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02/05/2024 | FRANCE | N°22DA01837

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 4ème chambre, 02 mai 2024, 22DA01837


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A..., désigné en qualité de mandataire ad hoc de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Maison Bovary par une ordonnance du 14 février 2017 du président du tribunal de commerce de Douai, a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge ou la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle cette société a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2014, des cotisations pri

mitives d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A..., désigné en qualité de mandataire ad hoc de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Maison Bovary par une ordonnance du 14 février 2017 du président du tribunal de commerce de Douai, a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge ou la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle cette société a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2014, des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2015 et 4 août 2016, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période d'octobre 2013 à août 2016, des pénalités correspondantes et des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts.

Par un jugement n° 1903812 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a, à son article 1er , prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande à concurrence d'un dégrèvement partiel de deux des trois amendes infligées sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts, à ses articles 2 et 3, réduit en droits et pénalités l'imposition primitive à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2016 à concurrence de la réduction de la base imposable de cet impôt d'un montant de 92 000 euros, à son article 4, mis à la charge de l'Etat le versement à la société Maison Bovary de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, à son article 5, rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 août 2022 et des mémoires, enregistrés le 28 avril 2023 et le 17 mai 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de l'EURL Maison Bovary les impositions, en droits et pénalités, dont la décharge a été prononcée par ce jugement.

Il soutient que :

- les conclusions d'appel incident présentées par l'EURL Maison Bovary sont irrecevables en ce qu'elles concernent les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les cotisations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014 et 2015 ;

- en l'absence de tout élément concernant l'origine et la justification d'une créance détenue par M. A... sur l'EURL Maison Bovary, c'est à bon droit que le service a réintégré un montant de 92 000 euros au résultat imposable de l'exercice 2016 de la société en raison d'un passif non justifié constaté à la suite de la dissolution anticipée de cette société et à sa liquidation en 2016 ; en outre, la créance, à la supposer établie, n'a pu être constituée que par des opérations portées au compte courant d'associé de M. A... au cours de l'exercice clos en 2016 de sorte que c'est dès lors à bon droit que le service a procédé à un rehaussement, au titre de cet exercice, d'un passif non justifié de 92 000 euros ; ainsi c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la somme de 92 000 euros avait été portée au crédit de ce compte au cours d'exercices antérieurs à l'exercice clos le 4 août 2016 ;

- en tout état de cause, la société ne justifierait d'une créance détenue par M. A... à la clôture de l'exercice 2015 n'excédant pas 38 428 euros, subsidiairement 45 148 euros ;

- à titre subsidiaire, il entend se prévaloir d'une compensation au titre de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales ; en contrepartie de l'abandon de cette supposée créance, la société a cédé à M. A... un immeuble dont la valeur vénale était supérieure à 130 000 euros de sorte que le transfert de propriété en cause est constitutif d'un acte anormal de gestion ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée aux droits d'impôt sur les sociétés dus au titre de l'exercice clos en 2016 est justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2023, et un mémoire, enregistré le 27 avril 2023, M. A..., en qualité de mandataire ad hoc de l'EURL Maison Bovary, représenté par Me Guey Balgairies, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de l'EURL Maison Bovary au titre de la période d'octobre 2013 à août 2016, des cotisations primitives et supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles cette société a été assujettie au titre des exercices clos entre 2014 et 2016 ainsi que des amendes qui lui ont été infligées ;

3°) et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, la société justifie des apports en compte courant pour un montant de 49 870 euros de sorte que le passif est justifié à hauteur de ce montant ;

- la location nue de locaux commerciaux n'était pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- la remise en cause par l'administration de la taxe sur la valeur ajoutée déductible se rapportant à des charges dont le vérificateur a relevé qu'elles n'étaient justifiées par aucune facture et qu'elles ne correspondaient à aucun chiffre d'affaires n'est pas fondée ; l'absence de factures ne permet pas, à elle seule, de rejeter la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur des tickets de caisse ;

- le rejet de charges, au motif qu'elles ne seraient pas engagées dans l'intérêt de l'entreprise, en raison de l'absence de factures et de chiffre d'affaires réalisé, et alors que le service n'a pas précisé quelles factures étaient concernées, n'est pas fondé ;

- la société a justifié des amortissements portés sur les déclarations qu'elle a souscrites ;

- la majoration de 40 % qui a été appliquée aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi qu'aux cotisations d'impôt sur les sociétés n'est pas justifiée.

