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07/05/2024 | FRANCE | N°24DA00028

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 07 mai 2024, 24DA00028


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2023 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a maintenu en rétention administrative à la suite du dépôt de sa demande d'asile.



Par un jugement n° 2309271 du 9 novembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 21 octobre 2023.



Procédure devant la cour :



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r une requête, enregistrée le 5 janvier 2024, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2023 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l'a maintenu en rétention administrative à la suite du dépôt de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2309271 du 9 novembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 21 octobre 2023.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2024, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que :

- le signataire de l'acte était compétent en vertu de la délégation de signature n° 2023-10-56 du 4 septembre 2023, ;

- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lille ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée, le 23 février 2024, à M. A... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Borot, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc né le 23 juillet 1979, déclare être entré en France en octobre 2023. Il a été interpelé alors qu'il tentait de rejoindre clandestinement la Grande-Bretagne et a été placé en retenue administrative le 16 octobre 2023 pour vérification de ses titres de circulation et de séjour. Ayant constaté que M. A... ne remplissait pas les conditions d'entrée et de séjour sur le sol français, le préfet du Pas-de-Calais, par un arrêté du 17 octobre 2023, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure, lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a placé en rétention administrative. Le 21 octobre 2023, M. A... a déposé une demande d'asile. Le même jour, considérant que cette demande était non fondée et dilatoire, le préfet a maintenu l'intéressé en rétention. Par un jugement du 9 novembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 21 octobre 2023. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Par un arrêté n° 2023-10-56 du 4 septembre 2023, régulièrement publié au recueil n° 115 des actes administratifs de la préfecture du Pas-de-Calais et versé au dossier pour la première fois en appel, le préfet de ce département a donné à M. B... C..., sous-préfet de Boulogne-sur-Mer, délégation à l'effet de signer, lorsqu'il assure les permanences des membres du corps préfectoral, notamment les décisions de maintien en rétention administrative. Il n'est ni démontré ni même allégué que M. C... n'était pas le membre du corps préfectoral d'astreinte le samedi 21 octobre 2023, date de signature de l'arrêté contesté. Par suite, c'est à tort que le magistrat désigné a retenu le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte pour annuler la décision en litige.

3. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lille.

4. En premier lieu, l'arrêté en cause vise les textes dont il fait application et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Il fait mention notamment des conditions d'interpellation et de placement en rétention de M. A... et de ses déclarations lors de son audition. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été interrogé par les services de la police aux frontières le 17 octobre 2023. Lors de cette audition, il a indiqué avoir quitté son pays d'origine pour des motifs familiaux et ne pas avoir fait de demande d'asile. Invité à présenter ses observations sur une possible décision d'éloignement prise à son encontre et un éventuel placement en rétention, il a déclaré vouloir être libre et ne jamais retourner en Turquie. Par ailleurs, le 21 octobre à 17h26, soit avant l'édiction de la décision contestée, M. A... a été informé de l'intention du préfet de le maintenir en rétention. Assisté d'une interprète, il n'a, à cette occasion, formulé aucune observation. M. A... a donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention de l'arrêté ordonnant son maintien en rétention administrative, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures. Par suite, la garantie consistant dans le droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, telle qu'elle est notamment consacrée par le droit de l'Union, n'a pas été méconnue.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A son arrivée au centre de rétention, l'étranger reçoit notification des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. / A cette fin, il peut bénéficier d'une assistance juridique et linguistique. Lui sont notamment indiquées les conditions de recevabilité d'une demande d'asile formée en rétention prévues à l'article L. 754-1 ".

7. Si M. A... soutient qu'il n'a pas bénéficié d'une assistance linguistique mise à disposition par l'administration pour présenter sa demande d'asile, la méconnaissance des dispositions précitées a pour seul effet de faire obstacle à ce que le délai au terme duquel la demande d'asile est considérée comme irrecevable puisse courir, mais est sans incidence sur la légalité de la décision en litige qui se borne à prononcer le maintien en rétention administrative du demandeur le temps de l'examen de sa demande d'asile. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. A... a pu effectivement déposer une demande d'asile comprenant notamment les motifs de sa demande. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la France est l'État responsable de l'examen de la demande d'asile et si l'autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l'étranger pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celle-ci, dans l'attente de son départ. / Cette décision de maintien en rétention n'affecte ni le contrôle ni la compétence du juge des libertés et de la détention, exercé sur le placement et le maintien en rétention en application du chapitre III du titre IV. La décision de maintien en rétention est écrite et motivée. A défaut d'une telle décision, il est immédiatement mis fin à la rétention et l'autorité administrative compétente délivre à l'intéressé l'attestation mentionnée à l'article L. 521-7 ".

9. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... a indiqué lors de son audition par les services de la police aux frontières avoir quitté son pays d'origine pour des motifs familiaux et ne pas avoir fait de demande d'asile. Il n'a ni, à aucun moment avant le dépôt effectif d'une demande d'asile le 21 octobre 2023 alors qu'il se trouvait au centre de rétention, fait part de son intention de déposer une telle demande d'asile, ni évoqué de craintes d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Turquie. Il a indiqué lors de son audition le 17 octobre 2023, vouloir se rendre en Grande-Bretagne pour motifs familiaux. Il précise dans ses écritures d'appel que son frère qui y réside depuis 30 ans et détient la nationalité britannique. Dans ces conditions, quand bien même M. A... n'est entré sur le territoire français que quelques jours avant son interpellation, le préfet du Pas-de-Calais a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, considérer que l'intéressé avait présenté une demande d'asile lors de sa rétention dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement. Le maintien en rétention administrative n'était donc pas entaché d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il résulte de ce tout qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 21 octobre 2023 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des disposition combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par voie de conséquence, la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 9 novembre 2023 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D... A....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 18 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

La présidente-assesseure,

Signé : I. Legrand

La présidente de chambre,

Présidente-rapporteure

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°24DA00028 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00028
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;24da00028 ?
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