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07/05/2024 | FRANCE | N°23DA00077

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 07 mai 2024, 23DA00077


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Bouygues Travaux publics Régions France a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision de la commune de Wissant du 31 mai 2016 rejetant sa demande indemnitaire et de condamner la communauté de communes de la Terre des 2 Caps (CCT2C), ou la commune de Wissant dans l'hypothèse où celle-ci n'aurait pas été substituée par la communauté de communes, ou ces deux collectivités solidairement, à lui verser la somme de 1 337 410,89 euros hors taxes, a

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bouygues Travaux publics Régions France a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision de la commune de Wissant du 31 mai 2016 rejetant sa demande indemnitaire et de condamner la communauté de communes de la Terre des 2 Caps (CCT2C), ou la commune de Wissant dans l'hypothèse où celle-ci n'aurait pas été substituée par la communauté de communes, ou ces deux collectivités solidairement, à lui verser la somme de 1 337 410,89 euros hors taxes, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée applicable, des intérêts moratoires pour un montant de 370 362,92 euros et de la capitalisation de ces intérêts, au titre du règlement du marché de travaux conclu le 5 mai 2014 pour la reconstruction du perré de protection de Wissant.

Par un jugement n° 1904728 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 janvier 2023, et des mémoires enregistrés les 8 janvier 2024 et 21 février 2024, la société Bouygues Travaux publics Régions France, représentée par Me Cabanes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 novembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 31 mai 2016 par laquelle la commune de Wissant a rejeté sa demande indemnitaire ;

3°) de condamner la communauté de communes de la Terre des 2 Caps (CCT2C), ou la commune de Wissant dans l'hypothèse où celle-ci n'aurait pas été substituée par la communauté de communes, ou ces deux collectivités solidairement, à lui verser la somme de 1 337 410,89 euros hors taxes, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée applicable, des intérêts moratoires pour un montant de 368 487,26 euros et de la capitalisation de ces intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la CCT2C et de la commune de Wissant une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant qu'il mentionne qu'aucune mise en demeure d'établir le décompte général n'a été adressée au maître d'ouvrage, alors qu'elle avait produit devant le tribunal un courrier de mise en demeure daté du 17 octobre 2018 ;

- ses conclusions tendant au paiement du solde du marché étaient recevables dès lors que le mémoire accompagnant son projet de décompte final du 28 avril 2016, qui se rapporte à un différend préexistant, doit être regardé comme un mémoire en réclamation au sens de l'article 50.1.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux dans sa version approuvée par l'arrêté du 8 septembre 2009 ;

- le mémoire précité a pour objet de présenter des demandes financières en lien avec les conditions d'exécution du marché, fait suite à un différend déjà né avec le maître de l'ouvrage à la date de son établissement et répond aux caractéristiques d'un mémoire en réclamation au sens de l'article 50.1.1, alors même qu'aucune décision du maître de l'ouvrage n'est intervenue sur le décompte ;

- les conclusions indemnitaires présentées devant le tribunal administratif reprennent les demandes financières figurant dans le mémoire en réclamation, sous réserve d'ajustements liés à des corrections de calcul ;

- l'absence de notification du décompte général l'autorisait à saisir le tribunal administratif dès lors qu'elle avait mis en demeure le représentant du pouvoir adjudicateur, le 17 octobre 2018, de procéder à l'établissement de ce décompte dans les conditions prévues par l'article 13.4.2 du CCAG ; à cet égard, son projet de décompte final a été transmis au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage et comportait l'ensemble des pièces requises par l'article 13.1.7 du CCAG ; le caractère incomplet ou irrégulier du projet de décompte final ne faisait pas obstacle à ce qu'elle mette le maître d'ouvrage en demeure d'établir le décompte général ; la mise en demeure a été régulièrement adressée à la CCT2C, qui s'est substituée à la commune de Wissant comme maître d'ouvrage le 1er janvier 2018 ;

- elle a de nouveau procédé à une telle mise en demeure le 9 décembre 2022 auprès de la commune de Wissant et le 14 décembre 2022 devant la CCT2C ;

- l'engagement à rechercher la médiation de l'expert désigné par le maître d'ouvrage avant toute procédure, prévu à l'article 11 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), n'est pas prescrit à peine d'irrecevabilité ;

- les stipulations de l'article 11 du CCAP ont été respectées ;

- elle est en droit de solliciter la condamnation de la CCT2C et de la commune de Wissant en raison du désaccord entre ces deux collectivités sur les conditions et la portée du transfert de l'ouvrage et sur les conséquences en résultant sur la gestion du marché litigieux ;

- les articles 2.1 de l'acte d'engagement et 3.3.3 du CCAP prévoient que les travaux sont rémunérés par application, aux quantités réellement exécutées, des prix unitaires figurant au bordereau de prix, sans que la collectivité puisse lui opposer le détail estimatif qui ne comporte aucun engagement de l'entreprise à ne pas dépasser les quantités prévues ;

- il convient de prendre en compte les quantités appréciées par l'entreprise au moyen du logiciel de son choix, ainsi que l'autorise le marché, quand bien même ces quantités n'ont pas fait l'objet de relevés contradictoires avec le maître d'œuvre ou ont donné lieu à des relevés différents en raison de l'utilisation d'un autre logiciel par ce dernier ;

- elle a droit, sur la base des prix n° 1105 à 1109, 1112 à 1115, 1602, 1703, 1804, 2124, 2102, 2104 et 2202, au règlement d'une somme totale de 190 765,34 euros hors taxes compte tenu des quantités réellement exécutées pour les travaux d'excavation, la mise en place du géotextile de filtration, la fourniture de grave, la fourniture de " tout-venant 1-100 kg ", la fourniture et la pose d'enrochements de 300-500 kg, d'enrochements libres de 3 à 5 tonnes et d'enrochements sélectionnés supérieurs à 8 tonnes, la fourniture et la mise en œuvre d'un béton de propreté, la construction d'un mur de couronnement massif en béton armé, le démontage et le stockage d'enrochements existants de 1 à 3 tonnes, la mise en place d'enrochements récupérés, la réalisation de l'assise de la rampe de la rue Davids, la fourniture et la pose de blocs " emmarchement s EA4 avaloirs ", la fourniture et la mise en œuvre d'une couche de forme en matériaux insensibles à l'eau, l'exécution d'une couche de cure, et un ensemble de prestations d'assainissement et de drainage ;

- elle a réalisé des travaux supplémentaires pour un montant total de 124 792,55 euros hors taxes, correspondant à la réalisation du muret anti-affouillement de la rampe sud, au prolongement de l'escalier n° 2, à des travaux préparatoires complémentaires pour la réalisation de la rampe Arlette Davids, la mise en œuvre de petits enrochements permettant de combler les vides laissés dans la carapace de l'ouvrage, la réalisation d'embrèvements pour les joints de construction du mur " chasse mer " et de son massif de fondation, la réalisation de joints de dilatation et de construction pour ce mur et ses fondations, et la mise en œuvre de la peinture époxy ;

