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14/05/2024 | FRANCE | N°23DA00963

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 14 mai 2024, 23DA00963


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) " Challancin Prévention et Sécurité " et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les décisions de la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) du Nord du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) et celles, implicites puis explicites, de la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) de leur infliger des sanctions disciplinaires, à savoir en dernier lieu des averti

ssements, au titre des manquements constatés dans leur établissement secondaire situé à Bre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) " Challancin Prévention et Sécurité " et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler les décisions de la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) du Nord du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) et celles, implicites puis explicites, de la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) de leur infliger des sanctions disciplinaires, à savoir en dernier lieu des avertissements, au titre des manquements constatés dans leur établissement secondaire situé à Breuil-le-Sec (Oise).

Par un jugement nos 2102735-2102736-2200956-2200957 du 6 avril 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes et a mis à la charge de chacun d'eux le versement au CNAPS d'une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2023, la SAS " Challancin Prévention et Sécurité " et M. C..., représentés par Me David Raymondjean, demandent à la cour d'annuler ce jugement et d'annuler les décisions du 10 février 2022 de la CNAC de leur infliger des avertissements.

Ils soutiennent que :

- les décisions attaquées ont été prises au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le secrétaire général du CNAPS n'avait pas compétence pour engager les poursuites disciplinaires ; cette compétence ne découle pas directement de l'article R. 632-13 du code de la sécurité intérieure ; il n'est pas établi qu'elle lui ait été par ailleurs déléguée par une décision du directeur du CNAPS régulièrement publiée ; il n'est en tout état de cause pas justifié de l'absence ou l'empêchement du directeur du CNAPS ;

- les décisions attaquées ont été prises au terme d'une procédure irrégulière également au motif que la CNAC, d'une part, a retenu à l'égard de M. C... des manquements qui n'étaient pas mentionnés dans le rapport sur la base duquel l'action disciplinaire a été engagée à son encontre et, d'autre part, a retenu des manquements dont les rapports précisent pourtant qu'ils ont déjà été régularisés ;

- le manquement au principe d'un exercice exclusif des activités de sécurité privées imposé par l'article L. 612-2 du code de la sécurité intérieure n'est pas caractérisé ; si le contrat de prestation conclu le 14 mai 2020 avec la société " SI Group France " prévoit que les agents de la société " Challancin Prévention et Sécurité " assureront la tenue d'un standard téléphonique, cette mission est extrêmement secondaire ; elle n'est pas sans lien avec les missions de sécurité privées qui leur sont confiées ; une régularisation est en tout état de cause intervenue avant la décision de la CNAC et le manquement ne pouvait de ce fait pas être retenu ;

- le manquement à l'interdiction de se prévaloir de l'autorité publique édictée à l'article R. 631-12 du code de la sécurité intérieure n'est pas davantage caractérisé ; le logotype du ministère de la défense n'a été apposé que sur un contrat de travail, lequel ne présente pas les caractères d'un document publicitaire ou de communication ; sa taille est particulièrement modeste ; cette circonstance ne saurait donc suffire à établir une volonté délibérée de la société de se prévaloir de l'autorité publique ou d'entretenir une confusion à cet égard ; en tout état de cause, la matrice des contrats de travail a été modifiée avant la décision de la CNAC, si bien qu'elle ne pouvait pas retenir ce manquement ;

- le manquement aux dispositions de l'article R. 612-18 du code de la sécurité intérieure n'est pas caractérisé non plus ; si les cartes professionnelles de deux agents cynophiles contrôlés lors d'une prestation au salon de l'air et de l'espace en 2019 ne comportaient pas le numéro d'identification de leurs chiens, cette irrégularité concerne seulement leurs cartes matérialisées mais non leurs cartes numériques enregistrées auprès du CNAPS ; les cartes litigieuses ont en tout état de cause été régularisées avant la décision de la CNAC, si bien qu'elle ne pouvait pas retenir ce manquement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2023, le CNAPS, représenté par Me Yves Claisse, conclut au rejet de la requête d'appel et à ce que le versement d'une somme de 500 euros chacun soit mis à la charge de la SAS " Challancin Prévention et Sécurité " et de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 1er décembre 2023, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Toutias, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Aurélia Coquillon, représentant le CNAPS.

