Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... A... a demandé au tribunal administratif de Lille :
Sous le n° 2001972, d'une part, d'annuler l'arrêté n° 0131/2020 du 13 janvier 2020 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord portant attribution de son régime indemnitaire en qualité de lieutenant de 2ème classe des sapeurs pompier professionnels, d'autre part, de juger qu'il doit se voir attribuer le grade de lieutenant de 1ère classe ainsi que le régime indemnitaire afférent et, enfin, de condamner le service départemental d'incendie et de secours du Nord à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi faute d'avoir été nommé au choix lieutenant de 1ère classe des sapeurs-pompiers professionnels.
Sous le n° 2001976, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS du Nord a rejeté sa demande tendant à le nommer, au choix, lieutenant des sapeurs-pompiers professionnels de 1ère classe, d'autre part, de condamner le SDIS du Nord à lui verser la somme de 5 229,72 euros correspondant au manque à gagner en matière de traitement indiciaire résultant de l'absence d'avancement à ce grade au 1er janvier 2018 et la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 2001972, 2001976 du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 février et 11 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Moulin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 0131/2020 du 13 janvier 2020 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord portant attribution de son régime indemnitaire en qualité de lieutenant de 2ème classe des sapeurs-pompiers professionnels, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
3°) de reconstituer sa carrière en tenant compte d'une nomination au grade de lieutenant de 1ère classe à compter du 1er janvier 2018 ;
4°) de condamner le SDIS du Nord à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral ;
5°) de mettre à la charge du SDIS du Nord le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la décision implicite de refus de le promouvoir au grade de lieutenant de 1ère classe méconnaît les articles 14 et 27 du décret n° 2012-522 du 20 avril 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels ;
- elle est entachée de détournement de pouvoir dès lors que dix sapeurs-pompiers professionnels ont été promus sans pour autant remplir les conditions de l'article 27 du décret du 20 avril 2012 ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce que des candidats moins méritants que lui ont été promus ;
- elle est entachée d'une discrimination ;
- le refus de proposer son avancement de grade découle d'un harcèlement moral dont il est victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques ;
- l'arrêté du 13 janvier 2020 fixant son régime indemnitaire est illégal pour les mêmes motifs que ceux entachant le refus de le promouvoir au grade de lieutenant de 1ère classe ;
- l'illégalité de cet arrêté et du refus de prononcer son avancement de grade sont constitutifs d'une faute engageant la responsabilité du SDIS du Nord ;
- il est fondé à demander réparation de son préjudice moral à hauteur d'une indemnité de 20 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2023, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Nord, représenté par la SCP Gros, Hicter, d'Halluin, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions d'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2020, qui ne sont assorties d'aucun moyen, méconnaissent l'article R. 411-1 du code de justice administrative et sont ainsi irrecevables ;
- les conclusions demandant le versement d'une somme de 20 000 euros réparant le préjudice moral sont irrecevables en ce que la demande préalable formulée le 18 décembre 2019 ne mentionnait pas ce chef de préjudice ;
- les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 janvier 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2012-522 du 20 avril 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,
- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de M. A... et de Me Robillard, représentant le SDIS du Nord.
Considérant ce qui suit :
1. M. H... A... est sapeur-pompier professionnel (SPP) titulaire du grade de lieutenant de 2ème classe, affecté depuis le 1er avril 2015 au centre d'incendie et de secours (CIS) de Dunkerque. Par un courrier du 5 septembre 2017, M. A... a demandé à bénéficier d'un avancement au grade de lieutenant de 1ère classe des SPP. Il a renouvelé sa demande le 11 décembre 2018 puis par deux autres courriers des 23 avril et 3 juin 2019. Par un courrier du 18 décembre 2019, notifié le 23 décembre suivant, son conseil a demandé au président du SDIS du Nord, d'une part, de le nommer au grade de lieutenant de 1ère classe avec effet rétroactif à compter du 1er janvier 2018 et, d'autre part, d'indemniser le manque à gagner résultant de la perte de rémunération subie par M. A... entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2019, pour un montant de 3 486,48 euros, en faisant valoir que le blocage de son avancement de grade était constitutif d'une discrimination. En l'absence de réponse, une décision implicite de rejet est née le 24 février 2020. Par ailleurs, le président du SDIS du Nord a, par un arrêté n° 0131/2020 du 13 janvier 2020, fixé le régime indemnitaire de M. A... en qualité de lieutenant de 2ème classe des SPP. Par une première requête enregistrée sous le n° 2001972, M. A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2020 fixant son régime indemnitaire et de condamner le SDIS du Nord à l'indemniser du préjudice moral résultant du refus de le nommer lieutenant de 1ère classe. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 2001976, il a demandé au tribunal d'annuler la décision implicite née le 24 février 2020 par laquelle lui a été refusée sa nomination au grade de lieutenant de 1ère classe et de condamner le SDIS du Nord à l'indemniser des préjudices financier et moral nés de l'absence d'avancement.
