Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme J... A... et M. K... D..., Mme H... Y..., Mme G... B... et M. U... Q..., Mme et M. C... F..., Mme S... L..., Mme V... W... et Mme X... T..., Mme et M. N... M..., Mme P... O..., Mme et M. E... R... et Mme et M. Z... I... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2022 par lequel le maire de Sotteville-lès-Rouen a délivré à la société en nom collectif (SNC) IP1R un permis de construire valant autorisation de démolir.
Par un jugement n° 2203556 du 29 juin 2023, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande et les a condamnés solidairement à verser la somme de 1 500 euros à la commune de Sotteville-lès-Rouen et la somme de 1 500 euros à la SNC IP1R au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire de production, enregistrés les 24 et 29 août 2023, Mme J... A... et M. K... D..., Mme H... Y..., Mme G... B... et M. U... Q..., Mme et M. C... F..., Mme S... L..., Mme V... W... et Mme X... T..., Mme et M. N... M..., Mme et M. E... R... et Mme et M. Z... I..., représentés par Me Hélène Colliou, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 mai 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 juillet 2022 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Sotteville-lès-Rouen la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier dans la mesure où, d'une part, il ne mentionne pas dans les visas l'ensemble des dispositions appliquées, notamment les articles du plan local d'urbanisme (PLU) de la métropole de Rouen Normandie, d'autre part, il est insuffisamment motivé et est entaché d'une omission à statuer ;
- l'arrêté du 11 juillet 2022 est illégal :
- il méconnaît les dispositions des articles R. 431-4, R. 431-8 et R. 451-2 du code de l'urbanisme, dès lors que, d'une part, la notice architecturale et l'étude des arbres annexés au dossier de demande de permis de construire sont incomplets s'agissant de la description de la végétation existante sur le terrain d'assiette du projet et de celle abattue, d'autre part, la destination et la surface des bâtiments à démolir ne sont pas précisées et leur aspect, leur situation dans l'environnement et leurs qualités architecturales ne ressortent pas des pièces de ce dossier ;
- il est illégal en raison de l'illégalité du règlement du PLU de la métropole de Rouen Normandie, dès lors que ce règlement ne pouvait prévoir que dans le cas d'un projet situé sur un terrain à cheval sur plusieurs zones ou secteurs en dehors des zones A et N, l'ensemble d'une construction, d'une installation ou d'un aménagement " est soumis aux règles de la zone ou du secteur où la plus grande partie de la construction est implantée " ;
- dans le cas où ce règlement est partiellement illégal, le plot C du projet en cause méconnaît les dispositions de l'article 3.5 du règlement de la zone UBA1, en ce qu'il présente un nombre de niveau " R+3 ", le dernier niveau n'étant ni un attique, ni un comble ;
- dans le cas où ce règlement est entièrement illégal, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme ; le projet méconnaît alors l'article UB 9 du règlement du PLU de la commune de Sotteville-lès-Rouen, antérieurement applicable, en ce que son emprise au sol maximale est supérieure à 60 % de la surface des parcelles en cause ;
- l'arrêté est entaché de fraude, la végétation existante sur le site ayant été supprimée sans autorisation pour occulter les arbres présents et induire en erreur le service instructeur ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article 5 de la zone UAB et de l'article 5 de la zone UBA1 du règlement du PLU de la métropole Rouen Normandie, compte tenu du nombre dissimulé d'arbres abattus et du nombre insuffisant d'arbres de remplacement ;
- il a été pris en méconnaissance de l'article 4 de la zone UAB et de l'article 4 de la zone UBA1 du règlement du PLU de la métropole Rouen Normandie, dès lors que le projet, et notamment la toiture, ne s'intègre pas dans l'environnement urbain existant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2023, la SNC IP1R, représentée par Me Pierre-Xavier Boyer, demande à la cour :
- de rejeter la requête ;
- à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de l'inviter à formuler une demande de permis modificatif ;
- de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés tant en ce qui concerne la régularité que le bien-fondé du jugement ;
- si la cour retenait l'illégalité du PLU, le vice n'affecterait qu'une partie identifiable du projet, à savoir le dernier niveau du plot C et serait régularisable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 décembre 2023, la commune de Sotteville-lès-Rouen, représentée par Me Florence Malbesin, demande à la cour :
- de rejeter la requête ;
- à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et d'inviter la SNC IP1R à formuler une demande de permis modificatif ;
- de mettre à la charge des requérants la somme de 5 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés tant en ce qui concerne la régularité que le bien-fondé du jugement ;
- si la cour retenait l'illégalité du PLU, le vice n'affecterait qu'une partie identifiable du projet, à savoir le dernier niveau du plot C et serait régularisable.