Considérant ce qui suit :

1. La société " Challancin Prévention et Sécurité " est une société de sécurité privée, surveillance humaine et sécurité incendie. Elle est titulaire d'une autorisation d'exercer délivrée, le 3 juin 2014, par la commission interrégionale d'agrément et de contrôle du Nord du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). M. C..., exerçant les fonctions de gérant, est titulaire d'un agrément de dirigeant d'une société exerçant des activités de sécurité privées délivré par la commission locale d'agrément et de contrôle (CLAC) du Nord le 15 mars 2019. L'établissement secondaire de la société situé à Breuil-le-Sec (Oise) a fait l'objet de contrôles sur sites de prestation les 19 et 21 juin 2019, 6 février 2020 et 26 août 2020 et d'un contrôle de ses locaux le 27 février 2020 prolongé par un contrôle sur pièces. Sur saisine du directeur du CNAPS, la CLAC du Nord, par deux décisions du 12 février 2021, délibérées en séance disciplinaire le 7 janvier précédent, a prononcé, à l'encontre de la société " Challancin Prévention et Sécurité ", un avertissement et une pénalité financière de 1 000 euros et, à l'encontre de M. C..., un avertissement. Par deux décisions du 10 février 2022, délibérées en séance le 26 novembre 2021, la commission nationale d'agrément et de contrôle (CNAC) du CNAPS, saisie par les intéressés de recours administratifs préalables obligatoires, a confirmé les sanctions d'avertissement prononcées à leur encontre, en les fondant sur les manquements tirés de la méconnaissance des articles L. 612-2, R. 631-12 et R. 612-18 du code de la sécurité intérieure, mais a renoncé à la pénalité financière initialement infligée à la société. La société " Challancin Prévention et Sécurité " et M. C... relèvent appel du jugement du 6 avril 2023 du tribunal administratif d'Amiens qui, retenant que les sanctions prononcées à leur encontre sont justifiées par les trois manquements retenus par la CNAC, a rejeté leurs demandes d'annulation. Ces requêtes présentant à juger des questions semblables et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le vice de procédure tenant à la compétence de l'autorité ayant engagé les poursuites disciplinaires :

2. Aux termes de l'article R. 632-13 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction en vigueur à la date à laquelle les actes de poursuite ont été établis : " Le directeur assure la gestion administrative et budgétaire du Conseil national. A ce titre : / (...) / 4° Il organise les missions de contrôle, dans le cadre des orientations fixées par le collège et dans les conditions prévues aux articles L. 634-1 à L. 634-3 ; / 5° Il accomplit tous les actes qui ne relèvent pas de la compétence du collège ou de son président, ou des commissions d'agrément et de contrôle ou de leurs présidents, ainsi que ceux qui lui sont délégués par le collège ou par son président ; / (...) / Le directeur est assisté d'un secrétaire général. / En cas d'absence ou d'empêchement du directeur, le secrétaire général assure les missions dévolues à ce dernier ". Aux termes de l'article R. 634-1 du même code : " Peuvent exercer l'action disciplinaire devant la commission locale d'agrément et de contrôle dans le ressort de laquelle exerce la personne mise en cause : / 1° Le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité, agissant de sa propre initiative ou à la suite d'une plainte ; / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les actions disciplinaires à l'encontre de la société " Challancin Prévention et Sécurité " et de M. C... ont été engagées par M. François Peny, secrétaire général du CNAPS, au nom de M. B... D..., directeur du même établissement. Contrairement à ce que soutiennent la société " Challancin Prévention et Sécurité " et M. C..., la suppléance par le secrétaire général prévue par les dispositions du dernier alinéa de l'article R. 632-13 du code de la sécurité intérieure en cas d'absence ou d'empêchement du directeur du CNAPS doit être regardée comme ayant un caractère général et comme incluant, non pas les seules fonctions de gestion administrative et budgétaire mentionnées au même article, mais l'ensemble des attributions que la loi ou le règlement confient au directeur, y compris celle d'engager les actions disciplinaires prévue à l'article R. 634-1 du code de la sécurité intérieure. Il en résulte que M. A... tirait directement de ses fonctions de secrétaire général du CNAPS et des dispositions de l'article R. 632-13 du code de la sécurité intérieure la compétence pour suppléer le directeur du CNAPS en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci et engager les actions disciplinaires en application des dispositions de l'article R. 634-1 du code de la sécurité intérieure. La société " Challancin Prévention et Sécurité " et M. C... n'apportent aucun élément de nature à établir que le directeur du CNAPS n'aurait pas été absent ou empêché au moment où les actes de poursuite ont été signés. Dès lors, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées auraient été prises au terme d'une procédure irrégulière pour avoir été initiée par une autorité incompétente à cet effet doit être écarté.

