La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2024 | FRANCE | N°23DA00976

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 07 mai 2024, 23DA00976


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... se disant C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen :



- d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;



- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte d

e séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " travailleur temporaire / salarié ", ou, à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... se disant C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen :

- d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " travailleur temporaire / salarié ", ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ou d'un récépissé l'autorisant à travailler ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 888 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2300144 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 15 septembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime, enjoint à l'autorité préfectorale territorialement compétente de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler et mis à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 mai 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 mai 2023 ;

2°) de rejeter la demande de M. C... B....

Il soutient que :

- le tribunal a omis de mentionner l'absence d'acte d'état-civil recevable de M. B... ;

- il ne peut lui délivrer de titre de séjour en application des dispositions de l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il ne démontre pas son état-civil en produisant des actes irréguliers, dans un contexte de fraude au niveau de l'état-civil en Guinée ;

- l'arrêté du 15 septembre 2022 ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense et un mémoire de production de pièce, enregistrés les 17 janvier et 27 février 2024, M. C... B..., représenté par Me Marie Lepeuc, demande à la cour :

- de rejeter la requête ;

- de confirmer le jugement d'annulation du 9 mai 2023 ;

- d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, en tout état de cause, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxes à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- le tribunal n'a pas omis de mentionner ses actes d'état-civil et a écarté l'allégation de contrefaçon ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la mise à l'écart de ses actes d'état-civil résulte d'une erreur de droit et de fait et est entachée d'un vice de procédure en méconnaissance des dispositions de l'article R.142-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- la décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Par une ordonnance du 17 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 février 2024.

Par une décision du 7 décembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai a accordé l'aide juridictionnelle partielle à M. C... B... et fixé la contribution de l'Etat à 55 %.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant guinéen, déclare être né le 15 mai 2003 à Conakry en Guinée et être entré en France le 17 août 2019. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance par un jugement du 25 octobre 2019 du juge des enfants. Le 7 avril 2021, M. B... a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 devenu l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 septembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Le préfet de la Seine-Maritime interjette appel du jugement n°2300144 du tribunal administratif de Rouen du 9 mai 2023 qui a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. B... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 600 euros à lui verser au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement :

2. Si le préfet fait grief au tribunal d'avoir omis de mentionner l'absence d'état-civil recevable de M. B..., il ressort du point 3 du jugement attaqué que celui-ci a émis la réserve que " l'acte de naissance de l'intéressé eût été contrefait ", mais a considéré que, " eu égard à l'insertion sociale et professionnelle particulière du requérant qui a reconstitué sur le territoire français sa vie privée ", le préfet de la Seine-Maritime ne pouvait rejeter sa demande de titre de séjour sans méconnaître les stipulations précitées de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'appréciation portée sur la qualité des pièces d'état-civil produites par le requérant relève, au demeurant, du bien-fondé et non de la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2022 :

S'agissant du moyen retenu par le tribunal administratif de Rouen :

3. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... était présent en France depuis trois ans à la date de l'arrêté attaqué. S'il a suivi, sous contrat d'apprentissage, une formation de maintenance de services en 2020-2021 et une formation de menuisier installateur en 2021-2022, qui lui a permis d'obtenir un certificat d'aptitudes professionnelles (CAP) dans ce domaine, il ne peut utilement se prévaloir de la formation de menuisier fabricant qu'il a suivie en 2022-2023, ni du CAP qu'il a obtenu à ce titre en 2023, non plus que du contrat de travail à durée indéterminée qu'il a signé le 2 février 2024 dans la mesure où ces éléments sont postérieurs à l'arrêté attaqué. Si cinq personnes témoignent le fréquenter à titre amical et se portent garant de son intégrité - un couple attestant le 30 septembre 2022 l'héberger depuis moins de six mois -, ces éléments ne sont pas suffisants pour caractériser la stabilité et l'intensité de ses liens personnels en France, alors qu'il n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Ainsi, et nonobstant les appréciations élogieuses portées sur son intégration et son parcours de formation, le préfet de la Seine-Maritime, en refusant d'admettre M. B... au séjour, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis.

