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18/04/2024 | FRANCE | N°22DA00784

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 1ère chambre, 18 avril 2024, 22DA00784


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Sogea Caroni a demandé au tribunal administratif de Lille :



- à titre principal, d'annuler l'arrêté du 15 février 2019 par lequel le préfet du Nord l'a mise en demeure de réaliser et de transmettre un plan de déplacements entreprise (PDE) dans un délai de six mois ;



- à titre subsidiaire, d'abroger cet arrêté ;



- en tout état de cause, de mettre à la charge de

l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Sogea Caroni a demandé au tribunal administratif de Lille :

- à titre principal, d'annuler l'arrêté du 15 février 2019 par lequel le préfet du Nord l'a mise en demeure de réaliser et de transmettre un plan de déplacements entreprise (PDE) dans un délai de six mois ;

- à titre subsidiaire, d'abroger cet arrêté ;

- en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1903248 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 8 avril 2022, 11 mai 2022 et 25 septembre 2023, la SAS Sogea Caroni, représentée par Me Yann Borrel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 février 2019 ;

3°) à titre subsidiaire, d'abroger cet arrêté ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de répondre à un moyen opérant, qu'il n'a pas visé, tiré de l'atteinte injustifiée et disproportionnée au principe d'égalité entre entreprises ;

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative.

En ce qui concerne l'illégalité de l'arrêté du 15 février 2019 :

- il n'est pas justifié de la délégation de signature de la signataire de l'arrêté ;

- l'arrêté est dépourvu de base légale, pour être fondé sur les arrêtés interpréfectoraux des 27 mars 2014, 1er juillet 2014 et 28 janvier 2016 qui n'ont pas fait l'objet d'une évaluation environnementale, en violation des exigences posées par la directive n° 2001/42/CE du parlement européen et du conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement ;

- il est entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation, car la société n'est pas soumise à l'obligation, posée par l'article 30 de l'arrêté interpréfectoral du 1er juillet 2014, d'élaborer un plan de déplacements entreprise : elle ne satisfait pas à la condition d'accueillir de manière quotidienne et permanente 500 employés au siège de l'établissement ;

- l'arrêté est illégal par suite de l'illégalité de l'article 30 de l'arrêté interpréfectoral du 1er juillet 2014 dans la mesure où il porte atteinte au principe d'égalité entre entreprises en soumettant à l'obligation de mise en place d'un plan de déplacements entreprise les seules entreprises ayant un effectif de 500 salariés au 1er janvier 2016, alors que d'autres entreprises peuvent atteindre postérieurement un effectif comparable ;

- elle renvoie à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juillet 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société requérante tant en ce qui concerne la régularité du jugement que la légalité de l'arrêté du 15 février 2019 ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 1er février 2024, la SAS Sogea Caroni, représentée par Me David Deharbe, demande à la cour :

1°) de prononcer un non-lieu à statuer sur la requête ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du 8 février 2022 et l'arrêté du 15 février 2019 et d'abroger cet arrêté.

Elle soutient qu'elle a établi un PDE qu'elle a adressé au pôle Air-énergie-climat de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) des Hauts de France le 21 décembre 2023 ; ce plan ayant reçu le 11 janvier 2024 l'approbation des services compétents le 11 janvier 2024, la requête est devenue sans objet.

Ce mémoire a été communiqué au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

- et les observations de Me Borell, représentant la SAS Sogea Caroni.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté conjoint du 27 mars 2014, les préfets des départements du Nord et du Pas-de-Calais ont approuvé le plan de protection de l'atmosphère (PPA) pour la région Nord-Pas-de-Calais, devenue Hauts de France. Parmi les mesures préventives prévues dans ce PPA, figure, à titre de mesure réglementaire n° 5, l'obligation de " rendre progressivement obligatoires les Plans de Déplacements Entreprises, Administration et Etablissements scolaires ". Les mesures concrètes et précises pour maîtriser et réduire les émissions atmosphériques des sources fixes et mobiles selon les objectifs fixés par le PPA ont ensuite été déclinées par un arrêté inter-préfectoral adopté le 1er juillet 2014, modifié par un arrêté interdépartemental du 28 janvier 2016. Les articles 30 à 35 de l'arrêté du 1er juillet 2014 modifié imposent la mise en place d'un plan de déplacements entreprise (PDE) pour " les personnes morales de droit public ou privé disposant dans leur établissement, au 1er janvier 2016, de plus de 250 salariés lorsque l'établissement est situé en zone d'activité ou de plus de 500 salariés lorsque l'établissement est situé hors zone d'activité ". L'annexe 4 de cet arrêté définit les modalités d'élaboration des PDE.