- les travaux supplémentaires concernant le muret anti-affouillement, le prolongement de l'escalier n° 2, et la réalisation de la rampe Arlette Davids ont donné lieu à des ordres de service n° 16, 17 et 15 qui attestent que les modifications ont été décidées par le maître d'ouvrage, et sur lesquels elle a émis des réserves ;

- les travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service ne résultent pas d'un défaut de mise en œuvre, étaient indispensables pour achever l'ouvrage dans les règles de l'art, et ont donné lieu à des demandes orales du maître d'ouvrage ou ont été validés par le maître d'œuvre ;

- elle a supporté des sujétions techniques imprévues pour un montant total de 609 206 euros hors taxes, résultant de la prolongation de la durée des études et de modifications du projet, qui ont nécessité la mobilisation de moyens supplémentaires importants, des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des tubes P13, P312/P313 et de ceux de l'escalier n° 2, du changement de mode opératoire des escaliers en raison d'une augmentation significative des ratios d'armature et du changement de mode opératoire de la rampe sud sur tubes ;

- ces sujétions sont imprévisibles et extérieures aux parties ;

- à défaut, les travaux résultant de ces sujétions devraient être indemnisés en raison de leur caractère indispensable ;

- elle a droit au moins à une indemnisation d'un montant de 8 136,90 euros hors taxes, que l'expert a reconnu dans le cadre de la médiation ;

- les armatures ne sont pas rémunérées par un prix unitaire spécifique, mais intégrées au prix unitaire du mètre cube de béton, de telle sorte que les ratios d'armatures calculés dans son mémoire technique revêtent un caractère contractuel et que tout surcoût lui ouvre droit à indemnisation ;

- les prestations dont l'indemnisation est demandée au titre des sujétions techniques imprévues ne sont pas comprises dans les prix prévus au marché ;

- le retard dans le démarrage du chantier, qui ne lui est pas imputable, et le refus du maître d'ouvrage de reporter la date fixée pour la fin des travaux, ainsi que les mesures d'accélération du chantier rendues nécessaires pour ne pas retarder le chantier en dépit des sujétions techniques imprévues, ont exigé la mobilisation de moyens supplémentaires de matériel et de main d'œuvre pour un montant total de 230 965 euros hors taxes ;

- la prolongation des délais d'études, l'évolution des modes opératoires et les mesures d'accélération précitées ont nécessité une mobilisation plus importante que prévu de moyens d'encadrement et de maîtrise, représentant un surcoût de 181 682 euros hors taxes ;

- les bases de calcul de ce poste de réclamation sont précisées dans le mémoire en réclamation ;

- des intérêts moratoires lui sont dus, sur la base d'un taux de 8 %, sur les sommes correspondant aux déclarations modificatives de sous-traitance, pour un montant de 10 816,62 euros, sur la somme réclamée au titre de la situation n° 12 de novembre 2015, pour un montant de 298 202,98 euros, et sur la somme réclamée au titre du solde du marché, pour un montant de 59 467,75 euros ;

- sa demande de versement des intérêts moratoires est recevable dès lors que l'absence de transmission d'un décompte général et définitif ne fait pas obstacle au déclenchement du délai de paiement, que l'article 11 du CCAP ne fait pas obstacle non plus à une demande de versement des intérêts moratoires, qu'aucun texte ne prévoit la suspension du cours des intérêts en cas de médiation, que les intérêts moratoires demandés au titre du solde du marché ont commencé à courir le 29 mai 2016, à l'expiration du délai de mandatement déclenché par la réception du projet de décompte final le 29 avril 2016, et que la commune de Wissant a admis le caractère régulier de ce projet de décompte ;

- les conclusions reconventionnelles de la commune sont irrecevables dès lors qu'elle a été substituée par la CCT2C ;

- ces conclusions sont infondées dès lors que la délivrance de l'ordre de service de préparation le 27 août 2014 et de l'ordre de service de démarrage des travaux le 27 octobre 2014, avec deux mois de retard, n'a pas permis de respecter le délai de douze mois sur lequel elle s'était engagée, que le maître d'œuvre n'a pas procédé à une constatation du retard dans les conditions de l'article 4.3.2 du CCAG, et que la durée du marché a été prolongée de huit jours par un avenant n° 1 du 1er décembre 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2023, et des mémoires enregistrés les 26 décembre 2023, 23 janvier 2024, 16 février 2024 et 21 mars 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Wissant, représentée par Me Borrel, conclut, à titre principal, au rejet de la requête pour irrecevabilité, à titre subsidiaire, à sa mise hors de cause et, à titre infiniment subsidiaire, au rejet des conclusions indemnitaires de la société Bouygues Travaux publics Régions France et à la condamnation de cette société à lui verser la somme de 261 202 euros au titre des pénalités de retard dans l'exécution du chantier et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est suffisamment motivé ;

- les conclusions indemnitaires de la société requérante sont irrecevables dès lors que le projet de décompte final adressé le 28 avril 2016 ne mentionne aucun différend ; ce document n'a pas été établi conformément aux articles 3.6 du CCAP et 13.7 du CCAG ; il comporte une déclaration de sous-traitance portant une date postérieure à celle de son établissement ; aucun mémoire en réclamation ne lui a été présenté postérieurement au rejet, le 31 mai 2016, du projet de décompte final ; le mémoire joint à ce projet a pour objet d'en expliquer le contenu et non de présenter une réclamation ; ce mémoire n'est pas dissociable du projet de décompte final et ne peut constituer un mémoire en réclamation au sens de l'article 50.1.1 du CCAG dans sa version approuvée par l'arrêté du 8 septembre 2009 ; aucun différend n'existait à la date du projet de décompte en l'absence de décision du maître d'ouvrage sur le décompte ; la société requérante ne saurait se prévaloir de l'engagement d'une procédure de médiation ; elle ne justifie pas avoir mis en demeure le maître d'ouvrage de procéder au décompte général en l'absence de projet de décompte final préalablement établi et transmis au maître d'œuvre dans des conditions régulières ;

- ces conclusions sont encore irrecevables dès lors que la société requérante ne produit pas le rapport de l'expert mandaté par le maître d'ouvrage et ne justifie pas du respect de la procédure de médiation prévue par l'article 11 du CCAP ;

- elle doit être mise hors de cause dès lors qu'en application de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015, la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations a été confiée aux communautés de communes à compter du 1er janvier 2018 ;

- la CCT2C s'est donc substituée à elle, à compter du 1er janvier 2018, dans les droits et obligations nés du marché public litigieux quand bien même ces obligations trouvent leur origine dans un évènement antérieur au transfert de compétence ;