Par une ordonnance du 27 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Le 4 mars 2024, la commune de Sotteville-lès-Rouen a produit des pièces à la suite de la mesure d'instruction formée en application de l'article R.613-1-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le règlement du plan local d'urbanisme de la métropole Rouen Normandie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Colliou, représentant Mme A... et autres.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 décembre 2021, la société en nom collectif (SNC) IP1R a déposé une demande, complétée le 14 avril 2022, de permis de construire valant autorisation de démolir concernant les parcelles cadastrées section AH nos 14, 15 et 16, situées 8 rue Méridienne à Sotteville-lès-Rouen. Le projet consiste en la démolition des constructions existantes, la construction d'un bâtiment de 65 logements collectifs et d'un parking en sous-sol de 65 places, ainsi que l'abattage de la végétation existante. Par un arrêté du 11 juillet 2022, le maire de Sotteville-lès-Rouen a fait droit à sa demande. Mme J... A... et autres interjettent appel du jugement n°2203556 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article R.741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). /Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
3. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le jugement attaqué vise le code de l'urbanisme et le règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la métropole de Rouen Normandie modifié le 13 décembre 2021 et applicable au litige et cite précisément, en les reproduisant, les dispositions de ces textes dont il fait application dans ses motifs. Les appelants ne sont donc pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
4. D'autre part, il ressort des énonciations du jugement attaqué, et notamment de son point 8, que le tribunal a répondu, par une motivation propre aux faits de l'espèce, au moyen soulevé en première instance, tiré de l'incohérence de la surface de plancher existante démolie, en énonçant que le dossier de demande de permis de construire contesté comporte un plan de situation ainsi qu'un plan de masse des constructions à démolir, faisant apparaître la nature et la consistance des bâtiments existants, ainsi que des photographies représentant les constructions à démolir ainsi que leur insertion dans les lieux environnants et qu'il mentionne les surfaces de ces constructions, qui ne sont pas sérieusement contestées par les requérants. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé et entaché d'une omission à statuer sur ce point ne peut être accueilli.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande de permis :
5. D'une part, aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; / b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. * 431-33-1 ; / c) Les informations prévues aux articles R. 431-34 et R. 431-34-1. / Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. / Aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l'autorité compétente. ".
6. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / (...) c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / (...) e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; (...) ".
7. Enfin, aux termes de l'article R. 451-2 du code de l'urbanisme : " Le dossier joint à la demande comprend : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Un plan de masse des constructions à démolir ou, s'il y a lieu, à conserver ; / c) Un document photographique faisant apparaître le ou les bâtiments dont la démolition est envisagée et leur insertion dans les lieux environnants. ".
S'agissant de la description de la végétation existante et supprimée sur le terrain d'assiette :
8. En l'espèce, la notice explicative du projet en cause mentionne que " la végétation présente (...) l'image d'une parcelle en friche " et que " le site porte l'image d'un écrin végétalisé sauvage et non maîtrisé ". Elle décrit également, dans des paragraphes dédiés, l'aménagement du terrain, occupé par des constructions à démolir situées en partie nord à l'angle des rues Méridienne et de Grainville et en partie centrale, et le traitement des limites de terrain. S'agissant du traitement des espaces libres, il est prévu la création d'un véritable jardin à l'intérieur même du cœur d'îlot, l'aménagement de jardins suspendus et la plantation de 23 arbres, correspondant à 7 arbres à planter et 16 à replanter.
9. Cette notice est complétée par un " inventaire arboricole préalable au projet immobilier " réalisé le 7 janvier 2022 par un expert forestier. Cet inventaire précise le nombre, l'essence, le type de végétal (arbre ou arbuste), son stade physiologique (adulte ou jeune adulte), son diamètre, sa hauteur ainsi que l'état de certains d'entre eux (" dépérissant ") ou des caractéristiques d'implantation (" installé sur un amas de pierres "). L'inventaire, qui est accompagné d'un plan de localisation et de photographies de chaque végétal, comprend " les sujets qui ont été coupés pour permettre au géomètre d'effectuer sa mission " et recense 6 arbustes (5 Laurier et 1 Sureau) et 16 arbres (11 érables sycomores, 3 cyprès, un chêne et un if). Le dossier de permis est en outre accompagné d'annexes constituées de plans de localisation des 16 arbres existants à abattre et des 23 arbres à planter et d'un plan paysager identifiant les essences d'arbres et les jardinières envisagées. Les plans de masse et du rez-de-chaussée matérialisent également les 23 arbres.