2. Le préfet du Nord, estimant que la SAS Sogea Caroni, dont le siège social se situe à Roubaix, était dans l'obligation de mettre en place un PDE, l'a informée, par un courrier du 13 août 2018, de son intention de la mettre en demeure de réaliser et de transmettre ce plan de déplacements. Le 11 septembre 2018, le président de la société a indiqué que le PDE était en cours d'instruction et qu'il allait désigner sans tarder un animateur et une société prestataire. Ayant constaté l'incomplétude du PDE et l'expiration du délai laissé pour sa réalisation, le préfet du Nord a, par un arrêté du 15 février 2019, pris en application de l'article L.171-7 du code de l'environnement, mis la SAS Sogea Caroni en demeure de réaliser et de transmettre son PDE dans un délai de six mois.

3. La SAS Sogea Caroni interjette appel du jugement n° 1903248 du 8 février 2022, par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 février 2019. Dans le dernier état de ses écritures, la société demande à la cour de prononcer un non-lieu à statuer sur sa requête.

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :

4. Aux termes de l'article L. 170-1 du code de l'environnement : " Le présent titre définit les conditions dans lesquelles s'exercent les contrôles des installations, ouvrages, travaux, opérations, objets, dispositifs et activités régis par le présent code ainsi que les sanctions applicables en cas de manquement ou d'infraction aux prescriptions prévues par le présent code. / Les dispositions particulières relatives aux contrôles et aux sanctions figurant dans les autres titres du présent livre et dans les autres livres du présent code dérogent à ces dispositions communes ou les complètent. ". Aux termes de l'article L. 171-7 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. (...) ". Aux termes de l'article L. 171-8 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " I. -Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. (...) ".

5. Il est constant que la mise en demeure adressée à la SAS Sogea Caroni ne peut être fondée sur l'application des dispositions de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, dès lors que la société n'entre pas dans les prévisions de cet article. Le préfet du Nord a demandé au tribunal administratif de Lille de procéder à la substitution à ces dispositions de celles issues de l'article L. 171-8 du même code.

6. La mise en demeure attaquée est expressément motivée par l'inobservation des prescriptions applicables en vertu du code de l'environnement, dès lors que la société ne s'est pas conformée aux obligations définies par l'arrêté inter-préfectoral du 1er juillet 2014 modifié édicté en application de l'article L. 222-7 du code de l'environnement. Elle peut ainsi, en l'absence de dispositions particulières y dérogeant, trouver son fondement légal dans les dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement. Cette substitution de base légale n'a pour effet de priver la SAS Sogea Caroni d'aucune garantie. En outre, l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Par suite, il y a lieu de confirmer la solution retenue par le tribunal administratif de Lille, et non contestée en appel, consistant à accueillir la demande de substitution de base légale demandée par le préfet du Nord. La mise en demeure attaquée doit donc être regardée comme prise sur le fondement de l'article L. 171-8 du code de l'environnement.

7. Il résulte des dispositions de l'article L. 171-11 du code de l'environnement que les décisions prises en application des articles L. 171-7, L. 171-8 et L. 171-10 de ce code, au titre des contrôles administratifs et mesures de police administrative en matière environnementale, sont soumises à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient au juge de ce contentieux de pleine juridiction de se prononcer sur l'étendue des obligations mises à la charge des exploitants par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue. Lorsqu'en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative met en demeure, sur le fondement des dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine, l'exécution complète des mesures ou formalités prescrites par cette mise en demeure prive d'objet le recours tendant à son annulation, sur lequel il n'y a, dès lors, plus lieu de statuer.

8. Il ressort du mémoire et des pièces déposés en cours d'instance, le 1er février 2024, par la SAS Sogea Caroni que celle-ci a réalisé un plan de mobilité, anciennement appelé PDE, que sa responsable juridique a adressé le 21 décembre 2023 au pôle Air-climat-énergie de la DREAL des Hauts de France. Par un courriel de réponse du 11 janvier 2024, le chargé de mission air-énergie a qualifié ce PDE d'" excellent " et a précisé qu'" il répond parfaitement aux attendus du PPA actuel ". L'administration ne conteste donc pas son caractère complet et son bien-fondé. Il en résulte que les prescriptions de l'arrêté du 15 avril 2019 tendant à la réalisation et à la transmission par la SAS Sogea Caroni d'un PDE doivent être regardées comme ayant été entièrement exécutées. Par suite, la requête présentée par cette société est devenue sans objet.

Sur les frais liés au litige :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SAS Sogea Caroni au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la SAS Sogea Caroni.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SAS Sogea Caroni au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Sogea Caroni et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Isabelle-Legrand, présidente-assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024.

La présidente-rapporteure,

Signé : I. LegrandL'assesseur le plus ancien,

Signé : D. Perrin

La greffière,

Signé : S. Pinto Carvalho

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Suzanne Pinto Carvalho

N°22DA00784 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00784
Date de la décision : 18/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Legrand
Rapporteur ?: Mme Isabelle Legrand
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : GREENLAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-18;22da00784 ?
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