5. Ainsi, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté du 15 septembre 2022 du préfet de la Seine-Maritime refusant d'admettre M. B... au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen et repris dans son mémoire en défense dans le cadre de l'instance d'appel. Il doit cependant être regardé comme ayant abandonné le moyen tiré de l'incompétence du signataire des trois décisions contenues dans l'arrêté attaqué.

S'agissant des autres moyens soulevés par M. B... en première instance :

Quant à la décision portant refus de titre de séjour :

7. En premier lieu, M. B... reproche au préfet de ne pas avoir procédé à l'examen particulier de sa situation.

8. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué, qui analyse notamment l'ensemble des pièces produites par M. B... pour justifier de son identité, que le préfet a procédé à l'examen approfondi de sa situation personnelle, même si certains éléments de celle-ci ne sont pas mentionnés. Le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de sa situation doit ainsi être écarté.

9. En deuxième lieu, M. B... soutient que l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. D'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".

11. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

12. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiant de son état civil ; / 2° Les documents justifiant de sa nationalité ; (...) / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...). ". Aux termes de l'article L. 811-2 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions à l'article 47 du code civil ". Aux termes de ce dernier article : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ".

13. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

14. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

15. Tout d'abord, M. B... fait grief au préfet de la Seine-Maritime d'avoir écarté les actes d'état-civil qu'il a produits à l'appui de sa demande de titre de séjour.

16. Pour refuser de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité, le préfet de la Seine-Maritime a estimé que l'intéressé ne justifiait pas de son état-civil et, notamment, de sa date de naissance, par la production d'un jugement supplétif du 31 juillet 2019 tenant lieu d'acte de naissance, de deux extraits du registre de l'état-civil de Conakry datés du 19 août 2019 et du 19 septembre 2019 portant transcription de ce jugement, de sa carte d'identité consulaire délivrée par l'ambassade de Guinée le 23 février 2021 et de sa demande de passeport du 27 avril 2022.

17. D'une part, le jugement supplétif et l'extrait du registre d'état civil ont été soumis par le préfet de la Seine-Maritime à l'examen technique de la cellule spécialisée dans la fraude documentaire de la direction interdépartementale de la police aux frontières du Havre qui a conclu, le 29 avril 2022, à leur caractère irrégulier, dans un contexte de " fraude généralisée au niveau de l'état-civil " de Guinée. Il ressort du rapport établi par cette cellule que ces deux documents ne sont pas légalisés, qu'ils comportent des mentions pré-imprimées imparfaitement alignées et centrées et qu'une partie du timbre sec est absent.

18. D'autre part, la carte d'identité consulaire et la demande de passeport ne sont pas des actes d'état-civil mais constituent des documents à usage interne à l'administration guinéenne, insuffisants pour prouver l'identité de leur bénéficiaire sur le territoire français, d'autant moins qu'ils ne sont pas revêtus de sa signature et que sa carte consulaire mentionne Ratoma comme lieu de naissance, alors que les actes d'état-civil guinéens indiquent la ville de Conakry.

19. Enfin, le préfet s'est fondé sur deux documents révélant une autre date de naissance de M. B..., d'une part, le relevé décadactylaire de la plateforme Visabio qui a permis de constater que M. B... avait précédemment sollicité un visa touristique au consulat italien de Dakar, en faisant état d'une date de naissance le 24 septembre 1994 à Dubreka en Guinée, d'autre part, la note sociale du 17 février 2021 émise par le chef du service socio-éducatif d'un foyer d'accueil de l'enfance indiquant que l'intéressé avait produit lors de son accueil un acte de naissance délivré le 2 juin 2003 dont l'analyse documentaire avait révélé qu'il était un document volé vierge. M. B... n'apporte aucune explication sur le document frauduleux produit en foyer d'accueil et se borne à indiquer qu'il devait se déclarer majeur au consulat italien de Dakar pour pouvoir obtenir un visa touristique afin d'entrer en Europe.

20. Ensuite, M. B... conteste la légalité de la consultation de la plateforme Visabio dont les données lui sont opposées par le préfet.

