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18/04/2024 | FRANCE | N°22DA01852

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 18 avril 2024, 22DA01852


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'État à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 31 mai 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui délivrer l'agrément d'employé de jeux.



Par un jugement n°2002806 du 30 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a condamné l'État à verser à M. A... une indemnité de 1 000 euros et

a rejeté le surplus de sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'État à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 31 mai 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui délivrer l'agrément d'employé de jeux.

Par un jugement n°2002806 du 30 juin 2022, le tribunal administratif d'Amiens a condamné l'État à verser à M. A... une indemnité de 1 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 août 2022 et un mémoire enregistré le 14 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Nicolas Garderes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2022 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) de condamner l'État à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 31 mai 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui délivrer l'agrément d'employé de jeux ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'illégalité entachant la décision du 31 mai 2018 est constitutive d'une faute ;

- il a en conséquence subi un préjudice financier qui s'élève à 15 000 euros, et un préjudice moral qui s'élève à 5 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er août 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le décret n°2017-913 du 9 mai 2017 ;

- l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation des jeux dans les casinos ;

- l'arrêté du 13 septembre 2017 pris pour l'application du décret n°2017-913 du 9 mai 2017 et fixant les modalités de mise en œuvre de l'expérimentation des clubs de jeux à Paris ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Garderes, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 21 janvier 2020, M. A... a demandé à l'Etat le versement d'une indemnité de 20 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de la décision du 31 mai 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui délivrer l'agrément d'employé de jeux. Cette réclamation ayant été rejetée, M. A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens le versement de cette indemnité. Par un jugement du 30 juin 2022, le tribunal a condamné l'État à lui verser une indemnité de 1 000 euros et a rejeté le surplus de la demande. M. A... interjette appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la faute :

2. Aux termes de l'article L. 321-4 du code de la sécurité intérieure : " (...) Le directeur et les membres du comité de direction et les personnes employées à un titre quelconque dans les salles de jeux sont agréés par le ministre de l'intérieur ". Aux termes de l'article R. 321-31 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Préalablement à leur entrée en fonctions, les employés de jeux et les agents de vidéoprotection doivent être agréés par le ministre de l'intérieur ". Aux termes de l'article 15 de l'arrêté du 14 mai 2007 visé ci-dessus : " Préalablement à leur entrée en fonction, les employés de jeux, les personnes en charge du contrôle aux entrées, le contrôleur chargé de sécurité et les opérateurs de vidéoprotection doivent avoir été agréés (...) ". Aux termes de l'article 21 de l'arrêté du 13 septembre 2017 visé ci-dessus : " Préalablement à leur entrée en fonction, les employés de jeux sont agréés par le ministre de l'intérieur (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 31 mai 2018, le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer à M. A... l'agrément d'employé de jeux pour exercer ces fonctions au sein de l'établissement Paris Élysée Club. Or, par un jugement n°1802321 du 18 juin 2019, devenu définitif, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision du 31 mai 2018 aux motifs qu'elle était entachée d'une erreur d'appréciation. Il est constant que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État.

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a été recruté par l'établissement Paris Élysée Club, en qualité de chef d'équipe sécurité, par un contrat à durée indéterminée conclu le 23 avril 2018, sous la réserve de l'obtention de l'agrément d'employé d'établissement de jeux. Au cours de la période d'essai d'un mois, qui a été renouvelée le 16 mai 2018, le directeur général de cet établissement a décidé le 23 mai 2018 de mettre fin à ce contrat le 6 juin 2018 au motif que " cette période d'essai [n'avait] pas été concluante ".

5. L'appelant soutient que la rupture de son contrat de travail a pour cause le refus d'agrément illégalement pris à son encontre par le ministre de l'intérieur. Toutefois, d'une part, ainsi qu'il a été dit, ce refus est intervenu plusieurs jours après la décision de l'établissement de mettre fin au contrat de M. A.... D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction et notamment pas des courriers des 14 juin et 18 juillet 2018 adressés par M. A... à l'établissement et restés sans réponse que ce dernier aurait été informé avant le 31 mai 2018 de l'intention du ministre de l'intérieur de refuser l'agrément sollicité et qu'il aurait entendu fonder sa décision sur un projet de refus d'agrément. Dans ces conditions, la cessation des activités de M. A... au sein de l'établissement Paris Élysée Club ne trouve pas sa cause directe dans la faute commise par le ministre de l'intérieur.

6. En deuxième lieu, si, postérieurement à la rupture de son contrat de travail au sein de l'établissement Paris Élysée Club, M. A... n'a plus exercé d'activités d'employé de jeux, il ne résulte pas de l'instruction qu'un autre établissement de jeux aurait refusé de l'employer en se fondant sur la décision du 31 mai 2018 du ministre de l'intérieur, alors qu'il n'est pas établi, d'une part, que cette décision aurait fait l'objet d'une mesure de publicité auprès de tiers ou d'un retentissement particulier dans le milieu professionnel des cercles de jeux, d'autre part, que l'appelant aurait effectué des démarches d'emploi auprès d'autres établissements de jeux ou aurait présenté une nouvelle demande d'agrément d'employé de jeux.

7. En troisième lieu et en tout état de cause, l'appelant soutient lui-même avoir exercé, après la fin de son contrat de travail au sein de l'établissement Paris Élysée Club, une activité d'agent de sécurité, sans subir une baisse de rémunération par rapport à celle qu'il aurait pu percevoir en tant qu'employé de jeux. S'il a exercé cette activité sans le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée, cette circonstance ne saurait être imputée à la faute commise par le ministre de l'intérieur.

8. Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la faute commise par le ministre de l'intérieur lui a fait subir, de manière directe et certaine, un préjudice patrimonial.

S'agissant du préjudice moral :

9. Il résulte de l'instruction et notamment du certificat médical du 16 mai 2023 que M. A... a ressenti un " fort sentiment d'insécurité et de précarité professionnelles particulièrement anxiogène " et qu'il a connu des " tensions familiales insécurisantes " ayant conduit au prononcé de son divorce en 2023. Si ces circonstances sont imputées par l'appelant à la rupture de son contrat de travail au sein de l'établissement Paris Élysée Club et à l'exercice d'une activité d'agent de sécurité, l'évolution de sa situation professionnelle n'est pas directement imputable, ainsi qu'il a été dit précédemment, à la faute commise par le ministre de l'intérieur.

10. Toutefois, eu égard aux motifs retenus par le ministre de l'intérieur dans sa décision du 31 mai 2018, qui remettaient en cause les capacités professionnelles de M. A..., ce dernier établit avoir subi un préjudice moral. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette décision aurait fait l'objet d'un retentissement particulier dans le secteur professionnel où M. A... évoluait, il sera fait une juste appréciation de l'indemnité due au titre de ce chef de préjudice en la fixant à la somme de 1 000 euros.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 1 000 euros en réparation du préjudice moral subi et a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience publique du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

La présidente de la formation de jugement,

Signé : I. Legrand

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°22DA01852 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01852
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Legrand
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : GARDERES AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;22da01852 ?
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