En ce qui concerne le vice de procédure tenant aux manquements retenus par la CNAC :

4. Aux termes de l'article L. 632-1 du code de la sécurité intérieure : " Le Conseil national des activités privées de sécurité, personne morale de droit public, est chargé : / (...) / 2° D'une mission disciplinaire. Il assure la discipline de la profession et prépare un code de déontologie de la profession approuvé par décret en Conseil d'Etat. Ce code s'applique à l'ensemble des activités mentionnées aux titres Ier, II et II bis ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 633-3 du même code, dans sa version applicable au présent litige : " Les commissions d'agrément et de contrôle territorialement compétentes sont chargées, au nom du Conseil national des activités privées de sécurité : / (...) / 3° De prononcer les sanctions disciplinaires prévues aux articles L. 634-4 et L. 634-4-1. / (...) ". Aux termes de l'article L. 633-3 du même code : " Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l'encontre d'actes pris par une commission d'agrément et de contrôle est précédé d'un recours administratif préalable devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux ". Aux termes de l'article R. 633-9 du même code : " Le recours administratif préalable obligatoire devant la Commission nationale d'agrément et de contrôle prévu à l'article L. 633-3 peut être exercé dans les deux mois de la notification, par la commission locale d'agrément et de contrôle, de la décision contestée. Cette notification précise les délais et les voies de ce recours. / Toute décision de la Commission nationale d'agrément et de contrôle se substitue à la décision initiale de la commission locale d'agrément et de contrôle. Une copie en est adressée à la commission locale d'agrément et de contrôle concernée ".

5. Les dispositions citées au point précédent confient l'exercice du pouvoir disciplinaire du CNAPS sur les acteurs de la sécurité privée aux CLAC et, en cas de recours, à la CNAC. Il ne résulte d'aucune des dispositions applicables à la date des décisions attaquées que, dans l'exercice de cette attribution, la CLAC ou la CNAC soient liées par les termes des actes de poursuite ou ceux des rapports de saisine leur étant alors communiqués. Dès lors que le recours devant la CNAC présente le caractère d'un recours administratif préalable obligatoire, il a pour effet de laisser à cette autorité le soin d'arrêter définitivement la sanction, qui se substitue alors à celle initialement décidée par la CLAC. Dans ce cadre, il appartient à la CNAC de fonder son appréciation sur l'ensemble des éléments du dossier porté à sa connaissance, y compris le cas échéant ceux postérieurs à la date à laquelle la CLAC s'est prononcée. A cet égard, la circonstance que l'acteur de la sécurité privé mis en cause ait spontanément régularisé le manquement qui lui est reproché avant l'intervention de la décision de la CNAC est sans incidence sur l'appréciation de la matérialité des faits et sur leur qualification en faute disciplinaire à la date à laquelle ils ont été commis. Une telle circonstance ne fait par elle-même pas davantage obstacle à ce qu'une sanction soit infligée mais la CNAC doit seulement en tenir compte pour apprécier la nécessité et la proportionnalité de la sanction.

6. D'une part, il découle des principes rappelés au point précédent que la circonstance que la CNAC, saisie d'un recours administratif préalable obligatoire par M. C..., se soit fondée sur des manquements que le rapport de saisine ne proposait pas explicitement de retenir à son encontre et qui n'avaient pas été retenus par la CLAC n'entache par elle-même pas la procédure d'irrégularité, d'autant qu'il est constant que le rapport mentionnait les faits en question, que M. C... en a eu communication au cours de la procédure et qu'il a eu la possibilité de faire valoir ses observations. Au surplus, la CNAC n'a en tout état de cause pas aggravé la sanction prononcée à son encontre. D'autre part, il découle également des principes rappelés au point précédent que la circonstance tirée de ce que les décisions attaquées auraient retenu à l'encontre de la société " Challancin Prévention et Sécurité " et de M. C... des manquements qui auraient déjà été régularisés à la date à laquelle elles ont été prononcées, à la supposer même établie, n'est par elle-même pas davantage de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il s'ensuit que le moyen de vice de procédure tiré de ce que la CNAC aurait retenu des manquements sur lesquels elle ne pouvait pas régulièrement se fonder doit être écarté dans ses deux branches.