- ce marché était toujours en cours d'exécution lors du transfert de compétences, en l'absence de levées des réserves et d'établissement du décompte définitif ;

- la CCT2C n'est pas fondée à appeler la commune de Wissant en garantie dès lors qu'elle n'établit pas les manquements qu'elle impute à la commune ; le différend opposant l'administration à la société requérante fait obstacle à l'établissement d'un décompte définitif ; le montant du solde du marché, seul en litige, est très inférieur au coût des travaux prévus par ce marché et financés par la commune ; par sa conception, sa localisation et ses caractéristiques techniques, l'ensemble de l'ouvrage, y compris la promenade qui en est indissociable, ressortit de la compétence de la CCT2C ; le transfert de compétences fait obstacle à tout appel en garantie ;

- l'article 3.3 du CCAP prévoit que le titulaire ne peut prétendre à aucun supplément de prix ;

- les stipulations du CCAG prévoient que le titulaire s'engage à réaliser l'ouvrage conformément au marché ;

- les conditions de calcul des quantités sont précisées par plusieurs détails de prix ; le détail quantitatif estimatif trouve à s'appliquer dans l'hypothèse prévue par l'article 17.2 du CCAG ;

- le bordereau des prix unitaires et le détail estimatif constituent des pièces contractuelles ;

- la société requérante ne saurait se prévaloir des relevés établis non contradictoirement à l'appui de sa demande, dès lors que l'article 4.9.2 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), qui prévaut sur l'article 13 du CCAG, lui impose de vérifier les quantités exécutées au vu de levés topographiques et bathymétriques établis de façon contradictoire ;

- la société requérante n'établit pas que seuls les relevés issus de son logiciel correspondent aux quantités réellement mises en œuvre ;

- les conditions pour une indemnisation des quantités de travaux réellement exécutées ne sont pas satisfaites, en ce qui concerne le prix n° 1105, dès lors que le montant des travaux est inférieur au vingtième du montant du marché, que la quantité exécutée est inférieure à 4/3 de la quantité figurant sur le détail estimatif et que l'augmentation des quantités est le fait de la société requérante ;

- ces conditions ne sont pas remplies non plus en ce qui concerne le prix n° 1106 dès lors que les quantités s'y rapportant sont contractuellement fixées dans les plans d'exécution, que la société n'établit ni les écarts de quantités, ni la circonstance que le maître d'œuvre aurait soustrait l'épaisseur des joints de son calcul, que cet argumentaire est un motif nouveau de réclamation irrecevable en application de l'article 50.3.1 du CCAP, et que les sujétions de découpe sont incluses dans le prix ;

- les quantités se rapportant au prix n° 1107 ne donnent lieu à aucune rémunération supplémentaire dès lors que le prix est fixé selon les mètres cubes théoriques relevés dans les plans d'exécution visés par le maître d'œuvre, que ces plans ne sont pas produits, que le montant avancé par la société ne correspond pas à la méthode de calcul définie dans le bordereau des prix unitaires ;

- aucune indemnisation n'est due au titre des quantités rémunérées sur la base du prix n° 1108 dès lors que cette quantité est contractuellement définie en fonction de la profondeur des terrassements, que l'augmentation des quantités est le fait de l'entreprise, et que la clause de tolérance d'exécution ne donne droit à aucun supplément de prix ;

- la réclamation se rapportant aux prix n° 1109, 1113, 1602 est infondée dès lors que la société ne produit pas les levés topographiques avant et après travaux, validés par le maître d'œuvre, et qu'elle ne justifie pas de l'existence de quantités supplémentaires ;

- les relevés bathymétriques effectués par le maître d'œuvre indiquent une différence de quantité de 49,89 mètres carrés en ce qui concerne le prix n° 1703, correspondant à un montant de 1 385,34 euros hors taxes ;

- la réclamation concernant les quantités rémunérées sur la base du prix n° 1804 est irrecevable dès lors qu'elle excède les valeurs de tolérance prévues par l'article 5.4.3.12 du CCTP ;

- elle est infondée dès lors que le prix a été retenu par le maître d'œuvre sur la base du plan d'exécution, lequel comporte l'ensemble des informations permettant de calculer le cubage mis en œuvre, que le plan joint à la requête n'a pas été validé par le maître d'œuvre, et que la société s'est engagée à ne pas dépasser la quantité de 120 mètres cubes ;

- aucun supplément de rémunération n'est dû sur la base du prix n° 1114 dès lors que la société s'était engagée à ne pas dépasser la quantité de 175 mètres carrés, que la réclamation dépasse les valeurs de tolérance de construction, que le marché ne prévoit pas de béton de propreté sous la surface du mur chasse mer, et que ni la modification apportée par la société au plan d'exécution, ni le surcoût en résultant n'ont été visés par le maître d'œuvre ;

- la demande se rapportant aux quantités rémunérées par le prix n° 1115 est infondée dès lors que la société n'établit pas l'impossibilité technique de réaliser l'ouvrage conformément aux plans d'exécution, que les travaux ne correspondent pas à ces plans, que la modification n'a pas été validée par le maître d'œuvre et que la société s'était engagée à ne pas dépasser les quantités prévues ;

- la société a établi un calepinage dépassant le nombre d'avaloirs prévu au marché, sans obtenir le visa du maître d'œuvre qui avait appelé son attention sur ce point à deux reprises, de telle sorte qu'aucune indemnisation ne lui est due sur la base du prix du prix n° 2124 ;

- la réclamation de la société relative aux quantités de PVC est infondée dès lors que les travaux d'assainissement doivent être rémunérés sur la base du prix n° 1115 et non du prix n° 2202 et que ces travaux supplémentaires sont le fait de l'entreprise ;

- les travaux supplémentaires de mise en œuvre d'une couche de forme ne sont pas établis, justifiant le rejet de la demande se rapportant au prix n° 2102 ;

- la société n'établit pas avoir mis en œuvre 513 mètres carrés supplémentaires de couche de cure ni avoir supporté les frais exposés à ce titre pas sa sous-traitante ;

- l'indemnisation des travaux supplémentaires présentée au titre des prix nouveaux notifiés par ordres de service sont irrecevables dès lors que la société requérante ne justifie pas avoir émis des réserves sur les prix proposés, dans le délai de trente jours prévu à l'article 14.5 du CCAG, qu'elle n'a pas demandé l'augmentation des prix nouveaux (PN) n° 08, 09, 10 dans son mémoire en réclamation et qu'elle n'établit pas que le maître d'œuvre aurait sollicité des modifications ; elle est également infondée dès lors que le maître d'œuvre a justifié de façon étayée les éléments du prix retenu ;

