet paysager, si l'étude d'impact ne comprend pas de photomontage permettant d'apprécier la covisibilité entre le projet et certains monuments historiques, l'étude a procédé à une analyse de cette covisibilité, soit que l'absence de visibilité des éoliennes depuis le monument démontre l'impact nul du projet compte tenu de sa distance avec le monument comme c'est le cas par exemple pour l'église de l'Assomption d'Ailly-le-Haut-Clocher, située à 10 kilomètres, soit que des éléments de relief, de bâti ou végétaux masquent le projet et empêchent sa covisibilité avec le monument, comme c'est le cas par exemple des moulins à vent dit AT... à Naours et du moulin de Belcan à Naours. Par ailleurs, l'étude d'impact prenait bien en compte l'impact sur le cimetière allemand de Bourdon, lui consacrant un photomontage spécifique. Le photomontage produit par les requérants ne démontre pas que cette analyse soit erronée. Par ailleurs en réponse à l'avis de la mission régionale de l'autorité environnementale qui recommandait d'expliciter et de revoir la qualification de l'impact cumulé, la société pétitionnaire a fait réaliser une étude complémentaire qui conclut que l'étude d'impact répond de manière suffisante et proportionnée à l'étude des effets cumulés sur le paysage. Si les requérants produisent des photographies aériennes tendant à montrer la prégnance du motif éolien dans l'environnement proche du projet, il n'est pas établi que l'insuffisance de l'étude d'impact alléguée, qui prend en compte cette densité aurait été de nature à nuire à l'information complète du public lors de l'enquête publique ou à exercer une influence sur le sens de la décision. En particulier, s'agissant du village d'Yzieux, la société pétitionnaire a produit une étude d'encerclement spécifique alors que les requérants reconnaissent que le projet ne crée pas de nouvel angle d'occupation visuelle de ce village. Il résulte de ces éléments que l'étude d'impact est proportionnée aux enjeux du projet sur les monuments, les paysages et la commodité du voisinage.

22. En cinquième lieu, l'étude d'impact comprend la comparaison de quatre scénarios. Si ces variantes ne diffèrent que par la présence d'une cinquième éolienne, l'étude justifie précisément du choix du projet retenu au regard de l'ensemble des enjeux. L'étude d'impact apparait donc également proportionnée sur ce point. En outre, en réponse à l'avis de la mission régionale de l'Autorité environnementale, la société a étudié des scénarios plus contrastés et en a conclu que la variante retenue minimisait les impacts.

23. En sixième lieu, si les requérants critiquent la méthode retenue pour réaliser les photomontages, il résulte de l'étude que cette méthode a été clairement exposée et est celle habituellement retenue par les études de même type. Dans ces conditions, il n'est pas non plus établi que l'étude d'impact ait été de nature à fausser l'information du public ou a exercé une influence sur le sens de l'enquête.

24. En septième lieu, il résulte de l'étude d'impact que la zone d'implantation du projet est localisée hors de tout périmètre de captage d'eau. Le projet n'engendre aucun rejet dans le milieu naturel et pendant la phase de travaux, est prévu l'imperméabilisation de l'aire de stationnement des engins. Enfin, l'étude précise que les huiles usagées de la nacelle sont récupérées et traitées par une société spécialisée. Dans ces conditions, l'insuffisance de l'étude d'impact au regard de ses enjeux hydrogéologiques n'est pas établie.

En ce qui concerne l'avis du ministre chargé de l'aviation civile :

25. Il résulte de l'instruction que l'avis du ministre chargé de l'aviation civile a été signé, par M. H... I..., inspecteur de surveillance développement durable. Ce dernier disposait d'une délégation prise le 5 septembre 2016 par le directeur de la sécurité de l'aviation civile et publiée au Journal officiel de la République française du 8 septembre 2016, pour signer tous actes dans la limite de ses attributions au sein de la délégation Picardie de la direction de la sécurité de l'aviation civile. Aux termes de l'article 7 de la décision du 8 février 2013 portant organisation de la direction de la sécurité civile de l'aviation civile Nord, la délégation Picardie est chargée par le siège de la direction de la sécurité de l'aviation civile Nord notamment des affaires techniques pour les missions de surveillance et de régulation qui lui sont confiées. Enfin aux termes de l'article 28 de l'arrêté du 7 décembre 2015 portant organisation de la direction de la sécurité de l'aviation civile, les directions territoriales suivent les dossiers de servitudes radioélectriques. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'avis du ministre chargé de l'aviation civile doit être écarté.