2. Après avoir joint les deux requêtes, par un jugement du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté l'ensemble des demandes de M. A.... Ce dernier relève appel de ce jugement et demande à la cour, d'une part, l'annulation du refus implicite de le promouvoir au grade de lieutenant de 1ère classe et celle de l'arrêté du 13 janvier 2020 déterminant son régime indemnitaire, et, d'autre part, la condamnation du SDIS du Nord au versement d'une indemnité de 20 000 euros réparant le préjudice moral dont il estime avoir été victime.
Sur les conclusions d'annulation :
En ce qui concerne la décision implicite de refus de promouvoir M. A... au grade de lieutenant de 1ère classe :
3. D'une part, aux termes de l'article 79 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version alors en vigueur : " L'avancement de grade a lieu de façon continue d'un grade au grade immédiatement supérieur. Il peut être dérogé à cette règle dans les cas où l'avancement est subordonné à une sélection professionnelle. Il a lieu suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : 1° Soit au choix par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents (...) / 2° Soit par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après une sélection par voie d'examen professionnel (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 20 avril 2012 portant statut particulier du cadre d'emploi des lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels : " Les lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels constituent un cadre d'emplois d'officiers de sapeurs-pompiers professionnels de catégorie B au sens de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. (...) ". Selon l'article 2 du même décret : " Le cadre d'emplois des lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels comprend les grades suivants : 1° Lieutenant de 2e classe ; / 2° Lieutenant de 1re classe ; / 3° Lieutenant hors classe ". Aux termes de l'article 14 de ce même décret : " I. Peuvent être promus lieutenants de 1re classe, par voie d'inscription sur un tableau annuel d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire : / 1° Après réussite à un examen professionnel, les lieutenants de 2e classe ayant au moins atteint, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle est établi le tableau d'avancement, le 4e échelon et justifiant à cette date de trois ans de services effectifs dans ce grade ; / 2° Au choix, les lieutenants de 2e classe justifiant, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle est établi le tableau d'avancement, d'au moins un an dans le 6e échelon et d'au moins cinq ans de services effectifs dans ce grade. / II.- Le nombre des promotions susceptibles d'être prononcées au titre du 1° du I est égal à 75 % au moins du nombre total des promotions susceptibles d'être prononcées au titre des 1° et 2° du I. / Toutefois, lorsque aucune promotion ne peut être prononcée au titre d'une année par défaut de candidat admis à l'examen professionnel organisé en vertu du 1° du I, une seule promotion au titre du 2° du I peut être prononcée par arrêté conjoint du préfet et du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours. Cette règle ne peut être appliquée par ces autorités qu'une fois tous les deux ans. / III (...) ". Et aux termes de l'article 27 dudit décret : " I. - A compter de la date d'entrée en vigueur du présent décret et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2019, peuvent être promus au grade de lieutenant de 1re classe dans le cadre d'emplois des lieutenants
de sapeurs-pompiers professionnels régi par le présent décret, au choix, par voie d'inscription sur un tableau annuel d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire, les lieutenants de 2e classe occupant ou ayant occupé, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle la sélection est organisée, l'emploi de chef de centre, d'adjoint au chef de centre, de chef de service, d'adjoint au chef de service, d'officier prévention, d'officier prévision ou d'officier formation. / II. - A compter de la date d'entrée en vigueur du présent décret et durant les deux premières années, il n'est pas fait application des dispositions des I et II de l'article 14. / III. - A compter du 1er janvier 2014 et jusqu'au 31 décembre 2019, la répartition des inscriptions sur le tableau annuel d'avancement s'effectue par dérogation au II de l'article 14 du présent décret, selon les modalités suivantes : pour chaque service départemental d'incendie et de secours, le nombre des agents susceptibles d'être inscrits sur le tableau annuel d'avancement au titre du 1° du I de l'article 14 est au moins égal à 50 % du nombre total des agents susceptibles d'être inscrits sur le tableau annuel d'avancement au titre des 1° et 2° du I du même article. / IV. - Toutefois, lorsqu'aucune promotion ne peut être prononcée au titre d'une année par défaut de candidat admis à l'examen professionnel organisé en vertu du 1° du I de l'article 14, les promotions au choix au titre du I du présent article peuvent être prononcées par arrêté conjoint du préfet et du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours. / V. - Si l'ensemble des lieutenants mentionnés au I relevant du service départemental d'incendie et de secours a été promu au grade de lieutenant de 1re classe, les dispositions du présent article cessent de s'appliquer et l'article 14 devient immédiatement applicable ".
5. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées du I de l'article 27 du décret du 20 avril 2012 qu'à titre dérogatoire et transitoire, durant une période de cinq années expirant le 31 décembre 2019, un avancement au choix a été aménagé au grade de lieutenant de 1ère classe pour les lieutenants de 2ème classe occupant ou ayant occupé, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle la sélection est organisée, l'emploi de chef de centre, d'adjoint au chef de centre, de chef de service, d'adjoint au chef de service, d'officier prévention, d'officier prévision ou d'officier formation. A cet égard, M. A... soutient qu'il remplissait les conditions pour accéder au grade supérieur aux motifs, d'une part, qu'il assurait la gestion de trois bureaux, compétence qui serait spécifique aux lieutenants de 1ère classe, et d'autre part, qu'il percevait les primes afférentes à un tel grade. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'en sa qualité d'officier " toutes fonctions " au sein du Centre d'intervention et de secours de Dunkerque, il n'occupait aucun des emplois limitativement énumérés au I de l'article 27 du décret du 20 avril 2012, de sorte qu'il ne pouvait bénéficier d'un avancement au choix sur le fondement de ces dispositions dérogeant provisoirement aux dispositions de l'article 14 précité du même décret. En outre, s'il affirme que trois lieutenants de 2ème classe auraient été promus par la voie de l'article 27, pour l'un d'entre eux en 2016 et pour les deux autres en 2017, sans en remplir les conditions et les critères, il n'apporte aucun élément permettant de l'établir.
6. En deuxième lieu, pour contester le refus de le promouvoir au grade de lieutenant de 1ère classe, M. A... soutient qu'au titre du tableau d'avancement établi pour l'année 2018, MM. M..., C..., F..., K..., G..., L..., B..., I..., N... et J..., sapeurs-pompiers professionnels titulaires du grade de lieutenant de 2ème classe, ont été promus au grade de lieutenant de 1ère classe alors qu'ils ne remplissaient pas les conditions de l'article 27 du décret du 20 avril 2012 tandis que lui-même réunissait les conditions d'ancienneté et justifiait d'appréciations favorables. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des observations apportées par le SDIS du Nord, non sérieusement contestées par M. A..., que MM. G..., C... et B... ont été inscrits au tableau par la voie de l'examen professionnel et non au titre du dispositif dérogatoire de l'article 27, de telle sorte que M. A... ne saurait utilement soutenir ni que les intéressés ne remplissaient pas les conditions de cet article, ni que ses mérites seraient supérieurs à ceux des trois inscrits. En outre, si MM. K..., M..., N..., F..., L..., J..., I... et E... ont été promus au titre du dispositif transitoire de l'article 27, l'appelant n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'ils n'occupaient pas de fonctions correspondantes à celles visées par cet article et autorisant une promotion à la 1ère classe. Sur ce point, l'appelant ne peut utilement soutenir que le lieutenant K... a été choisi alors qu'il était " plus jeune en âge et en grade " dès lors qu'il ne conteste pas que celui-ci occupait un emploi d'officier prévisionniste. Enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'eu égard aux mérites professionnels respectifs de M. A... et de M. D..., l'inscription de ce dernier sur le tableau d'avancement, au choix, ne se justifiait pas de préférence à la candidature du requérant. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il n'est pas établi que le président du conseil d'administration du SDIS, en refusant de proposer M. A... à l'avancement au titre de l'année 2018, ait entaché sa décision d'un détournement de pouvoir et d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. En troisième lieu, M. A... soutient que le refus opposé à sa demande de promotion au grade de lieutenant de 1ère classe avec effet rétroactif à compter du 1er janvier 2018 s'explique par la discrimination et le harcèlement moral dont il est victime de la part de ses supérieurs hiérarchiques.
8. D'une part, s'il allègue être victime d'une discrimination en raison de ses opinions politiques, ces allégations ne sont étayées par aucun élément ni aucune pièce permettant de laisser présumer l'existence de faits susceptibles d'être qualifiés comme tels.
9. D'autre part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa (...) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
10. D'abord, M. A... fait valoir que, victime d'une " mutation sanction " lorsqu'il a été nommé au CIS de Tourcoing en 2012, il n'a pu ensuite obtenir une mutation plus proche de son domicile dunkerquois qu'en 2015. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été affecté au CIS de Tourcoing en 2012 afin d'y être promu au grade de major et non pas dans le cadre d'un déplacement d'office. Par ailleurs, s'il reproche au chef du SDIS du Nord de s'être opposé à sa mutation à Dunkerque en raison d'une hostilité personnelle, il n'apporte aucun élément tangible au soutien de cette allégation, uniquement étayée par l'attestation tardive d'un délégué du personnel.