- les travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service ne sont pas conformes aux prescriptions du marché, ne sont pas justifiés par la nécessité d'exécuter les travaux dans les règles de l'art et n'ont donné lieu à aucun accord du maître d'œuvre ou du maître d'ouvrage ;

- aucune indemnisation n'est due au titre des sujétions techniques invoquées par la société requérante dès lors que ces sujétions ne présentent pas un caractère imprévisible et extérieur aux parties ; les contradictions entre les différents documents du marché ne sont pas établies ; les études d'exécution et de fabrication sont rémunérées par un prix forfaitaire, quel que soit leur nombre ; la société n'a formulé aucune réserve sur la réalisation des études ; la réalisation d'un joint sur le palier de la rampe sud était prévue et ne constitue pas une modification des données d'entrée, sollicitée par le maître d'œuvre pour cet ouvrage ; la société n'établit pas les modifications du projet par le maître d'œuvre et ne chiffre pas le montant des surcoûts susceptibles d'en résulter ; la société est seule responsable de l'évaluation des ratios d'acier dont le sous-dimensionnement ne lui ouvre pas droit à réparation ; les prix du marché fixés pour la mise en œuvre des tubes P13, P312/P313 et de l'escalier n°2 incluent les sujétions éventuelles ; les surcoûts nés de l'augmentation du ratio d'armature sont imputables à une mauvaise appréciation de la société lors de l'établissement de son offre ; le changement opératoire sur ce point lui est imputable, sans être autorisé par le contrat ; il n'a pas recueilli l'accord du maître d'œuvre ou du maître d'ouvrage ; les surcoûts concernant la réalisation des escaliers ne sont pas envisagés dans le mémoire en réclamation, de telle sorte que la demande sur ce point est irrecevable ; ces surcoûts ne sont pas établis ; la mise en place des soutènements et blindages est comprise dans le marché, correspond au prix n° 1104, et, compte tenu de l'inclusion des escaliers et de la rampe d'accès dans l'emprise de la fouille, n'a pas été rendue nécessaire par l'augmentation des ratios d'acier ; les travaux d'excavation réalisés pour les escaliers et le pied de la rampe sud, qui sont prévus par le marché, correspondent au prix n° 1105 et résultent de choix techniques de la société requérante ; la société n'a pas émis de réserves sur les conditions de rémunération de ces travaux et ne justifie pas du montant réclamé à ce titre ; les demandes correspondant aux surcoûts résultant du changement de mode opératoire de la rampe sud ne sont pas explicitées et n'ont pas été présentées dans le mémoire en réclamation ; la mise en œuvre de dispositifs en consoles résulte d'un choix technique de l'entreprise ; les travaux de mise en place et d'assemblage des aciers verticaux sont compris dans le marché, sont rémunérés sur la base des prix n° 1503 et 1504 et leur adéquation avec les finalités de l'ouvrage incombe à la société ;

- la société n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation d'un prétendu retard dans le déroulement du chantier dès lors que, si l'article 4.4.1 du CCTP prévoit une interruption pendant la période estivale, aucune stipulation contractuelle n'impose un démarrage des travaux en juillet 2014 ; la société requérante s'est engagée à réaliser les travaux au prix proposé quand bien même les travaux commenceraient avec un décalage de deux mois ; elle n'établit pas l'existence de mesures destinées à accélérer le chantier en raison d'une absence de libération des emprises par le génie civil ou d'une multiplication du nombre d'éléments composant le mur chasse-mer ;

- les stipulations du marché font obstacle à l'indemnisation de dépenses supplémentaires résultant de l'encadrement du chantier ; les sujétions ayant conduit, selon la société, à des frais supplémentaires d'encadrement lui sont entièrement imputables ; la société ne justifie pas du surcoût invoqué ;

- la demande de paiement d'intérêts moratoires est irrecevable dès lors que le titulaire a omis de mettre en œuvre la procédure de médiation prévue par l'article 11 du CCAP ; cette demande ne figure pas dans un mémoire en réclamation ; le délai de paiement prévu par l'article 2 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 n'a pas couru en l'absence de décompte général et définitif ; la société ne justifie pas de l'envoi des demandes de paiement concernant ses sous-traitants, ni de la transmission des déclarations modificatives de sous-traitance ; le délai de paiement se rapportant à la situation n° 12 n'a pas été déclenché par le courrier du maître d'œuvre du 7 décembre 2015 ;

- cette demande de paiement des intérêts moratoires est infondée dès lors qu'elle ne tient pas compte, dans son calcul, de la période de médiation contractuelle qui a interrompu le délai de paiement ; ces intérêts portent sur des chefs de réclamation injustifiés ;

- un retard de soixante-et-un jours est imputable à la société requérante dans l'exécution des travaux, justifiant l'application de pénalités pour un montant de 261 202 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2023, un mémoire en réplique enregistré le 23 janvier 2024, et un mémoire enregistré le 26 mars 2024, qui n'a pas été communiqué, la communauté de communes de la Terre des 2 Caps (CCT2C), représentée par Me Billard, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à sa mise hors de cause, à titre subsidiaire, à ce que la commune de Wissant la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre, à titre infiniment subsidiaire, au rejet des conclusions indemnitaires de la société Bouygues Travaux publics Régions France qui ne figurent pas dans le projet de décompte final, ne sont pas étayées ou sont infondées dans leur principe ou leur montant et à ce qu'une somme de 8 000 euros soit mise solidairement à la charge de la société requérante et de la commune de Wissant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est suffisamment motivé ;

- les conclusions d'annulation de la décision du 31 mai 2016 sont irrecevables dès lors que cette décision se rapporte à l'exécution du contrat ;

- les conclusions indemnitaires de la société requérante sont irrecevables dès lors que, en l'absence de décompte général adressé par le maître d'ouvrage à l'issue de la procédure de médiation prévue à l'article 11 du CCAP, la société requérante a omis de le mettre en demeure d'y procéder, que la mise en demeure du 17 octobre 2018 lui a été adressée alors qu'elle n'est pas maître d'ouvrage au sens de l'article 2 du CCAG et que le différend est né de l'exécution des travaux entre la société et la commune de Wissant à une date antérieure au transfert de l'ouvrage le 1er janvier 2018 ;

- elle doit être mise hors de cause dès lors que le marché a été exécuté et les travaux réceptionnés le 27 octobre 2015, à une date antérieure au transfert de compétence de la commune de Wissant à la CCT2C, intervenu le 1er janvier 2018 et que la créance invoquée par la société requérante trouve son origine dans un différend né avant ce transfert, le 31 mai 2016 ;

