Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Essars terre rurale ", M. B... F..., Mme D... C... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, d'annuler, d'une part, l'arrêté du 20 janvier 2021 par lequel le maire d'Essars a délivré à la société Soamco un permis d'aménager un lotissement comprenant quarante-deux lots individuels et dix-huit logements locatifs sociaux sur un terrain situé rue Albert Warembourg, d'autre part, la décision du 19 avril 2021 ayant rejeté leur recours gracieux.
Par un jugement n° 2105351 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 août 2022, des pièces enregistrées les 26 septembre et 22 décembre 2022, et un mémoire enregistré le 30 janvier 2023, et non communiqué, l'association " Essars terre rurale ", M. B... F... et Mme D... C..., représentés par Me Pierre-Etienne Bodart, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler le permis d'aménager du 20 janvier 2021 et la décision du maire d'Essars ayant rejeté leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Essars et de la société Soamco le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt pour agir ;
- le permis délivré méconnaît les articles R. 441-2 et R. 441-3 du code de l'urbanisme ;
- le pétitionnaire ne justifiait pas de sa qualité pour effectuer les travaux de raccordement du nouveau lotissement au réseau viaire ;
- le permis méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- il méconnaît également les dispositions de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme ;
- il méconnaît aussi l'orientation d'aménagement applicable à la zone ainsi que l'article 1AU 4 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ;
- le projet aurait dû faire l'objet d'une évaluation environnementale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2022, la société Soamco et la commune d'Essars, représentées par Me Paul Guillaume Balaÿ, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge des appelants de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un arrêt avant dire droit du 9 mars 2023, la cour a sursis à statuer sur la requête jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois afin de permettre la régularisation du vice tiré de la méconnaissance de l'article 4 du plan local d'urbanisme de la commune d'Essars.
La commune d'Essars a communiqué le permis de construire modificatif du 29 août 2023 et d'autres pièces, enregistrés le 4 septembre 2023 et le 30 octobre 2023.
Par des mémoires enregistrés le 13 octobre 2023, le 13 novembre 2023 et le 15 janvier 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'association " Essars terre rurale ", M. B... F... et Mme D... C..., représentés par Me Pierre-Etienne Bodart, maintiennent les conclusions de leur requête et demandent également l'annulation du permis modificatif du 29 août 2023.
Ils soutiennent que :
- le vice retenu par la cour n'a pas été régularisé ;
- en particulier, l'incomplétude du dossier de permis de construire n'a pas permis au maire de se prononcer en toute connaissance de cause ;
- le permis méconnaît toujours l'article 1AU 4 du règlement du PLU dans la mesure où, d'une part, l'étude de sol produite est antérieure à l'arrêt de la cour, d'autre part, les prescriptions du service assainissement ne sont pas respectées, l'impact des rejets d'eaux pluviales sur le milieu naturel n'a pas été analysé et la prescription relative à la pose de piézomètres ne peut pas être respectée.
Par des mémoires enregistrés le 11 décembre 2023 et le 22 décembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Soamco et la commune d'Essars, représentées par Me Paul Guillaume Balaÿ, maintiennent leurs conclusions de rejet de la requête et de mise à la charge des appelants de la somme de 3 000 euros à verser tant à la société Soamco qu'à la commune d'Essars.
Elles font valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 14 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 janvier 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- les observations de Me Chloé Guilbaud représentant l'association " Essars terre rurale ", M. B... F... et Mme D... C... et de Me Charlotte Hermary, substituant Me Balaÿ, représentant la société Soamco et la commune d'Essars.
Considérant ce qui suit :
1. La société Soamco a déposé, le 29 juillet 2020, une demande de permis d'aménager 42 lots individuels et 18 logements locatifs sociaux sur un terrain situé rue Albert Warembourg à Essars. Par un arrêté du 20 janvier 2021, le maire d'Essars a délivré ce permis d'aménager. L'association " Essars terre rurale " et des voisins ont formé, le 19 mars 2021, un recours gracieux contre ce permis qui a été rejeté par une décision du 19 avril 2021. L'association et trois voisins ont alors saisi le tribunal administratif de Lille qui a rejeté leur demande d'annulation du permis et de la décision de rejet de leur recours gracieux par un jugement n° 2105351 du 28 juin 2022. L'association et deux voisins, Mme C... et M. F..., ont relevé appel de ce jugement par leur requête du 30 août 2022. Par un arrêt avant dire droit du 9 mars 2023, la cour a sursis à statuer pendant un délai de six mois afin que soit régularisé le vice tiré de la méconnaissance de l'article 1AU 4 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune d'Essars. Le maire d'Essars a délivré un permis modificatif le 23 août 2023. Les requérants persistent dans leurs conclusions à fin d'annulation du permis du 20 janvier 2021 tel que régularisé le 23 août 2023.