En ce qui concerne la régularité de l'avis de la mission régionale de l'Autorité environnementale :

26. En premier lieu, l'article 17 du décret du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l'environnement et du développement durable dans sa rédaction issue du décret du 3 juillet 2020 applicable à la date de l'autorisation, dispose que " La mission régionale d'autorité environnementale du conseil peut donner délégation à un ou plusieurs de ses membres permanents pour statuer sur les demandes d'examen au cas par cas mentionnées aux articles R. 122-18 du code de l'environnement et R. 104-28 du code de l'urbanisme et sur les demandes d'avis mentionnées à l'article L. 122-1, au deuxième alinéa du III de l'article L. 122-1-1 et à l'article L. 122-4 du code de l'environnement et à l'article L. 104-6 du code de l'urbanisme.".

27. La présidente de la mission régionale d'autorité environnementale (MRAE) des Hauts-de-France a rendu son avis sur le projet en vertu d'une délégation du 6 juin 2019 émanant de la formation collégiale, comme le prévoit l'article 17 du décret précité applicable en l'espèce et qui demeurait en vigueur, même si initialement cette délégation avait été prise sur la base du règlement intérieur du Conseil général de l'environnement et du développement durable, arrêté par le ministre chargé de l'environnement et du développement durable, qui permettait aux missions régionales d'autorité environnementale de déléguer, notamment à leur président, des compétences plus étendues que les seules compétences mentionnées par le décret précité dans sa version à la date de l'avis.

28. Dans ces conditions, la présidente de la mission régionale était bien compétente pour émettre un avis sur le projet de parc éolien de Flixecourt, contrairement à ce que soutiennent les requérants. Par suite, ce moyen doit être écarté.

29. En deuxième lieu, lorsque le préfet de département disposant à cette fin des services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement est l'autorité compétente pour autoriser le projet, la MRAE de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable, dont l'organisation et les modalités d'intervention sont définies par les articles R. 122-21 et R. 122-24 du code de l'environnement, peut être regardée comme disposant, à son égard, d'une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental dans des conditions répondant aux exigences résultant de l'article 6 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011. Ainsi, dès lors qu'elle rend un avis dans les conditions prévues par ces dispositions, la MRAE doit être regardée comme intervenant de manière autonome à l'égard du préfet compétent pour autoriser le projet, sans que la circonstance qu'elle ait bénéficié, pour rendre son avis, ainsi que le prévoit l'article R. 122-24 du code de l'environnement, de l'appui technique d'agents du service régional chargé de l'environnement placés sous l'autorité fonctionnelle de son président soit, par elle-même, de nature à affecter cette autonomie.

30. Dans ces conditions, les dispositions de l'article 15 du règlement intérieur du conseil général de l'environnement et du développement durable tel qu'arrêté le 12 mai 2016 par le ministre chargé de l'environnement qui prévoient que " les projets d'avis et de décision sont préparés et transmis à la MRAE par la direction du service régional de l'environnement ", ni de l'article 19 de ce règlement qui dispose que" le service régional de l'environnement peut être invité à présenter certains dossiers devant la MRAE [...] " n'ont ni pour objet ni pour effet de déroger à une règle fixée par un décret en Conseil d'État dans la partie réglementaire du code de l'environnement et ne sauraient démontrer l'absence d'autonomie de la MRAE. Le moyen tiré de l'illégalité de l'article 15 de ce règlement intérieur doit donc être écarté.

31. En troisième lieu, il ne résulte pas des pièces du dossier que les services qui ont préparé l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale n'étaient pas placés pour ce faire sous l'autorité fonctionnelle de cette mission, les requérants n'apportant aucun élément en ce sens.

En ce qui concerne la consultation des communes concernées :

32. D'une part, aux termes de l'article R. 181-38 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " Dès le début de la phase d'enquête publique, le préfet demande l'avis du conseil municipal des communes mentionnées au III de l'article R. 123-11 et des autres collectivités territoriales, ainsi que de leurs groupements, qu'il estime intéressés par le projet, notamment au regard des incidences environnementales notables de celui-ci sur leur territoire. Ne peuvent être pris en considération que les avis exprimés au plus tard dans les quinze jours suivant la clôture de l'enquête publique. ".

33. D'autre part, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) / Le présent article est également applicable aux communes de moins de 3 500 habitants lorsqu'une délibération porte sur une installation mentionnée à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ".