Par une ordonnance du 2 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Maison Bovary, créée le 12 avril 2012 et dont M. A... était le gérant et l'associé unique, avait pour activité le commerce de gros de boissons et les prestations de conseil pour les affaires. Cette société, qui a été radiée le 23 septembre 2016, a fait l'objet en 2017 d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2014, 2015 et 2016. Sur demande de l'administration, le président du tribunal de commerce de Douai a, par une ordonnance du 14 février 2017, désigné M. A... en qualité de mandataire ad hoc de l'EURL. Après avoir dressé un procès-verbal pour défaut de présentation de comptabilité, le vérificateur a reconstitué les chiffres d'affaires de la société au titre de la période du 1er octobre 2013 au 4 août 2016 et a adressé à son mandataire le 22 septembre 2017 une proposition de rectification comportant des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, établis selon la procédure contradictoire. Ces rectifications ont été assorties d'intérêts de retard et de majorations. L'administration a également infligé à la société trois amendes sur le fondement de l'article 1729 D du code général des impôts. Les impositions ont été mises en recouvrement le 13 mars 2018.

2. M. A..., en sa qualité de mandataire de la société, a saisi le juge de l'impôt d'une demande de décharge de ces impositions ainsi que de ces amendes, à laquelle le tribunal administratif de Lille, après avoir constaté, par l'article 1er de son jugement du 30 juin 2022, un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance de deux des trois amendes infligées, n'a que partiellement fait droit en prononçant, aux articles 2 et 3 de ce jugement, la réduction à hauteur de 92 000 euros de la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2016 et la décharge, en droits et pénalités, à concurrence de la réduction de base d'imposition accordée de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle l'EURL Maison Bovary a été assujettie au titre de cet exercice.

3. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé cette décharge partielle et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

4. Par la voie de l'appel incident, le mandataire de l'EURL Maison Bovary conclut à l'annulation de ce jugement en tant qu'il n'a fait intégralement droit à sa demande de décharge.

Sur la recevabilité de l'appel incident :

5. Un appel incident est recevable, sans condition de délai, s'il ne soumet pas au juge un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal, portant notamment sur des impôts autres que ceux visés par l'appel principal ou sur des années d'imposition différentes.

6. Le ministre a relevé appel du jugement du tribunal administratif de Lille en tant que celui-ci a prononcé la réduction de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle l'EURL Maison Bovary a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016.

7. Les conclusions de l'EURL Maison Bovary formées par la voie d'un appel incident enregistré le 17 février 2023, postérieurement à l'expiration du délai d'appel, en tant qu'elles tendent à la décharge, en droits et pénalités, d'une part, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge et, d'autre part, des cotisations d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015, soulèvent un litige distinct de celui soulevé par l'appel formé par le ministre. Par suite, les conclusions d'appel incident de l'EURL Maison Bovary doivent, dans cette mesure, être rejetées.

Sur le motif de décharge retenu par le tribunal administratif :

8. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. (...) ".

9. En application de ces dispositions, dans l'hypothèse où le bénéfice imposable d'un exercice a été déterminé par différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice et où son montant a servi de base à une imposition qui est devenue définitive en raison de l'expiration du délai de répétition, les erreurs qui ont entraîné une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net ressortant du bilan de clôture de cet exercice peuvent être ultérieurement corrigées, à l'initiative du contribuable ou à celle de l'administration à la suite d'une vérification, dans les bilans des exercices non couverts par la prescription et, par suite, dans les bilans d'ouverture de ces exercices à l'exception du premier.

10. Il appartient au contribuable, pour l'application de ces mêmes dispositions, de justifier l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.

11. L'administration a constaté, au cours de la vérification de comptabilité, qu'en vertu d'une délibération de l'assemblée générale de la société du 4 août 2016, un immeuble appartenant à l'EURL Maison Bovary a été transféré à son gérant et unique associé " au titre de recouvrement de créances dues à M. A... à hauteur de 92 000 euros ". La société n'ayant pas été en mesure de justifier de la dette contractée à l'égard de son associé, l'administration a regardé cette somme comme un passif injustifié qu'elle a réintégré dans son résultat imposable de l'exerce clos le 4 août 2016.

12. L'EURL Maison Bovary soutient que le compte courant d'associé que M. A... détenait dans les écritures de cette société était déjà créditeur d'un montant de 85 286 euros à la clôture de l'exercice 2014 et de 92 381 euros à la clôture de l'exercice 2015 et, qu'ainsi, la dette de ce montant à l'égard de M. A... n'a pas été constatée au bilan de clôture de l'exercice 2016 mais n'est que la reprise de soldes antérieurs de sorte qu'aucune minoration injustifiée de l'actif net ne pouvait donner lieu à une réintégration dans les résultats imposables de la société au titre de l'exercice clos en 2016.

13. Toutefois, pour justifier que la somme de 92 000 euros avait été portée au crédit du compte courant d'associé de M. A... au cours d'un exercice antérieur à celui clos le 4 août 2016, l'EURL Maison Bovary s'est bornée à produire des extraits du grand livre général de la société au titre des exercices clos entre 2013 et 2016 qui ont été édités, ainsi que le relève le ministre, le 3 mars 2021, soit postérieurement à la fois aux exercices auxquels ils se rapportent et au contrôle. Si la société fait valoir en appel que ces extraits sont identiques à ceux qu'elle avait présentés au vérificateur, elle n'en justifie pas alors au demeurant qu'il résulte des mentions non contestées de la proposition de rectification que son mandataire n'avait remis, au cours du contrôle, et en dépit de demandes en ce sens de l'administration, que les seuls fichiers des écritures comptables de l'exercice clos en 2014 d'ailleurs sous un format ne respectant pas les exigences fixées par l'article A. 47 A-1 du livre des procédures fiscales. Ainsi, par les seuls éléments qu'elle produit, l'EURL Maison Bovary n'établit pas qu'un solde créditeur de 92 000 euros de ce compte courant apparaissait déjà dans sa comptabilité des exercices antérieurs à celui clos en 2016.