21. Aux termes de l'article R. 142-4 de ce code : " Ont accès aux données à caractère personnel et aux informations enregistrées dans le traitement automatisé mentionné à l'article R. 142-1 [traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "Visabio"], à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître : 1° Les agents du ministère des affaires étrangères et du ministère chargé de l'immigration participant à l'instruction des demandes de visa, individuellement désignés et spécialement habilités par le ministre dont ils relèvent ; / 2° Les agents des préfectures (...) et ceux chargés de l'application de la réglementation relative à la délivrance des titres de séjour, au traitement des demandes d'asile et à la préparation et à la mise en œuvre des mesures d'éloignement individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet. (...) ".

22. M. B... soutient que l'habilitation de l'agent ayant procédé à la consultation du fichier " Visabio " n'est pas établie par le préfet et que cette carence procède d'une méconnaissance de l'article R. 142-4 de ce code. Toutefois, les dispositions précitées désignent les agents du ministère chargé de l'immigration participant à l'instruction des demandes de visa, comme destinataires des données du traitement " Visabio " et il ressort des pièces du dossier que la consultation du fichier a été effectuée par un brigadier-chef de police en fonction au service de la police aux frontières territorial de Rouen en exécution des instructions contenues dans le soit-transmis du 25 novembre 2019 du substitut placé près le tribunal de grande instance de Rouen. Les allégations de M. B... relatives à un prétendu défaut d'habilitation ne sont étayées par aucun élément objectif, et ne sont, dès lors, pas de nature à faire naître un doute sur l'habilitation de l'agent qui a procédé à cette consultation. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité de la consultation de la plateforme Visabio ne peut qu'être écarté.

23. Enfin, M. B... reproche au préfet de ne pas avoir tiré les conséquences du jugement du 25 octobre 2019 du juge des enfants au tribunal administratif de Rouen.

24. Contrairement à ce que prétend M. B..., le jugement du 25 octobre 2019 qui ordonne son placement au service de l'aide sociale à l'enfance de la Seine-Maritime ne vaut pas reconnaissance de la date de naissance revendiquée par l'intéressé. Ce jugement, qui ne prend pas position avec certitude sur son âge mais relève qu'il existe un doute sur sa minorité qui doit lui profiter, n'emporte aucune constatation de fait retenue par le juge judiciaire de nature à s'imposer au juge administratif.

25. Il résulte de ce qui précède que, compte tenu du manque de caractère probant de ses actes d'état civil, M. B... n'établit pas avoir été confié au service de l'aide sociale à l'enfance (ASE) avant l'âge de dix-huit ans. Par suite, en considérant que faute de justification probante de la date de naissance de M. B..., il n'a pu vérifier la satisfaction des conditions liées à son âge au moment de son placement à l'ASE, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

26. En troisième lieu, M. B... reproche au préfet d'avoir commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

27. Ainsi qu'il a été dit au point 4, compte tenu notamment de la faible durée de la présence en France de M. B... et de son statut de célibataire sans charge de famille, non dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre au séjour.

Quant à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

28. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet a procédé à l'examen approfondi de sa situation personnelle, même si certains éléments de celle-ci ne sont pas mentionnés. Le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de sa situation doit ainsi être écarté.

29. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour contre l'obligation de quitter le territoire français.

30. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment en réponse aux conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que l'obligation faite à M. B... de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

Quant à la décision fixant le pays de destination :

31. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

32. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 15 septembre 2022, a enjoint à l'administration de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler et a mis à la charge de l'Etat le versement à l'intéressé de la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... :

33. Il suit de là que les conclusions présentées par voie d'appel incident par M. B... et tendant à ce que le préfet de la Seine-Maritime lui délivre une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", ou, subsidiairement, réexamine sa situation et, en tout état de cause, lui délivre un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ; doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

34. Partie perdante à l'instance, M. B... ne peut voir accueillies ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 9 mai 2023 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... B... tant devant le tribunal administratif de Rouen que devant la cour est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... B....

Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 18 avril 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandLa présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Nathalie Roméro

N°23DA00976 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00976
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : LEPEUC

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;23da00976 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award