10. Pour remettre en cause les pièces ainsi fournies, les requérants font état d'un jugement définitif n° 1601207 du 23 janvier 2018 dans lequel le tribunal administratif de Rouen, appelé à statuer sur la légalité d'un permis de construire portant sur deux des trois parcelles d'assiette du projet litigieux, s'est prononcé sur l'état de la végétation y figurant. Ils produisent également plusieurs procès-verbaux (PV) de constat d'huissier dressés le 6 mai 2015 puis les 19, 22, 29 novembre et 22 décembre 2021 et décrivant la végétation existante sur les parcelles. Le PV de 2015, réalisé plus de six ans avant le dépôt de la demande, se borne à relever la " présence sur ce terrain de très nombreux arbres dont certains de hautes tiges " et à estimer le nombre d'arbres à " plus de 20 ". Quant au jugement définitif mentionné ci-dessus, il fait état d'un nombre global d'arbres et d'arbustes supérieur à vingt, " sans qu'il soit possible d'en apprécier le nombre exact ou l'état ". Les PV de 2021 relèvent la présence de " plusieurs arbres sur le fonds voisin ainsi que des broussailles ", de " branchage arraché qui gît sur le sol ", de " branches coupées " et évaluent le nombre d'arbres observés entre 7 et une quinzaine en novembre, entre 13 et 25 en décembre, avec un nombre de souches oscillant entre une dizaine et 18 en décembre. Non seulement il n'est pas établi que les parcelles sur lesquelles les constats d'huissier ont été effectués correspondent parfaitement à l'emplacement du projet mais ces constats ne contredisent pas les pièces du dossier de demande de permis de construire de la SNC IP1R mentionnées ci-dessus, et notamment l'inventaire arboricole, non plus que les énonciations du jugement du 23 janvier 2018.
S'agissant de la description de la destination, de l'aspect, de la situation et de la surface des bâtiments à démolir :
11. En l'espèce, le dossier de demande de permis de construire comporte le formulaire Cerfa dont le tableau figurant au point 5.6 renseigne sur la surface et la destination des bâtiments existants avant travaux (457 m2 de surface de plancher de logement et 116 m2 de commerce de détail et dératisant) et des constructions envisagées (4 100 m2 de surface de plancher de logement). Il est accompagné d'un plan de situation, d'une vue aérienne Sud, d'un plan de masse et de photographies des bâtiments à démolir qui font apparaître la nature et la consistance des bâtiments existants et leur insertion dans l'environnement proche.
12. Par suite, Mme A... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R. 431-4, R. 431-8 et R. 451-2 du code de l'urbanisme.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité du PLU de la métropole de Rouen Normandie :
13. Aux termes de l'article R.151-17 du code de l'urbanisme : " Le règlement délimite, sur le ou les documents graphiques, les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles, les zones naturelles et forestières. / Il fixe les règles applicables à l'intérieur de chacune de ces zones dans les conditions prévues par la présente section. ".
14. Aux termes de la section 1, " Champ d'application de la règle d'urbanisme ", du livre 1 " dispositions communes applicables à toutes les zones " du règlement du PLU de la métropole de Rouen Normandie : " (...) Dispositions relatives à un projet situé sur un terrain à cheval sur plusieurs zones ou secteurs en dehors des zones A et N : Lorsqu'un terrain est à cheval sur plusieurs zones ou secteurs, en dehors des zones A et N, figurant sur la Planche 1 du règlement graphique, l'ensemble de la construction, de l'installation ou de l'aménagement est soumis aux règles de la zone ou du secteur où la plus grande partie de la construction est implantée. (...) ".
15. En principe, lorsqu'un projet de construction est situé à cheval sur plusieurs zones du règlement graphique d'un PLU, les règles afférentes à chacune de ces zones régissent la construction de chacune de ses parties, selon la zone où elles s'implantent. Toutefois, cette règle ne vaut pas si le PLU lui-même résout cette situation, en prévoyant, par exemple, soit que les règles de la zone la plus contraignante, soit que les règles de la zone principale d'implantation de la construction s'appliquent.
16. Ainsi, les auteurs du PLU de la métropole de Rouen Normandie ont pu légalement prévoir de soumettre un projet à cheval sur plusieurs zones aux règles de la zone sur laquelle la plus grande partie de la construction est implantée.
