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14/05/2024 | FRANCE | N°23DA01403

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 14 mai 2024, 23DA01403


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, l'arrêté du 24 mars 2023 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans et, d'autre part, l'arrêté du 26 mars 2023 par lequel la préfète de l'Oise l'a assigné à résidence pour une durée de

quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2300990 du 5 avril 2023, la magistrate désign...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler, d'une part, l'arrêté du 24 mars 2023 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans et, d'autre part, l'arrêté du 26 mars 2023 par lequel la préfète de l'Oise l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2300990 du 5 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Anne-Sophie Chartrelle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mars 2023 par lequel la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans.

Il soutient que :

- les décisions contenues dans cet arrêt méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions des articles L. 423-7 et du premier alinéa et 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2024, la préfète de l'Oise conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 19 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 avril 2024 à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant haïtien né en 1996, déclare être entré en France en 2019. Par un arrêté du 24 mars 2023, la préfète de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans. M. A... fait appel du jugement n° 2300990 du 5 avril 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 423-7 du même code : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est père d'une enfant française née le 1er août 2021, de son union avec une ressortissante française. En ne produisant qu'une attestation de sa compagne alléguant de leur participation commune à l'éducation et à l'entretien de leur fille et de l'hébergement de M. A... au même domicile, ce qui est confirmé par un justificatif, depuis le 1er décembre 2022, soit moins de 4 mois avant l'édiction de l'arrêté attaqué, M. A... n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doit être écarté.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En outre, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... se prévaut de la présence en France de sa compagne et de sa fille, toutes deux de nationalité française, il n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 3, contribuer effectivement à l'éducation et à l'entretien de son enfant, n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales à Haïti, où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans et ne fait pas davantage état d'une insertion particulière dans la société française. En outre, M. A... a fait l'objet le 24 mars 2023 d'une proposition de composition pénale qu'il a acceptée, à la suite de faits de violences conjugales sur sa compagne n'ayant pas entraîné d'incapacité totale de travail, faits qu'il a reconnus. Enfin, il ressort de la décision attaquée et n'est pas contesté par l'intéressé que M. A... a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement prises le 3 juillet 2020 et le 7 mars 2022, auxquelles il n'a pas déféré. Dans ces conditions, la préfète de l'Oise, en obligeant M. A... à quitter le territoire sans délai de départ volontaire, n'a pas méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'a pas, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ni commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

6. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".

7. Il ressort de la décision attaquée que pour assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour de deux ans, la préfète de l'Oise s'est appuyée sur la durée de séjour en France de M. A..., sur la circonstance que sa présence auprès de ses attaches familiales en France ne serait pas indispensable et qu'il ne justifie pas d'une insertion particulière en France, sur l'existence de précédentes mesures d'éloignement et enfin sur la menace à l'ordre public qu'il est susceptible de représenter. Toutefois, compte tenu de la présence en France de sa fille et de sa compagne, mère de son enfant, qui, ayant, la nationalité française, ont vocation à résider sur le territoire français et de la circonstance que la menace pour l'ordre public invoquée est justifiée par des faits de violences conjugales qui, pour regrettables qu'ils soient, n'ont pas entraîné d'incapacité totale de travail et n'ont donné lieu qu'à une proposition de composition pénale et non à une condamnation ou à une plainte de la compagne de M. A..., la préfète de l'Oise a, en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour, alors que sa durée maximale est de trois ans, méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été prise cette décision, qui doit par suite être annulée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'interdiction de retour prononcée à son encontre par la préfète de l'Oise dans son arrêté du 24 mars 2023.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2300990 du 5 avril 2023 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fins d'annulation de l'interdiction de retour du 24 mars 2023.

Article 2 : L'interdiction de retour contenue dans l'arrêté du 24 mars 2023 de la préfète de l'Oise est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée à la préfète de l'Oise.

Délibéré après l'audience publique du 9 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur ;

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

N°23DA01403 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01403
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SCP DUMOULIN-CHARTRELLE-ABIVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;23da01403 ?
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