Sur la régularisation du vice entachant l'arrêté du 20 janvier 2021 :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de permis modificatif :
2. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
3. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de permis de régularisation et conformément à la demande du service d'assainissement de la communauté d'agglomération Béthune-Bruay-Artois-Lys Romane (CABBALR) exprimée dans son premier avis du 1er octobre 2020, la société Soamco a produit un dossier technique complémentaire comprenant une étude de sol qui, bien qu'antérieure à l'arrêt avant dire droit de la cour, a été établie en vue du projet de lotissement envisagé. Si les appelants soutiennent que l'étude de sol ne constitue pas une étude de conception des ouvrages de traitement des eaux pluviales, il ressort des pièces produites que le dossier complémentaire comporte des plans des ouvrages et des notes de calcul de leur dimensionnement. S'ils se plaignent de ce que ces éléments ne faisaient pas partie du dossier de permis de construire modificatif qui leur a été adressé, ils ont été communiqués dans le cadre de la présente instance, ce qui leur a permis de les contester. Par ailleurs, s'ils critiquent la méthode retenue par cette étude, elle a été établie par un bureau d'études spécialisées en la matière qui a procédé à des relevés sur différents points du terrain. En outre, le service assainissement de la CABBALR atteste, dans son avis favorable du 10 août 2023, avoir disposé de l'ensemble des éléments nécessaires à l'appréciation des capacités d'évacuation des eaux pluviales du projet en milieu naturel qui manquaient lors de l'instruction du permis initial. Par suite, il n'est pas établi que la demande de permis de construire modificatif a comporté des insuffisances de nature à fausser l'appréciation du maire lorsqu'il a délivré le permis modificatif.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 applicable à la zone 1AU du règlement du PLU de la commune d'Essars :
4. Aux termes de l'article 1AU 4 du règlement du PLU de la commune d'Essars, approuvé le 13 octobre 2015 : " Il est recommandé que toute construction ou installation nouvelle évacue ses eaux pluviales en milieu naturel direct (canal, rivière, ru ou fossé) ou par infiltration au plus près de sa source (point de chute sur le sol ou la surface imperméabilisée). L'impact de ces rejets ou infiltrations doit toutefois être examiné. Un prétraitement éventuel peut être imposé. ".
5. Le projet, tel qu'il est décrit dans le dossier technique complémentaire adressé au service assainissement de la communauté d'agglomération, prévoit que les eaux pluviales seront infiltrées à la parcelle et, s'agissant des voiries, qu'elles seront récupérées par des tranchées drainantes sous chaussée et ensuite orientées vers le fossé drainant situé au nord du lotissement. Le projet comprend également une noue d'entrée, complétée par un massif drainant pour le premier bassin versant du lotissement. Ce dispositif est dimensionné pour stocker deux pluies vicennales avec un temps de vidange inférieur à 48 heures et un rejet de 2 litres par seconde et par hectare. Le projet comprend également un bassin de stockage aérien d'un volume utile de 859 mètres cubes avec un temps de vidange de 48 heures pour une pluie vicennale et un rejet de 3 litres par seconde.
6. En premier lieu, si l'étude de sol relève que " la carte des zones sensibles aux remontées de nappe du BRGM [Bureau de recherches géologiques et minières] montre que le site se place dans une zone d'inondations potentielles par cours d'eau bordée par une zone sujette aux débordements de nappe ", le site n'est pas recensé comme soumis à un risque d'inondations d'après la carte des territoires à risque important d'inondations de Béthune-Armentières. Les éléments du dossier technique transmis à la suite de l'arrêt avant dire droit de la cour ne démontrent donc pas que le projet devrait être soumis à d'autres prescriptions s'agissant des inondations que celles résultant de l'évacuation des eaux pluviales imposées par l'article 1AU 4 du PLU.