14. Au surplus, le solde du compte courant d'associé de M. A... enregistré à la clôture de l'exercice 2016, tel qu'il figure sur l'état " provisoire " de l'extrait du grand livre versé par la société, fait état d'une dette de la société de 93 383,47 euros, et donc d'un montant différent du passif injustifié de 92 000 euros retenu par l'administration sans que la société ne justifie de cette différence.

15. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur le moyen tiré de ce que la somme de 92 000 euros avait été portée au crédit du compte courant d'associé de M. A... au cours d'exercices antérieurs à l'exercice clos en 2016, qui n'était pas le premier exercice non prescrit de la société, et ne pouvait en conséquence être rattachée à cet exercice, pour réduire les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés assignées à l'EURL Maison Bovary au titre de l'exercice clos en 2016 à concurrence de la somme de 92 000 euros, et prononcer, en conséquence, la décharge partielle de la cotisation d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes mises à sa charge au titre de cet exercice.

16. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'EURL Maison Bovary tant en première instance que dans ses écritures d'appel incident.

Sur les autres moyens soulevés par l'EURL Maison Bovary :

En ce qui concerne le bien-fondé du rehaussement des bases de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice 2016 :

17. Si la société fait valoir, à titre subsidiaire, qu'elle justifie de l'existence d'une dette à l'égard de son associé unique à hauteur de 49 870 euros contractée au cours des exercices clos entre 2012 et 2014, ce montant ne correspond pas, en tout état de cause, à celui de la dette de 92 000 euros constatée à la date de clôture de l'exercice 2016. Ainsi, les éléments produits par l'EURL Maison Bovary ne permettent pas de tenir la dette comme certaine dans son principe, ni établie quant à son montant au titre de l'exercice clos en 2016.

En ce qui concerne les pénalités pour manquement délibéré appliquées à la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2016 :

18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

19. Pour justifier la pénalité appliquée sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a relevé que l'EURL Maison Bovary avait omis de déclarer, au titre de l'exercice clos en 2016, des factures de ventes de champagne et a, ainsi, minoré son chiffre d'affaires d'un montant de 24 378 euros, alors qu'elle avait déclaré un résultat nul au titre de cet exercice. Le service a également relevé que la société avait omis de déclarer de telles ventes au cours des deux exercices précédents. Dans ces conditions, alors même que le gérant de la société ne dispose pas d'une formation comptable, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée qui a été celle de l'EURL Maison Bovary, d'éluder le paiement de l'impôt dû, sans que celle-ci, qui n'a pas régularisé sa situation, ne puisse, en tout état de cause, utilement invoquer le droit à l'erreur reconnu par les dispositions de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance.

20. Il résulte de qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de compensation qu'il présente à titre subsidiaire, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé, d'une part, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a réduit les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés assignées à l'EURL Maison Bovary au titre de l'exercice clos en 2016 à concurrence de la somme de 92 000 euros, et a en conséquence prononcé la décharge partielle, en droits et pénalités, de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de de cet exercice, et, d'autre part, à demander que cette cotisation soit remise à la charge de l'EURL Maison Bovary. En revanche, l'EURL Maison Bovary n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

21. Le ministre est, de même, fondé à demander l'annulation de l'article 4 du jugement mettant à la charge de l'Etat le versement à l'EURL Maison Bovary d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.

22. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat à verser à l'EURL Maison Bovary que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 1903812 du tribunal administratif de Lille du 30 juin 2022 sont annulés.

Article 2 : La cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle l'EURL Maison Bovary a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2016 et dont le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, est remise à sa charge à raison de l'intégralité des droits et pénalités qui lui ont été assignés.

Article 3 : Les conclusions de la demande de l'EURL Maison Bovary devant le tribunal administratif de Lille relatives aux impositions et pénalités mentionnées à l'article 2 ainsi que les conclusions présentées devant la cour par le mandataire ad hoc de l'EURL sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. B... A....

Copie en sera transmise à l'administratrice de l'Etat chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- M. François-Xavier Pin, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : F.-X. Pin

L'assesseur le plus ancien,

Signé : B. BaillardLa greffière,

Signé : E. Héléniak

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Elisabeth Héléniak

2

N°22DA01837


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01837
Date de la décision : 02/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Pin
Rapporteur ?: M. François-Xavier Pin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : GUEY BALGAIRIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-02;22da01837 ?
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