34. En premier lieu, il résulte des certificats d'affichage produits par les requérants eux-mêmes que l'avis d'enquête publique a été affiché dans les communes intéressées. Le commissaire enquêteur indique au surplus dans son rapport qu'il a saisi les maires des communes implantées dans le rayon des six kilomètres du projet pour avoir leur avis sur le projet. Le rapport de l'inspection des installations classées dresse la liste des communes qui ne se sont pas prononcées, confirmant qu'elles ont été saisies. Si les requérants soutiennent que ces communes n'ont pas été régulièrement consultées, ils ne produisent aucun élément précis et circonstancié à l'appui de leurs allégations, alors qu'il résulte des éléments précités que les communes intéressées étaient informées du déroulement de l'enquête publique et étaient à même de se prononcer.

35. En second lieu, si les requérants soutiennent qu'une note explicative de synthèse n'a pas été adressée aux membres du conseil municipal de Vignacourt, ils ne produisent aucun élément précis et circonstancié à l'appui de leurs allégations, alors qu'aucune observation n'a été émise sur ce point par les membres de cette commune et qu'au surplus l'avis de cette commune a été défavorable.

36. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré d'un vice dans la consultation des communes intéressées doit être écarté.

En ce qui concerne la consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites :

37. Aux termes de l'article R. 181-39 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " Dans les quinze jours suivant la réception du rapport d'enquête publique, le préfet transmet pour information la note de présentation non technique de la demande d'autorisation environnementale et les conclusions motivées du commissaire enquêteur : / 1° A la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur une carrière et ses installations annexes ou une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ; / (...) / Le préfet peut également solliciter l'avis de la commission ou du conseil susmentionnés sur les prescriptions dont il envisage d'assortir l'autorisation ou sur le refus qu'il prévoit d'opposer à la demande. Il en informe le pétitionnaire au moins huit jours avant la réunion de la commission ou du conseil, lui en indique la date et le lieu, lui transmet le projet qui fait l'objet de la demande d'avis et l'informe de la faculté qui lui est offerte de se faire entendre ou représenter lors de cette réunion de la commission ou du conseil ".

38. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Somme a saisi la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de la demande d'autorisation du parc éolien de Flixecourt, en application des dispositions précitées. Cette commission a émis un avis favorable sur le projet. Le préfet n'était donc pas tenu, en application des mêmes dispositions de saisir la commission des prescriptions que la cour l'a enjoint à fixer en complément de l'autorisation qu'elle a délivrée. Ce moyen doit être écarté.

Sur la légalité de la demande d'autorisation :

En ce qui concerne l'absence de demande de dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées :

39. Il résulte des articles 12 et 16 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992, de l'article 5 de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009, des articles L. 411-1, L. 411-2, R. 411-6, R. 411-11 et R. 411-12 du code de l'environnement et des articles 2 et 4 de l'arrêté du 19 février 2007 du ministre de l'agriculture et de la pêche et de la ministre de l'écologie et du développement durable fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009 des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

40. S'agissant de l'avifaune, il résulte de l'étude d'impact que l'impact brut du projet est faible. Si les requérants soulignent que la linotte mélodieuse est nicheuse sur le site, l'étude d'impact qualifie l'impact brut sur cette espèce de faible à très faible et ne met nullement en valeur de risques particuliers pour cette espèce dont le risque de collision est jugé très faible. De même, pour chacune des espèces mises en exergue par les requérants et notamment pour le faucon crécerrelle et la buse variable, l'étude d'impact estime l'impact brut de faible ou de très faible. Les requérants n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause ce constat.

41. S'agissant des chiroptères, l'étude d'impact conclut à un impact brut faible sauf pour les pipsitrelles communes et de Nathusius à proximité de l'éolienne FL 3 où l'enjeu est qualifié de moyen. Toutefois, un plan de bridage a été proposé dès la demande d'autorisation pour cette éolienne afin de réduire significativement l'impact résiduel du projet. Les requérants n'apportent pas non plus sur ce point d'éléments de nature à remettre en cause l'étude d'impact.

42. Dans ces conditions, le risque du projet tant pour l'avifaune que pour les chiroptères n'apparaît pas comme étant suffisamment caractérisé après prise en compte des mesures d'évitement et de réduction de sorte que la société pétitionnaire n'était pas tenue de demander une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées.

En ce qui concerne les atteintes aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

43. D'une part, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. ". D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ".

44. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation environnementale, l'autorité préfectorale est tenue, sous le contrôle du juge, de délivrer l'autorisation sollicitée si les dangers ou inconvénients que présente cette installation peuvent être prévenus par les prescriptions particulières spécifiées par un arrêté d'autorisation.

S'agissant des atteintes aux paysages et aux monuments :

45. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

46. Le projet prend place sur le plateau du Ponthieu caractérisé par des cultures ouvertes de plein champ et des boisements épars. Ce paysage, anthropisé par le passage de l'autoroute A 16 et par une ligne à haute tension comprend déjà des parcs éoliens. Il ne bénéficie d'aucune protection et ne présente pas une qualité particulièrement remarquable.

47. En premier lieu, les requérants font état d'une atteinte du projet au château de Flixecourt, inscrit aux monuments historiques. Toutefois, le projet n'est pas visible pour le visiteur regardant le château et sa visibilité depuis le château n'est pas démontrée. S'il est néanmoins visible depuis le portail du château, également objet de l'inscription au titre des monuments historiques, il est situé à plus de 2200 mètres de celui-ci et s'inscrit derrière la ligne d'horizon dans un paysage largement anthropisé. Le projet ne lui portera pas une atteinte supplémentaire notable. Il n'est pas non plus établi que le projet soit visible depuis la perspective entre le château et le portail. L'étude paysagère qualifie donc l'impact de faible. Par ailleurs, la société pétitionnaire propose de planter un courtil, c'est-à-dire une haie végétale de type brise-vent comprenant des espèces persistantes en bordure de la route départementale longeant le portail. Cette haie atténuera la perspective depuis ce point. La circonstance que la réalisation de cette haie n'est pas certaine ou n'aura pas son plein effet à court terme est sans incidence sur la légalité de l'autorisation. Dans ces conditions, l'atteinte au château de Flixecourt n'est pas significative.

48. En deuxième lieu, le cimetière militaire allemand de Bourdon est situé à 2374 mètres du projet. Si le parc éolien sera visible depuis l'entrée de ce lieu de mémoire qui ne fait l'objet d'aucune protection, une ligne à haute tension apparait au premier plan depuis ce point de vue et il est situé à l'opposé de l'axe principal du cimetière de sorte que le visiteur qui se recueille ne le voit pas. Dans ces conditions, l'atteinte à ce site n'est pas significative.

49. En troisième lieu, le projet est visible selon les requérants depuis un point de vue sur un côté de l'usine Saint-Frères à Flixecourt, inscrite aux monuments historiques. D'une part, les requérants n'établissent pas que ce point de vue soit situé sur un espace librement accessible au public, ce que conteste la société pétitionnaire. D'autre part et en tout état de cause, la visibilité du parc implanté sur le plateau agricole au-dessus d'un paysage urbanisé et construit comprenant outre la perspective des bâtiments industriels, un immeuble collectif du dernier tiers du vingtième siècle et d'autres éléments anthropisés, ne nuit pas à la mise en valeur du monument inscrit. Par ailleurs, le parc éolien n'est pas visible depuis les abords directs de l'accès principal et de la façade de l'usine au centre du bourg de Flixecourt. Dans ces conditions, l'atteinte du parc autorisé au monument n'est pas significative.

50. En quatrième lieu, si le projet est également visible depuis le belvédère d'Hangest-sur-Somme situé sur la route départementale 3, il s'inscrit sur la ligne d'horizon sur le plateau agricole dans un paysage marqué par la prédominance des boisements qui compte déjà au moins deux autres parcs éoliens et de nombreux éléments anthropisés, notamment un lotissement. Dans ces conditions, l'atteinte à ce site non protégé n'apparaît pas significative.

51. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation de l'autorisation au regard des articles R. 111-26 et R. 111-27 du code de l'urbanisme ainsi que de l'article 2.2 du règlement de la sone A du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté de communes Nièvre et Somme, qui a la même portée que l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme doivent être écartés.

S'agissant de l'atteinte aux chiroptères :

52. L'étude d'impact fait état d'une faible atteinte à l'activité chiroptérologique. Les aérogénérateurs sont implantés à plus de deux cent mètres des éléments boisés sauf l'éolienne FL 3. Celle-ci est à proximité d'une haie arasée préalablement à la demande et dont la repousse alléguée par les requérants n'est pas établie. L'étude qualifie les impacts bruts de très faible ou faible sauf pour cette éolienne. Toutefois, un plan de bridage a été proposé pour celle-ci qui permet selon l'étude de diminuer l'impact à un niveau faible. Si les requérants font état des recommandations de la société française d'études mammologiques, celles-ci ne sont pas contraignantes. Ils n'apportent, par ailleurs aucun élément de nature à remettre en cause les conclusions de l'étude d'impact. Dans ces conditions, l'atteinte significative aux chiroptères par le projet n'est pas établie.

