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07/05/2024 | FRANCE | N°23DA01255

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 07 mai 2024, 23DA01255


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Turquie comme pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2301032 du 8 juin 2023, le tribunal administratif

d'Amiens a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Turquie comme pays à destination duquel il pourrait être reconduit en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2301032 du 8 juin 2023, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2023, M. A..., représenté par Me Chartrelle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er mars 2023.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il ne présente aucune menace à l'ordre public ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Somme qui n'a pas présenté d'observations.

Par une ordonnance du 20 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 19 mars 2024, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc né le 21 février 1966, déclare être entré en France le 1er juin 1988. Le 22 janvier 2022, il a sollicité son admission au séjour en faisant état de la présence en France de son épouse, en situation régulière. Par un arrêté du 1er mars 2023, le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Turquie comme pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 8 juin 2023 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ".

3. D'une part, l'arrêté contesté mentionne l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement duquel a été examinée la demande de M. A..., et précise les éléments pertinents relatifs aux conditions de son séjour en France et de sa situation privée et familiale que le préfet de la Somme a pris en compte pour rejeter sa demande. A cet égard, si M. A... soutient que la motivation de l'arrêté du 1er mars 2023 ne caractérise pas la gravité d'une menace à l'ordre public, le préfet a relevé les faits d'usurpation d'identité et de fraude documentaire qui lui sont imputés pour en déduire, non pas une telle menace, mais une insuffisante intégration dans la société française. Dès lors, l'arrêté du 1er mars 2023 comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui constitue le fondement du refus de séjour opposé à M. A... et est donc suffisamment motivé.

4. D'autre part, l'arrêté contesté, qui vise le 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à comporter une motivation de l'obligation de quitter le territoire français distincte de celle de la décision relative au séjour qu'elle accompagne et qui est suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 1er mars 2023 en tant qu'il oblige M. A... à quitter le territoire français doit être écarté.

5. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement soutenir que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public dès lors que ce motif ne constitue pas le fondement de l'arrêté contesté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21

et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7. M. A... soutient qu'étant entré en France au cours de l'année 1988, il réside depuis trente-cinq ans sur le territoire français, où résident également sa conjointe titulaire d'une carte de résident, son frère et sa sœur, en situation régulière, et son fils de nationalité française né le 17 juin 1990. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'un signalement, le 7 mai 2021, auprès du Procureur de la République pour des faits d'usurpation d'identité, sous le nom d'un autre ressortissant turc, et d'utilisation à plusieurs reprises de cette fausse identité auprès d'organismes publics en vue d'obtenir notamment une carte de résident et un permis de conduire. Lors de son audition par les services de la circonscription de sécurité publique d'Amiens, le 1er février 2023, M. A... a reconnu la matérialité des faits d'usurpation précités et notamment l'utilisation d'une fausse identité pour obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français et pour acquérir des biens immobiliers en France. Le requérant, qui a eu besoin d'un interprète lors de son audition du 1er février 2023, ne maîtrise pas la langue française en dépit d'une présence alléguée de trente-cinq ans en France. Il ne produit aucun élément attestant d'une vie commune avec son épouse avant 2019, ainsi que l'a relevé le préfet de la Somme dans son arrêté. M. A..., qui ne justifie pas plus de l'existence de relations avec son fils de nationalité française, a déclaré, dans sa demande de titre de séjour, avoir seulement une fille née le 19 juin 1983 et résidant en Turquie. Si le requérant et son épouse, également de nationalité turque, sont propriétaires de biens immobiliers en France, il n'est fait état d'aucune circonstance leur interdisant tout retour en Turquie, alors que la carte de résident de sa conjointe expire le 16 mai 2023. Dans ces conditions, eu égard à l'absence d'insertion de M. A... dans la société française résultant des faits d'usurpation précités et d'intensité des liens personnels et familiaux allégués par l'intéressé sur le territoire français, le préfet de la Somme a pu lui refuser un titre de séjour sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. ViardLe greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

Le greffier

F. Cheppe

2

N° 23DA01255


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01255
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SCP DUMOULIN-CHARTRELLE-ABIVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;23da01255 ?
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