- elle doit être garantie par la commune de Wissant de toute condamnation prononcée à son encontre dès lors que la créance invoquée par la société requérante correspond aux dépenses engagées par la commune avant le transfert de compétence ; cette créance résulte de manquements imputables à la commune dans l'estimation de ses besoins et dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché ; le perré litigieux a été construit en 2014 afin de lutter contre l'érosion marine et de développer l'activité touristique, qui sont sans rapport avec la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations ; ces dépenses concernent en partie, pour un montant total de 538 471 euros hors taxes, des travaux d'aménagement d'une promenade qui ne lui a pas été transférée ;

- les demandes présentées, d'une part, au titre de la rémunération des quantités réellement exécutées pour la protection en enrochements, d'un montant de 79 547,16 euros hors taxes, le mur de couronnement, d'un montant de 73 476 euros hors taxes, la rampe d'accès au nord du poste de secours, d'un montant de 6 772,5 euros hors taxes, le confortement du mur de l'Atlantique et accès Nord-Est, d'un montant de 1 385,34 euros hors taxes, de la rampe d'accès rue Arlette Davids, d'un montant de 2 336,04 euros hors taxes, de l'aménagement de la promenade, d'un montant de 14 150,60 euros hors taxes et de l'assainissement, d'un montant de 13 097,70 euros hors taxes, et, d'autre part, au titre des travaux supplémentaires concernant le muret anti-affouillement de la rampe sud, d'un montant de 1 355 euros hors taxes, du prolongement de l'escalier n°2, d'un montant de 941 euros hors taxes et de la rampe Arlette Davids, d'un montant de 5 410 euros hors taxes, sont irrecevables dès lors qu'elles ne figurent pas dans le décompte final ;

- la circonstance que ces postes figurent dans le mémoire joint au projet de décompte final est sans incidence sur l'irrecevabilité des demandes s'y rapportant ;

- ce mémoire ne comporte aucun exposé des bases de calcul de la demande relative à l'indemnisation des coûts associés à l'encadrement du chantier, de telle sorte que cette demande est irrecevable ;

- la société requérante ne justifie pas ses demandes de rémunération supplémentaires au titre des quantités de travaux exécutées dès lors que ces quantités sont définies par les seuls plans d'exécution préalablement validés par le maître d'œuvre, que seuls les travaux conformes aux prescriptions du marché sont rémunérés et que la société ne produit aucun levé topographique ou bathymétrique contradictoire ;

- la commune de Wissant, qui admet une différence de quantité de 49,89 mètres carrés en ce qui concerne le prix n° 1703, doit prendre en charge le surcoût correspondant pour un montant de 1 385,34 euros hors taxes ;

- la société requérante ne justifie pas ses demandes au titre des travaux supplémentaires qui ne sont pas conformes au marché, n'ont pas été autorisés par le maître d'œuvre ou le maître d'ouvrage et ne sont pas indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;

- les sujétions dont la société requérante sollicite l'indemnisation ne sont ni imprévisibles, ni exceptionnelles et ne présentent pas de cause extérieure aux parties, de telle sorte qu'elles ne peuvent être indemnisées ;

- les demandes présentées au titre de ces sujétions ne sont pas fondées dans leur principe et dans leur quantum ;

- la demande de paiement d'intérêts moratoires est infondée dès lors que les intérêts se rapportant à la situation n° 12 correspondent à des prestations dont la rémunération n'est pas justifiée et qu'aucun décompte général et définitif n'est intervenu.

Par une ordonnance du 12 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 mars 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de commerce ;

- le code des marchés publics ;

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Michelin, représentant la société Bouygues TPRF, de Me Santini, représentant la CCT2C, et de Me Borrel, pour la commune de Wissant.

Deux notes en délibéré présentée par la commune de Wissant ont été enregistrées les 16 et 17 avril 2024.

Une note en délibéré présentée par la société Bouygues TPRF a été enregistrée le 17 avril 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Wissant (Pas-de-Calais) et la société Bouygues Travaux publics Régions France (TPRF) ont conclu le 22 avril 2014 un marché public de travaux à prix unitaires, d'un montant total estimé à 6 442 973,50 euros hors taxes, afin de réaliser, sous la maîtrise d'œuvre de la société Artelia Eaux et Environnement, la reconstruction du perré de protection situé en bord de mer, incluant l'aménagement d'une promenade. Le chantier, d'une durée contractuellement fixée à douze mois, a commencé le 27 août 2014 par une période de préparation du chantier qui s'est poursuivie, à compter du 27 octobre 2014, par les travaux de gros œuvre. Par un ordre de service n°11 du 4 septembre 2015, le maître d'œuvre a ordonné à la société Bouygues TPRF de poursuivre les travaux malgré le dépassement de la masse initialement prévue, dans la limite de 25 % du montant contractuel. Par un courrier du 16 septembre 2015, la société a accusé réception de cet ordre de service et émis des réserves, en demandant la régularisation des prestations supplémentaires ou modificatives réalisées, une prolongation du délai contractuel et la prise en considération de l'ensemble des quantités présentées dans ses projets de décompte mensuels. L'ouvrage a fait l'objet d'une réception avec réserves le 27 octobre 2015. La société a réitéré ses réserves après avoir reçu un projet d'avenant le 1er décembre 2015, dans lequel il était envisagé de porter le montant du marché à la somme de 6 491 466,37 euros hors taxes. Par un courrier du 28 avril 2016, la société Bouygues TPRF a adressé son projet de décompte final à la commune de Wissant, que celle-ci a rejeté le 31 mai suivant comme irrecevable, tout en informant le titulaire de la désignation d'un expert chargé de la mission de médiation prévue par le marché en cas de différend. Par un courrier du 24 octobre 2017, la commune de Wissant a mis en demeure la société Bouygues TPRF de réaliser les travaux nécessaires à la levée des réserves, sous peine de voir ces travaux confiés à une société tierce à ses frais et risques. La commune de Wissant a ensuite informé la société Bouygues TPRF, le 22 décembre 2017, de la substitution de la communauté de communes de la Terre des 2 Caps (CCT2P) dans ses droits et obligations issus du marché public conclu pour la reconstruction du perré. Par un courrier du 5 mai 2019, le président du conseil de la CCT2P a mis en demeure la société Bouygues TPRF de procéder aux travaux nécessaires à la levée des réserves assortissant la réception de l'ouvrage puis, par un courrier du 27 mai suivant, la même autorité a prononcé la résiliation du marché. La société Bouygues TPRF a alors saisi le tribunal administratif de Lille afin d'obtenir l'annulation de la décision précitée du 31 mai 2016 rejetant son projet de décompte final et la condamnation, à titre principal de la CCT2P, à titre subsidiaire de la commune de Wissant, ou, à défaut des deux collectivités précitées de manière solidaire, à lui verser la somme de 1 337 410,89 euros hors taxes, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée applicable et des intérêts moratoires, en règlement du solde du marché. A titre reconventionnel, la commune de Wissant a demandé au tribunal de condamner la société Bouygues TPRF à lui verser la somme de 261 202 euros au titre de pénalités de retard dans l'exécution du marché. Par un jugement du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la société, ainsi que les conclusions reconventionnelles de la commune de Wissant. La société Bouygues TPRF relève appel de ce jugement et réitère devant la cour l'ensemble de ses conclusions d'annulation et de condamnation. Dans l'hypothèse où elle serait condamnée en qualité de maître de l'ouvrage à régler le solde du marché litigieux, la commune de Wissant sollicite à nouveau la condamnation de la société à lui verser la somme de 261 202 euros au titre de pénalités de retard. La CCT2C conclut au rejet de l'appel, tout en appelant la commune de Wissant en garantie en cas de condamnation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Après avoir, par une décision du 25 août 2022, fixé la clôture de l'instruction à la date du 19 septembre suivant, le tribunal administratif de Lille a informé les parties, le 13 octobre 2022, que le jugement à venir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré, d'une part, de l'irrecevabilité des conclusions de la société Bouygues TPRF tendant à l'annulation de la décision de la commune de Wissant du 31 mai 2016 rejetant le projet de décompte final, dès lors que le juge n'a pas le pouvoir de prononcer l'annulation de mesures prises en exécution d'un contrat, et, d'autre part, de l'irrecevabilité des conclusions reconventionnelles de la commune de Wissant, en conséquence de l'irrecevabilité des conclusions de la requête présentée par la société Bouygues TPRF. A l'appui de ses observations sur ce moyen relevé d'office, la société a produit pour la première fois à l'instance un courrier du 17 octobre 2018 adressé à la CCT2C et présenté comme une mise en demeure faite au maître de l'ouvrage d'établir le décompte général, susceptible de justifier de la recevabilité de ses conclusions visant au règlement du solde du marché. Dans son jugement du 18 novembre 2022, le tribunal administratif a rejeté les conclusions indemnitaires de la société Bouygues TPRF au motif qu'aucun mémoire en réclamation n'avait été présenté, préalablement à la saisine de la juridiction, dans les conditions prévues par les articles 13.3, 13.4 et 51.1.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux (CCAG-Travaux), tout en relevant l'absence de preuve de notification d'une mise en demeure adressée au maître de l'ouvrage de procéder à l'établissement du décompte général du marché. Si la portée du courrier du 17 octobre 2018 a ensuite été discutée entre les parties dans des notes en délibéré qu'elles ont pris l'initiative d'échanger entre elles après l'audience, les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'une insuffisance de motivation sur ce point en se bornant à relever l'absence de notification d'une mise en demeure alors que les échanges entre les parties avant la clôture de l'instruction portaient sur l'existence ou non d'un mémoire en réclamation et que le moyen relevé d'office après cette clôture avait pour objet la recevabilité des conclusions d'annulation de la société Bouygues et des conclusions reconventionnelles de la commune de Wissant. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur les conclusions d'annulation de la société Bouygues TPRF :