7. En deuxième lieu, dans son avis précité, le service assainissement indique que le dimensionnement des ouvrages doit être effectué sur la base d'une pluie d'occurrence vicennale, que le temps de vidange doit être compris entre 24 heures et 48 heures ou que, dans le cas d'un temps de vidange supérieur à 48 heures, le dimensionnement des ouvrages doit permettre de stocker deux pluies vicennales. Enfin, il indique que le débit de fuite maximum accepté sera de 2 litres par seconde et par hectare.
8. En prévoyant un débit de fuite de 3,6 litres par seconde, alors que la superficie du terrain est de 2,83 hectares, la prescription du service assainissement doit être regardée comme respectée. Il n'est ainsi pas établi que l'ouvrage, qui d'après les plans de coupe peut absorber une pluie centennale, est sous dimensionné par rapport aux prescriptions du service assainissement. Par ailleurs, le permis de construire modificatif énonce l'ensemble des prescriptions qui s'imposent à la réalisation des travaux par la société pétitionnaire. Dans ces conditions, les appelants ne sauraient arguer du non-respect de ces prescriptions pour faire valoir l'illégalité du permis modificatif délivré, alors que le respect de celles-ci doit se vérifier une fois les travaux exécutés.
9. En troisième lieu, si les appelants soutiennent que l'impact des rejets d'eaux pluviales n'a pas été analysé, ils ne précisent pas quelle étude complémentaire à celle composant le dossier technique soumis au service assainissement, ni quel prétraitement seraient nécessaires. Il ressort au contraire des pièces du dossier que le projet permet une évacuation lente des eaux pluviales vers le fossé longeant le terrain et qu'un ouvrage tampon est également prévu entre le bassin de stockage et le fossé, permettant notamment de limiter le débit d'évacuation. Aucun élément ne permet d'établir que ce fossé ne serait pas en mesure d'accueillir l'évacuation des eaux pluviales du lotissement, les plaques de fibrociment posées sur ce fossé n'ayant pas pour effet de le rendre étanche mais de faciliter l'évacuation. Le service d'assainissement n'a d'ailleurs fait aucune remarque sur les rejets d'eaux pluviales dans son avis favorable.
10. En quatrième et dernier lieu, le service d'assainissement de la communauté d'agglomération a indiqué qu'en fonction du suivi piézométrique à remettre avant le démarrage des travaux, il pourra exiger que le bassin soit rendu étanche. Si les appelants soutiennent que la société pétitionnaire, qui ne dispose pas de la maîtrise foncière, ne pourra pas mettre en place de piézomètres, elle n'apporte aucun élément de nature à établir son assertion. Par ailleurs, le service assainissement de la communauté d'agglomération a validé le dispositif de traitement des eaux pluviales, l'étanchéisation du bassin ne consistant qu'en un ajustement technique d'un dispositif qui respecte d'ores et déjà le PLU. Enfin, le respect de cette modification éventuelle, préalable au démarrage des travaux, sera vérifié dans le cadre du contrôle de conformité de ces travaux et est donc sans incidence sur la légalité du permis modificatif.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le permis modificatif du 28 août 2023 ne permet pas de régulariser le vice retenu par la cour tiré du non-respect de l'article 1AU 4 du règlement du PLU de la commune d'Essars. Par suite, ils ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande par son jugement du 28 juin 2022.
Sur les frais liés au litige :
12. Il résulte de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue en cours d'instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu'elle était illégale et dont il est, par son recours, à l'origine de la régularisation, ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'il présente à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter l'ensemble des conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'association Essars terre rurale, de Mme C... et de M. F... est rejetée
Article 2 : Les conclusions de la société Soamco et de la commune d'Essars au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Essars terre rurale, à Mme D... C..., à M. B... F..., à la société Soamco et à la commune d'Essars.
Délibéré après l'audience publique du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Isabelle Legrand, présidente assesseure assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Denis Perrin, premier conseiller,
- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.
Le rapporteur,
Signé : D. PerrinLa présidente de la formation de jugement,
Signé : I. Legrand
La greffière,
Signé : S. Pinto Carvalho
La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Suzanne Pinto Carvalho
N°22DA01866 2