17. Il est constant que le terrain d'assiette du projet se situe à cheval sur deux zones du règlement du PLU de la métropole de Rouen Normandie, à savoir, d'une part, la zone UBA1, zone d'habitat à dominante individuelle, pour la parcelle AH 14, d'autre part, la zone UAB, zone de centralité, pour les parcelles AH 15 et AH 16. Il ressort des pièces du dossier que la plus grande partie du projet de la SNC IP1R est implantée sur les parcelles AH 15 et AH 16. Ainsi, il y a lieu, en application des dispositions du règlement du PLU citées au point 14 du présent arrêt, relatives à un projet situé sur un terrain à cheval sur plusieurs zones ou secteurs en dehors des zones A et N, de faire application des dispositions du règlement de la zone UAB du PLU de la métropole Rouen Normandie.
18. Par suite, Mme A... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a écarté le moyen, invoqué par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité des dispositions précitées du règlement du PLU de la métropole de Rouen Normandie et les moyens, soulevés à titre subsidiaire, de méconnaissance de l'article 3.5 du règlement de la zone UBA1 et de l'article UB 9 en cas d'illégalité avérée partielle ou totale de ce PLU.
En ce qui concerne le moyen tiré des manœuvres frauduleuses de la société pétitionnaire :
19. D'une part, une autorisation d'urbanisme n'a d'autre objet que d'autoriser la construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire ; l'autorité administrative n'a, par suite, pas à vérifier l'exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance de son projet, à moins qu'elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joint à la demande tels que limitativement définis par les dispositions du code de l'urbanisme mentionnées aux points 4 à 6 du présent arrêt.
20. D'autre part, un permis ne peut faire l'objet d'un retrait, une fois devenu définitif, qu'au vu d'éléments, dont l'administration a connaissance postérieurement à la délivrance du permis, établissant l'existence d'une fraude à la date où il a été délivré. La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s'étant livré à l'occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l'administration.
21. Eu égard à ce qui a été dit aux points 8 à 10 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société pétitionnaire aurait volontairement procédé à des manœuvres consistant à occulter la présence de certains arbres existants sur le terrain d'assiette de son projet dans le seul but de tromper le service instructeur sur la réalité de celui-ci et d'échapper à l'application des règles d'urbanisme relatives à la préservation des arbres existants et au remplacement des arbres abattus.
22. Par suite, Mme A... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a écarté le moyen tiré de ce que la société pétitionnaire s'était livrée à une manœuvre frauduleuse destinée à obtenir indûment le permis de construire.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des règles du PLU relatives au traitement des espaces libres :
23. Aux termes de l'article 5.1, " Traitement des espaces libres ", du règlement de la zone UAB du PLU de la métropole de Rouen Normandie : " Les espaces libres doivent être aménagés selon une composition paysagère soignée, adaptée à l'échelle du terrain et aux lieux environnants. Cette composition privilégiera les espaces verts d'un seul tenant et en contiguïté avec les espaces libres des terrains voisins. / Pour tout projet de construction nouvelle, il sera planté un arbre tige ou de haute tige par tranche " entamée " de 100 m² d'espace libre, hors annexe d'une surface de plancher ou emprise au sol égale ou inférieure à 20 m². / Les arbres existants peuvent être comptabilisés au titre des arbres à réaliser. / Les espèces végétales invasives (...) sont interdites. Les essences locales doivent être privilégiées. / L'implantation des constructions doit respecter les arbres existants sur le terrain. Ceux qui ne peuvent être maintenus doivent être remplacés par un nombre au moins égal d'arbres. (...) ".
24. En l'espèce, et ainsi que cela a été dit précédemment, les 16 arbres existant sur la parcelle d'assiette du projet ont vocation à être supprimés. Par ailleurs, il est constant que la surface d'espaces libres du projet est de 685,80 m². En application des dispositions précitées, les 16 arbres abattus doivent être remplacés, tandis que 7 arbres supplémentaires doivent être plantés eu égard aux 7 tranches " entamées " de 100 m2 d'espaces libres. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans de localisation des arbres existants et des arbres à planter, que 23 arbres de tige seront plantés ou replantés dans le cadre de ce projet. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement de la zone UAB du PLU de la métropole de Rouen Normandie doit être écarté comme non fondé.