4. Le tribunal administratif a rejeté les conclusions de la société Bouygues TPRF tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2016 au motif que le juge du contrat n'a pas le pouvoir de prononcer l'annulation d'une telle mesure d'exécution d'un contrat mais peut seulement rechercher si elle est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Si la société réitère ses conclusions d'annulation devant la cour, il n'appartient pas au juge d'appel, devant lequel la société appelante ne conteste pas la fin de non-recevoir opposée à ces conclusions par le juge de premier ressort, de rechercher d'office si cette fin de non-recevoir a été soulevée à bon droit. Dès lors, les conclusions de la société tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2016 ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires de la société Bouygues TPRF :

5. Aux termes de l'article 13 du CCAG-Travaux, dans sa version approuvée par l'arrêté du 8 septembre 2009 : " 13.3. Demande de paiement finale : / 13.3.1. Après l'achèvement des travaux, un projet de décompte final est établi concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d'exécution des prestations ou à la place de ce dernier. / Ce projet de décompte final est la demande de paiement finale du titulaire, établissant le montant total des sommes auquel le titulaire prétend du fait de l'exécution du marché dans son ensemble, son évaluation étant faite en tenant compte des prestations réellement exécutées. / (...) Ce projet est accompagné des éléments et pièces mentionnés à l'article 13.1.7 s'ils n'ont pas été précédemment fournis. / 13.3.2. Le titulaire transmet son projet de décompte final au maître d'œuvre, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de notification de la décision de réception des travaux (...) / 13.3.3. Le titulaire est lié par les indications figurant au projet de décompte final. / (...) / 13.3.4. Le maître d'œuvre accepte ou rectifie le projet de décompte final établi par le titulaire. Le projet accepté ou rectifié devient alors le décompte final. / (...) / 13.4. Décompte général. - Solde : / 13.4.1. Le maître d'œuvre établit le projet de décompte général qui comprend : / - le décompte final ; / - l'état du solde, établi à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel (...) ; - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. / (...) / 13.4.2. Le projet de décompte général est signé par le représentant du pouvoir adjudicateur et devient alors le décompte général. / Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général avant la plus tardive des deux dates ci-après : / - quarante jours après la date de remise au maître d'œuvre du projet de décompte final par le titulaire ; / - douze jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde. / Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire, dans les délais stipulés ci-dessus, le décompte général signé, celui-ci lui adresse une mise en demeure d'y procéder. L'absence de notification au titulaire du décompte général signé par le représentant du pouvoir adjudicateur, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure, autorise le titulaire à saisir le tribunal administratif compétent en cas de désaccord. / (...) / 13.4.3. A compter de la date d'acceptation du décompte général par le titulaire, selon les modalités fixées par l'article 13.4.4, ce document devient le décompte général et définitif, et ouvre droit à paiement du solde. / 13.4.4. Dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le titulaire renvoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, le décompte général revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. / (...) / En cas de contestation sur le montant des sommes dues, le représentant du pouvoir adjudicateur règle, dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de la notification du décompte général assorti des réserves émises par le titulaire ou de la date de réception des motifs pour lesquels le titulaire refuse de signer, les sommes admises dans le décompte final. Après résolution du désaccord, il procède, le cas échéant, au paiement d'un complément, majoré, s'il y a lieu, des intérêts moratoires, courant à compter de la date de la demande présentée par le titulaire. / Ce désaccord est réglé dans les conditions mentionnées à l'article 50 du présent CCAG (...) ". Aux termes de l'article 50.1.1 du même document : " Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ".