S'agissant de l'atteinte à l'agriculture :

53. Si les requérants estiment que le projet induit une consommation excessive de terres agricoles notamment en raison des pistes réalisées pour y accéder, il résulte de l'instruction que le projet, y compris ses chemins d'accès ne s'étend que sur 1,7 hectares, soit seulement 0,25% de la surface agricole de la commune. Dans ces conditions, le parc autorisé n'entraine aucune atteinte significative à l'agriculture.

En ce qui concerne les garanties de remise en état :

54. Aux termes de l'article R. 515-101 du code de l'environnement : " I. - La mise en service d'une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumise à autorisation au titre du 2° de l'article L. 181-1 est subordonnée à la constitution de garanties financières visant à couvrir, en cas de défaillance de l'exploitant lors de la remise en état du site, les opérations prévues à l'article R. 515-106. Le montant des garanties financières exigées ainsi que les modalités d'actualisation de ce montant sont fixés par l'arrêté d'autorisation de l'installation ". Les articles 30 à 32 de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, dans leur rédaction issue de l'arrêté du 11 juillet 2023 modifiant l'arrêté du 26 août 2011 et entré en vigueur le 20 juillet 2023, précisent ces dispositions. En vertu du II de l'annexe I à cet arrêté, auquel renvoie l'article 30, le montant initial de la garantie financière d'un aérogénérateur est égal au nombre d'éoliennes multiplié par le coût unitaire d'un aérogénérateur qui varie selon la puissance de l'éolienne. Celui-ci s'établit à 75 000 euros lorsque la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur est inférieure ou égale à 2 MW. Lorsque la puissance unitaire de l'aérogénérateur est supérieure à 2 MW, ce coût unitaire est calculé selon la formule définie par le b) du II de cette annexe selon laquelle : " Cu = 75 000 + 25 000 * (P-2) où : - Cu est le montant initial de la garantie financière d'un aérogénérateur ; - P est la puissance unitaire installée de l'aérogénérateur, en mégawatt (MW) ".

55. Il résulte de l'instruction que le montant initial des garanties financières, avant application de la formule d'actualisation mentionnée à l'annexe II de l'arrêté du 26 août 2011 a été fixé à 300 000 euros, conformément aux dispositions en vigueur à la date de l'arrêté préfectoral selon lequel le coût unitaire était calculé selon la formule Cu = 50 000 + 25 000* (3-2). Toutefois, d'après les dispositions désormais en vigueur rappelées au point précédent, le montant initial de la garantie financière de chaque aérogénérateur, d'une puissance supérieure à 2 MW, s'élève à 100 000 euros (Cu = 75 000 + 25 000* (3-2)). Il en résulte que le montant initial de la garantie financière, avant application de la formule d'actualisation, doit être fixé, pour les quatre aérogénérateurs, à la somme de 400 000 euros. Par suite, il y a lieu, conformément aux pouvoirs dévolus au juge du plein contentieux de remplacer la formule de calcul du montant initial de la garantie financière de l'installation figurant à l'article 2.2 de l'arrêté du 4 juillet 2022 par la nouvelle formule rappelée au point ci-dessus et de porter le montant initial des garanties financières, avant application de la formule d'actualisation, de 300 000 euros à 400 000 euros.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

56. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas la partie principalement perdante dans la présente instance, la somme que société d'exploitation du parc éolien de la Croix Florent demande au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

57. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de la société d'exploitation du parc éolien de la Croix Florent, au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2.2 de l'arrêté préfectoral du 4 juillet 2022 définissant le montant des garanties financières à constituer par la société d'exploitation de la Croix Florent est modifié, conformément au point 55 du présent arrêt.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association de défense de l'environnement Nièvre et Somme et autres est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société d'exploitation du parc éolien de la Croix Florent présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de défense de l'environnement Nièvre et Somme, représentant unique des appelants, la société d'exploitation du parc éolien de la Croix Florent, ainsi qu'à la préfète de la Somme, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera en outre transmise pour information à la commune de Flixecourt.

Délibéré après l'audience publique du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. BorotLa greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°22DA01613 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01613
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SK & PARTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-23;22da01613 ?
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