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14/05/2024 | FRANCE | N°23DA01675

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 14 mai 2024, 23DA01675


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 17 mars 2023 par lequel le préfet du Nord lui a refusé de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français dans un délai de deux ans.



Par un jugement n° 2303230 du 24 juillet 2023, le tribunal administratif de B... a fait droit à sa de

mande et a enjoint aux services préfectoraux de réexaminer sa demande de délivrance d'un titre de s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 17 mars 2023 par lequel le préfet du Nord lui a refusé de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français dans un délai de deux ans.

Par un jugement n° 2303230 du 24 juillet 2023, le tribunal administratif de B... a fait droit à sa demande et a enjoint aux services préfectoraux de réexaminer sa demande de délivrance d'un titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 août 2023, le préfet du Nord, représenté par Me Nicolas Rannou, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que :

- la présence en France de M. A... représente une menace à l'ordre public, ce qui fait obstacle à la délivrance du titre de séjour demandé ;

- les autres moyens soulevés par l'intimé en première instance, tirés du défaut de motivation et d'examen sérieux de sa demande, de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 17 mars 2023, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation qu'il aurait commis en prenant une interdiction de retour et de l'exception d'illégalité des décisions prises sur le fondement du refus de séjour ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2024, M. C... A..., représenté par Me Marion Schryve, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) d'enjoindre au préfet de faire droit à sa demande de délivrance d'un titre de séjour, ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Schryve d'une somme de 2 000 euros au titre de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés et reprend les moyens qu'il a soulevés en première instance.

M. A... a été admis au maintien de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2023.

Par une ordonnance du 19 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant ivoirien né le 2 juillet 2001, est entré en France le 1er juin 2018 à l'âge de 16 ans. Le 28 juin 2018, il a été placé à l'aide sociale à l'enfance en qualité de mineur non accompagné sur le territoire français. Par la suite, le préfet du Nord lui a délivré une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité " d'étranger confié aux services de l'aide sociale à l'enfance " valable du 10 septembre 2019 au 9 septembre 2020, renouvelée jusqu'au 20 septembre 2021. Par une demande formée le 21 janvier 2022, M. A... a sollicité le renouvellement de cette carte de séjour temporaire. Par un arrêté du 17 mars 2023, le préfet du Nord a rejeté sa demande au motif que sa présence en France constitue une menace à l'ordre public, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français dans un délai de deux ans. Le préfet du Nord relève appel du jugement n° 2303230 du 24 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de B... a annulé l'arrêté du 17 mars 2023 et lui a enjoint de réexaminer sa demande.

Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance ou du tiers digne de confiance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ". Aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". ".

3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A..., le préfet du Nord s'est fondé sur le seul motif tiré de ce que sa présence en France représente une menace à l'ordre public. Le préfet du Nord soutient que M. A... est très défavorablement connu des services de police et de justice et fait état de l'inscription au fichier du traitement des antécédents judiciaires (TAJ) d'un certain nombre d'infractions pour " dégradation et détérioration volontaire du bien d'autrui causant un dommage léger et vol aggravé par deux circonstances en qualité d'auteur " commis le 30 janvier 2018, " menace de crime ou de délit contre les pers ou les biens à l'encontre d'une charge de mission de service public en qualité d'auteur " commis le 24 mars 2019 et pour " viol commis en réunion " commis le 26 juillet 2019. Toutefois, s'agissant des faits de dégradation volontaire du bien d'autrui, de vol aggravé et de viol en réunion, les extraits de fichier TAJ sur lesquels s'est fondé le préfet, s'ils permettent de constater que le requérant a été entendu par des services d'enquête pour de tels faits, ne permettent pas, en revanche, d'établir que les infractions considérées auraient, à l'issue de l'enquête, été jugées suffisamment caractérisées pour donner lieu à des poursuites voire à des condamnations pénales. En outre, il ressort des échanges par courriels entre l'avocate de M. A... et les services judiciaires que la plainte portée contre l'intimé pour des faits de destructions de biens privés a été classée sans suite le 2 février 2023 et que la procédure pénale engagée pour les faits de viol en réunion ne concernait pas M. A.... En outre, s'il est constant que le requérant a été condamné par le tribunal pour enfants de B... à une admonestation le 10 mars 2020 pour les faits de menace à l'encontre d'une personne chargée d'une mission de service public, son titre de séjour a été renouvelé postérieurement, en septembre 2020, et ces seuls faits, ne suffisent pas à caractériser une menace pour l'ordre public au sens des dispositions précitées de l'article L. 412-5 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Nord ne pouvait pas, sans erreur d'appréciation, se fonder sur ce motif pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à l'intimé.

4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de B... a annulé l'arrêté du 17 mars 2023 et lui a enjoint de réexaminer la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. A....

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, qui rejette l'appel formé par le préfet du Nord, n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celles qui ont été ordonnées par le jugement du 24 juillet 2023. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte présentées par M. A... dans la présente instance.

Sur les frais liés au litige :

6. M. A... a été admis au maintien de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que l'avocate de l'appelant renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Schryve de la somme de 1 000 euros en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Marion Schryve, avocate de M. A..., une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. C... A... et à Me Marion Schryve.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 9 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de la chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

N°23DA01675 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01675
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SCHRYVE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;23da01675 ?
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