En ce qui concerne les moyens d'erreur de droit et d'appréciation se rapportant aux manquements reprochés :

7. Aux termes de l'article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure : " Tout manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles et déontologiques applicables aux activités privées de sécurité peut donner lieu à sanction disciplinaire. Le Conseil national des activités privées de sécurité ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction. / Les sanctions disciplinaires applicables aux personnes physiques et morales exerçant les activités définies aux titres Ier, II et II bis sont, compte tenu de la gravité des faits reprochés : l'avertissement, le blâme et l'interdiction d'exercice de l'activité privée de sécurité ou de l'activité mentionnée à l'article L. 625-1 à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder sept ans. En outre, les personnes morales et les personnes physiques peuvent se voir infliger des pénalités financières. Le montant des pénalités financières est fonction de la gravité des manquements commis et, le cas échéant, en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 150 000 € pour les personnes morales et les personnes physiques non salariées et 7 500 € pour les personnes physiques salariées. Ces pénalités sont prononcées dans le respect des droits de la défense ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à l'acteur de la sécurité privée ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de la sécurité intérieure : " L'exercice d'une activité mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 611-1 est exclusif de toute autre prestation de services non liée à la surveillance, au gardiennage ou au transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, à l'exception du transport, par les personnes exerçant l'activité mentionnée au 2° de l'article L. 611-1, dans les conditions prévues aux articles L. 613-8 à L. 613-11, de tout bien, objet ou valeur / (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que, par un contrat conclu le 14 mai 2020, la société " SI Group France " a confié à la société " Challancin Prévention et Sécurité " la surveillance et le gardiennage de son site de Catenoy ainsi que la tenue du standard téléphonique de ce site. Contrairement à ce que soutiennent la société " Challancin Prévention et Sécurité " et M. C..., les stipulations de ce contrat ne confèrent pas par elles-mêmes un caractère très accessoire à cette dernière activité. Ils n'apportent en outre aucun élément de nature à établir que cette mission ait effectivement eu un tel caractère. En se bornant à se référer à la nature des activités conduites sur le site par leur cocontractant, ils n'établissent pas que la tenue d'un standard téléphonique puisse être en l'espèce regardée comme une activité inhérente à la mission de surveillance qui leur avait été confiée. Dès lors, les faits reprochés à la société " Challancin Prévention et Sécurité " et à M. C..., consistant à avoir souscrit un contrat incluant des prestations ne se rattachant pas aux activités de sécurité privées et avoir ainsi méconnu le principe d'exclusivité de l'exercice de ces fonctions résultant des dispositions de l'article L. 612-2 du code de la sécurité intérieure, sont établis et sont constitutifs d'une faute disciplinaire.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 631-12 du code de la sécurité intérieure : " Les acteurs de la sécurité privée doivent éviter par leur comportement et leur mode de communication toute confusion avec un service public, notamment un service de police. / Est interdite l'utilisation de logotypes ou signes reprenant des caractéristiques et couleurs assimilables à celles identifiant les documents émis par les administrations publiques ainsi que de tout élément pouvant susciter ou entretenir une quelconque confusion avec un service dépositaire de l'autorité publique. / Les acteurs de la sécurité privée ne peuvent, dans leur communication vis-à-vis du public, se prévaloir d'un lien passé ou présent avec un service dépositaire de l'autorité publique. A l'égard des tiers, ils ne peuvent faire état de missions ou de délégations des administrations publiques qui ne leur auraient pas été confiées par celles-ci. / Ils s'interdisent tout équipement, notamment les avertisseurs sonores et lumineux des véhicules, susceptibles de créer une telle confusion ".

11. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte rendu de l'audition administrative du directeur des opérations de la société " Challancin Prévention et Sécurité " par l'agent de contrôle du CNAPS le 20 octobre 2020 et du compte rendu final du contrôle de la société établi le 2 novembre 2020 par l'agent de contrôle, que le modèle alors utilisé pour l'établissement de tous les contrats de travail de la société comportait, en pied de page, le logotype du ministère de la défense associé aux couleurs de la République. Quelle que soit la taille exacte du logotype reproduit sur ces documents, son utilisation de manière visible était de nature à créer, chez les salariés de la société et les candidats à l'embauche, une confusion avec un service dépositaire de l'autorité publique au sens des dispositions précitées de l'article R. 631-12 du code de la sécurité intérieure. Dès lors, les faits reprochés à la société " Challancin Prévention et Sécurité " et à M. C..., consistant à avoir méconnu l'interdiction de se prévaloir de l'autorité publique édictée par l'article R. 631-12 du code de la sécurité intérieure, sont établis et sont constitutifs d'une faute disciplinaire.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 612-18 du code de la sécurité intérieure : " Tout candidat à l'emploi pour exercer des activités privées de sécurité définies aux articles L. 611-1 et L. 613-13 ou tout employé participant à l'exercice de ces activités communique à l'employeur le numéro de la carte professionnelle qui lui a été délivrée par la commission locale d'agrément et de contrôle. / L'employeur remet à l'employé une carte professionnelle propre à l'entreprise. Cette carte, qui comporte une photographie récente de son titulaire, mentionne : / (...) / 2° Si l'activité du titulaire est celle d'"agent cynophile", le numéro d'identification de chacun des chiens utilisés ; / (...) / La carte professionnelle remise à l'employé par son employeur doit être présentée à toute réquisition d'un agent de l'autorité publique et restituée à l'employeur à l'expiration du contrat de travail ".

13. Il ressort des pièces du dossier, notamment du compte rendu final du contrôle de la société établi le 2 novembre 2020 par l'agent de contrôle du CNAPS, que, lors du contrôle sur place organisé au salon international de l'aéronautique et de l'espace le 21 juin 2019, deux agents cynophiles ont présenté des cartes professionnelles remises par la société " Challancin Prévention et Sécurité " ne mentionnant pas l'identification de leur chien. La circonstance que cette information ait été régulièrement portée à la connaissance du CNAPS dans le cadre des démarches d'autorisation préalables à l'exercice de la profession n'est pas de nature à exonérer la société de sa responsabilité de remettre une carte matérialisée à ses salariés comportant l'ensemble des informations nécessaires, que les agents de contrôle doivent pouvoir le cas échéant vérifier à tout instant. Dès lors, les faits reprochés à la société " Challancin Prévention et Sécurité " et à M. C..., consistant à avoir méconnu l'obligation de remettre des cartes professionnelles matérialisées comportant l'ensemble des mentions prévues à l'article R. 612-18 du code de la sécurité intérieure, sont établis et sont constitutifs d'une faute disciplinaire.

14. En quatrième lieu, si les fautes disciplinaires mentionnées aux points 7 à 13 présentent des degrés de gravité inégaux, leur nombre et leur répétition traduisent en revanche un manque de rigueur de la société " Challancin Prévention et Sécurité " dans le respect des lois et règlements applicables aux activités de sécurité privées. M. C..., de son côté, ne justifie pas des dispositions qu'il aurait prises, en sa qualité de gérant de la société, pour s'assurer du respect de ces dispositions au sein de ses services. Dans ces conditions, quand bien même les intéressés auraient pris l'initiative de régulariser ou d'entreprendre la régularisation des manquements relevés à leur encontre avant la date à laquelle la CNAC a statué, c'est sans commettre d'erreur de droit et d'appréciation que celle-ci a, en l'espèce, pu leur infliger à chacun un avertissement, qui constitue au demeurant la sanction la plus faible de l'échelle des sanctions applicable. Les moyens en ce sens soulevés par la société " Challancin Prévention et Sécurité " et M. C... doivent, dès lors, être écartés.

15. Il résulte de ce qui précède que la société " Challancin Prévention et Sécurité " et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 10 février 2022 de la CNAC du CNAPS.

Sur les frais liés au litige :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société " Challancin Prévention et Sécurité " et de M. C... le versement de la somme de 500 euros chacun au titre des frais exposés par le CNAPS et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société " Challancin Prévention et Sécurité " et de M. C... est rejetée.

Article 2 : La société " Challancin Prévention et Sécurité " et M. C... verseront au CNAPS une somme de 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée " Challancin Prévention et Sécurité ", à M. E... C... et au conseil national des activités privées de sécurité.

Délibéré après l'audience publique du 9 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLa présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°23DA00963


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00963
Date de la décision : 14/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : RAYMONDJEAN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-14;23da00963 ?
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