11. Ensuite, M. A... reproche au SDIS d'avoir, en 2013, inséré dans son dossier administratif des pièces relatives à un conflit de voisinage d'ordre purement privé portant la mention " confidentiel " et contenant des attestations de la partie adverse le dénigrant. Pour regrettable que soit la circonstance que de telles pièces ont pu être versées dans son dossier individuel, il ressort toutefois des pièces du dossier que son conseil en a demandé le retrait dès l'année 2013. Par ailleurs, si en réponse à l'avis émis le 14 janvier 2020 par la commission d'accès aux documents administratifs (CADA), à la demande de M. A..., en faveur de la communication du bordereau de destruction de ces pièces privées, le SDIS a indiqué qu'un tel document n'existait pas, cette circonstance n'est pas de nature à établir que ces documents privés figuraient toujours dans son dossier individuel, qu'au demeurant il a pu consulter.
12. De même, si M. A... reproche au SDIS de ne pas lui avoir transmis les avis émis par le chef de groupement relatifs à son avancement au titre des années 2016 et 2017 en dépit de l'avis favorable à leur communication émis par la CADA le 14 janvier 2020, cette absence de communication ne saurait être regardée comme manifestant une volonté de lui porter préjudice dès lors que le SDIS a indiqué à la commission que ces documents n'existaient pas et lui a du reste communiqué l'avis du chef de groupement au titre de l'année 2018.
13. Enfin, M. A... soutient que les obstacles mis à son accès au grade de lieutenant de 1ère classe sont caractérisés par l'acharnement de son chef de centre qui agit de manière à le déstabiliser et à le fragiliser psychologiquement, et qui, en accord avec le chef du groupement I, a engagé une procédure disciplinaire reposant sur des griefs totalement infondés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'ensemble de ces agissements et comportements qu'il impute à ses deux supérieurs hiérarchiques s'échelonnent sur une période courant du mois de mars au mois de juillet 2020, postérieure au refus opposé à sa demande d'avancement de grade et ne peuvent ainsi être regardés comme susceptibles de présenter un quelconque lien avec le déroulement de sa carrière jusqu'au 31 décembre 2019.
14. Il résulte des points 10 à 13 que les faits allégués par l'appelant, pris isolément ou dans leur ensemble, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence à son encontre d'un harcèlement moral que le SDIS aurait pris en considération pour lui refuser un avancement.
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 14 que la décision par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS du Nord a implicitement rejeté la demande de M. A... tendant à obtenir sa nomination, au choix, comme lieutenant de 1ère classe des SPP, qui n'est entachée ni d'erreur manifeste d'appréciation, ni de détournement de pouvoir, est également dépourvue de tout lien avec les agissements que l'appelant qualifie de harcèlement moral et de discrimination. Par suite, il n'est pas fondé à en demander l'annulation.
En ce qui concerne l'arrêté du 13 janvier 2020 fixant le régime indemnitaire de M. A... :
16. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, le maintien de M. A... dans le grade de lieutenant de 2ème classe des SPP n'est entaché d'aucune illégalité. En conséquence, il n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2020 par lequel le président du conseil d'administration du SDIS du Nord a fixé son régime indemnitaire par référence aux indemnités et taux correspondant au grade de lieutenant de 2ème classe.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
17. D'une part, il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'en l'absence de toute illégalité fautive de la décision du SDIS du Nord refusant de le promouvoir rétroactivement au grade de lieutenant de 1ère classe, les conclusions de M. A..., tendant à la condamnation de son employeur à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de cette décision doivent être rejetées.
18. D'autre part, M. A... sollicite le versement d'une indemnité réparant le préjudice résultant d'agissements constitutifs de harcèlement moral qu'il impute à son employeur depuis le début de l'année 2020. Toutefois, il résulte de l'instruction que, dans sa demande indemnitaire préalable du 18 décembre 2019, l'intéressé a sollicité l'indemnisation des préjudices résultant exclusivement du refus opposé à ses demandes de promotion et à une discrimination, sans faire état du harcèlement moral dont il s'estime victime. Ainsi que le SDIS du Nord l'oppose en défense, et dès lors qu'elles se rapportent à un fait générateur distinct de ceux invoqués dans sa demande préalable, ses conclusions tendant à la réparation des préjudices résultant de ce harcèlement moral sont irrecevables et doivent en conséquence être rejetées.
19. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 19 décembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS du Nord, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. A... au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le SDIS du Nord sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du SDIS du Nord présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A... et au service départemental d'incendie et de secours du Nord (SDIS).
Délibéré après l'audience publique du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, assurant la présidence de la formation du jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2024.
Le rapporteur,
Signé : F. Malfoy
Le président de la formation de jugement,
Signé : J-M. Guérin-Lebacq
Le greffier,
Signé : F. Cheppe
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef, par délégation,
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 23DA00290 2