En ce qui concerne la présentation d'un mémoire en réclamation :

6. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 28 avril 2016, la société Bouygues TPRF a adressé tant à la commune de Wissant, maître de l'ouvrage, qu'à la société Artelia Eaux et Environnement, maître d'œuvre, un projet de décompte final accompagné d'un document intitulé " présentation des sommes auxquelles prétend BYTPRF dans son projet de décompte final au titre de l'exécution du marché ". Si ce document se réfère à différents désaccords avec le maître d'œuvre et le maître de l'ouvrage survenus au cours de l'exécution du marché à l'occasion, notamment, de réserves émises après la réception d'un ordre de service le 4 septembre 2015 et d'un projet d'avenant le 1er décembre suivant, il a pour seul objet d'expliciter et de justifier les sommes demandées dans le cadre du projet de décompte final et ne peut donc en être dissocié. Dans ces conditions, le document joint par la société Bouygues TPRF à son projet de décompte final, qui a pour objet d'engager la procédure d'établissement du décompte général, ne peut être regardé comme un mémoire en réclamation présenté dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article 50.1.1 du CCAG-Travaux. La circonstance que, par son courrier du 31 mai 2016, la commune de Wissant a rejeté le projet de décompte final comme " irrecevable " n'a pas pour effet de lui donner le caractère d'un tel mémoire en réclamation. Si ce même courrier annonce la désignation d'un expert chargé d'une mission de médiation conformément à l'article 11 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), la commune a ainsi constaté l'existence d'un différend imposant, selon l'article 11, une telle médiation " au préalable à toute procédure ", sans pour autant reconnaître être saisie d'un mémoire en réclamation. Il n'est pas contesté qu'à la suite de la décision de rejet du 31 mai 2016, la société Bouygues TPRF n'a pas adressé de mémoire en réclamation au maître de l'ouvrage avant d'introduire, trois ans plus tard, sa demande au greffe du tribunal administratif. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ne pouvaient retenir ce motif pour rejeter sa demande comme irrecevable.

En ce qui concerne la mise en demeure du maître de l'ouvrage d'établir le décompte général :

7. Il résulte des dispositions de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, notamment ses articles 56 et 59, dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, que la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) a été rendue obligatoire, se substituant aux actions préexistantes des collectivités territoriales et de leurs groupements, et a été confiée aux communautés de communes à compter du 1er janvier 2018.

8. D'une part, aux termes du I de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 56 de la loi du 27 janvier 2014 : " La communauté de communes exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences relevant de chacun des groupes suivants : (...) / 3° Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dans les conditions prévues à l'article L. 211-7 du code de l'environnement (...) ". L'article L. 211-7 du code de l'environnement prévoit la possibilité d'entreprendre l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations visant notamment, à son 5°, la défense contre les inondations et contre la mer. Aux termes du II de l'article L. 566-12-1 du code de l'environnement, inséré dans ce code par l'article 58 de la loi du 27 janvier 2014 : " Lorsqu'un ouvrage ou une infrastructure qui n'a pas exclusivement pour vocation la prévention des inondations et submersions appartenant à une personne morale de droit public s'avère, eu égard à sa localisation et à ses caractéristiques, de nature à y contribuer, il est mis à la disposition (...) de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent pour la défense contre les inondations et contre la mer par le propriétaire ou le gestionnaire de cet ouvrage ou infrastructure pour permettre de l'utiliser et d'y apporter des aménagements nécessaires pour ce faire (...) / Une convention précise les modalités de la mise à disposition et de la maîtrise d'ouvrage des travaux ainsi que les responsabilités (...) de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent, du propriétaire et du gestionnaire dans l'exercice de leurs missions respectives. La responsabilité liée à la prévention des inondations et submersions est transférée (...) à l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent dès la mise à disposition, sans que le propriétaire ou le gestionnaire de l'ouvrage ne soient tenus de réaliser quelques travaux que ce soit en vue de permettre à l'ouvrage de remplir un rôle de prévention des inondations et submersions (...) / En cas de désaccord sur l'intérêt de la mise à disposition ou la compatibilité de celle-ci avec la fonctionnalité de l'ouvrage ou de l'infrastructure, le représentant de l'Etat dans le département peut être saisi d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au propriétaire ou au gestionnaire de procéder à la mise à disposition ou à ce que soit constatée une incompatibilité (...) ".

9. D'autre part, aux termes de l'article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales : " Le transfert d'une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l'exercice de cette compétence (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 1321-2 du même code : " (...) La collectivité bénéficiaire de la mise à disposition est substituée à la collectivité propriétaire dans ses droits et obligations découlant des contrats portant notamment sur des emprunts affectés, et des marchés que cette dernière a pu conclure pour l'aménagement, l'entretien et la conservation des biens remis ainsi que pour le fonctionnement des services. La collectivité propriétaire constate la substitution et la notifie à ses cocontractants (...) ".

10. En premier lieu, par un courrier du 22 décembre 2017 se référant à la loi précitée du 27 janvier 2014 et aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 du code général des collectivités territoriales, la commune de Wissant a informé la société Bouygues TPRF que la CCT2C lui serait substituée dans ses droits et obligations découlant du marché public de travaux relatif à la reconstruction du perré de protection à compter du 1er janvier 2018. Pour contester une telle substitution, la CCT2C soutient que la créance invoquée par la société Bouygues TPRF trouve son origine dans un différend l'opposant à la seule commune de Wissant, né à l'occasion de l'exécution de travaux réceptionnés avec réserves le 27 octobre 2015, à une date antérieure au transfert de l'ouvrage le 1er janvier 2018. Toutefois, il résulte de l'instruction que le marché litigieux était toujours en cours à la date du transfert, de telle sorte que la communauté de communes s'est entièrement substituée à la commune de Wissant dans les droits et obligations résultant de l'exécution de ce marché, lesquels ne seront définitivement fixés que lors de l'établissement du décompte. Si le projet de construction du perré de protection a pris en compte l'aménagement d'une promenade, d'un poste de secours et de douches publiques, ainsi que l'installation d'un garde-corps, d'une rampe d'accès et de réseaux électriques et d'adduction d'eau, il résulte de l'instruction, notamment des pièces du marché, que l'ouvrage a été construit afin d'assurer un rôle de protection face aux attaques de la houle et aux conséquences de l'érosion marine. Dans ces conditions, les aménagements prévus dans le cadre de l'opération, visant à prendre en compte les aspects touristiques et urbanistiques de l'ouvrage sans pour autant donner à celui-ci une autre vocation que celle de prévenir les inondations et les submersions, ne sont pas de nature à faire obstacle à la substitution de la CCT2C à la commune de Wissant dans les droits et obligations nés de ce marché. La mise à disposition du perré au profit de la CCT2C est intervenue de plein droit à la date du transfert de la compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, impliquant la substitution de la communauté de communes à la commune de Wissant dans les droits et obligations du marché, sans que l'absence de convention entre les deux collectivités précisant les modalités de cette mise à disposition s'y oppose. Au demeurant, par un courrier du 5 mars 2019, la CCT2C a rappelé à la société requérante qu'elle avait repris le marché de construction du perré en conséquence du transfert de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, et a mis en demeure la société de procéder à la levée des réserves émises le 27 octobre 2015 lors des opérations de réception des travaux. Par un courrier du 27 mai 2019, la CCT2C a encore, en sa qualité de maître de l'ouvrage, prononcé la résiliation du marché et convoqué la société à une réunion de constatations des travaux exécutés en vue de l'établissement du décompte de résiliation.