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut d'intégration dans l'environnement urbain existant :
25. Aux termes de l'article 4, " Qualité urbaine, architecturale, environnementale et paysagère " du règlement de la zone UAB du PLU de la métropole de Rouen Normandie : " 4.1. Caractéristiques des façades, des toitures et des clôtures / 4.1.1. Principes généraux / Les constructions, installations ou aménagements, tant du point de vue de leur situation, de leur volume que de leur aspect, ne doivent porter atteinte ni au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, ni aux perspectives monumentales et doivent s'insérer harmonieusement au bâti et au paysage environnants en tenant compte de leur caractère dominant. / Les bâtiments présentant un long linéaire sur voie doivent présenter une division en séquences de la façade voire de la toiture afin de prolonger le rythme du bâti environnant. / La conception du projet limitera fortement la création de mur pignon aveugle important, visible dans la perspective des voies, et notamment aux abords des angles de rue afin d'en réduire l'impact et également vis-à-vis de la limite séparative latérale. / (...) 4.1.3. Aspect général des bâtiments et matériaux / Les matériaux extérieurs, par leur nature ou leurs procédés de mise en œuvre, doivent assurer aux bâtiments un aspect soigné et offrir des garanties de solidité et de bonne conservation. / (...) / Le traitement des rez-de-chaussée sur voie (notamment les rez-de-chaussée aveugles) ne doit pas nuire à l'ambiance de la rue ou à son animation. / Les constructions, annexes et extensions doivent s'intégrer par leurs volumes, leur traitement et leur implantation dans une composition architecturale harmonieuse. / Façades / Les façades doivent être composées, notamment par le rythme et la proportion de leurs ouvertures, pour tenir compte des caractères dominants du bâti environnant. / (...) 4.1.4. Toitures / Les toitures doivent s'insérer harmonieusement dans le bâti environnant en tenant compte de ses caractères dominants. / Elles doivent être traitées en harmonie (rythme des baies de toiture, proportions) avec les façades sur lesquelles elles s'intègrent. / Lorsque la toiture-terrasse d'une construction nouvelle présente une surface continue d'au minimum 150 m2, elle doit être végétalisée sauf pour des raisons de fonctionnalité du bâtiment. (...) ".
26. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité des lieux voisins du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
27. Il ressort du plan de zonage du règlement graphique du PLU que le projet doit être réalisé à proximité d'un " ensemble bâti homogène ". Il ressort des pièces, notamment photographiques, du dossier qu'indépendamment de cet ensemble patrimonial identifié, l'environnement dans lequel l'immeuble a vocation à s'intégrer est hétérogène pour comporter des maisons individuelles de style architectural ancien ou moderne mais aussi des immeubles collectifs de plus ou moins trois étages, notamment à l'angle de la rue Grainville, dont certains comportent également des balcons ou terrasses. Il ressort de la notice descriptive que l'immeuble ne se présentera pas comme un seul ensemble bâti mais comme une " résidence familiale " composée de trois " villas urbaines ", grâce à la création de " failles verticales sur les façades principales situées sur le domaine public ", pour en " alléger la perception " et " éviter (...) l'effet de barre ". Les photomontages produits à l'appui du dossier de demande de permis de construire confirment la bonne insertion de l'immeuble projeté dans son environnement, compte tenu de la diversité architecturale et volumétrique des bâtiments implantés à proximité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement de la zone UAB du PLU de la métropole de Rouen Normandie doit être écarté comme non fondé.
28. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal, administratif de Rouen a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2022 par lequel le maire de Sotteville-lès-Rouen a délivré à la SNC IP1R un permis de construire valant autorisation de démolir sur les parcelles cadastrées AH 14, AH 15 et AH 16 et situées au 8 rue Méridienne. Par suite, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les demandes de sursis à statuer présentées par la commune de Sotteville-lès-Rouen et la SNC IP1R.
Sur les conclusions reconventionnelles de la SNC 1PR1 :
29. Compte tenu du rejet de la demande d'annulation de l'arrêté du 11 juillet 2022, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions subsidiaires présentées en défense par la société pétitionnaire et tendant à ce que la cour sursoie à statuer et l'invite à déposer une demande de permis de construire modificatif.
Sur les frais liés au litige :
30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sotteville-lès-Rouen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les appelants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
31. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des appelants une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Sotteville-lès-Rouen et une somme de 1 000 euros à verser à la SNC IP1R sur ce même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... et autres est rejetée.
Article 2 : Mme A... et autres verseront à la commune de Sotteville-lès-Rouen une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Mme A... et autres verseront à la SNC IP1R une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions reconventionnelles subsidiaires présentées par la SNC IP1R et la commune de Sotteville-lès-Rouen sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... A..., à la société en nom collectif (SNC) IP1R et à la commune de Sotteville-lès-Rouen.
Délibéré après l'audience publique du 18 avril 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Denis Perrin, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.
La présidente-rapporteure,
Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°23DA01685 2