11. En second lieu, ainsi qu'il a été dit plus haut, la société Bouygues TPRF a adressé le 28 avril 2016 son projet de décompte final tant au maître d'œuvre qu'au maître de l'ouvrage. Si la société a omis d'adresser au maître d'œuvre une lettre recommandée avec accusé de réception, pourtant prévue à l'article 3.6 du CCAP, cette circonstance n'a pas eu pour effet de retirer au document transmis le caractère d'un projet de décompte final dont il n'est pas sérieusement contesté qu'il a été reçu par le maître d'œuvre. Il ne résulte pas de l'instruction que ce projet de décompte final, auquel était joint un document justifiant des demandes de la société, aurait été incomplet, contrairement à ce qu'a estimé la commune de Wissant dans son courrier du 31 mai 2016 le rejetant comme " irrecevable " sans donner aucune précision sur la nature des éléments et pièces mentionnés à l'article 13.1.7 du CCAG-Travaux qui auraient manqué dans l'envoi de la société. A cet égard, il n'est aucunement démontré par l'administration que le maître d'œuvre n'aurait pas eu à sa disposition les métrés nécessaires au calcul des quantités ou les informations utiles concernant le sous-traitant Citéos, qui a fait l'objet d'une déclaration dès le 16 mars 2015, ainsi qu'il ressort de l'acte spécial modificatif signé le 8 juillet 2016. Il est constant qu'aucune suite n'a été donnée à la demande de la société par le maître d'œuvre et par le maître de l'ouvrage, qui n'a pas établi de décompte général. Par un courrier du 17 octobre 2018 auquel était joint son projet de décompte final et le mémoire justifiant des montants sollicités dans le cadre de ce projet, la société Bouygues TPRF a demandé à la CCT2C, substituée à la commune de Wissant comme maître de l'ouvrage, de lui notifier le décompte général afin de procéder au solde financier du marché. Ce courrier, que la CCT2C ne conteste pas avoir reçu, revêt le caractère d'une mise en demeure au sens des stipulations, citées au point 5, de l'article 13.4.2 du CCAG-Travaux. Il n'est pas contesté que la CCT2C n'a jamais répondu à ce courrier, de telle sorte que la société Bouygues TPRF était autorisée à saisir le tribunal administratif compétent en cas de désaccord, ainsi qu'il est prévu par les mêmes stipulations. Par suite, la société Bouygues TPRF est fondée à soutenir que sa demande présentée le 6 juin 2019 au tribunal administratif n'était pas irrecevable.

En ce qui concerne les autres fins de non-recevoir opposées devant le tribunal administratif :

12. En premier lieu, aux termes de l'article 11 du CCAP applicable au marché litigieux : " S'il apparaît un différend entre le titulaire et le maître d'ouvrage du fait de l'exécution du marché, tant en termes techniques que financiers, le titulaire s'engage au préalable à toute procédure à rechercher la médiation de l'expert mandaté par le maître d'ouvrage ". Il résulte de l'instruction que, saisie du projet de décompte final présenté par la société Bouygues TPRF, la commune de Wissant a désigné un médiateur qui a remis, au cours du mois d'août 2017, un rapport préconisant de fixer le solde du marché à la somme de 18 479,06 euros. Par suite, la société requérante doit être regardée comme ayant recherché la médiation de l'expert dans les conditions prévues par les stipulations précitées, avant de saisir le juge.

13. En deuxième lieu, les mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative ont qualité, devant les tribunaux administratifs, pour représenter les parties et signer en leur nom les requêtes et les mémoires sans avoir à justifier du mandat par lequel ils ont été saisis par leur client. La présentation d'une action par un de ces mandataires ne dispense pas le tribunal administratif de s'assurer, le cas échéant, lorsque la partie en cause est une personne morale, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour engager cette action. Une telle vérification n'est toutefois pas normalement nécessaire lorsque la personne morale requérante est dotée, par des dispositions législatives ou réglementaires, de représentants légaux ayant de plein droit qualité pour agir en justice en son nom. Il résulte de l'article L. 227-6 du code de commerce applicable aux sociétés par actions simplifiée, en vertu duquel le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et représente celle-ci dans ses rapports avec les tiers, que cette personne a de plein droit qualité pour agir en justice au nom de la société. Il résulte de l'instruction que la demande dont était saisi le tribunal administratif de Lille était signée par l'avocat mandaté par la société requérante et mentionnait qu'elle était présentée pour la société par actions simplifiée Bouygues TPRF représentée par son représentant légal. Par suite, la commune de Wissant n'est pas fondée à soutenir que la demande de la société Bouygues TPRF est irrecevable en l'absence de justification de la qualité à agir de son représentant légal.

14. En dernier lieu, il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, la prise en compte de l'objectif de sécurité juridique, qui implique notamment que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est assurée, pour le règlement financier d'un marché et à défaut de stipulation contractuelle invoquée par les parties, par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics. Par suite, la circonstance que la société Bouygues TPRF a saisi le tribunal administratif plus d'un an après le courrier précité du 31 mai 2016 ne fait pas obstacle à la recevabilité de sa demande.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bouygues TPRF est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions indemnitaires comme irrecevables. Par suite, ce jugement doit être annulé dans cette mesure. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif pour qu'il statue à nouveau sur la demande de la société Bouygues TPRF.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Bouygues TPRF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes dont la commune de Wissant et la CCT2C demandent le versement au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces deux collectivités la somme dont la société Bouygues TPRF demande le versement sur le fondement des mêmes dispositions. Il n'y a pas lieu non plus de mettre à la charge de la commune de Wissant la somme dont la CCT2C demande le versement sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille n° 1904728 du 18 novembre 2022 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires présentées par la société Bouygues TPRF en vue du règlement du solde du marché de construction du perré de la commune de Wissant.

Article 2 : La société Bouygues TPRF est renvoyée devant le tribunal administratif de Lille pour qu'il soit statué sur ses conclusions indemnitaires.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bouygues Travaux publics Régions France, à la commune de Wissant et à la communauté de communes de la Terre des 2 Caps.

Délibéré après l'audience publique du 16 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mai 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

Le greffier,

Signé : F. Cheppe

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

Le greffier

F. Cheppe

2

N° 23DA00077


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00077
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : MARAS BILLARD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-07;23da00077 ?
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